Extraits de l'ouvrage " Un officier du KGB parle "
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par Alexis MYAGKOV
Chapitre 3 L’armée des espions du politburo ….. … Dans un manuel ultra-secret destiné à l'éducation des membres du KGB : le Statut légal des Organes du KGB de l'URSS (le nom de l'auteur est donné comme étant Lounev), il est écrit : «... Le KGB est une organisation politique opérationnelle du PCUS. Le KGB et ses organes locaux effectuent leur travail sur la base de l'accomplissement des directives du Parti et des lois, décrets et instructions du Gouvernement... Toutes les questions importantes relatives à l'activité du KGB sont préalablement décidées par le Comité central du PCUS et sont mises en œuvre par ordre du KGB... »
Le KGB constitue donc une composante du Parti communiste soviétique, en fait c'est son aile armée, ou combattante. Cette immense organisation, qui emploie officiellement environ 110.000 personnes, est responsable simultanément de l'espionnage, du contre-espionnage et des fonctions de police politique secrète. Pour ce faire, il est investi d'un grand pouvoir non seulement sur les citoyens soviétiques, mais également, jusqu'à un certain point, sur les citoyens des autres états communistes.
Accomplissant la volonté du Politburo et du gouvernement soviétique, le KGB exerce une influence sur de nombreux événements mondiaux importants. Le Statut du Comité de la Sécurité d'État attaché au Conseil des ministres de l'URSS constitue la loi arrêtant les tâches du KGB. Ce document ultra-secret demeure, à ce jour, la base de toute l'organisation.
Fonctions des organes du KGB :
l. Travail d'espionnage dans les pays capitalistes :
- assurer la pénétration d'agents dans les centres gouvernementaux, politiques, scientifiques, techniques et d'espionnages des états impérialistes; - pénétrer dans les quartiers généraux des organisations capitalistes internationales dans le but d'aggraver les contradictions et les difficultés se présentant au cours de leurs activités; - obtenir des renseignements sûrs révélant les plans politiques et la stratégie militaire de l'ennemi ainsi que de ses agences d'espionnage; - fournir renseignements et documents sur les réalisations scientifiques et techniques les plus récentes; implanter des agents dans les organisations d'émigrés à l'étranger et travailler à leur désintégration et à leur destruction idéologique; donner. à l'ennemi de fausses informations dans un but politique et opérationnel. 2. Exécuter un travail de contre-espionnage actif et agressif tout en pénétrant les organes d'espionnage ennemis :
- trouver et travailler sur des personnes soupçonnées d'appartenir aux agences d'espionnage impérialistes; arrêter les activités d'espionnage des fonctionnaires étrangers et de leurs agents; - les organes du KGB opèrent parmi la population, dans l'armée et la marine soviétiques, parmi les détachements de troupes à la frontière et à l'intérieur, et à tout autre endroit spécial et particulièrement important; - ils assurent la sécurité de l'État et des secrets militaires, et organisent des mesures de contre-espionnage pour protéger les citoyens soviétiques à l'étranger contre les tentatives des agences d'espionnage étrangères et préviennent toute trahison de la mère patrie; - ils exécutent des activités de renseignement et de contre-espionnage à l'encontre des ambassades des États impérialistes. 3. Ils sont obligés de lutter contre les éléments antisoviétiques et nationalistes :
- ils recherchent les criminels d'États, qui écrivent ou distribuent des documents antisoviétiques; - ils travaillent contre les ecclésiastiques et les membres de sectes religieuses; - ils empêchent tout lien indésirable entre l'Église catholique et le Vatican. 4. Ils constituent les gardes du corps des dirigeants du Parti (membres et candidats membres du Bureau politique du PC de l'URSS) et des dirigeants du gouvernement :
- assurer et organiser les communications gouvernementales, faire fonctionner des services de contre-espionnage par radio ainsi que surveiller toutes les stations de radio fonctionnant à travers le pays; 5. Défendre les frontières de l'URSS (troupes de frontières du KGB); 6. Les organes du KGB exécutent les tâches particulières qui leur sont confiées par le Comité central du PCUS et par le gouvernement soviétique.
Le KGB est donc placé devant des tâches claires et précises, allant de l'influence sur le cours d'événements politiques mondiaux jusqu'à la persécution de tout travailleur insatisfait de ses conditions de vie, ou de tout serviteur innocent de l'église. Je me référerai également à un manuel ultra-secret du KGB : Organisation du travail de contre-espionnage du KGB, où, en précisant « l'Activité d'espionnage du KGB », on souligne une fois encore que «...le facteur déterminant de l'activité d'espionnage du KGB est la politique étrangère du gouvernement soviétique». Je ne traiterai pas des cas bien connus, tels que l'expulsion de Grande-Bretagne de plus de cent personnes de l'ambassade soviétique de Londres, à savoir des officiels du KGB occupés à l'espionnage et autres activités subversives; ou la découverte, en Belgique, d'un réseau d'agents soviétiques. Il sera plus fructueux d'examiner des événements peu connus du public, n'offrant pas un caractère sensationnel, mais qui sont significatifs et montrent comment les organes de sécurité de l'URSS remplissent la tâche d'aggraver les contradictions existant entre les États membres des blocs et des organisations internationales. L'OTAN a été, et demeure à ce jour, l'ennemi numéro un de l'URSS. C'est pourquoi Moscou a toujours fait tous ses efforts pour affaiblir cette organisation. Une de ses méthodes consiste à travailler à des dissensions internes dans le NATO, et au cours des dernières années la France a constitué sa cible principale. Pour exécuter cette politique, le Kremlin a utilisé toutes ses ressources et travaillé simultanément selon deux voies :
La première de ces voies fut la politique officielle de Moscou. Ainsi, par exemple : la conclusion des accords entre la France et l'URSS et l'échange de visites entre les chefs des deux États. Des rencontres eurent lieu entre les représentants des gouvernements français et soviétique. C'est ainsi que le ministre soviétique des Affaires étrangères, Gromyko se rendit à Paris du 25 au 30 avril 1965. Il y rencontra des personnalités officielles françaises pour des discussions sur le Vietnam, le Cambodge, les armes nucléaires et les problèmes de sécurité. Le 15 mai de cette même année, Gromyko rencontra Couve de Murville à Vienne et ce dernier visita l'Union soviétique entre le 28 octobre et le 2 novembre. Les discussions portèrent sur l'amélioration des relations entre les deux pays, les questions européennes et le problème allemand. Un accord sur l'utilisation par l'Union soviétique du système de télévision couleur français fut signé à Paris en 1965. En novembre de cette même année, une délégation de scientifiques russes, conduits par le professeur Sedov, vint en France pour discuter du lancement en orbite de satellites français à l'aide de fusées soviétiques. 1966 se révéla également une année d'actives négociations entre la France et l'Union soviétique. Le général de Gaulle fit une visite officielle en Union soviétique du 20 juin au 1er juillet; Peyrefitte séjourna en URSS du 28 septembre au 11 octobre. Le 15 octobre un bâtiment de guerre soviétique arriva à Toulon pour une visite d'une semaine et le ministre français des Finances et des Affaires économiques, Debré, se rendit en Union soviétique du 16 au 20 novembre pour s'entretenir d'une collaboration économique et technique à long terme entre les deux pays. Au cours de l'année 1966 une série de traités furent signés entre l'Union soviétique et la France. Le 5 mai on aboutit à un accord entre le Comité soviétique pour l'utilisation de l'Énergie atomique et le Commissariat à l'Énergie atomique français sur des échanges à grande échelle dans le domaine de la recherche nucléaire. Le 29 septembre un protocole fut signé à Paris stipulant l'établissement d'une chambre de commerce franco-soviétique et, le 10 octobre un accord de collaboration technique fut signé entre Renault-Peugeot et le gouvernement soviétique. En même temps, la presse et la radio soviétiques orchestraient une campagne destinée à prouver l'amitié indéfectible entre le France et l'URSS. Journaux et hebdomadaires publièrent une succession d'articles au sujet d'une amitié historique s'étendant sur de nombreuses années. En outre, on s'efforçait, de toutes les façons, de jouer sur le sentiment national français en soulignant la place de la France en tant que puissance mondiale et son rôle décisif en Europe.
L'autre voie, clandestine celle-là, fut l'activité du KGB. Utilisant ses agents, journalistes soviétiques et personnalités officielles des diverses agences en France, ainsi que certains membres de la Société d'amitié franco-soviétique, le KGB fit activement répandre chez les politiciens la thèse selon laquelle l'indépendance politique de la France souffrait de ce que le pays faisait partie de l'OTAN et que des troupes étrangères étaient stationnées sur son territoire, en particulier les troupes américaines. Les agents du KGB faisaient une campagne dans le même ordre d'idée auprès de citoyens français recrutés dans les milieux politiques. Le 11 mars 1966, dans une note officielle adressée aux pays membres de l'OTAN, de Gaulle annonçait que la France se retirait de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord. Selon l'article 9 du traité de l'Atlantique Nord, le retrait de la France fut définitivement reconnu le 1er juillet 1967. Ces mesures furent reçues à Moscou avec une grande satisfaction. Les journaux ne tarissaient pas d'éloges sur la conduite sage et pacifiste du gouvernement français. Le Kremlin accueillit avec plaisir le réel affaiblissement de l'OTAN, d'autant plus que Moscou espérait voir d'autres pays membres suivre l'exemple de la France. Les dirigeants du KGB ne cachèrent pas non plus leur satisfaction, car le rôle qu'ils avaient également joué dans le déroulement de ces événements fut reconnu.
Le retrait de la France de l'OTAN fut immédiatement pris comme un exemple instructif à inclure dans les cours d'officiers du KGB. En 1968, le directeur de l'école du KGB n° 311, durant une conférence aux futurs officiers sur les activités de l'organisation à l'étranger, déclara nettement qu'aux yeux du Politburo les événements de France résultaient sans équivoque des efforts du gouvernement soviétique et des succès du KGB. On pourra objecter que d'autres facteurs eurent leur part dans la décision de Paris de se retirer de l'OTAN et d'interdire aux troupes étrangères de stationner sur le territoire français.
Quoi qu'il en soit, le fait suivant demeure : au cours de ses délibérations secrètes, le Kremlin confirma que les actions de la France reflétaient la justesse de la politique du Politburo et du gouvernement soviétique, activement aidés par le KGB. La Communauté économique européenne (CEE) déplaît également à Moscou qui préfère une Europe faible et désunie.
La politique des dirigeants du Kremlin consiste donc à faire avorter toute mesure tendant vers l'unité. Pour briser la Communauté, Moscou s'est efforcé de conclure des accords bilatéraux avec ses différents membres. C'est une tentative de ce genre qui eut lieu en 1974 avec l'Allemagne fédérale. Poursuivant cette politique, le KGB choisit également les maillons faibles de la CEE, tels que l'Italie et la France, où l'influence communiste est largement répandue. La radio et la presse soviétiques, armes aux mains du Politburo et du gouvernement, travaillent depuis longtemps dans cette direction.
Ils critiquent régulièrement les points faibles de la CEE et soulignent le caractère chimérique de l'union européenne. Le KGB ne travaille pas seulement contre l'Europe, mais il est largement impliqué dans les mesures contre la Chine. Depuis 1971 environ, l'école de la première direction centrale du KGB comprend un Département chinois spécialisé. On y entraîne des officiers destinés à travailler uniquement contre la Chine et le Département chinois est représenté dans toutes les résidences officielles d'Extrême-Orient. La Direction du KGB de Kabarovks, ville sur la frontière chinoise au nord de Vladivostock comprend un puissant troisième Département travaillant contre la Chine. La seconde Direction centrale a des cadres dans les Directions Provinciales qui travaillent uniquement contre la Chine.
Depuis 1971, le KGB a consacré d'énormes efforts à cet objectif. La Chine est un voisin immédiat et, officiellement, le KGB considère la situation comme très sérieuse. En 1962, lorsque les relations entre l'URSS et la Chine se détériorèrent, le KGB s'attira les reproches du gouvernement parce qu'il était incapable d'expliquer ce qui avait changé en Chine, ni ce qui s'y passait, ni comment la situation pourrait évoluer. Depuis, le principal but du KGB consiste à mettre sur pied un système efficace en Chine pour recueillir des renseignements militaires et politiques car, pour le moment, il lui est impossible d'y exercer la moindre influence politique.
Son but final est, évidemment, d'acquérir une telle influence et le Politburo n'exclut pas la possibilité de voir la Chine et la Russie renouer plus tard leurs liens d'amitié. En ce qui concerne l'avenir immédiat, il est impossible au KGB de recruter des agents en Chine même; il doit donc se contenter d'agents illégaux. Un grand nombre de Chinois, nés en Sibérie, fournissent au KGB une source commode de recrues. En outre, le KGB, sous de faux semblants, recrute activement des agents dans les pays occidentaux et du Tiers Monde avec lesquels la Chine entretient des relations économiques et culturelles.
A Samarkande, une école spéciale pour illégaux entraîne surtout des agents du Tiers-Monde : Africains, Indiens, Iraniens et Asiatiques. Les cours s'échelonnent sur une période allant jusqu'à dix ans. Outre l'établissement d'agents en Chine même, le KGB s'occupe de mettre au point des mesures pour combattre ce que l'on appelle « l'Armée de Pénétration chinoise ».
La République populaire chinoise aurait formé une armée de deux à trois millions d'hommes destinés à des opérations de guérilla contre la Sibérie. Opérant par groupes d'environ six hommes ces soldats chinois doivent pénétrer dans l'arrière-pays pour y exécuter des opérations de sabotage. A la manière chinoise, ces groupes n'auront ni transport, ni logistique et se suffiront à eux-mêmes. Le KGB craint qu'ils ne posent de sérieux problèmes en temps de guerre car il n'y aura ainsi pas de « ligne de front » et les routes de Sibérie sont impraticables pour des opérations armées de grande envergure.
Les activités du KGB en Allemagne, aussi bien dans la République fédérale (Allemagne de l'Ouest) que dans la République démocratique (Allemagne de l'Est) constituent un des aspects de son travail à l'étranger.
J'ai passé cinq ans sur le territoire de la RDA et je suis donc bien au courant de l'activité du KGB dans cette région. Quelque 60 départements du KGB avec plus de 1.500 agents sont assignés à cette tâche. Les agents opérationnels jouissent, en Allemagne de l'Est, de presque autant de droits qu'en Union soviétique, si ce n'est qu'ils ne peuvent arrêter des ressortissants de la RDA.
Ce travail est effectue par le ministère de la Sécurité d'État de la RDA, le MfS (Ministerium fur Sicherheit). Le KGB a volontairement abandonné ce privilège pour prouver son respect, même s'il n'est qu'apparent, de la soi-disant indépendance de l'État Est-allemand.
En ce qui concerne tout le reste, on ne montre pas la moindre déférence à l'égard de la souveraineté de l'Allemagne de l'Est. Le KGB a le droit d'utiliser des Allemands de l'Est comme agents pour contrôler politiquement les citoyens; il a le droit de les employer pour les besoins de l'espionnage et du contre-espionnage; il a le droit d'évaluer la confiance que l'on peut leur accorder du point de vue politique et, dans bien des cas, il peut décider de leur sort.
Le KGB utilise pleinement le MfS et la police et ne se gêne pas pour leur donner des ordres. Tout ceci au vu et au su et avec l'approbation du gouvernement de la RDA; il ne reste pas la moindre trace d'indépendance. Entre eux, les officiers du KGB parlent de la RDA comme de la 16e république de l'URSS.
Les agents du KGB envoyés en Allemagne de l'Est appartiennent essentiellement à deux directions. La première Direction centrale du KGB dispose d'environ 900 personnes dont la tâche principale est l'espionnage à l'étranger. La troisième Direction centrale dispose d'environ 600 personnes ayant principalement pour tâche la sécurité du Groupe des Forces soviétiques en Allemagne, ainsi que le contre-espionnage dirigé contre l'Allemagne de l'Ouest et les services d'espionnage américains, anglais et français.
Parmi le personnel de la troisième Direction, 150 environ ne s'occupent que d'espionnage. Environ 1.200 des membres du KGB en RDA sont engagés dans des activités d'espionnage principalement dirigées contre la RFA ainsi que contre les troupes américaines, britanniques et françaises stationnées en Allemagne de l'Ouest et dans le secteur ouest de Berlin.
Pour mener à bien ces activités et pour obtenir des renseignements sur l'ennemi, il faut des agents dans le camp ennemi. On en recrute de diverses catégories. Un petit nombre d'agents est recruté parmi les citoyens de la RDA autorisés à visiter périodiquement l'Allemagne de l'Ouest. En règle générale il s'agit d'agents d'observation, c'est-à-dire qu'ils recueillent des renseignements visuels intéressant le KGB.
La méthode est la suivante : l'agent du KGB, Schultze, résidant en RDA, est autorisé à visiter des parents dans la ville de N... en RFA. Le KGB sait qu'une unité de transmission américaine y est stationnée; Schultze, est donc chargé de s'en approcher au cours de sa visite chez ses parents et de noter le nombre de véhicules militaires, de faire un plan des emplacements militaires et, si possible, de prendre des photos. Avec ces renseignements, le KGB examine les changements qui peuvent avoir eu lieu au cantonnement ennemi. Un nouvel armement ou un nouvel équipement ont-ils fait leur apparition ? Le nombre des soldats a-t-il augmenté?
En outre, on utilise des ressortissants de la RDA pour obtenir des tuyaux. C'est-à-dire que pendant qu'ils sont en Allemagne de l'Ouest ils recueillent des détails sur le caractère de citoyens de la RFA ou de militaires américains, anglais ou français, occupant des postes importants dans des organismes d'état, de l'armée, des milieux d'espionnage, ou dans des entreprises industrielles ou autres de quelque importance, bref des gens que le KGB pourrait éventuellement recruter comme agents.
La plupart des agents destinés à recueillir des renseignements sur l'ennemi sont recrutés par le KGB parmi les Allemands de l'Ouest visitant la RDA. Pour ces opérations, le KGB est « chez lui », sur son propre territoire où il a les pleins pouvoirs et cela crée des conditions favorables. Ce genre de recrutement ne se fait pas à la va-vite, il est au contraire soigneusement préparé et réussit presque toujours. Tous les citoyens de la RFA visitant l'Allemagne de l'Est sont inscrits et répertoriés par le MfS et la police, 90 % d'entre eux sont également fichés par le KGB.
Pour chaque visiteur de la RFA ou de tout autre pays capitaliste (le KGB les groupe tous ensemble sous la dénomination d'Occidentaux) un des départements remplit une carte spéciale. Sur cette carte sont notés : toute la famille du visiteur dans les deux Allemagnes, des renseignements sur l'endroit où il travaille, où travaillent ses parents et si l'un ou les autres ont accès à du matériel secret.
Si un agent du KGB arrive à la conclusion qu'un Occidental peut convenir, soit par sa position officielle, soit par ses qualités personnelles, il commence à en préparer le recrutement. Là, les méthodes varient : ou bien l'Occidental accepte de coopérer avec le KGB pour de l'argent, ou bien on l'oblige à travailler par des menaces ou par le chantage. Parfois on emploie une femme ravissante (ou un bel homme, selon le cas). Il existe, évidemment, de rares exceptions, comme par exemple, un Occidental coopérant avec le KGB par conviction politique.
Il est étonnant que presque tous les recrutements de ressortissants de la RFA ou d'autres pays occidentaux soient couronnés de succès sur le territoire de la RDA. Il est fort probable que le fait que les victimes n'aient aucune échappatoire constitue un facteur important. Si au cours d'un recrutement, les convictions, l'argent et le chantage n'ont aucun effet, le KGB emploie des menaces directes. On déclare à l'Occidental que s'il refuse de coopérer on l'accusera d'espionnage ou d'autre activité « subversive » contre les troupes soviétiques ou contre la RDA, et qu'il sera condamné et mis en prison.
Ceci n'est pas difficile sous la « loi socialiste » car on n'a aucune difficulté à trouver des témoins et des preuves. Parfois on menace ses parents qui vivent en RDA. Soumis à ce genre de pression, la victime accepte de collaborer. On dira qu'ayant été recruté de cette manière, rien ne l'empêche, de retour en Allemagne de l'Ouest, de contacter les autorités compétentes et de raconter ce qui s'est passé. Mais les officiers du KGB ne négligent pas cette possibilité; ils obligent la recrue à signer une déclaration de son accord « volontaire » de travailler avec le KGB, déclaration antidatée de près de deux ans.
Cette astuce, ainsi que les menaces faites à ses parents, coupent toute issue au nouvel agent récalcitrant. Avec le temps il s'habitue à sa situation, d'autant plus que ses relations avec le KGB lui rapportent de l'argent; il continue donc à collaborer.
Les agents du KGB recrutent également des agents directement sur le territoire Ouest allemand; ils se rendent dans la RFA déguisés en journalistes, représentants de commerce, ou autres. Ils sont particulièrement actifs à Berlin-Ouest, exploitant son statut de « ville libre ».
Là, le KGB se sent tout à fait à l'aise, recrute des agents, arrange des entrevues dans des appartements « sûrs », organise un réseau, installe des écoutes téléphoniques, et recueille des informations visuelles.
Ce n'est pas pour rien que j'ai souligné combien il était dangereux pour moi de rester à Berlin-Ouest lorsque j'ai décrit ma fuite vers l'occident.
Les 400 officiers du KGB responsables du contre-espionnage sur le territoire de la RDA sont très occupés, non seulement par la troupe et autres citoyens soviétiques, mais également par les Allemands de l'Est, le recrutement des agents et la chasse aux espions, aux « antisocialistes », et autres ennemis.
Une estimation des résultats obtenus par les 1.500 officiers du KGB en RDA donne le tableau suivant : parmi les ressortissants de la RFA, environ 2.000 agents recrutés et collaborant; environ 1 500 parmi les citoyens de la RDA et environ 4.000 parmi les troupes ou citoyens soviétiques. Outre les officiers du KGB en RDA, des collaborateurs travaillent eux aussi contre la RFA sous couvert de l'ambassade soviétique ou de bureaux d'agence.
Il ne faut pas oublier que le MfS travaille activement contre la RFA qu'il considère comme son principal objectif. Les agences d'espionnage des autres pays de l'Est ne sont pas à la traîne.
Bref, en Allemagne de l'Ouest, les systèmes d'espionnage de l'Est comptent au total, travaillant pour eux, environ 8.000 citoyens de la RFA.
Il me fut donné d'opérer sur le territoire de la RDA du début de 1969 jusqu'en 1974, c'est-à-dire exactement au moment où une nouvelle période d'amitié paraissait s'établir entre l'Union soviétique et la République fédérale. Il semblait, à l'époque, que cela aurait un effet tout à fait bénéfique pour les deux pays, clarifierait l'atmosphère politique de l'Europe et servirait d'aiguillon pour améliorer les relations Est-Ouest.
En 1969, on préparait un traité entre les dirigeants de la RFA et de l'URSS sur le rejet de l'utilisation de la force et sur une coopération pacifique mutuelle entre les deux États. Les préparatifs furent particulièrement actifs au cours de la première moitié de 1970. Du 30 janvier au 22 mai de cette année le secrétaire d'État de l'Allemagne de l'Ouest Egon Bahr et le ministre des Affaires étrangères de l'URSS, Gromyko, s'occupèrent tout particulièrement de ces questions. Ils se rencontraient fréquemment et le travail préparatoire fut mené à bien.
Toutes les conditions étaient réunies pour que le traité puisse être conclu. Au cours de ces réunions on parla beaucoup de la possibilité de réduire la tension entre les deux pays en faisant preuve d'intentions amicales et de confiance mutuelle. Officiellement, tout semblait en bonne voie. C'est à ce moment-là que le président du KGB, Andropov, agissant avec l'approbation et le consentement du Politburo et du gouvernement soviétique, lança l'ordre ultra secret du KGB n° 0039 du 28 avril 1970, enjoignant aux employés du KGB : - de faire des efforts concluants pour recruter des agents en RFA; - de recruter plus activement des agents doubles parmi les agents appartenant à des organismes de la RFA; - d'organiser un travail actif parmi les citoyens de la RFA présentant un intérêt opérationnel.
Cet ordre parvint au moment où Moscou était sûr de conclure le traité. En outre le Kremlin était au courant de l'intention du gouvernement de Bonn d'améliorer ses relations avec la Pologne, la RDA et d'autres États communistes d'Europe, comptant ainsi détendre éventuellement l'atmosphère politique en Europe. Néanmoins le gouvernement soviétique et le Politburo considérèrent tout ce processus comme une manifestation temporaire et s'efforcèrent d'en tirer le maximum d'avantages.
Le traité de coopération mutuelle, rejetant l'utilisation de la force, entre la RFA et l'URSS fut signé le 12 août 1970.
En novembre de la même année, la RFA conclut un traité avec la République populaire polonaise (RPP) reconnaissant la ligne Oder-Neiss comme frontière ouest de la Pologne et rejetant bilatéralement l'utilisation de la force.
A travers le monde, bien des hommes politiques de premier plan commencèrent à parler de la bonne volonté des dirigeants soviétiques et de l'amélioration prochaine des relations Est-Ouest.
Mais pour le KGB la diminution de la tension signifiait une augmentation de leurs activités en Europe. En particulier, un travail astreignant fut exigé des membres du KGB se trouvant en RDA. L'appareil central du KGB leur donna pour tâche d'exploiter de façon plus active et plus étendue les nouvelles possibilités résultant des meilleures relations entre les deux États allemands.
Il exigea la création d'un réseau d'agents encore plus développé en RFA. A la fin de 1972, un traité fut conclu entre la RFA et la RDA, réglant leurs relations. Il en résultait, entre autre, que les citoyens de la RFA eurent beaucoup plus d'occasions de visiter la RDA, ce qui attira immédiatement l'attention des dirigeants du KGB.
Au bout de quelques mois, le personnel stationné en RDA reçut un ordre du président du KGB – n° 0042 du 8 mai 1973 - soulignant qu'ils se trouvaient à un moment de grande responsabilité : il leur fallait étendre leurs activités dans toutes les directions, et on leur ordonnait en particulier d'exploiter le nombre grandissant de visiteurs de la RFA.
De telles actions, approuvées par le Politburo et le gouvernement, montrent sans équivoque que les dirigeants soviétiques n'avaient aucune intention de réellement améliorer leurs relations avec l'Ouest; certaines des concessions ont été uniquement faites pour obtenir le maximum d'avantages pour l'avenir sur le front politique.
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