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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LES VUES PROPHETIQUES DU 2ème BUREAU DE L'ARMEE D'ARMISTICE
 

2 textes :

Par le Général RIVET

Par le Lt. Colonel BARIL

 

Préfacés par notre Président d'Honneur, le Général L. RIVET, nous versons, au dossier de l'Histoire
deux documents authentiques, oeuvres du Général BARIL, chef du 2ème Bureau de 1940 à 1942.

- Un rapport du 27 Juin 1941 envisageant les conséquences et les incidences du conflit germano-russe sur la conduite de la politique française;
- Une note du 4 Janvier 1942 sur la situation militaire et les perspectives qu'elle comporte.

En publiant les extraits essentiels de ces documents, nous entendons rendre à l'Armée de l'Armistice et à son État-Major l'hommage dû à son patriotisme; trop de mensonges ont été et sont encore répandus sur son compte pour que de tels témoignages de son véritable état d'esprit restent plus longtemps ignorés.

Nous voulons rappeler des faits qui pèsent aujourd'hui lourdement sur le sort du monde et dont la connaissance objective demeure indispensable pour juger sainement des graves problèmes internationaux que notre Pays doit résoudre.

Nous nous acquittons d'une dette sacrée de reconnaissance à l'égard d'un homme dont la perspicacité, le courage, la foi dans les destinées de la FRANCE ont été les ferments de la Résistance et de notre action clandestine.

En permettant à nos adhérents de se rendre compte de la portée exacte du travail accompli par ce que d'aucuns appellent encore avec une nuance de mépris "le 2ème Bureau de Vichy", nous situons la ligne voulue par les responsables de nos grands SERVICES SPÉCIAUX et nous plaçons dans son véritable cadre la figure légendaire du Général BARIL. Nous prouvons à ceux qui le pleurent que nous n'avons pas oublié.
Nous montrons aussi à tous ceux des SERVICES SPÉCIAUX de 1940 à 1944 que leur travail obscur était magnifiquement exploité. Car, ce n'est maintenant un mystère pour personne, que l'oeuvre des BARIL, au-delà des destinations habituelles du travail du "2ème Bureau", servait de base à l'action de Libération entreprise hors de nos frontières.

En raison de l'importance de notre publication, elle sera répartie sur plusieurs BULLETINS.
(Le Colonel BARIL avait été désigné au début de 1943 pour exécuter, au LEVANT, la délicate mission de résoudre le conflit surgi entre les forces de Vichy et celles d'appartenance "gaulliste". Au retour, l'avion qui le transportait s'écrasait à l'atterrissage à BEYROUTH. Le Colonel BARIL y trouvait la mort).
 


« L'INCARTADE » du COLONEL BARIL
(Voix d'outre-tombe)


27 JUIN 1941.- Depuis cinq jours l'Armée allemande est engagée en Russie. Les premiers bulletins du Grand Quartier hitlérien enregistrent une avance foudroyante. Anxieux, tendus, coupés du monde, les Français perçoivent l'enjeu du gigantesque duel sans discerner les chances respectives des adversaires aux prises. Le milieu "officiel", envoûté par le dogme de l' "invincibilité" allemande est silencieux, mais le pronostic favorable à l'acteur allemand perce sous sa réserve.


Cependant, au sein d' un Etat-Major français dont l'épreuve a soulevé la foi, aiguisé la lucidité, le 2ème Bureau, dirigé par le Colonel BARIL suit avec sa sagacité coutumière le déroulement de l'action, en déchiffre les facteurs et en suppute les aboutissements. Des Services Spéciaux (S.R. et C.E.) l'assistent; articulés sur les contours du drame, ils n'ont pas cessé de recueillir les suintements du renseignement profond.


Et voici que ce 27 Juin, BARIL, déjà coupable aux yeux du pouvoir d'anticiper, par le verbe et par la plume, sur le sort d' une Allemagne dont il conteste obstinément les possibilités de victoire finale, jette aux augures sa première "Note pour le Commandement" sur le conflit germano russe. C'est un pavé dans la mare. Son auteur est parfaitement conscient qu'il retentira au-delà et au-dessus du Chef d'Etat-Major à qui il est destiné. Aussi BARIL, taxé d' indiscipline est-il invité sous peine de sanction à assouplir son attitude, sinon sa pensée, à l'orthodoxie du moment. Il n'en fait rien.

Le 4 Janvier 1942, il réitère avec éclat. Dressant le bilan des opérations allemandes des sept premiers mois, il conclut : le bloc anglo-saxon ne peut plus être battu, l'Allemagne ne peut pas gagner la guerre.


C'est la trombe d'eau qui crève la digue. Le Colonel BARIL est "limogé". Confiné dans une garnison sans relief d'Afrique du Nord, il en sortira en Novembre 1943 pour participer à la "Conspiration" qui allait ouvrir aux forces alliées l'accès du littoral africain.


Reportons-nous à ces années où la France était ligotée, toute liberté d'expression bannie. Où il fallait se taire pour ne pas être inquiété, sinon opiner "dans la ligne" pour revendiquer la faveur. Où la peur desséchait les consciences, réfrénait les courages, infiltrait dans les foyers et cirait les hommes le poison du mensonge. Où la menace rôdait sur qui sourdement se révoltait. Et mesurons ce qui, dans cette atmosphère, au voisinage d'un pouvoir dominé et stimulé par l'ennemi, le brusque jaillissement d'une vérité hautement proclamée, exigeait du courage, d'indépendance et de foi.
Sous la botte allemande les grands caractères se sont prouvés.

Non certes, le Pays n'avait pas le complexe de vaincu que d'aucuns spectateurs distants et faussement ou tardivement indignés, se sont donnés l'étrange jeu de lui attribuer. Ceux dont le coeur avait saigné au soir de la défaite française, ceux qui, cramponnés au sol des ancêtres, avaient juré d'annuler ce coup droit, étaient plus nombreux et plus résolus qu'on l'a laissé entendre. Ils constituaient pour le moins le cadre du pays vivant et sain. Et le Colonel BARIL, prenant l' offensive contre les lâchetés et les abandons d'en haut, révélait et défendait cette armature quand il renversait, de sa plume libératrice, le boisseau où la vérité étouffait.

Ce geste, parmi tant d'autres qui jalonnent une magnifique carrière, mérite de retenir l'attention de l'histoire par tout ce qu'il exprimait de neuf et d'audacieux dans l'estimation raisonnée d'une situation de guerre que l'esprit sommaire jugeait sans issue, sinon allemande. Il porte la marque d'un grand chef dont nous avons hélas été trop tôt privés. L'évocation qui en est faite aujourd'hui est le tribut de reconnaissance dû à l'un des nôtres qui fut au 2em Bureau et dans les Conseils du Haut Commandement, notre soutien le plus ferme et le plus éclairé.

Relisons les pages essentielles de ces "Notes au Commandement", écrites du seul jet de l'esprit, dans le style concis et pur des brands classiques, style au mouvement aisé qui vous amène, par un raisonnement sans fissure, aux conclusions ultimes qui imposent la conviction.  Cette note si inoubliable et le chef, honneur d'une armée riche pourtant de valeurs intellectuelles et morales en qui la claire pensée guide le courage.

Général L. RIVET

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LE CONFLIT GERMANO-RUSSE - SES CONSEQUENCES ET SES INCIDENCES SUR LA CONDUITE DE LA POLITIQUE FRANCAISE.

AVIS DU CHEF DU 2ème BUREAU

1/- La politique allemande a au moins un mérite, elle varie peu dans ses méthodes.
En Mars 38, quand il s'assimilait l'AUTRICHE, HITLER donnait à la TCHECOSLOVAQUIE pour la dissuader d'intervenir, tous les apaisements désirables alors qu'il avait déjà décidé d'en faire sa prochaine proie.
En Septembre 38, quand il démantelait la BOHÊME, HITLER jetait aux Polonais l'os de TESCHEN à ronger. Et pourtant l'opération des Sudètes n'était que le premier temps de l'encerclement de la POLOGNE par le Sud
En Septembre 39, HITLER jetait en pâture au Moscovite dont l'appétit était plus exigeant, la moitié de la POLOGNE.
En Mai 41, le prix de la non intervention de l'U.R.S.S. dans les Balkans avait été les Pays BALTES et la BESSARABIE.
La RUSSIE, tant il est vrai que l'expérience des autres n'a jamais servi à soi-même, est tombée dans le piège qui a été fatal à tous les autres. Elle paie aujourd'hui ses erreurs.
Le 22 Juin, après avoir pris soin de neutraliser la TURQUIE par de bonnes paroles, les Armées allemandes se sont ruées sur la RUSSIE.

2/- JUIN 1941 - JUIN 1812 - Le rapprochement s'impose, inéluctablement. On pensait que HITLER, fort de l'exemple de son illustre prédécesseur, saurait éviter de retomber dans l'erreur qui fut fatale à NAPOLÉON. En fait, HITLER pouvait-il renoncer à se lancer dans l'aventure russe ? Les mêmes causes produisent les mêmes effets. NAPOLÉON, incapable de régler directement le sort de l'ANGLETERRE, n'a d'autre issue que de laisser la Grande Armée dans les plaines Moscovites, pour obliger le Tsar à entrer dans ses plans économiques. HITLER, à plus d'un siècle et quart de distance, en lutte contre l'ANGLETERRE et qui a la charge d'organiser et de ravitailler l'EUROPE, est obligé de s'assurer le contrôle des richesses russes : blé de l'UKRAINE, matières premières du DONETZ, pétroles du CAUCASE, entraînant dans son sillage la ROUMANIE, la FINLANDE, l'ITALIE et sans doute bientôt la HONGRIE et peut-être la BULGARIE.
La Grande Armée de 1941 fait invinciblement penser à la Grande Armée de 1812.
Il n'est pas jusqu'à l'attitude soucieuse des 2 grands conquérants à la veille de se lancer dans la grande aventure dont le rapprochement ne s'impose à l'esprit.
Les témoignages de l'Histoire nous ont montré NAPOLÉON inquiet au moment de son départ pour DRESDE.
La proclamation de HITLER à ses troupes, le 22 Juin, laisse percer les mêmes sentiments ;

"tâches difficiles et pleines de responsabilités. Puisse Dieu nous aider dans ces nouveaux combats".

A vrai dire inquiet, il pourrait l'être à moins.

3/- Certes, l'Armée allemande est un instrument sur lequel il peut compter. Son organisation, son matériel, son entraînement, en un mot sa puissance, n'ont jamais été égalés.

Des succès initiaux considérables ne sauraient être mis en doute. Mais NAPOLÉON, lui aussi, est allé à MOSCOU.
La conquête même de l'espace russe porte en germe des causes de faiblesse.
Les victoires ne seront pas achetées sans une usure appréciable de l'appareil militaire allemand.
On a coutume de dire que l'Armée russe est une inconnue ; de l'Armée rouge nous savons cependant l'essentiel. Le Haut Commandement, les Cadres supérieurs, les États-majors manquent sans doute de science, du moins ont-ils la volonté de se battre.
Le petit cadre connaît son métier. Le soldat est brave et fanatisé.
Le matériel n'est pas sans valeur. L'Armée rouge est mieux outillée que l'Armée tsariste de 1914 où les renforts attendaient pour combattre de pouvoir ramasser les armes des morts.
Les chemins suivis par les Armées allemandes seront jalonnés de tombes surmontées de casques d'acier. Et comme en POLOGNE, comme en FRANCE, comme en CRÊTE, les casques seront ceux qui abritaient les meilleures têtes. La saignée est d'autant plus grave que le sang est de meilleure qualité.
Le fait ne serait pas d'une extrême gravité en lui-même, si l'ALLEMAGNE livrait le dernier combat. Mais l'Armée rouge refoulée ou vaincue, le problème reste entier car l'ANGLETERRE n'est pas abattue et derrière l'ANGLETERRE, l'AMÉRIQUE avance à grands pas sur le chemin de la guerre.
Victorieuse de l'U.R.S.S., l'ALLEMAGNE voit s'étendre l'immensité des espaces à occuper. Ses forces se dispersent et se diluent. Non seulement il ne lui est plus possible d'alléger son appareil militaire mais il lui faut trouver des cadres administratifs nouveaux, alors qu'elle est déjà à bout de moyens.

Détentrice des richesses de l'UKRAINE, du DONETZ et du CAUCASE, il lui faudra trouver des Armées de techniciens et d'ouvriers spécialisés pour les mettre en valeur alors que déjà la crise de main-d'oeuvre se fait gravement sentir chez elle. L'ALLEMAGNE n'avait qu'un jeu d'ingénieurs, de contremaîtres et de spécialistes. Elle y a déjà puisé à pleines mains pour les besoins des Armées et du contrôle des usines des territoires occupés. Comment fera-t-elle demain pour exploiter les puits de pétrole et les mines que les Russes auront désertés et dévastés, pour transporter les richesses sur des voies ferrées au matériel roulant en partie détruit, et aux cheminots défaillants.
Pendant un certain temps, l'ALLEMAGNE recevra moins de l'U.R.S.S. conquise qu'elle en recevait de l'U.R.S.S, mal organisée mais empressée à la satisfaire pour écarter un danger qu'elle n'a pu en définitive éviter.

La menace de la 5ème colonne n'existe pas qu'en RUSSIE. Dans les usines allemandes l'élément communiste est agissant et des sabotages sont à craindre. Pour l'Armée d'occupation de RUSSIE, le danger de contamination ne sera pas un vain mot. Et ce danger se manifestera au moment où l'ALLEMAGNE traversera la période critique, où les bombardements aériens se feront chaque jour plus violents et plus nombreux.

4/- A y regarder de près, les actions de l'ALLEMAGNE présentent les signes d'un certain décousu.
Incapable de régler le sort de l'ANGLETERRE, HITLER a levé le Camp de BOULOGNE. Il a cherché à atteindre la route des INDES par la voie la plus courte. L'opération des BALKANS, la révolte d'IRAK, l'occupation de la CRÊTE étaient autant d'étapes sur la route de SUEZ. Puis, brusquement, pour employer une expression familière, HITLER a changé son fusil d'épaule sous l'empire de la nécessité, sous la pression de petits peuples empressés à reconquérir les territoires perdus, sous la pression peut-être de l'aile marchante du parti, inquiète de reprendre sa croisade idéologique, peut-être aussi pour complaire au monde qu'il suppose devoir lui être reconnaissant d'avoir abattu l'épouvantail bolchevik.

5/- Un fait demeure certain. Le "Drang nach Osten" oblige l'ALLEMAGNE à remettre sine die l'attaque sur l'ANGLETERRE qui, seule, pourtant, aurait pu apporter la solution tant souhaitée. Depuis quelques semaines l'ANGLETERRE respire mieux. Les bombardements ont à peu près cessé. La bataille de l'Atlantique diminue d'intensité. Le tonnage marchand coulé est moins considérable en Mai que dans les mois précédents, et pourtant HITLER avait annoncé que la guerre sur mer allait s'intensifier.

La résistance anglaise permet aux ÉTATS-UNIS de se préparer. 1.500 avions sont sortis en Mai des usines américaines. Au printemps prochain ce chiffre sera plus que doublé.
La guerre se transformant et n'étant plus qu'une lutte d'aviation, il n'est pas douteux que la loi du nombre jouera en faveur de l'ANGLETERRE et de l'AMÉRIQUE qui, réunies, ont des possibilités infiniment supérieures à celle de l'ALLEMAGNE.
La victoire anglo-saxonne ne sera pas le seul fait de Divisions cuirassées ou autres refoulant les Divisions allemandes. Elle sera le résultat d'une lassitude d'un pays écrasé sous les bombes et moralement peu armé pour supporter la dévastation de son territoire. La victoire anglo-saxonne sera faite d'une défaillance du peuple allemand.

6/- La conclusion à tirer pour la politique française de cette perspective qui est l'expression d'une conviction basée sur des faits, est évidente.
Il serait imprudent d'indisposer l'Amérique, sentimentale, par des mesures graves qui pourraient laisser supposer que la France s'est rangée délibérément dans le camp allemand. Au lendemain de la guerre, nous aurons besoin de l'appui américain pour relancer l'activité économique du pays vide de ses stocks et de ses machines.
Il faut savoir conserver l'amitié de l'Amérique. Ce doit être la grande ligne de notre politique. Hors de là tout n'est que détail.

Cette notion, notre peuple d'ailleurs l'a confusément; qu'on le veuille ou non, la grande masse des Français est hostile à un rapprochement avec l'Allemagne dans laquelle elle ne voit que son bourreau. Même sous un régime autoritaire, l'opinion publique compte et ne saurait être violentée en vain.

La fortune a souri ê HITLER tant qu'il a été précédé par son peuple sur les voies où il s'est engagé.
HITLER n'a pas créé la vague de fond qui a submergé l'Allemagne.
Son habileté a consisté à deviner que cette lame était sur le point de se déchaîner et à se laisser porter par elle.

Dans les difficultés où elle se débat, l'ALLEMAGNE sent bien que sans de nouveaux appuis, elle est hors d'état de gagner la partie. Ce nouvel appui, elle estime à tort ou à raison qu'un seul pays serait capable de le lui fournir et c'est la FRANCE. De là les avances qui nous sont faites, les espoirs qu'on nous laisse entrevoir.

Malheureusement pour HITLER la valeur de ses promesses est connue. Que l'on veuille bien se souvenir des premières lignes de cette note. L'ALLEMAGNE triomphante tiendra pour nuls et non avenus ses engagements. Ainsi le veut la mentalité allemande. Un contrat n'est valable qu'autant que les conditions qui ont présidé à sa signature ne se sont pas modifiées..
Tout compte fait, il n'y a pas de parole allemande. Il y a là matière à réflexion.

Signé : Le Lt-Colonel BARIL
Chef du 2ème Bureau de l'Etat-Major de 1ère Armée.

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 15

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