1940 - 1944
."L’intervention des troupes anglo-américaines, le 8 Novembre (1942), sur le
territoire français d'Afrique, effectuée à la demande des Français, qui, dès
1940, entendaient reprendre la lutte contre l'Allemagne, a été le premier
acte de Libération d'une Nation opprimée, accompli par les troupes des
Nations Unies",
Signé ROOSEVELT.
(Protocole d’ANFA, le 24 Janvier 1943)
L'anniversaire du 8 Novembre 1942, a, une fois de plus, tourné nos pensées
vers l'AFN.
A notre tour, nous voulons situer son rôle dans nos combats, sans nous
immiscer dans des considérations et des faits autres que ceux qui ont agi
directement sur notre activité.
C'est donc une Tranche de l'Histoire de nos Services que nos lecteurs
trouveront dans le BULLETIN, et non l'Histoire de l'AFN, de 1940 à 1944.
Mais cette tranche est imposante, encore qu'elle ne soit que résumée ;
Nous lui consacrerons deux numéros du BULLETIN.
Le premier (BULLETIN N° 4) sera réservé à la période qui va de l'Armistice à
la Libération de l'AFN (8 Novembre 1942).
Le deuxième (BULLETIN N° 5) traitera de la période allant du 8 Novembre 1942
à la Libération de la France.
Plus tard, nous développerons, au fur et à mesure que les circonstances s'y
prêteront, les points qui ne sont qu'évoqués ou effleurés dans ces 2 études.
Nous avions demandé à plusieurs de nos camarades de contribuer à la
rédaction de ce travail.
Tous n'ont pas répondu à notre appel. Nous le regrettons sans autre
commentaire.
Pour le Bulletin N° 5, il demeure entendu que nous accueillerons volontiers
les suggestions ou travaux de nos camarades, sous réserve qu’ils se
rapportent au sus traité et qu’ils soient dépouillés de toutes considérations
subjectives.
Quant à ceux qui nous ont aidés, qu’ils reçoivent ici les vifs remerciements
de la Commission du Bulletin. Une fois encore ils ont servi, bénévolement,
et l'AMICALE leur en est Profondément reconnaissante.
I ère PARTIE
Juin 1940 -Novembre 42
Dans cette première partie, nos lecteurs trouveront l'exposé de la situation
de nos services de Contre - Espionnage en AFN en Juin 1940.
Ils verront ensuite leur évolution au cours des années 1941 et 1942, et leur
rôle dans la Libération de l’A.F.N.
Enfin nous illustrerons le récit de ce que fut cette période par la publication
des « souvenirs » que certains de nos camarades nous ont fait parvenir.
Au cours de cet exposé, comme d'ailleurs de celui qui paraîtra dans le
Bulletin N' 5, l'Afrique du Nord sera considérée en elle-même, et aussi, et
surtout, en fonction de la part qu'elle a prise dans Notre DELIVRANCE.
I / Situaton du C.E. de l’A.F.N. en juin 1940
Depuis 1937, l'Etat-Major de l'Armée (Service de Centralisation des
Renseignements - SCR) (1) s'était efforcé d' implanter en AFN, comme dans la
Métropole, une organisation de Contre - Espionnage à la mesure de l'effort de
recherche allemand et italien.
(1) Le
Contre - Espionnage de la DEFENSE NATIONALE, dirigé par le Colonel SCHLESSER
(adjoint : Cne PAILLOLE) constituait l'une des branches du bloc SR - SCR à
la tête duquel était placé le Colonel RIVET, et qui était le "fournisseur"
essentiel du 2ème Bureau.
Pour le temps de paix, les moyens propres au 2ème Bureau (SR-SCR) avaient
été accrus par l'installation dans les postes SR Nord-Africains, de cellules
spécialisées en matière de C.E. Par une action vigoureuse du Ministère de la
Défense Nationale sur les Ministères de l’Intérieur et des Affaires
Etrangères, la création de Brigades de surveillance du Territoire dans les
trois pays (Algérie, Tunisie, Maroc) avait été décidée fin 1938.
Des fonctionnaires de qualité avaient été affectés à ces postes, et certains
- tels ACHIARY et HYACINTHE - étaient venus suivre des stages dans la
Métropole. Leurs contacts, avec ces techniciens chevronnés, défenseurs
intransigeants et zélés de notre Défense Nationale qu’étaient les OSVALD,
LINAS, MEME, COTTONI, etc., avaient conféré à l’ensemble des services de
notre police du Contre - Espionnage métropolitain et extra - métropolitain, une
unité de doctrine et d'action indispensable surtout à la veille des
évènements de 1939.
Néanmoins, ces services de Surveillance du Territoire étaient jeunes et leur
implantation non achevée lorsque le conflit éclata.
Pour le temps de guerre, outre le développement des moyens du temps de paix,
SCR avait prévu l'organisation de B.C.R. (Bureaux Centralisateurs des
Renseignements) dans chaque Région Militaire.
Les plans de mobilisation leur
avaient donné, avec une compétence conforme à la responsabilité de l’Autorité
Militaire en matière de C.E., une composition étoffée adaptée à leur
mission.
Malheureusement Septembre 1939 arriva avant que toutes les désignations
aient pu être faites et que les stages aient préparé les Officiers de
réserve à leurs nouvelles fonctions. Rares étaient les BCR vraiment
compétents : trop souvent, leurs chefs seuls avaient quelques notions
suffisantes en matière de CE pour faire figure de techniciens aux côtés de
Généraux commandants de Régions, ignorant dans la plupart des cas leurs
pouvoirs et leurs attributions de police.
La forte personnalité de ses Résidents successifs avait su maintenir le
Maroc hors des atteintes graves des entreprises étrangères.
Durant les
hostilités de 1939 à 1940, le SR allemand tenta quelques investigations en
s'appuyant sur certains foyers marocains nationalistes ; il se heurta à des
services répressifs vigilants qui surent instantanément juguler leurs
faibles tentatives.
Ce fut en Algérie, que les SR ennemis (allemand notamment) furent les plus
actifs : leurs objectifs étaient de surveiller le Commandement en Chef des
troupes d’AFN et la mise sur pieds des Unités destinées à des théâtres
d'Opérations.
Ils se heurtèrent à un système de protection déjà solide, avec
une surveillance du Territoire rodée et supérieurement animée par ACHIARY.
Quelques tentatives d'envoi d’agents en Algérie furent étouffées dans
l'oeuf, et leur grande connaissance des milieux indigènes permit à nos
services d'y éviter toute action dangereuse de propagande ou de recrutement.
En bref, l'achèvement désastreux de la première partie de la Guerre laissait
les 3 pays d'AFN hors de toute emprise ennemie.
L'ordre régnait en Algérie, Tunisie et Maroc.
Le loyalisme des indigènes y demeurait absolu,en dépit de quelques
mouvements nationalistes d'importance réduite mais parfaitement tenus en
mains par les autorités françaises.
Sur notre plan, nous avons le devoir de rendre un éclatant hommage aux
autorités civiles et militaires comme aux populations d'AFN, qui surent, à
cet instant critique pour la France, conserver intactes leurs force vives et
les lancer avec foi et patriotisme dans le combat libérateur.
ACHIARY, témoin et acteur de cette période héroïque, en évoque quelques
épisodes dans le cadre de ce travail.
II/ de Juin 1940 à Novembre 42
Les Services de Contre - Espionnage du 5ème Bureau de l'Etat-Major l'Armée (ex
2ème Bureau SR-SCR) officiellement dissous, avaient fait place au lendemain
de l'armistice à une double organisation :
- l'une officielle (Bureaux des Menées Anti-Nationales BMA) qui se
substituait en quelque sorte aux BCR sur le plan régional.
- l'autre clandestine (TR) dirigée par PAILLOLE (alias PERRIER).
De même que dans la Métropole, l'ensemble des services spéciaux était
centralisé à ROYAT sous l'autorité des Colonels RIVET et d'ALES, la totalité
des services de C.E. de l'Afrique du Nord devait être sous les ordres du
Colonel CHRETIEN à ALGER. Il dépendait lui-même des Services centraux
métropolitains BMA et TR.
Il faut remarquer que la cessation des hostilités n'avait pas eu pour
conséquence la levée de l'Etat de Siège, et en AFN comme dans la Métropole,
l'Autorité Militaire demeurait investie des Pouvoirs de Police.
La désignation du Général WEYGAND pour le Commandement Militaire d’A.F.N.
devait faciliter singulièrement l’exercice de ces Pouvoirs et, partout,
simplifier en la centralisant l’organisation et l’exécution du
Contre - Espionnage par l’Autorité Militaire.
Notre Président d’Honneur, le Général Henri NAVARRE, veut bien donner dans
ce bulletin un aperçu de ce que fut à cet égard le rôle décisif du Général
Weygand et de son 2ème Bureau.
ORGANISATION GENERALE.
Poursuivant l'oeuvre de SCR,le Colonel d'ALES et le Commandant PAILLOLE
s'assignèrent pour tâche en AFN :
- d’organiser l`ensemble des Services de C.E, dans l'éventualité de la
reprise des hostilités.
- de doter le Service Central d'ALGER des moyens en personnel, matériel et
archives pour faire face, non seulement à la mission quotidienne du C.E.,
mais aussi pour lui permettre de subsister isolé de la Métropole, voire même
"d'absorber" les Services Centraux Métropolitains repliés.
Il faut faire l'aveu que les moyens ne furent pas toujours à la mesure des
bonnes volontés et des nécessités. Il faut considérer aussi qu’une grande
partie de l'oeuvre du C.E. dût s'accomplir clandestinement, souvent dans
l'indifférence et le scepticisme, parfois dans l'hostilité,tant l'effort des
propagandes ennemies fut intense, spécialement après MERS-EL-KEBIR.
LE PERSONNEL ET LES SERVICES MA ET TR.
Aux rares spécialistes de l'AFN placés en 1939 sous les ordres du Colonel
DELOR, il fallait sans nul doute adjoindre au plus tôt un personnel
qualifié, d'une haute valeur morale, au patriotisme sûr, et à la technique
éprouvée.
A partir de Juillet 1940, le personnel de C.E. de l'AFN fut l'objet de soins
particuliers ;
- envoi échelonné de 14 Officiers spécialisés, formés dans la Métropole ;
- recrutement sur place d’officiers et de sous-officiers d’active de qualité
;
- appel à des "réservistes" sûrs et dévoués, qui fournirent à partir de
Novembre 1942 le complément
indispensable de l’organisation officielle du C.E. en AFN.
Nous ne voulons nommer aucun de ces camarades de nos services africains, par
crainte d'en oublier. Ils se situeront sans doute dans ce rapide exposé.
Mais tous, aussi bien au Service Central d'ALGER que dans les postes, furent
les auxiliaires précieux de notre Sécurité et les gardiens vigilants de la
Souveraineté française.
Les Bureaux MA, organes officiels du Contre - Espionnage, se mirent place
rapidement dès Septembre 1940, par simple substitution d'un
personnel d'active au personnel réserviste des BCR démobilisé.
Les Bureaux MA, organes officiels du Contre - Espionnage, se mirent place
rapidement dès Septembre 1940, par simple substitution d'un personnel
d'active au personnel réserviste des BCR démobilisé.
L'implantation TR fut plus lente, en raison du caractère clandestin de ce
service et de l'obligation de n'y affecter que du personnel expérimenté
venant de la Métropole.
TR 119 a ALGER, fut créé en Octobre 1940 par BERTRAND et DOUDOT.
TR 120 au MAROC,fut installé par BREITEL,à partir de Janvier 1941.
Enfin TR 121 put être mis sur pieds à partir de Juillet 1941, grâce à
LAROCHE.
A ALGER, le Service Central du C.E. (BMA et TR) Nord-Africain, fut l’oeuvre
des Colonels DELOR, puis CHRETIEN; à partir de 1941, GERMAIN lui apporta
toute sa foi et son inlassable activité, aussi bien dans l'établissement
d'archives générales que pour obtenir du TR un rendement toujours accru.
LA LUTTE CONTRE LES ACTIVITES ENNEMIES.
Si de 1939 à 1940 l’ennemi ne porta qu'une attention secondaire à l’AFN,
l'Algérie, la Tunisie et le Maroc, furent à partir de Juillet 1940 au
premier plan des préoccupations des SR allemand et italien.
L'arrivée à
ALGER du Général WEYGAND, et l'attitude résistante qu'il adopta
ostensiblement poussèrent leur activité de recherche et de propagande au
paroxysme.
Il fallait connaître à tout prix les éventuels contacts entre la délégation
du Gouvernement à ALGER, les résistants et les alliés. Il fallait rechercher
l'oeuvre clandestine de l'Armée (mobilisation, matériels camouflés, etc. ),
les noyaux « gaullistes », l’activité des consuls américains, et surtout il
fallait savoir et influencer l'état de l'opinion, spécialement celle des
milieux indigènes.
Il nous serait facile de démontrer - et peut-être le ferons-nous un jour
dans ce Bulletin - que cette période de luttes clandestines intenses, a sans
doute marqué le point de départ de nos graves difficultés de l'heure
présente en AFN.
Par leur action de propagande sur les éléments
nationalistes nord-africains - spécialement en Tunisie et au Maroc - le SR
italien et surtout le SR allemand, leur ont fourni les arguments, les
moyens, les premières occasions de lutte ouverte contre la France.
Pour la
première fois, ils ont colporté, commenté et exploité le thème de "La France
vaincue" .
En dépit du calme apparent et "officiel" qui régnait dans les trois pays,
nos services de C.E. connurent, et s'efforcèrent de réprimer ces atteintes
terribles à notre prestige et à notre puissance.
Mais le mal ne pouvait être totalement enrayé. Le Sultan du Maroc et son
entourage ne restaient pas sourds aux appels de l'ennemi, tandis que le
Destour buvait avidement les mots d'ordre de l’étranger.
Les algériens
eux-mêmes, à un moindre degré, subissaient l'effet nocif de la défaite et de
l'emprise de l'Axe.
En face des Commissions d'armistice, des agents de l'Abwehr, des services de
propagande spécialisés, de la radio, des tracts, etc., nos services de C.E.
(M.A., T.R., Surveillance du Territoire), souvent paralysés par un appareil
administratif placé sous le signe de la "collaboration", durent quelque fois
se borner à constater,
Alors qu'avant-guerre et jusqu'en 1940, les indigènes N.A, représentaient
moins de 2% des auxiliaires des Services Secrets ennemis, dans le seul
premier semestre de 1941 (du 1er Janvier 1941 au 30 Juin 1941) sur 240
agents allemands ou italiens identifiés et arrêtés en France et en Afrique
par nos services de C.E., 36 furent des indigènes (soit 15%)
La majorité était marocaine ou tunisienne; certains de ces traîtres avaient
été formés dans des écoles allemandes spécialisées pour le "travail" en
Afrique du Nord. Cette proportion s'accrut avec le temps, pour arriver, en
1943, à près de 30%.
Nous aurons l'occasion dans le prochain Bulletin de poursuivre cet exposé de
notre lutte contre les activités ennemies. Un dernier point mérite cependant
d'être évoqué, car il souligne l'esprit dans lequel les autorités militaires
et spécialement le Général WEYGAND, comprirent leur mission contre la
trahison.
En Février 1942, l'ennemi furieux des arrestations opérées dans ses services
de Recherches, voulut faire libérer 118 ressortissants allemands ou
sympathisants "disparus". Il entreprit des investigations dans toutes les
prisons de la Métropole et auprès de la Justice Militaire. Ces 118 individus
furent expédiés en AFN où ils échappèrent, définitivement, aux recherches
allemandes et italiennes.
Nous croyons savoir que cet événement coûta cher aux Colonels RIVET et
d'ALES.
LES LIAISONS.
L'établissement et le maintien - quoiqu'il advienne - de liaisons entre la
Métropole et l’Afrique fut un souci permanent pour les Chefs du C.E.
français.
Outre les liaisons télégraphiques et postales normales, divers circuits
auxiliaires furent établis dès 1941.
- "Air France" .. spécialement grâce aux personnels navigant et rampant des
bases d'ALGER et de MARSEILLE MARIGNANE, assura le transport des messages et
des plis les plus secrets.
Il faut rendre un hommage tout particulier au 1er
Pilote VIRET qui, à maintes reprises, n'hésita pas à se charger des objets
les plus compromettants (appareils radio, émetteurs récepteurs clandestins)
et fut la cheville ouvrière de ces excellentes liaisons par air.
- La Gendarmerie voulut bien donner à T.R. l'hospitalité de ses courriers
officiels, et de ses enveloppes, en principe inviolables,
- La Marine - Marchande apporta le concours bénévole et dévoué d'un personnel
nombreux,
Ces liaisons auxiliaires fonctionnèrent tant qu'il y eut des contacts
officiels entre la Métropole et l'AFN soit jusque vers le 12 Novembre 1942.
Nous verrons en 2ème Partie (1942-1944) de quelle façon furent mis sur pieds
des moyens de remplacement.
Enfin, outre la liaison normale radio entre ALGER et ROYAT à la disposition
de l'ensemble des Services Secrets, le Chef du T.R. voulut établir des
contacts particuliers et directs par T.S.F. avec le C.E. Nord-Africain.
Pour éviter les détections prématurées, il ne devait en être fait usage que
dans des circonstances exceptionnelles (invasion totale, rupture des
relations entre AFN et Métropole, etc..).
La première de ces liaisons radio fut établie entre MARSEILLE (Villa Eole)
et ALGER, en Mars 1941,
Le Chef radio de TR, SIMONIN, se borna à un simple
contact qu'il vérifia périodiquement par la suite.
Une deuxième ligne fut
étudiée entre CLERMONT-FERRAND et ALGER en Décembre 1941.
Enfin, en
Septembre 1942, en prévision des évènements de Novembre, il fut remis aux
postes TR de LIMOGES et TOULOUSE des appareils radio avec charge pour eux -
entre autres missions - d'entrer en contact avec ALGER et de n'user de ce
moyen de transmission que lorsque tout autre possibilité de correspondre
avec l'AFN serait exclue.
La vérité oblige à dire que si - tant bien que mal - la liaison radio
ALGER-ROYAT fonctionna aux heures cruciales de Novembre 1942, les liaisons
radio TR furent à cet instant précis inexistantes.
Cette carence technique,
dont les conséquences pouvaient être funestes pour la vie de nos services de
C.E., eut des répercussions incalculables - aussi bien dans l'organisation
et l'articulation des postes métropolitains, que dans l'activité générale du
T.R.
Il est bon sans doute - ne serait-ce que pour éviter toute
interprétation tendancieuse - d'exposer quelques unes des raisons qui furent
à la base de cette "criminelle défaillance des ondes".
Les unes furent purement techniques.
En premier lieu, le matériel radio du TR, comme celui du SR du reste, était
un matériel de circonstance (français, anglais, voire même allemand),
souvent usagé, archaïque, certainement mal adapté à des missions aussi
importantes.
En deuxième lieu, le personnel radio - en dehors de quelques exceptions -
dont SIMONIN - était mal formé. Son recrutement, pour les raisons que l'on
devine, avait été difficile, et insuffisant en nombre et en qualité.
Il n'est pas douteux que l'importance et les difficultés des liaisons radio
clandestines ont en partie échappé aux Officiers responsables des services
techniques et des postes TR.
La facilité relative des liaisons entre l'AFN
et la Métropole de Juillet 1940 à Novembre 1942 a incontestablement nui au
développement massif et systématique des transmissions radio clandestines.
Enfin, dernière raison, sans doute primordiale pour expliquer une carence
aussi absolue : l'implantation en Zone libre, dès Septembre 1942, d'un
réseau allemand de radio goniométrie, aidé par la police française, a eu à
partir d'Octobre 1942 des conséquences très graves sur les liaisons radio.
Pour échapper à la détection et à l'arrestation, les postes métropolitains
durent se déplacer, émettre à des heures et sur des longueurs d'ondes
variables, réduire au strict minimum le temps de l'émission, etc.
Comme beaucoup d'autres réseaux, faute d'avoir pu mettre sur pieds,
minutieusement, un nouveau plan de transmissions, paralysées aussi bien par
la goniométrie allemande, que par l'invasion de la zone libre, les liaisons
radio du TR ne purent s'adapter d'elles-mêmes à ces circonstances et se
révélèrent sourdes et muettes lorsque précisément elles devaient jouer un
rôle décisif.
Il faut ajouter aussi que hors des territoires occupés on n'a pas toujours
imaginé les difficultés techniques dans lesquelles pouvaient se débattre les
radios métropolitains et on ne s'est pas immédiatement mis au rythme des
nouvelles exigences.
Quoi qu'il en soit, le TR métropolitain devint sourd et muet le 8 Novembre
1942, lorsque précisément l'ensemble des services de C.E. allaient entrer
dans une phase nouvelle de son existence.
Nous verrons dans la II ème Partie ce travail comment l'unité de ces
Services fut très rapidement rétablie, en même temps que les liaisons entre
eux.
Un fait est certain, c’est que désormais divisé en deux blocs, le C.E.
français poursuivit sa mission sans défaillance, avec une objectivité et une
efficacité qui forcèrent l’estime et la confiance unanime des Commandements
français et alliés.
III/ La Libération de l'A. F. N.
Les Services de C.E. français se devaient :
- comme tous les patriotes, de faciliter la Libération de l`AFN en
participant à la préparation et à l'exécution du débarquement allié du 8
Novembre 1942,
- d’assurer la couverture des opérations, et de protéger le personnel
directement mêlé à elles,
- d'être en mesure d'assurer la sécurité du Théâtre d'Opérations africain
dans le cadre de la Souveraineté française dont nous parlerons dans le
prochain Bulletin
***
Nous donnons plus loin, avec les récits de deux de nos camarades du TR, une
idée de ce que fut la participation directe de nos services au débarquement
du 8 Novembre. Les souvenirs d'ACHIARY, complètent ces récits.
Nous dirons brièvement ici dans quelles conditions les Services de C.E.
furent en liaison avec les "organisateurs" du débarquement du 8 Novembre, et
comment ils s'efforcèrent d'assurer le Secret de sa préparation.
C'est à la suite de la mission effectuée par un H.C. du Service aux
Etats-Unis et à Londres en 1941, que nos services connurent les premiers
principes stratégiques qu'entendaient suivre les alliés pour la Libération
de l`Europe envahie.
Des contacts directs avec l'Attaché Militaire des USA à VICHY et
spécialement avec SCHOW et CASSADY, permirent au TR de Septembre 1940 à
Novembre 1942, non seulement d'informer nos alliés de tout ce qui pouvait
les intéresser sur les activités des Services secrets de l’Axe, mais encore
de recevoir d'eux les indications de base sur les intentions alliées et
d'orienter en conséquence l'action de nos services.
Outre ces contacts directs, TR participa localement à la préparation et à
la protection des opérations de débarquement :
- par des liaisons personnelles établies à ALGER entre le Consul Général
américain R. MURPHY, et le Colonel CHRETIEN, Chef du C.E. Nord Africain.
- par les liaisons personnelles établies entre le Chef du T .R. 120 au MAROC
(BREITEL) et le Colonel américain EDDY à TANGER.
- par le rôle joué par ACHIARY au sein du Comité d’Organisation du
Débarquement à ALGER.
En raison du Secret qui s’imposait, le Chef du TR, PAILLOLE (alias PERRIER)
était, seul, au courant de ces divers contacts dont les modalités avaient
été établies au P.C. Cambronne à MARSEILLE
- en Septembre 1941 pour ACHIARY
- en Février 1942 pour BREITEL
- en Avril 1942 pour CHRETIEN.
Une multitude d'autres contacts particuliers fut établie selon les
circonstances entre exécutants et Services de C.E.
C'est ainsi que le T.R.
d'ALGER fut à même de protéger l'action de VAN ECKE, FREDAIGUE et POTOCKI
aux Chantiers de la Jeunesse. BERTRAND, chef du poste, avait connu à LILLE
dès 1938 ces trois responsables des Chantiers de la Jeunesse. ABTEY, au
MAROC, avait gardé de ses voyages à LISBONNE une ligne de conduite adaptée à
la conjoncture, les BMA eux-mêmes veillaient à ce que l'ennemi ne puisse en
aucun cas s'immiscer dans les préparatifs en cours, et préservaient avec
bonheur 1’activité, souvent très apparente, des multiples consuls USA.
A partir de juillet 1942 l’imminence des opérations amena plusieurs
décisions importantes sur le plan du C.E. :
1°- Intensification de la répression de l'espionnage ennemi sur l’AFN au
risque même de brûler les informateurs,
2°- Le Colonel CHRETIEN reçut l'ordre de préparer l'organisation du Service
de Sécurité Militaire en vue des opérations en Afrique.
3°- Le repli des archives du Service Central sur ALGER fut étudié (il ne se
réalisa point par suite de l'opposition de l'EMG de la Marine).
4° -Tous les postes TR métropolitains reçurent l’ordre « d’accrocher » ALGER
ou RABAT par radio (on a vu plus haut l'échec quasi total de ces liaisons).
5° - Un Officier TR fut détaché à la protection du Général GIRAUD (Cne
VELLAUD).
En Septembre 1942, le Colonel CHRETIEN reçut l'ordre de resserrer ses
contacts avec les alliés, et de prendre éventuellement, en cas de rupture de
l'Afrique et de la Métropole, le Commandement de l'ensemble des Services de
Sécurité (SSM et TR) d'Afrique.
Le Capitaine DAUBRAY du TR métropolitain fut envoyé en mission en Afrique
Noire et au Maroc, à cet effet.
Jusqu'au débarquement, les Services SM et TR neutralisent impitoyablement
toutes tentatives de recherches sur l'AFN (arrestations en Septembre à
MARSEILLE de 8 agents ennemis munis d'appareils radio-émetteurs destinés à
l'AFN, arrestations en Octobre à TOULOUSE et LYON de 14 agents ennemis en
partance pour le Maroc et l'Algérie, arrestations au Maroc, Algérie et
Tunisie, de 45 agents ennemis du ler octobre au ler Novembre 1942).
Nos postes s'efforcent d'intercepter tous les renseignements susceptibles
de donner l'éveil : ainsi le rapport de l'inspecteur BEGUE sur l'activité
des Chantiers de Jeunesse d'Algérie est "neutralisé" en Octobre 1942.
Le 8 Novembre 1942, la surprise de l'ennemi est totale.
Le 7 Novembre, déjà, TR a intercepté un message de l'Abwehrstelle de TANGER
signalant le départ de la flotte alliée de GIBRALTAR.... " Il s'agit sans
nul doute d'une opération destinée à soulager les troupes anglaises de Lybie
, la menace est donc pour la TRIPOLITAINE, la SICILE, l'ITALIE DU SUD,
éventuellement la TUNISIE" ..., et l'auteur du renseignement indiquait dans
ses commentaires qu'il "ne pensait pas
que les alliés oseraient débarquer en TUNISIE pour éviter les réactions de
la FRANCE" (sic).
Un télégramme de l'Amiral DARLAN qui se trouvait à ALGER à cette date (7
Novembre) confirmait cette thèse.
Le SSM-TR n'a nullement la prétention de revendiquer pour son compte
exclusif le maintien de ce secret qui fut un facteur décisif dans la
réussite du Débarquement du 8 Novembre 1942.
Il est en tous cas certain
qu'en dépit de leurs efforts, les SR de l'Axe ne réussirent jamais à
s'implanter sérieusement en AFN.
Si leurs efforts de propagande et de
recrutement secouèrent certains milieux indigènes et jetèrent un mauvais
ferment, ils furent incapables techniquement de déterminer avec précision
les préparatifs effectués en AFN.
Pour si modeste que soit la part du SSM/TR dans cette extraordinaire
réussite, elle suffit à nos yeux à justifier le crédit dont ce Service
bénéficia auprès des alliés et des autorités françaises quelles qu'elles
fussent.
Mais, au fait, qui donc revendique en matière de C.E, une part quelconque,
supérieure ou inférieure, à celle du SSM/TR „et à quel titre ?
Nous sommes Prêts à publier tout ce qui nous sera adressé sur point très
précis.
Dans la Première Partie, nous avons montré l’organisation et le rôle de nos
Services d'Afrique du Nord, de l'Armistice de Juin 1940 au Débarquement
allié du 8 Novembre 1942.
2 ème PARTIE
Dans cette deuxième Partie, nous voudrions dégager la ligne de conduite que
les Services SM et TR de l'A.F.N. ont suivie jusqu'à la Libération.
Novembre 1942-Août 1944
Le Débarquement allié en A.F.N. eut sur l'ensemble de nos Services SM et TR
des conséquences profondes.
En même temps qu’elle se clarifiait, leur situation "tactique" devenait plus
complexe.
Tantôt contraints de s'appuyer sur des organismes officiels précaires,
tantôt contraints de les neutraliser voire même de les combattre, nos
Services officiels et clandestins avaient été réduits à user de toute sorte
d'expédients pour subsister de 1940 à 1942, et remplir leur mission
principale : Maintenir en France la notion de Trahison.
Désormais la délivrance d'une partie du Territoire, l'exécution, en vue de
la Libération de la Métropole d'opérations militaires dans des zones où nos
Services étaient responsables de la Sécurité, la rentrée dans la guerre
d'unités françaises sous commandement français, modifiaient sinon la nature,
du moins le caractère et l’ordre d’urgence des missions des services SSM/TR.
Le maintien de la notion de Trahison en France occupée demeurait certes au
premier plan des préoccupations du SSM/TR, mais il devenait indispensable
d'assurer avant tout le succès des entreprises alliées.
Par voie de conséquence, la Sécurité des opérations militaires en cours ou à
venir, était désormais la mission principale.
Elle impliquait une impulsion officielle qui ne pouvait être que fonction
des décisions des Commandements français et alliés.
L'action générale de nos Services devait être coordonnée avec celle des
Alliés; l'ensemble oeuvrant en fonction des nécessités de guerre.
Le Commandement en Chef français (Général GIRAUD) et le Grand Q.G. allié (A
F H Q) installés à ALGER, la place du Chef des Services SM et TR était dès
lors à ALGER, aux côtés du Chef de l'ensemble des Services Spéciaux
Militaires : le Général RIVET.
Cette décision entraînait l'obligation d'installer la Direction de la
Sécurité Militaire à ALGER avec, comme corollaire, celle de ressaisir de là
tous les éléments du Service que les évènements avaient une nouvelle fois
dispersés et morcelés.
L'AFN libre, le SSM/TR devait reprendre son unité et son vrai visage.
Sous la dénomination unique et officielle de "Service de Sécurité
Militaire", il lui appartenait de veiller à la Sécurité du Territoire et des
Grandes Unités en Opérations, selon les principes de la Souveraineté et de
la Législation française.
L'extension de cette mission à la Métropole occupée impliquait, outre le
maintien et le renforcement du dispositif de recherches (T.R.) la création
d'organes de Contre - Espionnage aptes à assurer la Sécurité des troupes
débarquées (SSM de débarquement) et des territoires libérés (SSM,
précurseurs et territoriaux).
Le développement des liaisons entre la plateforme africaine libérée et la
Métropole, demeurait l'élément capital du succès de l'entreprise. Il
fallait, aussi bien du point de vue de la souveraineté française que pour
ménager la position de nos services dans le pool allié, que ces liaisons
fussent indépendantes de toutes emprises étrangères - sans pour cela
négliger ou refuser l'aide généreuse de nos Alliés - Ce fut essentiellement
la mission du TR jeune.
Avant d'aborder l'examen des divers aspects de la vie nouvelle du SERVICE,
tels qu'ils résultaient des impératifs que nous venons d'énumérer, il n'est
pas sans intérêt de situer le point de départ du travail accompli en AFN de
1942 à 1944. Plus exactement du 2 Janvier 1943 à la fin Août 1944.
Car c'est le 2 Janvier 1943, après avoir traversé l'Espagne et s’être rendu
en Angleterre, que PAILLOLE Chef du SSM/TR arriva à ALGER.
Miroir brisé, le SSM/TR, dont chaque morceau d'importance inégale
remplissait çà et là consciencieusement son office, devait, sans tarder, se
ressouder.
On peut s'étonner, au passage, que les dispositions prises et exposées dans
la première partie de notre étude, n'aient pas évité ce morcellement de nos
Services à l'occasion d'évènements prévus.
Il pourrait être facile de répondre par un biais et de vérifier si ce qui
c'est passé chez le voisin a été plus heureux.
Quel est en effet l'organisme
à la fois officiel et clandestin qui a pu - sans solution de continuité -
maintenir intégralement sa mission de 1940 à 1944 ?
Pour notre part, nous ferons une simple constatation : de tous les services
centraux installés à ALGER de 1943 à 1944, le SSM fut le seul à ne pas
innover, à s'appuyer sur des archives complètes et anciennes, à agir en
fonction d'une Législation républicaine établie et d'instructions consacrées
par l'expérience.
Si les Alliés ne s'y sont pas trompés, il est certaine administration - soeur qui pourrait facilement en témoigner.
Mais nous préférons aborder le fond du problème et tenter d'expliquer les
raisons d'une situation dont le redressement est tout à l'honneur de nos
camarades Nord-Africains.
Oui, le miroir était brisé mais chaque morceau remplissait son office ….
Nous avons déjà dit (Cf Bulletin N' 4 pages 26 et 27) que les liaisons entre
la Métropole et l'AFN étaient quasi interrompues.. Nous avons dit aussi que
si la totalité des archives (en caisses à Toulon) n'avaient pu rejoindre
ALGER en temps utiles, c'est qu'il avait été impossible de vaincre
l'opposition de l’EMG de la Marine.
Le 2 Janvier 1943, CHRETIEN (2) , parant au plus pressé, avait déjà constitué
une Sécurité Militaire aux Armées. En liaison avec les Alliés et les BSM
territoriaux (étoffés par un excellent personnel des Réserves), ce Service
assurait la protection des opérations de Tunisie.
(2) Chef du SSM/TR africain
Un embryon de Service Central installé Villa Jaïs à EL BIAR coordonnait de
son mieux l'ensemble des Services Nord-Africains mais la confusion provoquée
dans les Administrations et l'Armée par le Débarquement allié avait des
répercussions graves sur le SSM/TR.
Si nous négligeons à dessein de nous étendre sur l'ambiance générale de
suspicion dans laquelle l'Afrique du Nord vécut trop longtemps, il n'en
reste pas moins qu’elle engendra un climat moral déprimant.
A l’intérieur du SERVICE même il fallut apaiser, stimuler .. tandis qu'à
l'extérieur les correspondants habituels de nos activités étaient
désorganisés par les épurations successives et contradictoires.
A ALGER (la "Capitale"), régnait en ce début de 1943 un pesant atmosphère de
complots d'où émergeait, imperturbable, la haute silhouette du Général
GIRAUD.
"Un seul But .. La Victoire : .."
DEVINCK dirigeait avec bonhomie et fermeté son Etat-Major, les yeux fixés
vers l'Est.
C'était solide.
La Surveillance du Territoire et les polices décapitées par les
incompréhensibles arrestations d’ACHIARY, du Directeur de la Sécurité
BRINGARD, du Préfet MUSCATELLI, etc.. se montraient réservées, réticentes.
Des fonctionnaires, des Généraux, des Amiraux, s'épiaient et guettaient
l'avenir, tandis que le COMTE de PARIS venait par erreur, humer cet air
irrespirable.
Savait-on jamais ?
La TUNISIE était occupée - Soumise par la force.
Le MAROC, après avoir connu des journées révolutionnaires qui virent
BETHOUART et BONIFACE prisonniers, retrouvait dans un compromis et une sorte
d'isolement, une calme apparence.
Les Alliés perplexes, navrés, déçus, observaient ces remous, intervenaient
parfois avec rudesse, souvent à contre sens. Ils faisaient la guerre.
Recoller les morceaux eut été inutile si la glace ne devait réfléchir
qu'anarchie et désordre.
Le SSM, responsable des Pouvoirs de police, au nom de l'Autorité Militaire,
ne pouvait rien entreprendre de profond, de durable, sans la mise en place
d'un appareil administratif et policier valable.
Du 4 au 20 Janvier 1943, PAILLOLE sur l'ordre des Généraux GIRAUD et
BERGERET se consacra à cette tâche urgente, d'où résultèrent entre autres
mesures les libérations rapides d’ACHIARY, BRINGARD, MUSCATELLI, etc,.
Ce furent ensuite les autres entreprises abordées conjointement ;
- l'organisation du Service Central (DSM)
- la mise en place des liaisons avec la Métropole (TR jeune)
- la préparation du Débarquement dans la Métropole (TR ancien et SSM
précurseur)
- l'oeuvre de Sécurité en Afrique et sur les Théâtres d°opérations,etc..
Nous n'avons pas la prétention de traiter à fond, ici, ces divers sujets.
Chacun mériterait un livre. Nous nous bornerons à donner une idée du travail
accompli en empruntant aux documents officiels et aux synthèses largement
diffusées de la DSM, quelques pages caractéristiques.
Les prochains BULLETINS publieront des études et des récits qui complèteront
cette vue d°ensemble et montreront une fois de plus le patriotisme et
l'esprit de sacrifice des volontaires du TR et du SSM.
Les pages d'héroïsme abondent mais d'autres plus obscures, également
historiques, doivent être connues.
Car si l'AFN fut à la pointe du combat libérateur, elle marqua aussi de 1942
à 1944 la transformation profonde et souvent dramatique des Services
Spéciaux français. Luttes sordides, déplacées, qu'en d'autres temps et en
d'autres lieux nous eussions souhaitées sereines, idéologiques.
Nos Chefs s'efforcèrent d'éviter sur nos combattants les répercussions
décevantes de leur "climat" déprimant. Il faut l'évoquer ici, car il marqua
profondément nos combats.
Nul mieux que notre Président d'Honneur, le Général L, RIVET, ne pouvait le
définir, "Patron" des Services Spéciaux reconstitués en 1940, il fut, dès le
11 Novembre 1942, le Directeur des SR et SM aux côtés du Commandant en Chef
: le Général GIRAUD.
Défenseur des prérogatives militaires, dépositaire jaloux des lois et
traditions du SR, le Général RIVET dut assister la mort dans l’âme, jour
après jour, à l'instauration d'un ordre nouveau où sa haute figure eut été
déplacée.
Il nous retrace, dans ce même Bulletin, les étapes de ce drame. Lisez avec
attention, chers camarades :
L'harmonie du style, la mesure des mots, ne doivent vous cacher ni
l'angoisse prophétique du Chef, ni l'ampleur du douloureux débat, au moment
où les signes avant-coureurs de tant d'ébranlements apparaissent
imperceptibles aux responsables de la Nation.
"Haut Commissariat en AFRIQUE FRANCAISE" (3)
(3) Avant de devenir Commandant en Chef Civil et
Militaire, le Général GIRAUD était Haut Commissaire en Afrique Française
D E C I S I 0 N
"A partir du 10 Février 1943, les services de Contre - Espionnage seront
organisés de la façon suivante :
1°) Le Service Central de Contre - Espionnage (SSM et TR) anciennement en
France Métropolitaines, fonctionnera au bénéfice du Haut Commissaire en
AFRIQUE FRANCAISE dans le cadre de la Direction des SR et SM (4).
(4)- Général L. RIVET
2°) Le Commandant PAILLOLE, Directeur de ce Service, est adjoint au
Directeur des SR et SM. Il correspond sous le timbre du Haut Commissariat -
Direction des SR et SM,
3°) Les attributions antérieures de ce service demeurent sans changement.
4°) Le Directeur des SR et SM est chargé de l'exécution du présent ordre,
ALGER, le 30 Janvier 1943
Le Général d'Armée GIRAUD
Haut Commissaire en Afrique Française
Commandant en Chef des Forces Militaires
Signé : GIRAUD
Destinataires :
- M, le Résident Général du Maroc
- M. le Gouverneur Général de l'Algérie
- M, le Gouverneur Général de l'A.O.F.
- M. le Vice-Amiral Commandant en Chef les Forces Maritimes en Afrique
Française
- M. le Général Commandant en Chef les Forces terrestres en A.F.N.
- M, le Général Commandant en Chef les Forces aériennes en A.F.N.
- M. le Vice-Amiral Préfet Maritime
- M, le Général Commandant la 19ème Région
- M, le Directeur des S.R. et S.M.
- Archives
Le Général de GAULLE
Président du Comité Français de la Libération Nationale
Chef des Armées
à
Monsieur le Commissaire à la Guerre
Monsieur le Commissaire à la Marine
Monsieur le Commissaire à l'Air
............
2°) Le Décret interministériel du 10 Février 1939 demeure le texte de base
qui définit les attributions de l'Autorité Militaire en matière de
Contre - Espionnage et de Protection du Secret.
Les instructions techniques qui en découlent restent en vigueur dans-les
conditions fixées par l'instruction 333/SM du 11 Mai 1943 (5).
(5) Signée : GIRAUD
3°) En matière de Contre - espionnage et de Protection du Secret :
"A tous les échelons de la hiérarchie, les Bureaux de Sécurité Militaire
sont les organes d'exécution du Commandement.
"Les Commandants des Grandes Unités en Opérations, les Commandants de
Régions, de Divisions Territoriales, sont responsables vis-à-vis du
Président du C.F.L.N. Chef des Armées, et par votre intermédiaire, de
l'action des Bureaux de Sécurité Militaire mis à leur disposition.
"A l'échelon Central, le Service de Sécurité Militaire dirige la recherche,
la Centralisation, et l'exploitation des renseignements de Contre - Espionnage".
Ce Service est seul habilité pour traiter avec les autorités françaises et
alliées des questions de Contre - espionnage".
ALGER, le 24 Avril 1944.
Signé : C, de GAULLE
Au travers des remous politiques, ces deux documents émanant des deux hommes
qui présidèrent aux destinées des Armées de la Libération, confirmaient le
SSM dans sa traditionnelle mission.
Est-il besoin d'en souligner l'importance ? Il nous plait simplement de
constater qu'ils constituent le meilleur hommage à l'efficacité du Service
et la preuve indiscutable de sa rectitude nationale de 1940 à 1944.
Nous reproduisons in extenso le chapitre "Organisation" de la première
synthèse mensuelle que PAILLOLE rédigea le 10 Février 1943 à ALGER, date
fixée par le Général GIRAUD pour la mise en route de la nouvelle
organisation du SSM.
Elle donne un aperçu du rôle du SERVICE depuis le Débarquement allié, et de
ce qui l'attendait :
"SYNTHESE MENSUELLE D.S.M. DU 10 FEVRIER 1943"
0 R G A N I S A T I 0 N
1/- Organisation de la Sécurité Militaire -
A.- Généralités.
"L'entrée en lutte de l’A.F.N. contre l'Axe a entraîné une modification
profonde dans l'organisation des Services de C.E. de la période d'Armistice.
"Le Service Central (groupant sous l'activité d'un même Chef les différents
Chefs de S.R. et le Chef de C.E.) s'est reconstitué à Alger sous la forme
d'une Direction du S.R. et S.M. dépendant directement du Général Commandant
en Chef Français Civil et Militaire.
"Par décision du 30 Janvier 1943, le Service de C.E. a été reconstitué dans
cette Direction à la date du 10 Février 1943.
"Son organisation comporte :
1- des moyens d'investigations s'étendant sur tous les territoires
présentant de l'intérêt pour le C.E. (TR). Un service spécial de liaisons
est en cours d'organisation. Il portera le nom de TR Jeune.
2- un réseau SM précurseur, en cours d'installation en France.
3- une direction de la Sécurité Militaire en Afrique Française qui a, sous
son autorité directe, la sécurité des armées en opérations.
B.- En Afrique du Nord.
a) La proclamation de l'état de siège entraînant la remise des pouvoirs de
police à l'autorité militaire, il était indispensable de préciser le rôle
des services de C.E. officiels mis sur pieds par l'Instruction 100 SM/EMA du
22 Septembre 1942.
La décision N° 54 du Général Commandant en Chef met en évidence la priorité
des besoins militaires en matière de sécurité. Tous les pouvoirs de police
sont donc remis au Commandant en Chef qui les exerce directement. Le SSM
devient à cet égard une sorte de direction Technique.
En revanche, le Commandement envisage de "déléguer" sous des formes
variables, selon les circonstances, ses pouvoirs en matière de police
politique (renseignements généraux) criminelle et d'ordre.
b) Zone d'opérations. L'occupation partielle de la Tunisie et la création du D.A.F. (détachement d'armée français) amenèrent à créer une nouvelle
organisation de sécurité, adaptée aux besoins de la Tunisie.
C'est ainsi qu’un Bureau de Sécurité fut organisé à l'Etat-Major du Général
Commandant la D.A.F.., ce bureau assurant la liaison avec les services de
sécurité de la première armée britannique, et dirigeant 3 secteurs,
correspondant l'un à la zone des troupes de Tunisie, le 2ème à celle du 19ème
C.A., le 3ème à la Région de Bône.
Deux brigades mobiles de sécurité aux Armées furent mises sur pieds, avec
des éléments récupérés dans la police tunisienne repliée, et avec les
fonctionnaires de la police d'Algérie, fournis par le Gouvernement Général
de l'Algérie.
Les modifications apportées récemment dans l'organisation du Commandement en
Tunisie, et la disparition du D.A.F. vont entraîner certains remaniements.
La D.S.M. envisage de laisser sur place l'organisation française de
sécurité, en la rattachant au Général délégué du Général Commandant le
D.A.F. et en l'adaptant à la nouvelle organisation de Commandement. La
question est en cours d'étude.
c) S.M. des divisions. L'organisation M.A. à laquelle a succédé le S.M.
était une organisation territoriale.
Cette organisation ne suit pas les troupes en campagne. Or, il est
indispensable que ces troupes assurent leur propre sécurité, quel que soit
le lieu de leur stationnement.
Cette nécessité sera encore plus impérieuse lorsque les armées opéreront
hors de l'Afrique du Nord (à l'étranger, ou même dans la Métropole).
En conséquence, un service S.M. opérationnel a été créé. Il comporte un
officier S.M, par E.M. de division et un officier par régiment, E.M. ou
service. Il sera développé ultérieurement.
La D.S.M. prépare un cours d'Instruction pour la formation des officiers
destinés aux E.M. de division en opérations.
d) Territoires du Sud de l'Algérie. Les territoires du Sud n'ayant pas de
bureaux de sécurité, ont été rattachés, à ce Point de vue, aux bureaux des
divisions territoriales correspondantes, par analogie à ce qui existait déjà
Pour la Justice Militaire.
e) Maroc. Deux nouveaux bureaux S.M. sont créés, l'un à Agadir, pour les
confins, l'autre à Oudjda, point particulièrement sensible et centre d'un
E.M. allié important.
f) A.O.F. Un bureau S.M. a été créé au sein de l'E.M. du Général Commandant
en Chef en A.O.F.
2/- CIRCULATION -
Le contrôle de la circulation a fait l'objet d'une réglementation complète.
Celle-ci vise à favoriser aux maximum la circulation à l'intérieur de
l'Afrique Française, un contrôle rigoureux s'exerçant au contraire au
passage des frontières vers l'étranger.
La circulation de territoire à territoire reste donc réglementée par les
autorités civiles; les étrangers doivent cependant obtenir un visa du bureau
de sécurité militaire de leur résidence.
Par contre, aucune entrée ou sortie du territoire français ne peut être
effectuée sans un visa de la Direction de la Sécurité Militaire, qui tient
le fichier de toutes les personnes faisant mouvement
En ce qui concerne la zone des opérations, des mesures plus restrictives ont
dû être prises. En principe, les déplacements sont interdits à l'Est d'une
ligne passant sensiblement par le méridien de Constantine. Un sauf-conduit
est nécessaire pour chaque déplacement.
La circulation est contrôlée par des postes fixes et par des postes mobiles.
Les troupes, la Gendarmerie et la Douane concourent à ce service.
3/- POLICES D'AFRIQUE DU NORD -
Sur l'initiative du SSM, il a été pris les décisions suivantes :
- Création de 2 brigades de sûreté aux armées,
- Attribution des primes aux brigades de surveillance du territoire, et aux
fonctionnaires de police ayant mené à bien l'arrestation d'un espion ou
ayant fourni le renseignement initial.
- Les mesures d'ordre administratif (internements) doivent être prises
rapidement, en vue de mettre hors d'état de nuire les individus qui par leur
passé sont susceptibles de mener une action nuisible à la Défense Nationale.
Les listes ont été dressées par le SSM et remises aux divers services de
police pour l’exécution.
4/- MESURES DE SECURITE DIVERSES -
- Internement des sujets mâles ressortissants des Puissances de l'Axe de 18
à 60 ans.
Des dérogations nombreuses ont été admises en faveur de ceux que leur passé
montre comme inoffensifs. Un contrôle rigoureux a été demandé à l'Algérie et
au Maroc à l'égard des bénéficiaires de cette mesure.
- Interdiction de la Photographie ou prises de vues cinématographiques de
troupe ou matériel militaire.
- Versement des armes de guerre.
- Saisie des Postes radio récepteurs appartenant aux ressortissants de
l'Axe.
5/- ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LES PARACHUTISTES
L'action des troupes, de la Gendarmerie, des autorités civiles ou indigènes,
et de la police, a été coordonnée en vue de l'arrestation rapide des
Parachutistes.
La D.S.M. attribue des primes importantes pour tout renseignement permettant
la capture de Parachutistes ou d'équipes de sabotage déposées par planeurs.
Ces primes (variant de 3.000 à 10.000 frs) ont été remises publiquement; les
indigènes ayant facilité l'action de parachutistes ont été par contre
fusillés.
L'ensemble de ces mesures a produit les effets attendus, et la plupart des
groupes déposés en arrière des lignes ont été rapidement capturés.
6/- SURVEILLANCE DES FRONTIÈRES ET DU LITTORAL
Il résulte d'une étude de la D.S.M. que Douanes, Douairs, Marine, D.A.T. ont
des Postes nombreux - mais agissant indépendamment. Des points importants de
la côte, par lesquels des espions ou saboteurs peuvent débarquer ne sont pas
surveillés. La D.S.M. a proposé à l'Amirauté, responsable du littoral, de
réunir tous ces éléments épars sous une autorité unique - chargée de
coordonner leur action.
Cette suggestion étant admise, un service de gardes frontières est en cours
d'organisation. Le littoral sera divisé en secteurs, dans lesquels une garde
permanente sera assurée. Les Chefs de secteurs se tiendront en liaison
étroite avec les Chefs des Bureaux S.M. qui seront avisés directement de
tout incident.
La surveillance des frontières du Maroc, en ce qui concerne les passages
clandestins, va faire l'objet d'une étude analogue.
7/- JUSTICE -
A signaler :
- l'abolition du recours en grâce pour les crimes d'intelligence avec
l'ennemi.
- la création d'un tribunal militaire à Bône.
8/- RAPPORTS AVEC LES ALLIES -
La D.S.M. est en relations étroites avec les services correspondants du
Allied Force Headquarters. Dans chaque division, les Chefs de bureaux S.M.
sont en liaison avec le représentant correspondant de l'armée britannique ou
de l'armée américaine. Cette liaison s'est révélée "fructueuse à tous
égards".
Le 10 Mai 1943, la synthèse mensuelle fait le point organique après la
victoire de Tunisie.
"SYNTHESE MENSUELLE D.S.M. DU 10 MAI 1943 "
0 R G A N I S A T I 0 N
I - SECURITE DANS LA ZONE D'OPERATIONS DE TUNISIE -
La Libération de la plus grande partie du territoire tunisien, en
particulier des villes de SFAX et SOUSSE a permis de poser les bases d'une
organisation territoriale de la Sécurité Militaire en Tunisie et de prévoir
l'attitude à tenir à l'égard des Italiens, des partis ou organisations ayant
collaboré avec l'ennemi.
Actuellement, l'organisation S. M. en Tunisie est la suivante
- I - Bureau Central S. M, en KEF, qui se transportera le moment venu à
Tunis.
- I - antenne à SOUK en Khemis
- I - antenne à Sousse
- I - antenne à Sfax
- I - antenne à Gabès.
Chaque bureau a ses organes de Brigade de Surveillance du Territoire,
II - SECURITE DANS LE CORPS EXPÉDITIONNAIRE -
L'organisation du Service de Sécurité Militaire dans le corps
expéditionnaire est définitivement acquise.
Elle se réalisera sur les bases suivantes
- 1 bureau S. M, à l'E.M. du corps expéditionnaire
- 1 officier S. M. à l'E.M. de chaque corps d'armée ou corps blindé
- 1 officier S. M. à chaque division.
A chaque échelon un personnel de surveillance du territoire.
III- ORGANISATION TR (JEUNE)
Les premières missions TR jeune ont reçu une instruction spéciale et sont
parties depuis Mars dans la Métropole, avec laquelle les liaisons terrestres
(Espagne) maritimes et aériennes fonctionnent désormais d'une façon
satisfaisante. Les contacts radios ont été repris avec le TR ancien
directement (Alger - France) et via Londres.
Le poste TR de Barcelone fonctionne normalement.
IV- LIAISONS AVEC LES ALLIES -
Outre la création d'une section de liaisons avec les alliés a Alger, la
D.S.M. est en contact permanent (radio Cub Minor) avec l'I.S. Londres.
Les consultations d'archives, en particulier, sont désormais immédiates
entre les deux Services."
Après la capitulation de l'Italie, il n'est pas sans intérêt de lire la
synthèse du 7 Octobre 1943.
"SYNTHESE MENSUELLE D.S.M. DU 7 OCTOBRE 1943
0 R G A N I S A T I O N
"Le Service S. M. a rencontré, au cours du mois, des difficultés sans cesse
accrues du fait des conflits fréquents d'attributions entre les autorités
civiles et l'autorité militaire.
Le Décret du 3 Septembre a réformé le régime de l’Etat de Siège pour toute
l'Afrique du Nord en déléguant aux autorités civiles la presque totalité des
pouvoirs (6) détenus, en vertu de la Loi, par l'autorité militaire. Un
règlement d’administration publique établi en accord avec le S.S.M. doit
préciser, sous peu, les modalités d'application de ce Décret.
Il est à souhaiter que les attributions respectives des autorités militaires
civiles ainsi nettement définies soient strictement respectées et que les
activité du Service S.M. ne soit plus entravée quand il s'agit, en exécution
des Lois existantes et en vertu des pouvoirs détenus par l'autorité
militaire de la sécurité des troupes et de réprimer les menées des services
ennemis.
Dans le but de parachever et d'activer encore la préparation de l’action du
S.S.M. en France, une nouvelle section vient d’être créée à la Direction de
la Sécurité militaire (Section "C"), qui sera plus spécialement chargée de
la centralisation des renseignements provenant de France et de la
préparation des futures équipes S.M. de débarquement destinées à la
Métropole.
(6) A l'exclusion de ceux ayant trait à la Sécurité des Armées
françaises et alliées
"Le lendemain de la capitulation de l'Italie et dès le début des opérations
en Corse, il a été créé un bureau S.M. (S.M. 15 bis) à Ajaccio. Les
officiers, sous-Officiers et fonctionnaires de police constituant ce bureau
ont débarqué dans l’Ile en même temps que les premiers éléments de troupes
françaises et se sont joints aux éléments précurseurs de la sécurité
militaire qui avaient fourni dans l’Ile un excellent travail d'observation
et de recherches. L'activité de ce bureau s’avère d’ores et déjà fructueuse,
grâce essentiellement à une excellente liaison avec l'autorité préfectorale.
"La fraction détachée du B.S.M., du C.E.F. (7) ( restée à Alger est transformée,
à la date du 1er Octobre, en bureau S.M. rattaché à l’E.M.G. Guerre. Ce
bureau est chargé de la mise sur pieds du service S.M. dans les grandes
unités destinées à faire partie du C.E.F. et de la liaison, en ce qui
concerne le service S.M. , entre le Général Cdt en Chef (D.S.M.) et le
Général Cdt le C.E.F. (B.S.M.) d'une part et les autres Généraux commandant
les grandes unités de la 2ème tranche d'autre part.
(7) Corps Expéditionnaire français (Général JUIN).
"A la date du 1er Octobre, le B.S.M. de Casablanca a détaché un Poste
antenne à Souk-el-Gharb. Ce Poste, qui dispose d'une brigade de surveillance
du Territoire, est plus particulièrement chargé de la surveillance de la
frontière du Maroc espagnol.
Par ailleurs, le même bureau de Casablanca a détaché à Rabat un officier
chargé des questions S.M. et en particulier de la Protection du Moral, à
l'intérieur de la garnison de Rabat.
"Des réunions d'officiers S.M. avec communication et commentaires d'extraits
de la Synthèse de la D.S.M. ont été organisées au cours du mois par
plusieurs chefs de B.S.M. et des tournées ont été entreprises pour visiter
sur place les officiers S.M. des corps et services. Les B.S.M. d'Oran,
Constantine, Fez, Tunis, ont notamment fait un grand effort dans ce sens. Le
dernier a prévu pour Octobre à Tunis, un stage de documentation, à l'usage
de tous les officiers S.M. des corps et services.
"L'Ecole de police de Guyotville, après un quatrième stage, a fermé ses
Portes. Les résultats obtenus au cours de ces stages sont très
satisfaisants. Plus de 150 policiers ont été initiés à leur tâche future.
"Le Service S.M. continue à perfectionner le système de surveillance des
frontières, des aérodromes et des Ports.
"La surveillance de la Moulouya (frontière du Maroc espagnol) a été
renforcée.
"Une commission mixte de sécurité a été instituée au port de Bône. Elle
comprend des délégués de la Marine, du S.S.M. et des autorités alliées.
5.000 travailleurs vont être munis de pièces d'identité.
"Une décision du Général GIRAUD du 20 Septembre, prise en accord avec le
G.Q.G. allié, et les autorités civiles françaises (A,E. spécialement) fixe
nettement les modalités d'entrée et de sortie en A.F.N., zone des armées.
"Elle entrera en vigueur le 15 Octobre 1943. Les Chefs de B.S.M. devront
veiller personnellement à sa stricte application."
Enfin, à la veille du débarquement, la synthèse du 5 Mai 1944 fait une
dernière fois le point organique.
« SYNTHESE MENSUELLE D.S.M. DU 5 MAI 1944 »
0 R G A N I S A T I 0 N
"Une lettre en date du 24 Avril, adressée par le Général de GAULLE,
Président du Comité Français de la Libération Nationale, Chef des Armées,
aux Commissaires à la Guerre, Marine et à l'Air, définit le rôle du Service
de Sécurité Militaire en fonction de l'organisation actuelle de la Défense
Nationale, d'une part et des Services Spéciaux, d'autre part telle qu'elle
résulte des Décrets du 20 Novembre 1943 et du 21 Avril 1944 et de
l'Ordonnance du 4 Avril 1944.
"La lettre spécifie que le S.S.M. est seul habilité pour traiter avec les
autorités françaises et alliées des questions de contre - espionnage et
prescrit que tous les organes spéciaux éventuellement créés dans les
différents commissariats pour traiter de questions de C.E. devront
s'intégrer immédiatement dans le S.S.M.
"L'unification de tous les Services Spéciaux a été pratiquement réalisée au
cours du mois.
"Elle s'est traduite à Alger, par l'intégration dans la D.S.M. de l'ancienne
section de contre-espionnage du B.C.R.A.
Cette section, rattachée au 2ème bureau de la DSM, a pour mission :
- l'examen des services de la D,T.S,
- l'examen des personnes arrivant en A.F.N. et ayant travaillé pour les
services de renseignements ou d'action de la D.T.S.S.
Par ailleurs, la fusion des différents organismes de C.E. existant hors
d'Afrique du Nord a été réalisée, notamment en Corse, en Grande Bretagne et
en Espagne où un gros effort est effectué pour mettre sur pieds un service
de C.E. efficace.
Un B.S.M. et un Poste T.R. sont en voie de constitution au Moyen Orient.
Enfin, un poste sera prochainement installé à Washington.
"Le service S.M, précurseur est en place dans toutes les régions de la
Métropole et prêt à fonctionner le jour "J".
"Ce fait a amené le S.S.M. à modifier légèrement sa conception des équipes
S.M. de débarquement. Ces équipes, peu étoffées mais composées d'officiers
particulièrement compétents, assureront la liaison entre le service central
et le service précurseur déjà sur place. Elles ne sont bas affectées d'une
façon rigide à une région donnée mais peuvent être employées partout où le
besoin s'en fera sentir.
"Au cours du mois, plusieurs nouvelles équipes de débarquement ont rejoint
leurs bases de départ.
"D'autre part, le S.S.M. poursuit la mise en place d'officiers S.M. de
liaison auprès des grandes unités alliées destinées à débarquer en France.
"L'organisation du Service S.M. aux Armées s'est complétée par la création
d'un service S.M. au 1er corps d'Armée {avec brigade de S.A.).
"En Angleterre, le S.S.M./F poursuit la mise en place du réseau de sécurité
dans les unités françaises stationnées en Grande Bretagne. Des instructions
prochaines préciseront le renforcement en personnel S.M. du SSM/F."
Ainsi une équipe recrutée en A.F.N. et constituée autour d'un noyau très
réduit de métropolitains, sut faire face à une tâche écrasante dont le
couronnement fut incontestablement le protocole de Juin 1944 signé à Londres
avec S H A E F (8) , et consacrant définitivement sur le plan allié les
prérogatives du SSM français sur tous les divers Théâtres d'opérations. Nous
reviendrons un jour sur ce document capital, étape décisive de la
reconnaissance de la Souveraineté française par les Gouvernements alliés.
(8) Commandement Suprême Interallié (Général EISENHOWER).
A dix ans de distance, l'oeuvre constructive accomplie en moins de 2 ans et
en pleine guerre avec la D.S.M. demeure dominée par quelques "monuments"
dont nous rappelons les silhouettes.. toujours d'actualité:
- Constitution dans le cadre de la Loi (Décret interministériel du 10
Février 1939) d'un service de C.E, centralisé, avec archives communes (SSM-TR-Surveillance
du Territoire- Sûreté aux Armées)
- Fusion des Services de C.E. de Défense Nationale (Terre, Air, Marine).
Instructions communes.
- Création des services de Sécurité opérationnels, de la Sûreté aux Armées
et de leurs statuts.
- Documentation de base (mémento - guide de l’officier SM, synthèses, listes
de suspects, etc..)
- Modernisation des services de C.E. et adaptation à leurs missions des
techniques les plus modernes (TR - TR jeune - TR choc, etc.)
- Coordination des services auxiliaires de C.E. (Contrôles techniques,
Justice Militaire. Police, Gendarmerie, etc..) et des services alliés
(sections de liaison et plus tard BICE),. etc.
Entrés timidement dans la Guerre avec une organisation embryonnaire, des
principes non encore affermis et un personnel réduit, les Services de C.E.,
vingt fois plus étoffés, rentraient à Paris à partir de Juillet 1944, unis,
respectés, solidement charpentés, arc-boutés sur des principes rodés par
l'épreuve, forts de leurs douloureux sacrifices et des pages de Gloire
écrites par cent des siens tombés au Champ d'Honneur.
L'abondance des sujets qui retiennent notre attention immédiate nous oblige
à reporter au BULLETIN N° 6 la suite et la fin de cette étude sur l’AFRIQUE
du NORD dans nos COMBATS.
Le Prochain BULLETIN traitera donc du dernier chapitre : l'OEUVRE de
SECURITE en AFRIQUE et sur les THEATRES d'OPERATIONS et nous commencerons la
publication de récits ayant trait à la mise en place des liaisons avec la
Métropole ainsi qu’â la préparation du Débarquement.
3 ème PARTIE (Suite et fin)
L'OEUVRE de SÉCURITÉ en AFRIQUE et sur les THÉATRES d'OPÉRATIONS
Nous avons décrit l'appareil (voir Bulletin N° 5), examinons dans quelle
mesure il remplit sa mission de Sécurité en Afrique et sur les Théâtres
d'opérations en 1943 et 1944.
1)- L'ennemi et la Campagne de Tunisie.
Jusqu'au 8 Novembre 1942, les services de renseignements ennemis (allemand
et italien) disposaient en A.F.N. d'une organisation appuyée sur :
- les Commissions d'Armistices,
- les Consulats allemands d'Alger et de Casablanca ( Les Consulats italiens
d'AFN ne purent jamais reprendre leur activité officielle après l'Armistice
de Juin 1940.
- les Colonies étrangères (italienne notamment)
- certains agents, munis ou non de postes de radio et rattachés à des postes
situés soit au Maroc Espagnol, soit en bordure du bassin Méditerranéen. Nous
avons vu (Bulletin N' 4, page 30) que ces agents, peu nombreux, étaient pour
la plupart connus du SSM/TR; aucun poste radio émetteur n'échappait à son
contrôle.
L'arrivée des forces anglo-américaines, avait jeté le désarroi dans les
services d'information de l'Axe. Elle supprimait l'appui des Commissions
d'Armistice et des Consulats, elle coupait les postes ennemis métropolitains
et les agents isolés de toute communication avec l'extérieur, elle
permettait d'interner en AFN les dangereux sympathisants de l'ennemi
(ressortissants italiens, P.P.F., groupe "Collaboration", etc. ).
Dès le mois de Décembre 1942, les Italiens, et surtout les Allemands,
s'étaient efforcés de reconstituer leurs réseaux d'informations, de sabotage
et de propagande. Il fallait faire échec au Débarquement allié et à la
rentrée des Forces Françaises dans la lutte.
Ils tentent de faire pénétrer en Afrique de nouveaux agents recrutés en
milieux indigènes (Tunisien en particulier) parmi d'anciens légionnaires
allemands et des français collaborationnistes (P.P.F., etc.) :
- par le "no man's land" tunisien,
- par la frontière du Maroc espagnol,
- par parachutages, planeurs et pick-up.
Les postes radio-émetteurs de Berlin, Paris, Bari (avec le grand MUPHTI) et
Tunis redoublent leurs efforts de propagande : l'ennemi fait ressortir que
"l'Allemagne a fait libérer les Chefs du Néo-Destour Habib Bourguiba en tête
(Novembre 1942), alors qu'en AFN le premier geste des alliés a été de
libérer les communistes".
Dans le même temps, Radio Melilla s'efforce d'agir sur les milieux espagnols
et les indigènes d'AFN, pour justifier les prétentions espagnoles à une part
du Maroc français et de l'Oranie.
La réaction du SSM/TR est vigoureuse.
En trois mois (Décembre 1942, Janvier et Février 1943):
- 143 agents de renseignements infiltrés en AFN sont arrêtés, 45 sont
exécutés.
- 21 missions de sabotage comportant au total un effectif de 138 hommes
(moitié allemands et italiens en uniforme ou en civil, moitié indigènes)
sont mises hors d'état de nuire dans les quelques heures qui suivent leur
arrivée dans les zones franco-alliées. Les seules destructions opérées par
l'ennemi sont un ponceau détruit à M'Zita le 19 Janvier 1943 et un viaduc de
chemin de fer endommagé le 16 Janvier 1943 à Bouira.
Les populations indigènes restent calmes en dépit d'une situation politique
confuse.
La vigueur de la répression n'empêche pas l'ennemi de redoubler d'effort
pendant la fin de la campagne de Tunisie. Les mois de Mars, Avril, Mai 1943
sont marqués par de nouvelles et nombreuses tentatives
d'infiltrations à l'aide d'éléments indigènes; il faut à tout prix connaître
les intentions alliées et spécialement les concentrations en vue de
l'ouverture d'un 2ème front.
- 268 agents de renseignements sont arrêtés, dont près de 200 indigènes
(Tunisiens en majorité)
- 35 sont exécutés.
Quelques tentatives de sabotages, italiennes spécialement, ne donnent qu'un
maigre résultat :
le 13 Avril, 10 parachutistes italiens détruisent la voie ferrée à Duvivier
et font dérailler un train.
Avant d'abandonner la Tunisie, le SR allemand s'efforce de mettre en place
un réseau d'observation qui devrait fonctionner avec ses moyens propres de
transmissions, et renouer les mailles du réseau Nord Africain. Il est en
grande partie décimé en Mai et juin 1943. Plusieurs centaines d'agents, pour
la plupart tunisiens et à peine instruits, sont arrêtés.
Dans le même temps, le TR Nord Africain en liaison avec les alliés, participe
d'une façon magistrale aux opérations de Tunisie. Ses agents d'intoxication
mènent à bien l'exécution d'un plan de fausses nouvelles qui précipite la
débâcle de l'Axe et la Libération de Tunis.
Le témoignage de cette action décisive est dans la lettre de remerciement à
la DSM du Général anglais D. CLARKE, chargé de mettre en oeuvre cette Arme
nouvelle (15 Juin 1943).
2)- La Sécurité de la Préparation du Débarquement et de la Campagne d'Italie
-
Les mois de Juin, Juillet, Août et Septembre 1943 furent marqués par un
renversement complet des méthodes de recherches et de sabotage ennemies et
une baisse très nette de leur rendement.
Les Italiens, trop occupés par leurs propres difficultés, eurent une
activité de plus en plus réduite, jusqu'à devenir pratiquement nulle en
septembre 1943. Un seul acte de sabotage à leur actif dans le port de
Bizerte le 2 septembre. Un groupe de 8 saboteurs déposé par vedette réussit
à détruire 2 avions de bombardement alliés.
Les Espagnols, qui avaient jusqu'alors facilité la tâche des SR de l'Axe,
spécialement par leurs consulats, se prêtèrent de moins en moins volontiers
à de telles activités.
Seul, le SR allemand redoubla de volonté dans la poursuite de la lutte.
Déçu par l'emploi massif d'agents indigènes, le plus souvent recrutés et
instruits hâtivement, l'ennemi s'oriente vers le recrutement et la formation
dans des centres spécialisés d'agents de nationalité française. L'emploi des
indigènes se limite à des cas particuliers, notamment pour l'exécution de
liaisons; ils sont recrutés chez les Nord-Africains séjournant en France,
dans les prisonniers de guerre, parfois au Maroc espagnol.
Les mois d'Octobre et de Novembre 1943 virent la reprise de l'offensive
allemande, qui use de procédés nouveaux pour introduire ses agents et agir
sur les populations indigènes notamment au Maroc et en Algérie. Les postes
allemands de Tanger, Melilla IFNI doublent leur activité.
Les quelques exemples ci-après caractérisent l'effort ennemi et la réaction
du SSM/TR dans le seul mois d'Octobre 1943 :
- Un spécialiste radio appartenant au PPF et ayant vécu longtemps en Algérie
est parachuté près d'Alger. Il est découvert grâce à la précaution prise par
le SSM d'interdire la délivrance de cartes d'alimentation sans son accord
préalable.
- Le 10 Octobre, les services de CE d'Oran arrêtent un français agent de
l'ennemi, muni de poste radio émetteur déposé la veille sur la côte par
sous-marin allemand parti de Toulon.
- Le 11 Octobre, les services de CE d'Ajaccio appréhendent un français amené
en avion à Bastia le 25 Septembre pour remplir en Corse des missions
d'espionnage après le départ des troupes allemandes.
- Le 15 Octobre, un agent de 1'ennemi , de nationalité suisse, et introduit
en AFN sous ce couvert, est arrêté à Alger au moment où il se disposait à
gagner l'AOF.
- En Tunisie, une centaine d'agents laissés par l'ennemi sont encore
identifiés. L'efficacité du contrôle radio-goniométrique franco-allié est
telle que pas une émission suspecte ne lui échappe.
Les renseignements reçus de France permettent dans de nombreux cas au SSM
Nord-Africain d'intervenir instantanément et à coup sûr. Ainsi est mis hors
d'état de nuire au moment de son parachutage une équipe de français de la
LVF larguée d'un avion allemand dans la région d'Oujda.
A la fin de l'année 1943, le tableau de chasse de l'Afrique française est
impressionnant :
3.960 agents de l'ennemi ont été mis en un an hors d'état de nuire par le
SSM/TR et la Surveillance du Territoire qui lui était rattachée.
Si l'on fait une exception pour le cas particulier de la Tunisie où bon
nombre d'indigènes (environ deux milliers) furent plus ou moins contraints
sous l'occupation d'accepter de travailler pour l’Axe et se révélèrent
incapables de remplir les missions qu'ils avaient acceptées, on constate que
la proportion d'indigènes dans le nombre d'individus arrêtés pour espionnage
ou sabotage en Algérie et au Maroc, est de 30%.
40% sont des français venus de la Métropole par des moyens divers, ou
recrutés en AFN.
25% sont des citoyens ressortissants des puissances de l'Axe (envoyés
spécialement pour des missions de sabotages).
5% sont des étrangers.
La fin de l'année 1943, voit en même temps que le maintien de la pression
allemande l'écroulement total des services spéciaux italiens et
l'accentuation de la réserve espagnole à l'égard du SR allemand.
Le SSM/TR présent à la Libération de la Corse, et aux opérations
victorieuses d'Italie du Sud dispose sur les théâtres extérieurs de moyens
suffisants pour faire face à ses missions. La Sûreté aux Armées,
définitivement créée par le Décret du 4 Octobre 1943 va mettre en oeuvre
plus de 150 policiers spécialisés dont la formation a été achevée à l'Ecole
créée par la DSM à Guyotville.
En fait, en Corse comme en Italie, les SR ennemis, partout étouffés dès
leurs premiers pas, furent incapables de gêner les opérations et de
renseigner utilement le Commandement allemand.
3)- La Sécurité du Monde Musulman.
L'année 1944 (jusqu'au mois d'Août 1944) fut caractérisée en AFN par deux
phases relativement distinctes :
La première (Janvier à Mars 1944 inclus) vit l'effort allemand de recherche,
de sabotage et de propagande se cristalliser sur l'Algérie et le Maroc pour
y susciter des troubles et gêner la préparation des grandes unités destinées
à débarquer en France.
Les évènements qui ensanglantèrent Casablanca, Rabat et surtout Fès à la fin
Janvier 1944 portent la griffe allemande.
Certes, ils furent réprimés. Mais le SSM/TR désigna dès cette époque les
principaux responsables, leur collusion avec l'ennemi, le danger d'une
organisation conçue pour l'émeute et dont rien ne permettait de supposer
qu'elle était détruite.
Les évènements actuels donnent aux renseignements du SSM/TR de 1944 un
caractère prophétique.
La deuxième phase (Avril à Juillet 1944) marque une sorte de repli des
services spéciaux allemands qui semblent concentrer leurs efforts sur la
France Métropolitaine.
Pendant le même temps, le nettoyage définitif de la Tunisie s'achève. 650
suspects y sont encore identifiés, tandis qu'en Algérie et au Maroc 360
espions sont appréhendés.
Sur les Théâtres d'Opérations Extérieurs (y compris la Corse) 160 agents de
l'ennemi sont arrêtés.
Ainsi en 18 mois de Guerre, le SSM/TR Nord-africain, parfois avec l'aide du
TR métropolitain, a mis hors d'état de nuire 5.130 agents de l'ennemi.
A son actif encore sa participation directe à la victoire de Tunisie et au
succès du débarquement en Italie du Sud par la diffusion des plans de
fausses nouvelles, oeuvre exclusive des agents TR en combinaison avec le
Commandement allié.
Si l'on veut bien considérer ce travail sous un autre angle, on conviendra
que :
- l'ennemi a été pratiquement dans l'impossibilité de recueillir le moindre
renseignement militaire en AFN par ses agents. Nous ne voulons pas dire
qu'il n'eut aucune information : les archives de la presse et la radio nous
démentiraient ;
- très peu de sabotages ont été opérés. Ceux qui ont été constatés furent
sans conséquence sur les opérations.
- l'action de propagande sur les milieux indigènes fut suivie de très près.
Si aucun évènement ne troubla profondément l'ordre en AFN, de 1940 à 1944,
il n'a pas dépendu du SSM/TR que des mesures préventives ne stabilisent pour
l'avenir une situation que bien des éléments soulignaient comme en pleine
évolution.
Nous relevons dans une synthèse de Mai 1944 quelques avertissements
solennels .
Tunisie :
"La sympathie de la masse pour le Destour demeure. Des actes de brigandage
commis par des bandes armées d'engins automatiques ont troublé le Sud et
tenu en échec les forces de Police qui demandent à être renforcées",
Maroc .
"Il entre dans le Plan des nationalistes musulmans de se servir du
communisme pour arriver à leurs fins, c'est-à-dire à l'affranchissement",
"Le calme actuel du Maroc n'est qu'apparent"
"Les évènements sanglants de la fin Janvier 1944 ont laissé un esprit de
revanche".
"Certains coupables arrêtés échapperont sans doute dans un but d'apaisement,
aux rigueurs de la Loi".
Cependant, les nationalistes marocains demeurent organisés pour la révolte
(fonds, troupes de choc, fichage des fonctionnaires, propagande,
organisations sanitaires, etc. ).
Algérie .
"Malgré l'arrestation de FERHAT ABBAS, les partis Politiques nationalistes
persistent dans l'agitation, spécialement dans le département de Constantine
où la propagande du PPA n'est pas sans effet sur les
militaires indigènes."
Un an auparavant, dans sa synthèse de Mai 1943, le SSM avait pourtant dégagé
une vue d'ensemble de l'évolution du monde musulman singulièrement précise.
On doit la méditer à la lueur des évènements actuels :
"La masse musulmane reste préoccupée au premier chef par sa nourriture et
ses vêtements.
"Le retard apporté au paiement des allocations familiales est vivement
critiqué.
"Les classes évoluées suivent avec intérêt l'action menée par leurs
représentants pour obtenir des réformes dans tous les domaines.
"La vague de nationalisme s'amplifie, aidée par les propagandes de l'Axe et
Communiste.
"Il est temps que le Pouvoir Central affirme son autorité, sa volonté de
maintenir l'ordre et la Présence française et définisse une véritable
politique musulmane".
C O N C L U S I O N
La part prise par l'Afrique du Nord dans l'oeuvre générale du SSM/TR et les
combats libérateurs apparaît considérable.
Elle fut profonde, toujours sérieuse.
Dans ce monde agité, parfois trouble, qui fit d'Alger le Centre Libérateur
de l'Afrique puis une capitale provisoire, le SSM/TR, contre vents et
marées, s'en tînt à ses missions nationales.
"Notre mission de Soldat, de Français était de chasser l'envahisseur, notre
raison d'être professionnelle exigeait de Préserver le Pays de la Trahison".
(P. PAILLOLE - Bulletin N° 2)
Les Alliés qui jugeaient sur pièces et sans doute avec plus de compétence et
de sérénité que beaucoup de Français, surent donner à l'oeuvre du SSM/TR
Nord-Africain le couronnement qui convenait.
Le 7 Juin 1944, le Commandement Suprême Allié (SHAEF) définissait
officiellement la compétence exclusive du SSM en matière de Contre -
Espionnage;
"Art. 13 : Dans les régions libérées, la responsabilité des activités de Contre - Espionnage sera exercée par les Autorités Militaires Françaises (SSM)
qui doivent reconstituer leurs Bureaux de Sécurité Militaire (BSM). Les
noyaux de ces BSM existent déjà dans le SSM précurseur (SSM/F) qui a été
établi en France.
Des Officiers CE alliés de liaison, représentant le Commandement Suprême (SHAEF)
seront attachés aux BSM."
" Art, 15 : Les prescriptions de l'Instruction 3333DSM du 10 Mai 1943 et du
Mémento Guide de l'Officier SM en temps de Guerre demeurent valables".
PC : le 7 Juin 1944.
Le Chef du G2 (Section CE) du SHAEF.
Signé : SHEN
.
Ces deux articles consacraient la souveraineté française en matière de
Contre - Espionnage et la compétence technique du SSM/TR.
A la veille de la Libération, tous ceux qui depuis 1940 appliquaient leurs
forces pour la Délivrance de la Patrie n'en demandaient pas davantage.
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