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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LES SERVICES SPÉCIAUX FRANÇAIS DANS LES CONFLITS D'OUTRE-MER 1945-1956 (5)
 

LA FRANCE ET LE CONFLIT FRANCO-VIET MINH

L'ÉPANOUISSEMENT DU C.E. OPÉRATIONNEL

par le Colonel Clément RUAT

1953 vit l'épanouissement du C.E. opérationnel, caractérisé par

- d'une part la mise sur pied de D.O.P. mobiles.

- d'autre part la création du poste de Chef des D.O.P. au Nord Vietnam.

 

Ce terme de D.O.P. que nous employons fréquemment s'était avéré nécessaire, car, début 1953, la découverte d'un document Viet Minh montrait que les Brigades de C.E. Opérationnel, avec leurs méthodes de travail, ainsi qu'une partie de leur personnel, avaient été identifiées par le V.M. Il n'y a pas lieu de s'en étonner, une organisation qui fait du répressif, ne pouvant prétendre à l'anonymat.

 

Ce changement de dénomination ne fut pas toujours facile à se faire admettre par les Autorités locales, mais en contre partie, on a pu constater un certain flottement chez les V.M. qui parlaient pour Nam Dinh du 3ème bureau, et pour Haiphong du 4ème bureau (ex 3e  et 4e  brigades). Quant à Dien Bien Phu, la dénomination de Détachement Opérationnel de Pacification et de Liaison, inventé par le Chef du D.O.P. léger fait prisonnier, fut acceptée sans difficulté pour les V.N., et peut-être lui évita-t-elle beaucoup d'ennuis supplémentaires.

 

Le premier D.O.P. mobile fut créé à Sam Neua, puis transféré dans la Plaine des Jarres. Par la suite des D.O.P. mobiles furent mis en place, à chaque opération importante, tout au moins tant que les moyens, en personnel notamment, purent être réunis, ce qui ne fut pas toujours le cas.

 

Quant à la deuxième innovation de 1953, c'est en octobre 1952, qu'un officier du S.D.C.E. venu en inspection en Indochine, exprimait dans son rapport, la nécessité de créer à Hanoi, un poste, confié à un Officier Supérieur, chargé de coiffer à la fois le poste de C.E du Tonkin, mais aussi les D.O.P. Après accord de l'E.M.I.F.T., le S.D.E.C.E. mettait en place le 1er  mai 1953, un Commandant, dont la mission répondait à ce double objectif.

 

Mis à la disposition du Général Commandant les F.T.N.V., remplissant auprès de lui le rôle de Chef de Service, il était en mesure d'adapter le dispositif, auparavant statique, du C.E. Opérationnel, soit en renforçant le D.O.P. d'une Division où une grande opération était montée, par prélèvement de personnel et de moyens, sur les autres Détachements, ou sur ses propres effectifs, soit en mettant sur pied des D.O.P. mobiles, ou légers créés dans cette intention.

 

De son côté, le Chef de cette antenne, participait étroitement aux opérations, auprès de l'E.M. des F.T.N.V. Tenu au courant des opérations qui se préparaient, il était en mesure non seulement d'y adapter au Commandement des renseignements demandés par le Plan de Recherche de Renseignement, et lorsqu'elle fut mise sur pied, de participer à l'Intoxication.

 

Devant l'augmentation des missions, et la demande sans cesse croissante des Commandants de Zone ou d'Opérations, le manque de personnel se fit vite sentir. Outre le renforcement du personnel du S.D.E.C.E., sur place, le Commandant fit détacher un certain nombre de sous-officiers de gendarmerie. Ce personnel de qualité, rendit très largement les services qu'on en attendait.

 

De même une petite dotation en supplétifs, donna aux D.O.P. une plus grande liberté d'action, car ils ne furent plus obligés de solliciter en permanence, l'aide des Secteurs. Ces supplétifs, choisis par les D.O.P. eux mêmes, et de préférence parmi les anciens Viet Minh arrêtés ou ralliés, furent par­ticulièrement précieux.

 

Enfin, à partir de 1953, du personnel de l'Armée Vietnamienne destiné au C.E. Vietnamien, fut placé en stage dans nos détachements.

 

Après la chute de Dien Bien Phu, les D.O.P. se trouvèrent mis en présence des clauses du Cessez-le-Feu.

 

Le C.E.O. allait-il disparaître ?

 

En fait, compte tenu des clauses des accords de Genève, le C.E.O. s'adapta en augmentant ses relations avec les Autorités Vietnamiennes, déjà excellentes, et tous les individus arrêtés ou interrogés par les D.O.P. furent remis à la S.U.R.N.A. (Sûreté Nationale).

 

Administrativement, les D.O.P. furent successivement dissous au fur et à mesure du repli des D.M.T. Le dernier, celui d'Haiphong, fut replié le 13 mai 1955, en même temps que les troupes du Grand Haiphong, pendant que le Chef du C.E. du Nord Vietnam restait, avec un minimum de personnel, à Doson, avec les derniers éléments de l'E.M. du Général Commandant les F.T.N.V.

 

A Saigon, le D.O.P. d'Haiphong fut dissous dès son arrivée et 43 N.V. le 31 mai.

 

V. - LE BILAN

OPINIONS TECHNIQUES

Il y a lieu en tout premier de signaler le fait que, malgré la multiplicité des éléments adverses, contre lesquels ils avaient à combattre (nous les avons vus en III), malgré l'apparente complexité de leur organisation, à base de personnels d'origines et de formations différentes, les Brigades de Contre-espionnage Opérationnel firent preuve d'une très forte homogénéité.

 

On notera, en particulier, qu'à l'intérieur de ces unités, une affaire commencée par un des éléments la composant, était menée jusqu'à sa conclusion, par cet élément tant sur le plan préventif, que répressif et chaque fois que c'était possible, sur le plan offensif, sans omettre bien entendu l'intégration de tous les renseignements et toute la documentation recueillis.

 

La plus grande difficulté rencontrée, apparaît, quand on compare le nombre d'éléments adverses examinés, environ 11.000, à celui des suspects déjà identifiés, et qui étaient arrêtés par nous ou d'après nos renseignements. Ce nombre 4.500 soit un peu plus de 40 % du chiffre total paraît faible. Pour nous elle paraissait insuffisante, car notre objectif était d'atteindre les 100 %. Mais cet objectif était irréalisable. En effet, au fur et à mesure des arrestations, les Viet Minh étaient en mesure de recruter de nombreux et nouveaux agents, qu'il fallait identifier, avant de pouvoir s'attaquer à eux.

 

Comme le disait le Général Navarre dans une note de juin 1953 " ... Il apparaît en effet indispensable, que pour lutter contre un S.R. populaire, dont les effectifs sont pratiquement illimités, tout militaire du Corps Expéditionnaire participe à l'action préventive. En bref, il faut que tout militaire du Corps Expéditionnaire, se fasse l'auxiliaire du C.E. Opérationnel. "

 

Une note du 16 septembre 1953, signée Cogny, se terminait ainsi : " Pour mener à bien la lutte contre les multiples activités Dich Van de l'adversaire, tout échelon doit acquérir le réflexe du " Compte-Rendu de Sécurité ".

 

Dans toutes les activités du C.E. : protection des Services amis, recrutement d'agents, on peut trouver les mêmes directives du Commandement.

 

Nous ne citerons encore que la " Déception " ou " Intoxication ". Dans un compte-rendu de l'E.M. du Tonkin de fin 53, on pouvait lire après une opération de déception particulièrement réussie : " Ces résultats ont pu être obtenus, grâce aux avis éclairés et à l'action particulièrement efficace du C.E. Opérationnel.... " Ce compte-rendu préconisait " la création d'un E.M. permanent, chargé de la Déception, placé auprès du Chef d'E.M. et comprenant (entre autres) " un Officier du C.E. Opérationnel ".

 

OPINION VIET MINH

Nous ne retiendrons que deux témoignages :

Le 26 juin 1952, au cours d'une conférence faite aux cadres, le chef Ty Cong An déclarait :

" La B.C.E. (Service de Contre-espionnage) est un service important qui peut contrôler tous les services français et qui a même le pouvoir d'arrêter les agents du 2ème bureau. Ce service C.E. de l'ennemi est une organisation qui travaille scientifiquement et qui peut sélectionner les agents du 2ème Bureau. Son but principal est de noyauter et de s’infiltrer dans les organisations Viet Minh.

La B.C.E. est un danger pour nous. Cela est prouvé par la destruction d'une partie de nos bases. Depuis la création de ce Service, les agents V.M. rencontrent de grandes difficultés pour travailler en zone contrôlée par les Français et la pénétration des services et des unités françaises devient de plus en plus difficile. "

 

Un autre document saisi en 1953, par le D.O.P. d'Hanoi, mentionnait : " Le C.E. est la plus haute organisation, il coiffe même la Sûreté et le 2ème Bureau... Dans chaque secteur, il y a au moins une personne chargée du C.E. Il en existe aussi dans les quartiers importants... Le C.E. au cours des interrogatoires cherche à gagner la confiance des prisonniers en leur donnant des cigarettes C.O.T.A.B., cigarettes de luxe, (note du rédacteur) et en leur donnant à manger. Il essaie ensuite de les inciter à travailler pour lui en leur faisant des promesses. "

 

En résumé, on se rend compte que les V.M. avaient bien compris notre rôle et notre mission, et on ne peut que les remercier de leur jugement à notre égard.

 

OPINIONS FRANÇAISES

Le témoignage des autorités militaires françaises, ne seront pas, à l'exception de deux, reproduites, car, compte tenu de leur parfaite similitude, des demandes constantes de nouvelles unités de C.E., des éloges adressées à tous les détachements, elles pourraient nous faire taxer d'autosatisfaction.

 

Il nous manque malheureusement la principale, que l'on peut rédiger ainsi : " Qu'aurait pensé du C.E. Opérationnel, celui qui avait pris la première et grande décision, de constituer le C.E. Opérationnel avec ses Brigades. " J'ai nommé le Général De Lattre de Tassigny.

 

Je citerai le Général Cogny dont je rappelle :

- qu'il était Directeur du Cabinet Militaire du Général de Lattre, quand fut créé le Contre-espionnage Opérationnel.

- qu'il fut en 1952 le Commandant de la zone d'Haiduong où se trouvait déjà cette brigade.

- qu'il fut ensuite le Commandant des F.T.N.V. auxquelles étaient rattachées les 4 Brigades fixes du Tonkin, plus les mobiles dont celle de Dien Bien Phu, et enfin le Commandant du C.E. du Nord Vietnam, qu'il tint d'ailleurs à garder auprès de lui, jusqu'au dernier jour à Doson.

 

C'est d'ailleurs à Doson qu'il écrivit une dédicace ainsi rédigée sur une photo de lui-même :

" Au Contre-espionnage du Tonkin, en hommage pour les exceptionnels services rendus. "

" Cette insuffisance des renseignements ne venait pas de la qualité moindre de ceux qui les recherchaient, car ils valaient ceux qui les recherchaient en 1939-1940. Elle venait surtout de la différence d'ennemi, un ennemi qui s'entoure d'un secret absolu et c'est cela qui est extrêmement inquiétant pour l'avenir, car l'ennemi auquel nous aurions à faire face en cas de guerre européenne, serait exactement le même. "

 

C'est, en effet, la grande leçon que l'on peut tirer de la triste expérience que nous avons vécue en Indochine, mais qui nous aura permis de faire une double constatation :

- Découverte d'une nouvelle forme de guerre.

- Découverte d'une nouvelle organisation du C.E., adaptée à cette nouvelle forme de guerre.

 

Cependant, il ne faut pas oublier que :

- le 1er novembre 1954, alors que nous étions encore confrontés aux problèmes de tous genres posés par l'évacuation du Tonkin, à des milliers de kilomètres, commençait, avec 70 attentats faisant 7 morts, une nouvelle guerre : la guerre d'Algérie.

- le 13 mai 1955 se terminait l'évacuation du Tonkin.

- le 28 avril 1956 nos dernières troupes quittaient le Sud-Vietnam.

 

C'est au cours du quatrième trimestre 1956, que commençait, sous les ordres du Colonel Simoneau, la mise en place à Alger, du C.C.I. (Centre de Coordination Interarmées), dont l'idéal, en matière de C.E. notamment, fut de concrétiser les leçons tirées en Indochine de cette nouvelle forme de guerre : " Guerre Révolutionnaire " de Mao Tsé Tung, dénommée ensuite " Guerre subversive ".

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 152

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