| Par       Michel THORAVAL. Ma première mission s'était terminée fin       février 1943. Après quelques semaines de repos à ALGER, il me fallut penser       au retour. C'est alors que je fis la connaissance du Capitaine de PEICH       (alias LA PRUNE)  qui devait partir en même temps que moi. C'était un       Saint-Cyrien plein de flamme et de courage; très précis dans son travail.       Depuis plusieurs semaines, il accomplissait stages sur stages dans les       diverses sections de la DSM à EL BIAR et dans les écoles de parachutage.       Affecté en Afrique du Nord depuis l'Armistice, il adorait son nouveau métier       et attendait avec impatience son départ pour la France. Il avait pour mission de fixer, avec VERNEUIL       et NAVARRE, les bases du TR  JEUNE, et du SSM précurseur; il devait aussi       établir des contacts avec des personnalités amies du "Patron" MM. Guy       PERRIER de FERAL, Yves CAZAUX, SERIGNAN, CORVISY, etc.. Quant à moi, je       devais poursuivre mon rôle d'agent de liaison et de technicien avec le TR       ANCIEN. Je devais, en outre, organiser l'évasion du Général GEORGES dont la       présence était réclamée à Alger par M. CHURCHILL et par le Général GIRAUD. Comme d'habitude la préparation de notre       mission fut très soignée, mais pour moi, cette mission ne représentait plus       les mêmes dangers que la première.  C'était presque un voyage touristique       organisé, un "comité de réception" devait m'attendre sur le terrain choisi.       J'allais aussi retrouver des amis : JOHANNES, HERRMANN et SIMONIN, et je       m'en réjouissais. Le parachutage organisé d'Alger fut fixé en       accord avec les Britanniques à la mi-avril. Il nous fallut rejoindre Londres       par avion et attendre les conditions favorables à notre opération.  Je passe sur les préparatifs : ils furent ceux       de ma première mission. Les Britanniques nous entourèrent une fois encore de       soins vigilants et j'eus à nouveau l'occasion de constater en quelle estime       ils tenaient le service dirigé par le Commandant PAILLOLE. Après un premier essai infructueux où nous       fumes pris dans une tempête terrible nous interdisant de sauter, le       parachutage eut lieu à une seconde tentative. C'était le 23 Avril 1943, vers 3 heures du       matin. Nous avions choisi comme point de chute les       pentes du Mont-Vernet aux environs d'ISSOIRE. La nuit était claire, le pilote repéra assez       facilement son objectif et, à l'heure prévue, nous étions au rendez-vous.       Malheureusement, une légère erreur d'altitude me fit sauter d'environ 80       mètres au lieu des 150 nécessaires. Le Capitaine de PEICH qui sautait après moi       eut plus de chance, il réussit à tomber plus bas dans la vallée.       Personnellement. Je fus littéralement assommé par ma chute. Je m'évanouis et       ne me réveillai qu'au moment où, autour de moi, JOHANNES, HERRMANN et       SIMONIN se demandaient avec consternation ..., comment ils allaient       m'enterrer. J'entendais dans un rêve sourd leurs lamentations : ils se       reprochaient mutuellement de n'avoir pas songé à prendre une pelle et une       pioche . Sorti de mon évanouissement, je les rassurai;       ils étaient ébahis et joyeux. Pour me remonter, le bon Papa JOHANNES       m'offrit une mirabelle 1918 que je dégustai avec plaisir et qui me remit       complètement sur pieds. Malheureusement, de PEICH avait une cheville       foulée qui allait le condamner à exécuter une partie de sa mission en       "sédentaire", HERRMANN avec précaution, l'aida à se relever et à marcher; le       malheureux gémissait de douleur.  J'apportai à mes camarades des directives et       des messages du Cdt. PAILLOLE destinés aux différents chefs TR des fonds,       des postes radio, du ravitaillement, entre autre du chocolat Meunier et des       vraies "gauloises". J'avais, en outre, à transmettre un certain nombre de       consignes verbales; enfin, je distribuai le courrier personnel. Après avoir embarqué tout notre matériel dans       les deux voitures qui étaient venues nous chercher, j'allais avec de PEICH       finir la nuit à Saint-Nectaire, chez un des "honorables correspondants" d'HERRMANN,       où nous étions attendus. JOHANNES, lui, tous feux éteints, partait en       direction de Royat dans une autre voiture avec SIMONIN, et le matériel. Les liaisons Radio fonctionnent       remarquablement J'étais frappé par l'excellente organisation       de la réception, la précision de la méthode employée par nos camarades       métropolitains pour nous accueillir, nous héberger, évacuer le matériel,       m'avait frappé. L'expérience première avait servi aussi, sur       le plan purement technique des liaisons radios. Nos lieux d'émission       changeaient tous les jours. rendant ainsi notre recherche très difficile par       la gonio allemande. Ces déplacements perpétuels, qu'ils percevaient à       l'écoute, sans pouvoir les situer, les étonnaient. Ils ne pouvaient       évidemment pas supposer que nous avions : voitures, bons d'essence et tous       papiers nécessaires pour circuler avec une telle sécurité. "Sécurité", c'est là un bien grand mot, car       sans le courage, sans l'imagination et l'initiative de tous, bien des fois       cette serait mal terminée. Qu'il me soit permis à ce sujet de conter       quelques anecdotes : Notre émission venait de se terminer dans un       coin perdu et broussailleux des environs de SAINT-NECTAIRE; nous nous       dirigions discrètement vers notre voiture, garée sur un chemin de terre,       lorsque nous aperçûmes que nous étions entourés de.. trois voitures gonio       allemandes facilement reconnaissables à leurs "antennes-parapluies". Il fallait sortir de là. Nous décidâmes de remonter en voiture, après       avoir soigneusement caché notre matériel dans d'épais buissons. "Antoine"       conduisait, je m'assis à côté de lui et "Georges" s'installa à l'arrière. Notre projet n'était pas sans danger, mais       moins hasardeux que l'inaction. Avions-nous été repérés ? Je pris dans mes bras un bouquet de fleurs des       champs cueillies rapidement et, dans ce bouquet, je cachais, à tout hasard,       mon revolver Notre voiture se mit en marche; il fallait, à 200 mètres de là,       croiser une des voitures ennemies. A la vérité nous étions morts de peur, sans       voix. Les Allemands, plongés dans leurs écoutes, lancèrent à peine un oeil       sur cette voiture qui, pourtant, renfermait les techniciens radio, qu'ils       tentaient de découvrir. Nous pûmes ainsi passer. A quelques kilomètres de là, cachés dans un       village, nous attendîmes le passage des voitures allemandes et .. nous       allâmes récupérer nos précieux colis. Un autre épisode mettra mieux en lumière le       sang-froid extraordinaire d'Antoine HERRMANN. Herrmann terrorise un barrage allemand Nous revenions un soir vers Clermont, notre       travail accompli, quand, au-dessus de CEYRAT, nous fûmes stoppés par un       barrage allemand composé de 5 militaires et d'un civil. Juste avant le barrage "Antoine" ordonna "pas       un mot, je m'en occupe". Arrivés au barrage, notre voiture s'arréta.       Les Allemands demandèrent les papiers. "Antoine", imperturbable, les tendit,       et sortit en même temps une carte du S.D. ! Une fois de plus nous n'étions       pas fiers mais HERRMANN -le gendarme HERRMANN- restait calme. Puis tout à       coup il explosa ! Avec son accent lorrain très caractéristique, il demanda,       furieux, pour quelle raison on se permettait d'arrêter, aussi près de       Clermont, un véhicule comprenant de tels passagers; sa voix dominait le       dialogue. Les Allemands s'excusèrent et nous laissèrent       passer. Nos nerfs devaient cependant encore être mis à       l'épreuve. 200 mètres plus loin, "Antoine" s'aperçut que       dans sa précipitation, il avait laissé tomber son stylo; il fit demi-tour       avec la voiture et revint, auprès du barrage, où le récupérer tout       tranquillement. Dans une autre circonstance et toujours à       l'issue d'une émission, nous eûmes l'occasion de constater tout l'appui que       les Services de la GENDARMERIE NATIONALE pouvaient nous apporter. Nous fûmes contrôlés sur la route par des       gendarmes français et nos noms furent notés. "Antoine", cette fois était en       "famille". Pourtant, il saisit tout le risque que comportait ce contrôle qui       pouvait faire l'objet d'une vérification aux fichiers afin de s'assurer de       l'exactitude de nos identités. Nos papiers étaient faux, (bien entendu) il       fallait donc stopper cette vérification à la base. Le soir nous allâmes rendre visite au       Commandant de Gendarmerie FONFRED, qu'HERRMANN avait "affranchi" depuis       longtemps; nous lui expliquâmes notre cas. Très simplement, il appela le       service du fichier, retira les trois fiches compromettantes et nous dit :       "Partez tranquilles, s'il vous arrive à nouveau quelque chose de semblable,       revenez me voir". Nous le quittâmes pleins de reconnaissance et l'esprit       plus léger. Parfois le courage, l'initiative ou la       camaraderie ne pouvaient pallier à nos ennuis. Il fallait aussi être       prudents et faire preuve de flair. On dînera ... plus tard Un jour, nous nous trouvions dans les gorges       du Tarn, non pas pour admirer le site qui est ma foi fort joli, mais parce       que nous venions de procéder à l'envoi de messages. En route depuis fort longtemps, nous avions       absolument besoin de nous restaurer. Nous décidâmes de nous arrêter dans un       petit hôtel restaurant. L'instinct toujours en éveil, je m'aperçus que l'un       des consommateurs s'éloignait pendant quelques minutes pour aller       téléphoner. Il pouvait s'agir d'un fait banal, mais il fallait tout de même       se méfier. Je fis part à HERRMANN de mes doutes et lui suggérait, malgré ma       faim inassouvie, un départ rapide pour éviter tout contrôle, superflu pour       nous et surtout pour notre voiture. Bien nous en prit, car nous étions cachés dans       une grange voisine de l'hôtel, nous eûmes la confirmation de nos soupçons en       voyant quelques minutes après apparaître les képis des gendarmes venant       effectuer une vérification dans la salle du restaurant. Étrangers à la localité, nous avions dû être       soupçonnés de trafic et de marché noir par les consommateurs trop zélés, et       trop bien avec la police. Mais revenons à ma mission proprement dite. Nous transmettions ainsi, presque       quotidiennement, nos messages des environs de CLERMONT, de CEYRAT, de SAINTE       ENIMIE, du PUY, de LYON, de VICHY et même de certains points de la CORREZE. Les heures de nos émissions avaient été fixées       par CAILLOT au départ de notre mission. La durée dépendait évidemment du       nombre de télégrammes que nous avions à expédier. ll était pourtant       indispensable, afin de gêner le repérage, qu'elles fussent aussi brèves que       possible. Les messages nous étaient remis en clair par       notre Chef de poste JOHANNES et j'avais à les chiffrer. Travail minutieux,       ingrat. Nos longueurs d'onde d'émissions étaient       déterminées de façon absolument rigoureuse par un quartz qu'il suffisait de       brancher sur le poste émetteur. Nous avions ainsi à l'aide de différents       quartz deux ou trois longueurs d'onde d'émissions différentes. Outre ma mission technique,  j'avais dû       réaliser deux opérations "pick-up". La première eut lieu deux jours après       mon arrivée sur un terrain aux environs d'ISSOIRE.  Elle ne se passa pas sans incidents. Une « réception » peu discrète GUILLAUME, alias GILBERT (dont nos bulletins       ont retracé les héroïques aventures) et le Colonel BONOTAUX devaient tous       deux prendre ce "premier service". Le Colonel, ancien de la "Maison", devait       assurer à Londres et à Alger une des premières missions au bénéfice de l'O.R.A.       C'était un homme calme, bienveillant, prudent et courageux. L'atterrissage se passa mal, un pneu éclata.       Pour arriver à équilibrer l'avion il fallait donc crever l'autre, nous       n'avions évidemment pas de roue de rechange sur place. Le pilote, le Capitaine BRIDGER, descendit et       essaya en vain avec son 7,65 de crever la deuxième roue. J'essayai à mon       tour avec mon pistolet, mais je n'eus pas plus de chance. Enfin HERRMANN,       toujours lui   arriva avec son "artillerie lourde" et du premier coup       réussit, mais dans un bruit d'enfer. L'écho le prolongea longtemps dans la       nuit. Une fois encore nous n'étions pas rassurés. Il fallait faire vite. Le décollage fut évidemment pénible. Le pilote       accrocha une ligne à haute tension qui passait à proximité et arracha       quelques mètres de fil. Notre angoisse était extrême. Nous prévînmes Londres       par radio. Ambulances et pompiers attendirent l'avion à l'atterrissage.       J'appris plus tard que tout s'était passé normalement, mais je frémis       encore. Pour nous, après le décollage, la mission       était terminée; il n'y avait plus qu'à rentrer, cependant notre mitraillade       avait bien pu alerter les gens des environs. Effectivement nous eûmes la désagréable       surprise de voir arriver dans l'ombre un militaire casqué, tout essoufflé.       HERRMANN le mit tout simplement en joue et lui demanda "ce qu'il faisait       là".  Il était, répondit-il, de garde sur le terrain       et devait, encas d’incidents, avertir par téléphone les autorités. Nous essayâmes de rassurer ce brave homme en       lui disant que l'avion était parti à destination de VICHY. Il n'en crut rien       et nous fit le reproche de ne pas l'avoir prévenu et surtout , de ne pas       l'avoir mis dans l'avion. Nous l'avertîmes gentiment qu'à la prochaine       liaison nous penserions à lui, à  condition, toutefois, qu'il ne signale en       aucun cas l'atterrissage de l'avion sur cette partie du terrain. Pour plus       de précautions, nous ne lui fîmes pas mystère que tout message passé par lui       pour alerter les autorités nous serait communiqué et signifierait son arrêt       de mort. Le terrain était isolé. Il semblait bien que       ce militaire seul s’était rendu compte de ce qui venait de se passer. Nous       pûmes donc rentrer sans autres incidents à Clermont. Une fois encore, nous       en fûmes quitte pour la peur. Nous étions tombé sur un brave homme qui sut       se taire.  Le second "pick-up" eut lieu quelques jours       après pour profiter de la lune, sur le CAUSSE MEJEAN (entre Florac et       Sainte-Enimie). Nous avions reconnu et fait agréer par Londres un terrain       splendide et bien dégagé. Cette opération difficile nous imposa des       liaisons radio - aux environs de Florac - dans de très mauvaises conditions.       La gonio allemande, plus heureuse, réussit même à situer approximativement       nos émissions et signala à la Gendarmerie française les lieux suspects. Nos gendarmes furent assez intelligents pour       deviner quels étaient les responsables et ne commencèrent en fait leurs       recherches qu'après notre départ. Un pick-up réalisé de justesse Au cours de ce Pick-up, devaient prendre place       dans l'avion Philippe MICHELIN (- qui, semble-t-il, a bien oublié le TR-),       le Commissaire de Police KOENIG, -fidèle ami de nos Services- et son fils,       le Colonel GUENIN, aide de camp du Général GEORGES, le Chef de la Section de       Liaisons de la DSM Alger, le Capitaine CAILLOT, alias "CARNE" (ce pseudo lui       vient sûrement de la cavalerie) et CHAMPION, un radio travaillant       magnifiquement avec les Anglais et nous,  dont l'épouse qui venait d'être       arrêtée par la Gestapo avait fait avec moi son entraînement de parachutiste       en Grande-Bretagne. Le soir du pick-up, une mauvaise surprise nous       attendait sur le terrain. La Préfecture l’avait fait labourer sur       l’injonction des autorités allemandes. M. LUDWIG, frère d'un des officiers       du SERVICE qui travaillait à cette Préfecture, nous avait bien avisé de       cette décision mais nous ne pensions pas qu'elle fut déjà exécutée. Nous pûmes néanmoins repérer une bande de       terrain intacte,et malgré le risque nous maintînmes le rendez-vous. La       piste, encore utilisable, s'avéra suffisante grâce à la virtuosité du pilote       anglais: le Group Captain PICKARD, dont j'ai déjà parlé. Son atterrissage       fut impeccable et aussitôt l'avion arrêté, les passagers se ruèrent pour       embarquer. PICKARD et son aide-pilote BRIDGER qui avaient       réalisé le premier  pick-up en Lysander vinrent me dire bonjour et fumer une       cigarette avec moi. J'admirai leur bonne humeur, leur calme; ils me       donnaient des nouvelles des amis de Londres à voix basse, tandis que nos        camarades s’installaient. Après avoir visité le terrain en voiture avec       PICKARD pour étudier les meilleures conditions de décollage, nous décidâmes       que le vent étant assez réduit, le départ se ferait dans le sens du vent. Il       y avait en effet dans l'autre sens une hauteur importante à franchir au       décollage, ce qui paraissait difficile avec le peu de distance disponible       que laissait le terrain non labouré; en fait, l'opération était acrobatique. Il fallut refaire très vite tout le balisage.       Comme toujours, je craignais que le bruit de l'avion eut été perçu par des       oreilles hostiles. Les voitures allumées en code nous servirent de balises.       Une fois encore nous serrâmes des mains.  Le coeur un peu serré nous       écoutâmes le grondement des 2 moteurs s'amplifier. Une grande ombre effleura       le toit de notre voiture .. Cette fois encore tout se passa bien et       l'avion enfoncé dans la nuit, nous partîmes chacun de notre côté.       Personnellement, je repartis avec Antoine HERRMANN. Une semaine bien remplie Un grand silence s'était fait tout à coup dans       la campagne; nous sentions bien que nous n'étions pas en sécurité. Avant       d'arriver à SAINTE-ENIMIE nous aperçûmes sur la route un barrage de deux       gendarmes. Après une courte hésitation, nous décidâmes de le franchir en       vitesse, tous feux éteints. Les militaires s'écartèrent pour éviter d'être       happés par notre bolide, et nous pûmes enfin rejoindre Clermont et y trouver       un sommeil réparateur. Nous étions épuisés, sales, mal rasés. Ces trois opérations, notre parachutage et les       2 pick-up s'étaient passés en huit jours. Pendant ce temps-là, malgré les       nuits blanches, nous avions continué à assurer nos émissions de jour et de       nuit. Nous dormions à la sauvette, rarement dans un lit. Pendant ce séjour à Clermont, j'eus l'occasion       de revoir à plusieurs reprises le Capitaine de PEICH qui séjournait chez un       sous-officier de MERCIER (notre " von Klück ") . La cheville allait       mieux, mais son immobilité lui donnait une humeur massacrante; pour le       calmer, je lui contais nos aventures. Peu de temps après de PEICH devait       " prendre la route " et assurer les missions qui lui avaient été confiées. Mon repos avait été de courte durée; il fallut       reprendre les liaisons qui, grâce à Georges SIMONIN (dont j'ai déjà dit les       extraordinaires  qualités techniques et le sens du Devoir) se passèrent       toujours normalement. Il fallait aussi préparer (pour la prochaine période        de lune, le mois suivant) la deuxième partie de ma mission et penser au       retour. "       L'enlèvement " du Général Georges nous est confié Il s'agissait là de l'opération la plus       importante, en raison de la personnalité que nous avions à "enlever" : le       Général GEORGES attendu impatiemment par CHURCHILL et le Général GIRAUD.       JOHANNES s'était chargé de joindre le Général et lui avait fait part du       désir de ses éminents amis. Il s'était déclaré d'accord pour rejoindre       Alger. A la suite des incidents du Causse-Méjean       survenus au cours du dernier pick-up, nous songeâmes à trouver un autre       terrain d'opération. Nos recherches restèrent longtemps infructueuses : les       terrains que nous prospections étaient insuffisants,  - mal dégagés, parfois,       comme à USSEL-. Quand nous en trouvions un, les Anglais nous faisaient       savoir qu'il était déjà réservé pour d'autres opérations. Ces recherches       étaient épuisantes; elles nous imposaient de longs et dangereux       déplacements pour lesquels il fallait des voitures, de l'essence, des       permis de circuler. Il fallait en même temps assurer, presque       quotidiennement, nos émissions. En désespoir de cause, nous décidâmes de nous       servir à nouveau du terrain du Causse-Méjean qui, malgré tout, offrait une       garantie de sécurité presque absolue pour l'opération aérienne, ce qui, en       raison de la personnalité de notre passager, était une raison suffisante       pour l'adopter. Pour mieux protéger notre expédition nous       décidâmes d'effectuer pendant un certain temps nos émissions des "Gorges du       Tarn". Nous pensions détourner ainsi l'attention de l'ennemi et des       autorités françaises de la région du CAUSSE-MEJEAN. I1 ne restait plus qu'à attendre les       instructions de Londres. Le contact était établi en permanence avec le       Général GEORGES par  " von KLÜCK ", JOHANNES et HERRMANN. Le Général avait       décidé d'amener avec lui le Colonel DUVAL, son collaborateur. La liaison avec Londres fut difficile et la       mise en place de l'opération rencontra un certain nombre de difficultés       techniques qui nous obligèrent à la repousser pendant de longs jours. Les       conditions atmosphériques, le travail considérable des équipes d'aviateurs       spécialisés, étaient à l'origine de ce retard qui mettaient nos nerfs à       l'épreuve. Nous sentions l'ennemi aux aguets. Épreuve supplémentaire : à la date fixée, les       Anglais nous firent encore attendre sur le terrain tous les soirs pendant       près d'une semaine. Les dangers s'accumulaient. Le Général GEORGES et le       Colonel DUVAL avaient dû être hébergés â Roquefort, à l'Hôtel "Casino",       après avoir été expulsés comme suspects d'un Hôtel de Balsiège (près de       Mende), tous deux s'impatientaient et nous accablaient de questions pendant       que « von KLUCK » et JOHANNES veillaient sur eux. Attente interminable Quant au "groupe d'action" composé de :       HERRMANN, de SIMONIN et de moi-même, il couchait (?) dans les voitures aux       environs du terrain que deux gendarmes complices observaient et gardaient;       nos barbes s'allongeaient, nos yeux se cernaient. Enfin, le 16 Mai 1943, l'avion fut annoncé.       Malheureusement à la première tentative, l’avion perdit de vue la piste que       nous balisions de notre mieux. A la deuxième, la malchance était encore avec       nous. Un moteur flancha. L'avion fit demi-tour. Nous commencions à       désespérer de pouvoir terminer l'opération pendant cette période de lune.       Déjà les nuits étaient moins claires. Ces bruits, ces va et vient, notre       présence dans cette région, risquaient de plus en plus de faire échouer nos       projets. La nervosité nous gagnait. C'est alors que le       Général GEORGES rédigea, à l'intention de CHURCHILL, un télégramme vigoureux       dans lequel il exposait la situation critique de l'équipe. Nous chiffrâmes       ce télégramme après en avoir arrondi les angles et SIMONIN le transmit à la       première vacation. Le résultat ne se fit pas attendre : 24 heures       après, un nouveau message de la B,B,C, nous fixait rendez-vous le soir même.     L'heure du départ était arrivée. Entre temps,       de PEICH, qui avait achevé sa mission en boitillant, nous avait rejoint. En plus du Général GEORGES, du Colonel DUVAL,       de de PEICH, devaient prendre place avec moi dans cet avion le Commandant       GIGOT et trois autres résistants dont j'ai oublié les pseudonymes et qui,       sans doute, eux-mêmes, ont oublié aujourd'hui le TR. A l'heure convenue, nous avions pris position       une fois de plus dans les environs du terrain balisé avec toujours les mêmes       soins. Le dispositif de garde et de protection, plus       vigilant que jamais fut mis en place .. avec nos gendarmes : L'attente recommença; les heures passaient; le       désespoir commençait à nous étreindre. Ce ne fut qu’à l’aube que nous       entendîmes le bruit sympathique des moteurs. L’avion, encore un bi-moteur,       se présenta. L'atterrissage fut parfait. Le Général GEORGES donna à ce moment un       magnifique exemple de calme et d'obéissance. Afin de dégager l'équipe de       réception de tous soucis, il " prit en mains " les passagers, les obligea au       respect des consignes de silence et d'ordre. Les uns arrivent ... les autres repartent Le débarquement se fit rapide. Il s'agissait       d'une équipe du "TR JEUNE" qui apportait avec elle pas moins de 16 valises.       (elle devait nous prendre pour une succursale de l’agence COOK !) HERRMANN       levait les bras au ciel; " von KLÜCK " grommelait. Le débarquement des passagers et des bagages       terminé, nous eûmes l’explication du retard. Le pilote, le Group Captain       FIELDEN, pilote du Roi, nous indiqua que ne connaissant pas le terrain et       quoique ayant pris avec lui le navigateur PICKARD qui avait effectué les       précédentes opérations, il n'avait pu faire son point qu'en descendant       jusqu'à la Méditerranée ! Nous embarquâmes, après avoir dit au revoir       avec effusion à nos amis. Le jour se levait et déjà la campagne       s'animait. Le décollage se passa très bien; nous       repartions de PEICH et moi avec un volumineux courrier de Contre-Espionnage,       à destination d'Alger. C'était le 18 Mai 1943. Quelques instants après le décollage, le Group       Captain FIELDEN me fit appeler. Il m'expliqua qu'en raison de la nuit très       avancée, il n'était plus question de rejoindre LONDRES comme prévu. Il       fallait se diriger soit vers GIBRALTAR, soit directement vers ALGER. En raison des détours qu'avait dû faire       l'avion pour retrouver sa route, la réserve de carburant s'était épuisée et       le risque était grand de tomber en panne d'essence; au-dessus de la       Méditerranée, il nous serait sans doute possible de donner l'alerte et       d'obtenir des secours. Nous n'avions pas d'autre choix. Nous décidâmes en conséquence de virer "bord       pour bord", sans toutefois tenir les passagers au courant de ce changement       de cap. Nous appellerions Gibraltar et Alger dès que cela serait possible et       nous aviserions ces bases de notre tragique situation. Je repris ma place, imperturbable ., du moins,       je le croyais ; mais c'était ne pas compter avec la vieille expérience du       Général GEORGES. Il me demanda bientôt la raison pour laquelle nous volions       vers le Sud pour aller vers l'Angleterre. Je lui exposai loyalement notre       situation : il l'accepta avec beaucoup de tranquillité et de sang-froid. Le voyage se poursuivit, heureusement       agrémenté par les plaisanteries des passagers heureux de retrouver la       liberté; les boissons chaudes et le whisky faisaient le reste … Au-dessus de la Méditerranée, nous pûmes nous       servir de la radio. Seul Alger nous répondit pour nous diriger vers le       terrain de BLIDA. Le temps passait. L'essence s'épuisait. Enfin       la terre apparut. Nous étions sauvés : A l'atterrissage, il restait à peine DIX       LITRES d'essence dans les réservoirs : un vrai miracle.  Un Officier supérieur anglais reçut sur le       terrain le Général GEORGES et le Colonel DUVAL. Tous deux furent rapidement       acheminés vers le Palais d'Été où les accueillit le Général GIRAUD.  Pour nous, des voitures de la Direction de la       Sécurité Militaire avec BERTRAND et GERMAIN, je crois, nous ramenaient à       ALGER-EL-BIAR, où le Commandant PAILLOLE nous attendait et nous félicitait.       Après l'anxiété des derniers jours et surtout des dernières heures, c'est       avec un véritable soulagement que je retrouvai la merveilleuse ambiance de       camaraderie d'EL BIAR. Déjà un radio de SIMONIN avait avisé le       "Patron" de la réussite du pick-up. Une chaude réception avait été préparée       dès que le SERVICE avait été avisé de l'atterrissage à Blida de notre avion.       Les questions se croisaient. Nous distribuions les lettres. Nous donnions       des nouvelles.  Tout à coup, l'engourdissement nous prit; la       fatigue, les émotions avaient raison de nous.  Je n'entendis plus rien; je souriais en       fermant les yeux.  "Mission accomplie :       |