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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LA STRATÉGIE DÉFENSIVE DE L'ALLEMAGNE A L'OUEST (2)
 

Nous publions ci-après la suite d'extraits d'une étude réalisée par des historiens allemands en collaboration avec des officiers supérieurs de la Wehrmacht et en utilisant les ressources inédites des archives allemandes.

 

Les conceptions divergentes du combat défensif

Quant à la manière de mener le combat défensif en cas de débarquement ennemi, il existait en gros, parmi les chefs militaires allemands, deux conceptions opposées. Pour Rommel - d'accord sur ce point avec Hitler et l'OKW -, on ne pouvait escompter un succès de la défense qu'à condition de faire du front côtier la ligne de combat principale.

Ayant expérimenté la puissance de l'aviation et de l'artillerie embarquée des Alliés, et considérant la désorganisation croissante des voies de communication, il estimait qu'on ne pouvait guère compter sur la possibilité d'acheminer des réserves. Il voulait donc concentrer toutes ses forces, munitions et ravitaillement compris, dans une ceinture défensive s'étendant le long des côtes sur une profondeur de 6 km, et rassembler au voisinage des points probables de débarquement aéroportés les divisions blindées les plus puissamment armées.

C'était seulement ainsi que Rommel pensait pouvoir - à supposer que cela fût possible - repousser le débarquement ennemi au cours des premières 48 heures, qui seraient décisives ; ce en quoi il partait de l'hypothèse, à ses yeux justifiée, que la majeure partie de ses propres troupes aurait échappé au feu roulant des Alliés.

A cette conception s'opposait tout d'abord le Commandant du Groupe blindé Ouest, Geyr von Schweppenburg. Il imputait à Rommel une sorte de " complexe de la fortification " et l'accusait de surestimer la valeur d'une défense rigide. Selon lui, non seulement l'inclusion de toutes les troupes dans la défense des côtes rendait à peu près impossible la poursuite de l'entraînement des importantes formations de réservistes comprises dans les divisions du front Ouest, mais encore, et suivant la tradition bien établie de l'État-major Général allemand, il considérait la mobilité comme la seule méthode adéquate pour mener le combat. En conséquence, il voulait affecter à la défense des côtes uniquement des divisions d'infanterie fixes, donc intransportables, qui causeraient à l'adversaire débarquant le maximum de pertes et ralentiraient sa progression. Mais la véritable contre-attaque, Schweppenburg entendait la mener ensuite avec les forces mobiles jusque-là tenues en réserve, et tout d'abord avec ses divisions blindées auxquelles serait fourni un appui aérien suffisant.

 

Cette opinion était aussi soutenue, dans ses grandes lignes, par von Rundstedt qui donnait déjà des signes de découragement. Considérant le rapport probable des forces, il croyait absolument impossible de faire obstacle à un débarquement. Le résultat de toutes ces délibérations ne fut, malgré des ordres non équivoques de Hitler, qu'un compromis qui ne satisfit personne. Rommel reçut, au titre de réserves de son groupe d'armées, trois divisions blindées qu'il concentra au voisinage des points de débarquement possibles (estuaire de l'Escaut, de la Somme et de la Seine). Les autres unités blindées furent maintenues autour de Paris, en réserve de l'OKW. Il est probable que Hitler lui-même s'estima satisfait de cette solution, car une force d'intervention de réserve paraissait indispensable pour un autre motif : jusqu'au dernier instant, les Allemands ne furent jamais certains du lieu où le débarquement allié se produirait.

Même si l'on ne tient pas compte de l'habileté et du succès considérable des opérations alliées de diversion ( opération " Fortitude " ), il faut bien voir que Hitler ne pouvait pas prendre le risque de masser ses forces en un seul endroit.

Pour les Allemands les points les plus menacés, dans la zone du Commandant en Chef Ouest, étaient : les côtes du Pas-de-Calais (à cause de leur proximité de la Ruhr, et, ensuite, pour la raison supplémentaire que l'ennemi chercherait à tout prix à neutraliser les bases d'armes V qui y étaient installées), la Bretagne et l'estuaire de la Gironde (1) .

 

Ce n'est que progressivement que les préoccupations allemandes se tournèrent surtout vers les côtes occidentales de la France. Mais la possibilité d'un débarquement dans la péninsule ibérique, en Scandinavie ou sur les côtes méditerranéennes ne fut jamais totalement exclue.

Même si Hitler ou Rommel prirent de temps en temps conscience de la menace particulière qui pesait sur l'estuaire de la Seine et le Cotentin, même si Rundstedt, à la fin de 1943, mentionna le danger couru par le front de la 15eme Armée et aussi par la presqu'île du Cotentin (2) , le fait qu'on ne pouvait savoir, étant donné le grand nombre des troupes alliées, si le premier débarquement serait aussi le seul, obligeait le Commandement allemand à ne pas se lier lui-même les mains par des déplacements de troupes entrepris inconsidérément. L'usure de la Wehrmacht

C'est qu'en cette cinquième année de guerre, les Allemands étaient déjà contraints à l'économie dans l'emploi de leurs unités.

 

La guerre sur plusieurs fronts, et surtout les revers subis à l'Est, avaient entamé fortement les effectifs. Le front de l'Ouest avait été constamment affaibli au bénéfice du front de l'Est, non seulement par l'échange d'unités au complet contre les restes de divisions amoindries, mais aussi du fait que les contingents les plus jeunes étaient prélevés sur les unités stationnées à l'Ouest, qui recevaient en contrepartie des réservistes mal instruits ou des hommes plus âgés ou malades.

72 bataillons d'origine orientale avaient pris la place d'autant d'unités allemandes. La production de guerre allemande ne pouvait déjà plus assurer aux troupes de l'Ouest un équipement en matériel équivalent à celui de l'Est, en qualité, ni surtout en quantité.

La proportion d'armes récupérées sur l'ennemi était élevée. Dans l'artillerie côtière par exemple, on trouvait des canons provenant de neuf pays différents, mais les appareils de conduite de tir faisaient largement défaut.

En outre, les effectifs comptables des unités allemandes du front Ouest étaient plus imposants que leurs force combative réelle. En effet, beaucoup de ressortissants de la Wehrmacht - et la remarque s'appliquait aussi, peu ou prou, aux unités embarquées de la Marine et aux personnels navigants de la Luftwaffe -, n'étaient, en cas de combat, guère plus que des figurants.

 

C'est ainsi que la Wehrmacht , au 1er mars 1944, comptait sur le front de l'Ouest 1,6 million d'hommes se décomposant comme suit : 102.000 pour les SS et la police, 102.000 pour la marine, 326.000 pour l'aviation et 865.000 pour l'armée de terre. Les effectifs du groupe d'armées B s'élevaient à 468.000 hommes (65.000 aux Pays-Bas, 161.000 à la 7e` Armée, 242.000 à la 15e Armée). Si l'on compte en grandes unités, cela faisait, au jour du débarquement allié et pour l'ensemble du théâtre d'opération Ouest : 10 divisions blindées (dont une n'était pas utilisable), 1 division de panzer-grenadiers, et 48 divisions d'infanterie. Dans ce dernier chiffre figuraient, outre 3 divisions parachutistes, 3 divisions de campagne de la Luftwaffe, sans aucune expérience du combat terrestre, et 7 divisions de réserve qui n'avaient été envoyées à l'Ouest qu'à des fins d'instruction et ne possédaient que très peu d'armes modernes. Les nombreuses divisions fixes de forteresse étaient, elles aussi, inférieures à l'adversaire en personnel et en matériel. Elles étaient dépourvues de moyens de transport, donc sans aucune possibilité de mouvement ; elles étaient plus faibles dans leur composition, manquaient d'armes anti-chars, d'artillerie et d'unités de ravitaillement ; quant aux hommes qui les composaient, ils étaient beaucoup trop âgés. Ces caractéristiques résultaient du rôle qu'on leur avait assigné.

 

Pendant des années, on avait pris l'habitude d'envoyer à l'Ouest, pour y refaire provisoirement leurs forces, des unités enlevées au front de l'Est : mais cela n'avait guère profité à la défense des côtes, car ces unités ne montraient aucun intérêt pour les travaux de fortification.

On essaya donc, en créant des divisions fixes de qualité moindre, de former des unités combattantes spécialisées dans la défensive. Leur valeur combative était évidemment réduite, en particulier du fait que la plupart de leurs bataillons n'étaient pas au complet de leurs effectifs, et qu'on leur affecta des troupes originaires de l'Est et des " Allemands d'origine " de " la catégorie 3 " auxquels on ne pouvait pas toujours faire confiance.

Mais le manque d'expérience du combat était également manifeste dans la plupart des autres unités, dont certaines n'avaient été complétées qu'à grand peine en juin 1944. Leur entraînement au combat offensif était encore souvent insuffisant. Même dans les divisions blindées, la valeur combative n'était guère que le tiers de celle de 1939 (3). Quant au moral des troupes allemandes, il était de qualité inégale.

Il est certain qu'après cinq ans de guerre, l'élan initial avait disparu, et aussi, et peut-être surtout, la motivation politique qui existait dans les années 1939-40. En outre, la plupart des soldats de l'armée active du début de la guerre étaient maintenant morts ou prisonniers. Ils avait été remplacés par de nouvelles recrues - et pas seulement sur le front Ouest -, de dix ans au moins plus âgées que les soldats alliés qui leur étaient opposés, et par conséquent d'un moindre rendement. La situation était à peu près la même pour les sous-officiers et les officiers : elle paraissait encore un peu meilleure dans les divisions de blindés et de SS, ces dernières pratiquant aussi un plus fort dressage psychologique de leurs hommes. Toutefois, il n'était plus question de les considérer comme des divisions d'élite, étant donné le nombre élevé des conscrits qu'elles incorporaient.

Par la suite, dans les combats en retraite qui bientôt se généralisèrent, la plupart des soldats allemands surent se battre avec acharnement, et vendre chèrement leur peau. C'est qu'ils n'avaient aussi aucun autre choix, sinon d'être faits prisonniers ; ce qui était d'ailleurs, infiniment plus facile à l'Ouest qu'à l'Est, où la peur des troupes soviétiques exerçait une grande influence sur le moral des combattants.

L'ambiance était plus mauvaise dans les hautes sphères militaires. Rundstedt était découragé, et Rommel lui-même ne croyait plus au succès. Les grands États-majors du front Ouest (Commandement en Chef Ouest, groupe d'armées B, Commandants militaires à Paris et à Bruxelles) entretenaient des contacts étroits avec l'opposition intérieure allemande, qui s'apprêtait justement à porter à Hitler un coup décisif. Leur but commun était une solution politique de la guerre, malgré tout ce qu'avait d'illusoire l'idée de conclure la paix à l'Ouest et de concentrer la totalité des forces à l'Est pour la défense contre l'Armée Rouge. Pour les adversaires de Hitler, cette idée était comme une perche à laquelle ils se raccrochaient encore.

 

L'échec de l'attentat du 20 juillet eut des répercussions profondes sur la conduite de la guerre à l'Ouest. Les changements de personnes que le putsch entraîna, et surtout la méfiance générale qui s'installa dès lors entre direction suprême de la guerre et chefs militaires, ne pouvaient qu'être préjudiciables à la conduite du combat.

 

(1) CR OKH à OKW n° 420085/42 du 3 mars 1942

(2) OBW n° 832/43 du 28 décembre 1943

(3) Général von Schweppenburg - 6 juin - 7 juillet 1944

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 181

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