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Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ( France ) - www.aassdn.org -  
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PAGES D'HISTOIRE & " Sacrée vérité " - (sommaire)
LES ARCHIVES SAISIES A LA LIBÉRATION
 

La violente réaction du 8 octobre 1986 de notre Conseil d'Administration stigmatisant l'insinuation d'un ancien Directeur du S.D.E.C.E. selon laquelle les archives nazies saisies à la Libération n'auraient pas été exploitées, a suscité le plus vif intérêt aussi bien dans l'opinion et la presse qu'au sein de notre Association. De nombreux camarades nous ont fait part de leur approbation dans des termes qui nous prouvent l'extrême sensibilité de l'amicale au respect de la VÉRITÉ et de l'Honneur de notre Maison. Nous donnons, ci-après, quelques extraits caractéristiques de nombreux messages qui nous ont été adressés  

De Léon HUSSER le solide germanisant et technicien de nos anciens Services, pilier de nos réseaux de renseignements et de contre-espionnage « .. J'attendais le prochain Bulletin pour connaître vos réactions aux propos de M. de MARENCHES. L' EXPRESS ». Reçu ce samedi 11 octobre comble mon coeur de fierté d'avoir ouvré à vos côtés »...

Du Colonel BERNARD le précieux collaborateur de notre T.R. ancien et de son chef le Colonel VERNEUIL « ... J'avais adressé à M. de MARENCHES la lettre dont je vous joins copie. Cette missive était assez courtoise dans sa forme et précise dans son fond pour mériter, au minimum, un accusé de réception. Tel n'a pas été l'avis de ce monsieur que je considère, désormais, comme dénué de la plus élémentaire éducation. « Si vous estimez que mon texte peut servir au rétablissement de la VÉRITÉ j'en serais très heureux. Ce que vous déciderez sera parfait . Décidément cette sacrée vérité sort bien difficilement de son puits »...

 

Par le Colonel BERNARD

NOTE Concernant l’exploitation des archives allemandes saisies en 1944 par le Colonel BERNARD. A la Libération, la section des Services Spéciaux chargée de la chasse aux traîtres était confiée par le Colonel PAILLOLE, Directeur de la Sécurité Militaire, au Colonel LAFFONT, alias VERNEUIL.

Né le 7 juin 1897 à SENEUJOLS (Haute-Loire, à une douzaine de kilomètres au S.-S.-O. du PUY), Roger LAFFONT était entré à vingt-quatre ans au S.R. et y avait fait toute sa carrière. Avant 1939, sous le pseudo de « BERNARD », il avait dirigé l’antenne S.R. de FORBACH et s’y était distingué en pénétrant profondément le poste Abwehr de SARREBRUCK commandé par le Capitaine DERNBACH. En 1940, le Capitaine LAFFONT se trouvait en poste à BELGRADE. Rentré en France après l’invasion de la YOUGOSLAVIE, il devint l’adjoint du Commandant PAILLOLE au Commandant du Contre-Espionnage clandestin (T.R.). En janvier 1943, PAILLOLE établit le P.C. de son Service à ALGER et LAFFONT prit la tête du réseau T.R. laissé en France métropolitaine. Ayant servi dans ce réseau pendant toute la période clandestine, il ne m’appartient pas de porter un jugement sur son efficacité : je laisserai ce soin à l’ennemi. Le 17 novembre 1943, l’Einsatzkommando III / I de la Gestapo de STRASBOURG envoyait, en effet, aux postes Gestapo d’Alsace, sous le n° L III - 3000 19/10/43 - G, une synthèse concernant les Services Spéciaux français.

On y lit:

...« Le S.R. avait acquis, en novembre 1942, une force à considérer lorsque le débarquement en A.F.N. créa une situation nouvelle. Après la transformation du S.R. sous la désignation S.S.M. l’appareil démarrait sous des impulsions nouvelles. Il possédait un bon nombre d’officiers instruits, enthousiastes et connaissant les nécessités de leur devoir. Leurs chefs avaient des vues très nettes sur l’utilité de leur mission et étaient décidés à consolider la place qui revenait à leur S.R. telle que doit l’occuper chaque S.R. dans une grande Nation. Par tradition politique le S.R. avait le choix parmi les meilleurs officiers pour se recruter des éléments nouveaux...

...« Par contre, l’espionnage en pays ennemi (l’Allemagne) fut formellement réservé à l’organisation " T.R. " qui, seule, était habilitée à y envoyer des agents. Des documents en notre possession prouvent que les résultats obtenus furent très importants...

...« L’organisation « T.R. » fut à la fois la section la plus secrète et la plus active du S.R. Elle était nommé " Section secrète de Protection du S.R. Guerre " mais fonctionnait sous le titre de " Travaux Ruraux " (" T.R. "). Son chef fut le Capitaine LAFFONT...

...« Depuis l’Armistice, le T.R. a contrôlé l’emploi de 10.000.000 de francs provenant du S.R. allemand à l’aide de ses agents doubles, ce qui a permis à ce noyau d’agents de vivre sans coûter un sou au Budget français...

...« Même si une bonne partie des officiers sont allés hors de France et si d’autres ont été arrêtés, il en reste toujours une partie sur le territoire. Il faut supposer qu’ils reprendront du service sous n’importe quelle forme. Il s’agit de rechercher ces hommes, qui ont le S.R. dans le sang pour les mettre hors d’état de nuire... »

En fait, malgré de très lourdes pertes, le T.R. poursuivit son activité jusqu’à la Libération et, après la démission du Colonel PAILLOLE (en décembre 1944 si mes souvenirs sont exacts) le Commandant (puis Colonel) LAFFONT dirigea le Contre-Espionnage jusqu’à sa mort. Atteint d’une grave maladie des reins, il n’en continua pas moins à assurer son service jusqu’au bout. Dans les derniers jours, alité et en proie à de grandes souffrances, il se faisait apporter le courrier à son domicile et donnait encore ses directives pour toutes les affaires importantes. Il a signé son courrier pour la dernière fois moins de trente heures avant sa mort. C’est à des détails de cette nature qu’on peut jauger la valeur morale et la conscience professionnelle d’un homme. Quant au courage physique et à l’agilité intellectuelle du Colonel LAFFONT, je pense que les termes de la synthèse Gestapo citée ci-dessus permettent de les situer à leur juste valeur. Vous comprendrez ma stupéfaction et ma colère lorsque je lis, sous votre plume, qu’un tel homme n’a eu ni « l’idée » ni « le courage » d’exploiter la plus intéressante mine de renseignements qui puisse tomber entre les mains d’un Chef de Contre-Espionnage. Rassurez-vous. En 1944 comme au cours des années suivantes tout le T.R. opérationnel faisait une chasse active aux archives allemandes et, à la Centrale, personne n’aurait eu l’idée de négliger de tels renseignements. Dès la réinstallation des Services Spéciaux à Paris (à la Muette) le Colonel LAFFONT avait fait demander au Gouvernement l’autorisation de créer ce qu’il appelait « les équipes safari » équipes chargées de poursuivre, dans le monde entier, si nécessaire, les « gros poissons » des ex-services nazis et de les traquer jusqu’à — capture, si possible; — élimination physique si la capture ne pouvait se faire. Cette autorisation ne fut pas accordée (alors que le Maréchal PÉTAIN avait autorisé les « mesures D ».

A défaut d’équipes « safari », le Chef du Contre-Espionnage avait créé un groupe de travail de « germanisants » chargé uniquement du dépouillement et de l’exploitation des archives allemandes saisies en France et en Allemagne. Ce groupe fut dirigé par le Capitaine Joseph KLEIN. Né le 23 août 1906 à RETTEL - Moselle - à 2 Kms ouest de SIERCK, KLEIN était entré au S.R. en 1932 et avait été affecté au Poste C.E. de METZ . Il avait accepté, en 1937, une mission de pénétration de l’Abwehr et avait réussi cette mission en pénétrant d’abord le poste de STUTTGART puis celui de COLOGNE. Brûlé et traqué par la Gestapo, en Lorraine, en 1940, il fut affecté en 1941 au Poste T.R. 115 (Marseille). Il coopéra à de nombreuses arrestations et à des mesures « D ». Il fut également chargé de certaines liaisons avec le S.R. Interallié de Lisbonne et avec « Unitorian Secours » (poste U.S. camouflé à Marseille). En décembre 1941 et en mars 1942, il réussit à mettre la main sur des codes (Abwehr de Paris et S.R. italien de Gênes) qui permirent des décryptements intéressants. Brûlé à Marseille (appartement pillé) il fut muté fin 1942 à Toulouse où il resta actif jusqu’à la Libération. Pendant la période clandestine, 7 membres de sa famille avaient été arrêtés par la Gestapo. Il vous paraîtra, comme à moi, que cet homme était parfaitement compétent pour dépouiller des archives allemandes et parfaitement motivé pour les exploiter sans mollesse. En fait, le travail de l’équipe KLEIN a permis de nombreuses arrestations concernant non seulement des traîtres de la période 1940-1944 mais, également, des agents allemands d’avant 1940. En voici deux exemples:

En 1947, alors que j’étais Commandant en Second de l’École des Sous-Officiers de Strasbourg, je fus désigné comme Juge au Tribunal Militaire. A cette session comparaissait une Messine qui avait espionné avant 1939 nos fortifications. L’accusation précisait que certaines caractéristiques des documents retrouvés dans les archives allemandes (couleur de fiches, abréviations de service, etc...) prouvaient que l’intéressée n’était ni une informatrice occasionnelle ni un agent à l’essai, mais une espionne confirmée. De même les découvertes faites dans les archives de l’Abwehr permirent enfin de confondre un colonel français d’aviation soupçonné de trahison depuis 1936 et qui n’avait jamais pu être arrêté faute de preuves suffisantes. La dernière fois que j’ai vu KLEIN, c’était en 1956. Je rentrais d’Indochine. Il était très désabusé. Sa vue, fatiguée par d’innombrables heures de lecture de microfilms, lui donnait des inquiétudes et il estimait avoir travaillé pour un résultat bien décevant « Mon Colonel, me disait-il, le bilan est mince. Il y a eu trop peu de condamnations à mort suivies d’exécution. Les salopards condamnés aux Travaux Forcés avant 1948 ou 1949 sont déjà, pratiquement, tous relâchés. Quant à ceux que nous avons fait mettre au trou après 1948, ils bénéficient de non-lieu ou sont condamnés à des peines ridicules... Pratiquement, tous nos “ clients “ de 1944 seront à nouveau en piste d’ici deux ou trois ans... » Bien sûr, au fil des mois l’Allemagne cessait d’être un ramassis de criminels nazis pour devenir une noble nation de fidèles alliés de l’O.T.A.N. Les immondes « collabos traîtres » de 1944 se muaient en « précurseurs de la réconciliation ». Dans ce contexte, l’exploitation des archives de la Gestapo devenait de plus en plus incongrue et il est normal qu’un de vos prédécesseurs ait prescrit l’envoi aux oubliettes de documents devenus scandaleusement inopportuns et contraires au « sens de l’histoire ». Mais, pour admettre que les documents dont vous parlez dans votre livre n’aient jamais été dépouillés et exploités, il faudrait que 10 tonnes d’archives allemandes datant de la guerre aient été récupérées par le S.D.E.C.E. après 1956. Cette hypothèse est parfaitement invraisemblable. En ce qui concerne le résultat « désagréable voire pénible » des sondages que vous avez fait effectuer dans les archives dont vous parlez, mon opinion est la suivante :

1) Il est parfaitement possible que certains gredins et faisans, voire quelques traîtres, aient réussi à se faire passer pour des Résistants en profitant de la fantastique pagaille qui a suivi la Libération et a duré plusieurs mois. De nombreux truands ont fait de même et lorsque le Commissaire BADIN a mis la main au collet du fameux Docteur PETIOT, ce dernier se pavanait en uniforme de Capitaine F.F.I. Les organismes liquidateurs des formations F.F.C. et F.F.I. ont fait de leur mieux pour trier le bon grain de l’ivraie, mais leur tâche était gigantesque la France entière réclamait des brevets de patriotisme et il est certain que des erreurs se sont produites. J’ai été témoin de scènes vaudevillesques lors de la liquidation de certains « Services de Renseignements » entièrement créés après le départ des Allemands. 2) Le fait, pour un individu, d’avoir émargé à l’Abwehr ou à la Gestapo, est bien, en principe, la preuve que l’individu est un traître. Mais, attention tous les agents de pénétration (les « W ») que nous avions introduit dans les Services allemands signaient des reçus toutes les fois que leurs dupes (les Allemands) leur remettaient un argent qu’ils venaient ensuite remettre à nos propres Services. Les Allemands nous créditaient de 90 « agents W » et reconnaissaient que ce « noyau d’agents doubles » vivait sans coûter un sou au Budget français (voir la synthèse allemande citée ci-dessus). La Gestapo avait tiré cet effectif de 90 « W » d’un document signé PAILLOLE et daté de janvier 1942. Il faut y ajouter les « W » recrutés par T.R. entre janvier 1942 et la fin de la guerre (ou, au moins, entre janvier 1942 et août 1944, si les archives dont nous parlons sont bien celles qui furent abandonnées par les Allemands à Paris). Il faut également y ajouter les agents de pénétration recrutés par — le B.C.R.A. — certains maquis — les réseaux britanniques — les réseaux américains Le total doit bien être de l’ordre de 200 à 300 personnes. On ne peut donc accepter le résultat des sondages que vous avez fait exécuter qu’après enquête sérieuse sur chaque cas découvert sous peine de risquer des erreurs lamentables. Le Capitaine KLEIN que je vous ai présenté et qui était, sans contredit, un excellent patriote et un résistant efficace, avait émargé à l’Abwehr lorsqu’il servait comme agent de pénétration dans les services allemands de STUTTGART et de COLOGNE entre 1937 et 1940. Dans le genre « W » nous avions même un champion, le Capitaine DOUDOT qui, avant 1940, avait réussi l’exploit peu banal de pénétrer simultanément, sous deux identités différentes, deux postes de l’Abwehr. Il ne viendrait à l’idée de personne, parmi les Anciens du Contre-Espionnage, de dénier au Capitaine DOUDOT un patriotisme sans faille servi par un courage remarquable. Je tiens à justifier à vos yeux mon intervention. Je vais donc être obligé de parler de moi et vous demande de m’en excuser. Je suis un représentant typique de ce groupe social que les communistes intitulent « les officiers de caste » : Du côté paternel, mon arrière-grand-père, mon grand-père, mon père, mes deux seuls frères et moi-même avons été officiers d’active. Mon fils aîné est actuellement en service comme lieutenant-colonel. Du côté maternel, je me rattache à une tradition militaire au XX° siècle. Je pense ne pas être totalement incompétent dans le domaine de l’honneur militaire.

Sorti de SAINT-CYR en 1930, j’ai servi au 16e B.C.P. à Metz puis à Saint Avold et j’ai eu fortuitement l’occasion d’entrer en rapports avec le Capitaine LAFFONT qui dirigeait l’antenne S.R. de Forbach et utilisait comme pseudo mon nom de famille: Bernard. J’ai, dès cette date, apprécié l’efficacité du travail de mon homonyme. Sorti de l’École de Guerre en 1939, j’ai été affecté à Lille où, en qualité de « stagiaire 2e Bureau », j’ai noué des rapports étroits avec le 5e Bureau local. Après l’Armistice, j’ai servi quelques mois au 2e Bureau de Périgueux où j’ai eu la chance de pouvoir recruter un excellent élément pour les Services Spéciaux (qui continuaient la lutte).

Affecté ensuite, comme capitaine de l’Armée d’Armistice, au commandement de compagnie du 26e R.I., j’ai reçu, fin octobre 1940, des consignes contraires à ce que j’estimais conforme à l’honneur militaire. (Il nous était interdit d’ouvrir le feu sur la Wehrmacht si elle franchissait la ligne de démarcation. Nous devions « essayer » d’obtenir des Allemands « l’autorisation » de nous retirer avec nos armes. Il m’est, tout naturellement, venu à l’esprit de me raccrocher aux camarades qui, j’en avais la preuve, poursuivaient efficacement la lutte. J’ai obtenu d’être muté aux Services Spéciaux (T.R.) où je suis resté jusqu’à la libération. En août 1944, j’étais un des trois « Inspecteurs Régionaux du réseau T.R. ». Le Commandant LAFFONT, alias VERNEUIL, voulait bien me considérer comme son adjoint et je détenais une lettre de service de sa main prescrivant que, s’il était arrêté, je prendrai la Direction des Postes de Métropole en attendant que la D.S.M. d’Alger puisse envoyer un Chef de réseau titulaire. A la Libération, j’ai demandé à aller servir dans une unité combattante et j’ai fini par obtenir satisfaction en février 1945. J’ai passé la fin de la campagne d’Alsace et la campagne d’Allemagne à la tête d’un magnifique bataillon de Tirailleurs Marocains. Après la guerre j’ai occupé divers postes dans des Écoles de Sous-Officiers et à l’État-Major de l’Armée. Je suis retourné aux Services Spéciaux en 1948 et suis redevenu l’adjoint du Colonel « VERNEUIL ». C’est à ce poste que je servais lors de sa mort. Je suis alors parti pour l’Indochine en qualité de Chef du Service de décryptement. Rapatrié en 1956, j’ai quitté définitivement les Services Spéciaux pour prendre un commandement au Sahara. Je m’estimerais très gravement coupable si je laissais passer sans réagir des accusations infâmantes et injustes à l’égard d’excellents éléments d’un Service qui a toujours été, pendant les douze ans où je l’ai connu de près, un modèle de patriotisme, de courage, de valeur technique d’abnégation et de conscience professionnelle.

 

 

 

 
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Article paru dans le Bulletin N° 132

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