Par le Colonel Paul PAILLOLE
Elle est décédée la veille de sa fête : le 14 août 1985. La presse, la radio, la télévision ont rendu hommage à son grand talent d'artiste du théâtre et du cinéma, à la tragédienne inégalable qu'elle fut pendant tant d'années à la Comédie Française et sur les scènes du monde entier, à la femme au tempérament exceptionnel, intuitive, passionnée, généreuse, éprise de panache et de grandeur.
Nul n'a dit et c'est dommage, que la rosette de la Légion d'Honneur dont elle était si fière témoignait de ses mérites culturels, certes, mais aussi de ses qualités civiques et des services qu'elle avait rendus à la France de 1935 à 1945, tout particulièrement pendant l'Occupation.
C'est Schlesser, alors chef de la section allemande de notre S.R. qui avait eu l'idée d'utiliser les comédiens français à l'occasion de leurs déplacements à l'étranger. Il en fut ainsi de Marie Bell.
Peu après mon arrivée au 2 bis, Schlesser me l'avait présentée. Elle revenait de Berlin où elle avait eu l'habileté de nouer des contacts avec Goering, féru de théâtre et Goebbels séduit par son charme et sa beauté.
Depuis cette époque, je peux affirmer qu'Elisabeth (c'était le pseudo que lui avait donné Schlesser) n'a jamais manqué une occasion de nous être utile.
De 1940 à 1944 par l'intermédiaire de Blémant, de Jean Osvald, de son frère Raoul (auxiliaire du Général Bloch-Dassaut) (1), elle assurait certaines de nos liaisons T.R., notamment avec le Colonel Gerard-Dubot à Paris, renseignait nos amis sur les activités de l'occupant, spécialement sur ses organismes de propagande, hébergeait chez elle des patriotes menacés.
Après la guerre, devenue animatrice d'une grande compagnie théâtrale, puis directrice artistique et finalement propriétaire du Théâtre du Gymnase à Paris, elle a toujours manifesté son attachement généreux à nos anciens services et à notre amicale.
Pour ma part, entré en 1946 dans la vie civile, je lui ai manifesté notre reconnaissance en l'aidant de mon mieux dans ses tâches administratives.
Pendant une trentaine d'années elle m'a ouvert toutes grandes les fenêtres sur ce monde si attachant du spectacle et sur tout ce qui gravite autour de lui.
J'ai pu apprécier la profondeur et la rigueur de ses sentiments, son sens aigu des responsabilités, son étonnant entregent... « ce que j'admire chez notre amie, me disait en 1950 l’ambassadeur du Brésil de Souza-Dantas, c'est qu'elle est partout à sa place, chez le plus pauvre comme chez le plus riche, chez le plus humble comme chez le plus titré »...
Nous perdons une amie fidèle. « Un copain » comme elle l'avait écrit en immenses jambages, sur une photographie qu'elle nous destinait.
(1) Chef d'un groupe de résistance, Grand Chancelier de la Légion d"Honneur à la Libération
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