| LES NOUVEAUX DANGERS PLANETAIRES. CHAOS MONDIAL,  DECELEMENT PRECOCE
 Une nouvelle vision du renseignement
 CNRS Éditions - 2009
 
 
 
 Anticiper les nouveaux dangers criminels pour mieux les contrer, sans se  focaliser sur ceux qui s’essoufflent déjà. C’est la voie défendue par Xavier  Raufer, l’un des meilleurs criminologues français, dans l’essai ambitieux qu’il  signe chez CNRS Éditions, les Nouveaux Dangers planétaires.
 Chaos mondial,  décèlement précoce. La thèse est simple, le propos savant: dans un monde en  changement perpétuel, les menaces d’hier ne sont pas celles de demain, qui ne  sont elles-mêmes pas celles d’après-demain. Quelques critères caractérisent néanmoins les nouveaux  dangers de ce « monde instable et brutal » d’après la guerre froide : un ennemi  qui « ne va pas de soi », dont la définition se confond souvent avec celle du  criminel, et qui ne partage aucune vision commune,aucun accord sur la nature de  la guerre ou de la paix.
 Ce constat effectué, Xavier Raufer démontre en une phrase  l’aveuglement du renseignement occidental et la nécessité absolue de s’adapter  à l’instabilité, cette « face noire » de la mondialisation: «Comment une  superpuissance dépensant,bon an mal an,70 milliards de dollars pour son seul  renseignement peut-elle être à ce point aveugle? »
 Comment, surtout,peut-elle ne pas avoir vu venir «Enron, le  11-Septembre,Madoff, les désastres au long cours en Afghanistan, en Irak, à la  frontière mexicaine,au Pakistan, en Somalie? »
 Gangs de narcotrafiquants toujours plus puissants, villes  tentaculaires à la criminalité galopante, sectes,mafias… les menaces sont en  constante évolution alors même que celles que nous tenons pour essentielles  s’estompent, tout comme s’est essoufflé le “terrorisme rouge” dans les années  1980.
 Déjà, certains salafistes – le mot se confond pourtant  désormais dans l’imaginaire collectif avec Al-Qaïda – s’éloignent du djihadisme  international : « De nombreux islamistes radicaux ont cessé de considérer le  terrorisme comme moyen pour l’islam de retrouver sa grandeur. » De  combattant, le mouvement opère un repli culturel, rejetant comme à ses origines «  toute forme d’association politique ».Conséquence à terme: « moins de bombes,  et plus de burqas ».
 En restant focalisés uniquement sur cette menace, les  renseignements occidentaux risqueraient d’être aveugles au développement  d’autres dangers, tout comme ils l’ont été face à celui-ci en d’autres  temps. Mieux vaux prévenir que guérir, en quelque sorte. Habitués à une société  individualiste, les pays occidentaux auraient perdu la capacité de  compréhension des phénomènes sociaux étrangers à leurs propres modes de  fonctionnement “modernes”.  Des modes de vie pourtant encore présents dans une  grande partie du monde, et prompts à resurgir sous la forme d’une réaction  identitaire à la mondialisation au sein même de nos sociétés: phénomènes  claniques à travers les mafias ou tribaux chez certains extrémistes religieux. Face à ces multiples aveuglements, Xavier Raufer préconise  le « décèlement précoce » pour sortir de la « guerre de retard ». Il s’agit  d’étudier, sans préjugés sur la nature de la menace ou sa priorité,chaque  élément annonciateur, chaque signe, pour ne pas renouveler les erreurs du  passé.
 La fatwa écrite en 1996 par Ben Laden, préfigurant toute son  action future,avait ainsi été totalement ignorée par les services américains  alors qu’elle était disponible même sur le site Internet de l’association des  étudiants musulmans aux États-Unis pendant deux ans. Son titre? Déclaration de  guerre contre les Américains occupant la terre des deux saintes mosquées. Les  rares responsables américains qui l’avaient lue la considéraient alors comme «  les élucubrations d’un esprit dérangé ».
 De même, comment la justice américaine a-t-elle pu attendre  mars 2009 pour se rendre compte d’une « présence criminelle au coeur de Wall  Street » dépassant largement l’affaire Madoff?
 «Méthode préventive assignée à la sécurité globale », le  décèlement précoce cher à Xavier Raufer vise à « doter de réactivité la  décision politique et le stratège par convergence des représentations et des  anticipations ».
 Une méthode oubliée, mais pourtant vieille comme le monde, note  l’auteur: dès l’an 1000, à Kyoto, un “bureau impérial des présages” recensait  tous les faits sortant de l’ordinaire signalés par les gouverneurs de province!
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