... Face à l'énormité des appareils d'État, les terroristes et leurs organisations sont peut-être d'une taille insignifiante en termes d'effectifs et de moyens, cependant, aucun État n'ose les prendre à la légère du fait de leurs actes déments. 
                La raison en est qu'ils agissent en dépit de toute règle. Une organisation terroriste disposant de l'arme nucléaire est beaucoup plus dangereuse qu'un État disposant de la même arme. Le credo de Ben Laden, « si je meurs, personne d'autre ne doit vivre », permet de comprendre qu'il n'a pas le moindre scrupule à plonger dans un bain de sang des dizaines de milliers d'innocents pour tuer une dizaine d'Américains. 
                Avec pour logique « si je peux te cambrioler, c'est que ta porte n'est pas fermée à clé », George Soros ne se sent pas responsable de la destruction de l'économie ni du bouleversement de l'ordre politique d'autres pays. 
                Aux yeux d'un Ben Laden, caché dans les montagnes de l'intégrisme islamique, d'un George Soros dissimulé dans la forêt de l'économie libérale, ainsi que d'un pirate informatique camouflé derrière le voile d'azur des réseaux, il n'existe aucune frontière, et aucune limite territoriale n'a de valeur. 
                Il faut donc s'attendre qu'ils détruisent à leur gré dans les domaines balisés par des règles et qu'ils agissent brutalement et sans la moindre retenue dans les domaines privés de règles. Face à ces forces terroristes d'un type nouveau qui font naître certains doutes à l'égard de la rationalité de l'ordre établi, l'ordre mondial actuel se trouve devant un grave défi inédit. 
                Ceux qui maîtrisent la destruction des règles et ceux qui les amendent sont peut-être aussi nécessaires les uns que les autres. Toute abolition des règles suscite nécessairement une réflexion rigoureuse. Lorsqu'un ordre ancien est sur le point de disparaître, des opportunistes sont toujours prêts à suivre les tendances destructrices de cet ordre. 
                Sur ce terrain, les nouveaux terroristes représentent à l'évidence une avant-garde dans la société internationale. Face à un ennemi qui méprise les règles, il n'y a certainement pas de meilleure tactique pour s'en défendre que de les transgresser aussi. Récemment, pour affronter des ennemis qui vont et viennent sur le terrain de la guerre non militaire, les Américains ont utilisé des missiles de croisière ; le gouvernement de Hong Kong a eu recours aux réserves de devises et aux mesures administratives ; et le gouvernement britannique, enfreignant les règles admises, a autorisé ses services secrets à assassiner « légalement » des chefs d'État étrangers qu'il considérait comme des terroristes. 
                Autant de signes qui témoignent d'une mise à jour des règles et d'une transformation des méthodes de combat. Mais cela révèle également la faiblesse d'une pensée et de moyens uniques. Les Américains auraient décidé d'utiliser la piraterie informatique pour rechercher et bloquer les comptes de Ben Laden dans les banques de tous les pays du monde afin de couper radicalement ses sources de financement. 
                Il s'agit indéniablement d'une percée dans les méthodes de combat, hors du domaine militaire. On doit ajouter, à cet égard, que les terroristes - nouveaux et anciens -, attachés au principe de recourir à tous les moyens possibles, sont les meilleurs maîtres pour les gouvernements...
                En outre, la guerre est en train de s'étendre à un domaine plus vaste et d'une plus grande portée. Tout ce que fournit l'époque de l'intégration technologique ouvre à l'art de la combinaison un espace aux possibilités quasi illimitées. On peut donc affirmer que celui qui saura concocter un cocktail au goût unique pour le banquet de la guerre future est assuré de pouvoir coiffer les lauriers de la victoire.