Le plan Jedburgh, initié en juillet 1942 par le Special Operations Executive (SOE) et l’Office of Strategic Services (OSS), visait à soutenir la Résistance dans les territoires occupés pour faciliter l’avancée des troupes alliées après le débarquement. Cette collaboration anglo-américaine, enrichie par la participation des résistants français, belges et hollandais, comprenait la formation et le déploiement de 100 équipes d’opérations spéciales. Recrutées et entraînées dans le secret, ces équipes furent parachutées pour mener des missions de sabotage et de soutien aux maquis. Le bilan de cette opération secrète, bien que marqué par des pertes, témoigne de son impact crucial dans la lutte contre l’occupant nazi.
Commentaire AASSDN : Comme chaque année mais plus encore cette année, les médias et la classe politique mettront en avant le rôle essentiel joué par les Alliés dans cette opération qui avait pour objectif de vaincre le nazisme après que Hitler ait déclaré la guerre aux Etats-Unis le 11 décembre 1941 soit 4 jours après Pearl Harbour.
La libération de la France démarra par les 2 débarquements de Normandie essentiellement anglo-saxon et canadien (6 juin 1944) et de Provence (15 août 1944) essentiellement franco-américain. Si ces débarquements furent des succès, ce fut d’abord grâce aux innombrables renseignements très précis et actualisés transmis à Londres (vers la France Libre et l’Intelligence service) pendant des mois sur les troupes allemandes (infrastructures, dispositifs et matériels) par les grands réseaux de Renseignement de la Résistance (Confrérie Notre-Dame et Alliance notamment) mais aussi par des équipes de deux ou trois « commandos » souvent dirigées par des Français, entrainées en Grande Bretagne, puis parachutées en France occupée (Plan Jedburgh et opération Sussex).
L’AASSDN tient particulièrement à rappeler le sacrifice de ces combattants de l’ombre, agissant dans la clandestinité et tenus au secret qui ont accepté de sacrifier leur vie pour la liberté de leur pays.
c’étaient des garçons et des filles de 17 ou 25 ans, des patriotes ardents et de vrais guerriers qui n’ont pas eu la notoriété donnée par Hollywood au « soldat Ryan » et à ceux du « jour le plus long ». Mais faut-il rappeler que le premier mort du débarquement fut un parachutiste français largué en Bretagne.
Enfin et quelles que soient les conflits actuels, n’oublions pas de 2 soldats allemands sur 3 furent tués par l’armée rouge aux côtés de laquelle l’escadrille française Normandie Niémen combattit et se couvrit de gloire. Elle fut la seule unité alliée à combattre sur le front oriental.
Naissance du plan Jedburgh
L’idée du plan Jedburgh est née en juillet 1942 au SOE (Special Operations Executive). L’OSS (Office of Strategic Services), se rapproche de lui dès avant le débarquement en Afrique du Nord pour analyser la possibilité d’envoyer du personnel en zone occupée afin de faciliter la progression des troupes après le débarquement, car le potentiel de la Résistance et l’expérience des réseaux anglais sont des atouts majeurs. Mais le plan stagne. Ainsi, afin de faire réagir le commandement, le SOE monte la manœuvre Spartan du 3 au 11 mars 1943. Les Américains y sont observateurs. L’exercice est si positif qu’un mémorandum est rédigé par les deux services 5 jours après. Il définit le rôle, les moyens de commandement et de contrôle ; un effectif de 70 équipes de 3 hommes dont 1 originaire du pays ; les fonctions au sein des maquis et les moyens de communication. On prévoit de larguer les équipes en uniforme pour leur assurer la protection des conventions en vigueur, cependant les habits civils sont admis.
En avril, le nombre des équipes est porté à 100 dont 30 fournies par les pays envahis (France, Belgique et Hollande) car on prévoit de lourdes pertes
Recrutement et entraînement
La création du Comité National de la Résistance en mai 1943 facilite le rapprochement entre la France et les Alliés. En juillet, la France est invitée à recruter pour le plan. De Gaulle accepte, et le commandant Saint Jacques du bureau central de renseignement et d’action (BCRA), fait le tour des régiments d’Afrique du Nord. Les critères sont bien établis. Il ne s’agit pas seulement de recruter des baroudeurs mais des hommes ayant du cran, intelligents, aptes à jauger une situation politique locale et à s’imposer aux chefs des maquis et aux autorités civiles en place.
Si les Alliés fournissent leur quota sans difficulté, ce n’est pas le cas de la France. Saint Jacques puise la majorité des effectifs dans les unités non prévues pour la campagne d’Italie. Sa tâche est ardue suite aux réticences des colonels chefs de corps. Le quota n’est atteint qu’en avril 1944 alors que les cours ont débuté début février. Pour assurer la discrétion du plan Jedburgh, les Britanniques créent un nouveau camp d’instruction afin d’être sûrs qu’il reste inconnu de l’ennemi. Le château de Milton Hall, à Peterborough, est réquisitionné. Au lieu de STS (Special Training School), ce centre prend l’appellation de ME 65 (Military Establisment 65).
Bien qu’installés dans un superbe cadre, les rapports entre les nationalités manquent de cordialité. Les Britanniques découvrent leurs cousins d’Amérique différents de ce qu’ils imaginaient et parfois plus étrangers que les Français eux-mêmes. Ces derniers, qui ont vécu 3 années de propagande de Vichy et l’affaire de Mers-El-Kébir, gardent leurs distances à l’égard des Anglais. De plus, ils sont exclus de la direction de l’école que se partagent les Alliés, et font face à des instructeurs qui prétendent leur apprendre à combattre alors qu’ils ont connu la campagne de 40 et celle de Tunisie… C’est en fait la guérilla qu’ils vont apprendre. Les cours s’enchaînent à un rythme soutenu et abordent tous les sujets utiles aux futures missions : parachutisme ; armement allié et ennemi ; tir instinctif ; mise en œuvre d’explosifs ; radio et chiffrement ; organisation de zone de parachutage et guidage d’avion ; marches commandos et close-combat avec le major Sykes.
L’ambiance est morose et la rigidité du directeur du centre, le colonel Spooner, n’arrange rien. En avril, il est remplacé par le Colonel Musgrave. Tout s’améliore. Des permissions sont accordées. Il crée une osmose entre les stagiaires en formant avant l’heure les « teams » par libre choix des officiers qui choisissent ensuite leur radio. Puis, il organise un concours de dessin destiné à créer un insigne commun à tous. C’est Victor Gough qui gagne en créant les ailes « SF ». En mai et juin, 25 équipes partent pour Alger, le rayon d’action des avions ne pouvant assurer leur largage dans le sud de la France depuis l’Angleterre.
Les missions
A partir du 6 juin, Tempsford et Harrington sont les bases d’envol depuis l’Angleterre. En Algérie, ce sont celles de Maison Blanche et Blida.
Les missions se regroupent en 5 zones d’actions : la Bretagne ; la vallée de la Loire ; l’axe Châteauroux-Toulouse ; les Alpes et le sud-est ; enfin le nord-est. En juin, le but principal de retarder les renforts allemands vers la Normandie est atteint. Les mois suivants, la mission de protection des flancs des armées de libération progressant depuis la Normandie et la Provence est une réussite.
L’utilisation du potentiel Jedburgh se répartit ainsi : en juin, 13 teams sont largués dans le sud, le centre et la Bretagne. En juillet, 11 autres suivent vers la Bretagne et le centre-ouest. En août, suite au débarquement de Provence, l’aide aux maquis s’intensifie. 53 teams sont parachutés vers le sud-ouest et les Alpes. En septembre, 10 teams renforcent l’est. Sur le front Atlantique, 4 autres sont déposés par mer. En novembre, un dernier team est positionné en Alsace face à la menace allemande. Chaque équipe saute avec une douzaine de containers d’armes ce qui permet aux Jedburghs d’instruire les maquis en attendant les parachutages demandés par radio. Le commandement des maquis n’est pas automatique et se fait en fonction des circonstances, mais la supervision reste la règle.
Le bilan
Au total, 92 équipes Jedburghs sont envoyées en France dont 1 proche de la Belgique. En Hollande, 8 teams sont parachutés, dont 6 en appui à l’opération Market Garden.
285 hommes ont été Jedburghs en France (103 Français, 89 Britanniques, 83 Américains, 8 Hollandais, 1 Belge et 1 Canadien). Les prévisions de 40% de perte n’ont heureusement pas été atteintes. On déplore cependant 19 tués (13 au feu, 4 exécutés après capture et 2 sauts mortels); 25 blessés (18 au feu et 7 au saut); 4 prisonniers.
Bertrand SOUQUET
Historien, fils de Jefdburgh