Nouvelle-Calédonie : Quand les ingérences étrangères attisent les flammes du conflit

L’article traite des violences survenues en Nouvelle-Calédonie, attisées par l’opposition à la loi sur le dégel du corps électoral et l’ingérence de puissances étrangères, notamment l’Azerbaïdjan et la Chine. Tandis que des groupes indépendantistes radicaux et des voyous canaques se sont rebellés, les accords avec Bakou visaient à affaiblir la France pour son soutien à l’Arménie. La Chine, quant à elle, poursuit discrètement ses intérêts stratégiques dans la région pour contrer l’influence américano-australienne dans le Pacifique.

Commentaire AASSDN : A travers la Nouvelle Calédonie, c’est la France qui est visée et les troubles qui s’y déroulent contribuent à affaiblir la puissance, la crédibilité et l’influence de la France dans le monde. Les DROM-COM constituent un atout stratégique majeur pour notre pays qui est ainsi présent sur tous les océans avec plus de 11 M km2 de zone économique exclusive (ZEE de 200 nautiques autour des côtes). En outre des installations militaires essentielles sont implantées sur les 120 000 km2 de territoire qu’ils représentent : bases navales, aériennes centre spatial et stations d’écoute et de surveillance. Les ingérences étrangères menacent donc directement notre intégrité territoriale et constituent une atteinte directe et grave à nos intérêts stratégiques. Elles exigent une réponse sans ambiguïté.

Les événements en Nouvelle-Calédonie étaient prévisibles. L’opposition à la loi sur le dégel du corps électoral s’était radicalisée, depuis des mois, dans une partie de la communauté canaque. Mal anticipée, l’émeute a bloqué le territoire à partir du 13 mai, jusqu’à l’arrivée des premiers renforts, le 18 mai. Malgré l’état d’urgence décrété le 16, la Nouvelle-Calédonie aura subi la violence la plus extrême pendant plusieurs jours (huit morts et près de 1 milliard d’euros de dégâts).  

Enkystés au sein de la communauté canaque, des indépendantistes radicaux et des groupes de voyous ont tenu tête à l’État, aidés en sous-main par des ingérences étrangères. Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, le précisait le 16 mai, sur France 2, en ciblant précisément l’Azerbaïdjan : « Ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité… une partie des indépendantistes calédoniens ont fait un deal avec ce pays. » Ce deal évoqué concerne des accords de coopération signés, en avril, entre le régime azerbaïdjanais et des responsables indépendantistes. 

Ces ingérences étrangères n’expliquent pas la montée aux extrêmes, tant les contentieux locaux sont nombreux, mais elles y ont contribué.

Ce n’est pas une nouveauté dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Voici quarante ans, l’Australie et la Nouvelle-Zélande soutenaient déjà le camp indépendantiste, pour chasser la France du Pacifique Sud. Cette fois, c’est l’Azerbaïdjan, situé à près de 14 000 km de Nouméa, sans aucun lien historique ou géopolitique avec la région. Le régime de Bakou agit par pur opportunisme, avec un but : tenter d’affaiblir la France pour la punir de son soutien à l’Arménie. Ses attaques informationnelles ont été repérées en 2022 par l’agence étatique française Viginum, chargée de surveiller internet. Elles ont commencé quand la France a dénoncé l’agression de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie. Elles ont redoublé d’intensité à l’automne 2023, après l’annonce d’une aide militaire française à l’État arménien.

Les relais d’influence de Bakou s’efforcent de coordonner l’action antifrançaise des « peuples opprimés par la France », qu’ils soient canaques, polynésiens, guyanais, martiniquais ou… corses. Aux petits soins pour des élus indépendantistes ou gauchistes complaisants ou naïfs, ils cherchent à amplifier le sentiment antifrançais à travers un généreux « programme de solidarité anticoloniale », financé par les ventes de gaz et de pétrole… à l’Union européenne.   

Dans ce jeu d’ingérences, l’Azerbaïdjan n’est pas le seul acteur. La Chine agit « derrière le rideau », plus discrètement, dans le cadre d’une stratégie de puissance de long terme.

Elle s’intéresse à la Nouvelle-Calédonie pour consolider ses intérêts économiques et géopolitiques dans le Pacifique Sud et se préparer à l’inévitable confrontation à venir avec les États-Unis. 

Pékin cherche à nouer toutes sortes de partenariats avec les États qui le souhaitent, des plus grands (Indonésie) aux plus petits, comme Nauru, le Vanuatu ou les îles Salomon. De nombreux pays sont devenus des éléments plus ou moins complaisants de l’immense « collier de perles » que les Chinois déploient, du Sri Lanka à la Papouasie. En renforçant ainsi leur présence, les Chinois entrent en concurrence directe avec les Américains et leurs grands alliés occidentaux de l’hémisphère sud, les Australiens et les Néo-Zélandais. 

La Chine bute sur la Nouvelle-Calédonie française. Pékin voit cet archipel comme une source potentielle de richesses, comportant environ des millions de km2 de zones de pêche (NDLR dont près de 1,5 Mkm2 de ZEE) et des gisements de nickel (l’île est le troisième producteur mondial, après l’Indonésie et les Philippines). Le « caillou » est aussi un important point d’appui stratégique dans le Pacifique Sud, le « porte-avions de la France », comme il le fut pour l’armée américaine durant la Seconde Guerre mondiale. Le port et l’aéroport de Nouméa intéressent la marine et l’aviation militaires chinoises, appelées à rayonner de plus en plus loin de leurs bases. 

En ajoutant le « caillou » calédonien à sa collection de « perles », les Chinois feraient un gain stratégique majeur.

Ils se retrouveraient au contact direct du vaste dispositif américano-australien qui verrouille quelques-unes des grandes routes maritimes mondiales, reliant notamment l’Amérique à ses deux grands alliés dans le Pacifique Nord, face à la Chine : le Japon et Taïwan.

Frédéric PONS
Chronique paru dans la Revue Conflits n°52
https://www.revueconflits.com




La Russie de Poutine et l’après-Poutine

Vidéo d’une interview (de 35 minutes) d’Helena PERROUD, spécialiste française de la Russie (ancienne conseillère de J Chirac), par Alain Juillet. Elle nous permet de mieux comprendre le parcours de Poutine, sa perception des relations avec l’Occident et nous livre en fin d’interview la façon dont se prépare la succession du dirigeant russe.

A lire le livre d’Helena Perroud :  “Un russe nommé Poutine”  ainsi que “Le grand échiquier” écrit par Zbigniew Brzeziński, le conseiller stratégique de nombreux présidents US



 




Contre-espionnage en Chine : une mobilisation nationale appuyée par la culture populaire

La Chine met en place une stratégie visant à sensibiliser sa population aux menaces d’espionnage étranger et à l’impliquer dans la protection de la sécurité nationale. En utilisant des films, séries, bandes dessinées et plateformes numériques, les autorités encouragent les citoyens à signaler tout comportement suspect, en particulier auprès des jeunes générations, afin de renforcer la vigilance collective face à une confrontation croissante avec l’Occident.

Avis AASSDN : Le régime politique de la Chine est un système totalitaire qui n’est en rien comparable au nôtre ou à ceux des pays européens Les autorités chinoises visent sans doute à travers ces actions de communication à se prémunir non seulement contre l’action des espions étrangers mais également contre le comportement d’opposants.

Si les Français vivent aujourd’hui dans un régime de grande liberté, ils ne doivent pas pour autant négliger et se désinteresser des actions d’espionnage de pays étrangers qui visent à rechercher et collecter des renseignements dans dans les domaines stratégiques – économique et militaires. Ils doivent aussi se mobiliser pour contrer les opérations de déstabilisation, de désinformation, de fragilisation et de mise en tension de notre société.

La Liberté individuelle est le resultat d’un combat collectif victorieux contre un ennemi qui vous agresse même de manière peu visible. Elle se protège donc et se gagne par une action  menée dans la durée par l’ensemble de la Nation.
Chaque Français doit donc être sensibilisé aux nombreuses menaces qui pèsent sur sa souveraineté.
Gagner ce combat aux multiples facettes par l’engagement de tous les Français chacun dans son domaine est la manière la plus efficace de préserver notre souveraineté. Il y va de la survie de la France.




DICOD : le guide de l’Armée contre la désinformation

Le document ci-dessous, édité par la DICOD et relatif à la désinformation, est opportun d’autant que ce phénomène est au cœur des préoccupations de l’AASSDN dont l’un des trois domaines d’action est d’œuvrer à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation.

Avis AASSDN : La désinformation au sens large constitue en effet une menace majeure sournoise, multiforme et en plein développement contre notre pays qu’il fragilise en s’attaquant à sa souveraineté et à la cohésion de la Nation, en minant la volonté et la confiance  de l’ensemble des Français.

Ces actions de déstabilisation de notre pays sont le fait de tous les Etats, notamment les plus puissants : Alliés, (de l’Union européenne ou pas), compétiteurs et  adversaires dans tous les domaines :  militaire mais aussi économique et culturel. Notons que la désinformation est aussi le fait de partis politiques français de tous bords, d’entreprises et de groupes de pression.

Il n’est donc pas suffisant de faire confiance à des medias nationaux officiels ou ayant une certaine notoriété. Pour déjouer cette menace, il nous faut tous et en priorité acquérir une solide culture générale qui seule permet de développer un esprit critique articulé, et nous aider dans la recherche de sources véritablement distinctes et indépendantes.

Il nous faut enfin cultiver la vertu de prudence, l’exigence de la réflexion et de l’analyse des faits sans se laisser submerger par la répétition d’informations ni oublier de s’intéresser à des informations souvent occultées par les grands médias.

Téléchargez le guide DICOD ci-dessous :




Jean Teissier alias colonel Lizé : un héros oublié de la Libération de Paris

Jean Teissier, baron de Marguerittes, a joué un rôle clé dans la Résistance française et la Libération de Paris. En 1944, sous le pseudonyme de colonel Lizé, il prend le commandement des Forces françaises de l’intérieur (FFI) de la Seine et participe activement aux combats pour libérer la capitale. Opposé à une trêve avec l’ennemi, il ordonne l’édification de barricades, et Paris est finalement libéré le 25 août 1944. Après la guerre, il poursuit une carrière militaire et spirituelle, devenant prêtre en 1956.

Né le 1er juin 1882 à Constantine (Algérie), élève de l’Ecole centrale des Arts et Manufactures, il s’engage dans l’armée le 5 juillet 1905 et est affecté au régiment d’artillerie de Tarbes. Promu sous-lieutenant de réserve en octobre 1908, il intègre le 29e régiment d’artillerie. En 1913, il obtient les galons de lieutenant de réserve puis d’active en 1916 et passe au 63e régiment d’artillerie de défense contre avions (RADCA). Promu au grade de capitaine en janvier 1917, il rejoint le 63e régiment d’artillerie de campagne puis est détaché à la Direction de l’Aéronautique militaire en mai 1919. En 1925, il rejoint le service financier de l’Armée française du Rhin puis deux ans plus tard le 41e régiment d’artillerie divisionnaire à Périgueux. Jean Teissier est promu chef d’escadron le 25 septembre 1929.  Deux ans plus tard, il rejoint l’état-major du département de la Seine puis, en 1932, le parc régional d’artillerie d’Angoulême. Promu lieutenant-colonel le 25 décembre 1937, il prend le commandement du 74e régiment d’artillerie dépendant de la 1ère division légère mécanique.

Le 10 mai 1940, la 1ère DLM se porte sur la frontière belgo-néerlandaise et, de là, est contrainte à la retraite jusqu’à Dunkerque où elle est embarquée pour l’Angleterre. De retour à Cherbourg le 6 juin 1940, il reconstitue son régiment avec des éléments de fortune dans les environs de Chevreuse. Après avoir réquisitionné quelques véhicules, ils rejoignent le Puy-de-Dôme où ils arrivent le 16 juin.  Le 18 juin, le colonel de Marguerittes est convoqué d’urgence à Clermont-Ferrand où il doit prendre le commandement de la défense de la ville. Il est alors sous les ordres du général de Lattre. De Marguerittes apprend le 24 juin que l’armistice a été signé. Le 6 juillet, son régiment est dissous et le général de Lattre lui confie la fonction de Major de Garnison de Clermont-Ferrand, de Royat et de Chamalières et le promeut au grade de commandeur de la Légion d’honneur. Sa première préoccupation est d’organiser près de Clermont-Ferrand un camp destiné à recevoir les démobilisés, notamment ceux ne pouvant rentrer chez eux.  Il participe également aux activités naissantes d’un réseau d’évasion de prisonniers de guerre français.

Une nouvelle activité commence ensuite pour lui : le camouflage du matériel soustrait à l’ennemi. Ses nombreuses parentés en Auvergne lui facilitent le travail. Carrières, châteaux, fermes reçoivent des dépôts de toutes sortes (armes, munitions, véhicules…). En mai 1941, il est promu colonel de réserve puis est démobilisé à Bergerac. Il se retire à Manzac sur Vern (Dordogne). Il est alors contacté par le général de Beauchêne pour mettre en place un réseau de résistance armée. Le colonel de Marguerittes commence alors un travail de réorganisation clandestine de son régiment. Se sentant repéré, il entre dans la clandestinité au début de l’année 1943 et quitte la Dordogne.

En avril 1943, le colonel de Marguerittes entre en contact avec l’OCM à Bordeaux. Il accepte d’organiser l’Armée Secrète dans les départements des Landes et des Basses Pyrénées. Fin 1943, il prend le commandement de la région de Bordeaux dont le chef vient d’être identifié par la Gestapo. Traqué à son tour à la suite d’une tentative d’exécution de Grand-Clément convaincu de trahison, De Margerittes est affecté à Lyon en février 1944 et entre en liaison avec Ceux de la Libération.

Au début de mai 1944, le colonel de Marguerittes arrive à Paris sous le pseudonyme de colonel Lizé. Pierre Lefaucheux, commandant des FFI de la Seine, vient d’être arrêté par les Allemands. Le lieutenant-colonel Duc (Dauphin), responsable militaire de Libé-Nord, membre de l’état-major national FFI, lui propose de prendre le commandement des FFI de la Seine. Lizé accepte sa proposition.

A partir de cette date, le colonel Lizé met tout en œuvre pour préparer l’insurrection libératrice. Le 17 août au matin, il installe son PC au 1 rue Guénebaud, au coin du quai de Conti. La bataille de Paris commence réellement le 19 août. Le soir même, diverses hautes personnalités françaises de toutes obédiences interviennent auprès de Raoul Nordling, consul général de Suède, afin qu’il intervienne auprès du général Von Choltitz à l’effet de conclure une trève. Celui-ci accepte. Le colonel Lizé est farouchement opposé à cette trêve. Le 21 août au soir les combats reprennent. A 19h30, Lizé donne l’ordre d’édifier des barricades. Dans la nuit du 24 août, les premiers éléments de la 2e DB entrent dans Paris. Le lendemain, la ville est libérée.

Après la Libération, il est nommé président de la commission d’homologation des grades FFI de la Seine. En septembre 1945, le colonel de Marguerittes commande quelques temps la Place de Baden-Baden. Promu général de brigade le 25 février 1946, il est ensuite démobilisé pour atteinte de la limite d’âge. Il est alors appelé comme délégué français de l’UNRRA (Administration des Nations Unies pour les secours et la reconstruction) en Allemagne et chargé de mission, durant deux ans, de l’ordre souverain de Malte.

Veuf de Suzanne Duval qu’il avait épousé en septembre 1918, il entre au séminaire de Périgueux et est ordonné prêtre en 1956. Il devient alors curé de campagne.

Jean Tessier est décédé le 21 août 1958 à Grand-Brassac en Dordogne.

Décorations :

  • Grand Officier de la Légion d’Honneur
  • Croix de guerre 1914-1918
  • Croix de guerre 1939-1940
  • Médaille interalliée de la Victoire
  • Croix de guerre belge
  • Commandeur de l’Ordre de Léopold (Belgique).

Source : Musée de la Résistance




18-25 août 1944 : Les enjeux politiques de la libération de Paris

Cet article explore les enjeux politiques autour de la Libération de Paris en août 1944, mettant en lumière le rôle crucial du Général De Gaulle dans l’installation de son gouvernement à Paris. Il souligne les rivalités avec le CNR et les communistes, ainsi que l’importance de la stratégie militaire alliée pour libérer la capitale. De Gaulle parvint à marginaliser les contre-pouvoirs, consolidant ainsi son autorité politique et préparant la transition vers une France libérée.

“Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple, avec le concours des armées de la France, avec l’appui et le concours de la France tout entière, c’est-à-dire de la France qui se bat, c’est-à-dire de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle !” – Général De Gaulle, Discours à l’Hôtel de Ville le 25 août 1944 soir.

En ce 80e anniversaire de la Libération de Paris, il n’est peut-être pas indispensable de rapporter une nouvelle fois l’histoire factuelle de cet évènement majeur de l’Histoire de France, d’autant plus, qu’à cette occasion, le film de René Clément « Paris brûle-t-il ? », sorti sur les écrans en 1966, va sûrement se trouver être une nouvelle fois programmé par les grandes chaînes de télévision nationale. En revanche, au-delà de la matérialité des faits, il apparaît opportun de rappeler les enjeux politiques de cet évènement, car, la nature et la forme des pouvoirs publics qui allaient exercer le pouvoir en France à la Libération dépendraient beaucoup de la façon dont Paris allait être libéré.

Il y a donc lieu d’exposer comme point de départ les grandes forces politiques, ainsi que les acteurs qui les composent, et qui vont parfois s’affronter durant une semaine, entre le 18 et le 25 août 1944 à Paris, ainsi que les acteurs militaires, français comme alliés de cet évènement.

Au niveau politique, bien évidemment, en premier lieu, il s’agit du Général De Gaulle, qui cherche à installer et asseoir son gouvernement dans la capitale, d’une façon telle qu’il ne soit l’otage d’aucune faction, toute légitime fût-elle. Si son charisme personnel lui a permis de définitivement faire reconnaître sa légitimité par les Alliés, son plus farouche adversaire politique, Roosevelt, l’a reçu officiellement à la Maison Blanche en juillet, il doit maintenant installer son gouvernement « dans ses murs », à Paris. Il s’agit là de l’aboutissement d’un processus complexe qu’il a déroulé point par point, depuis son arrivée à Alger, le 30 mai 1943, et qui s’est fortement accéléré depuis le Débarquement : la transformation du Comité français de libération nationale (CFLN) en Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) le 3 juin, d’abord, suivie de l’installation de François Coulet comme commissaire de la république pour la Normandie et Raymond Triboulet comme sous-préfet de Bayeux, premier chef-lieu d’arrondissement libéré, et sa reconnaissance par la population, le 14 juin, une grosse semaine après le Débarquement. Cet évènement lui a permis de s’imposer aux alliés américains qui avaient froidement imaginé une administration militaire américaine (AMGOT), comme si la France pouvait ainsi passer lors de la Libération, d’une occupation allemande à une occupation américaine. Pour incarner la légitimité de son gouvernement, au fur et mesure de la libération des chefs-lieux des départements concernés, Pierre de Chevigné, nommé commandant militaire des régions libérées, y installe les préfets désignés par une commission présidée par Michel Debré et dont les personnalités avaient été agréées par De Gaulle. De la sorte, la Libération ne s’accompagnait d’aucune vacance de pouvoir.

S’agissant de Paris, où il savait que son autorité risquait d’être confrontée à des contre-pouvoirs, De Gaulle disposait de deux atouts : d’une part, la Délégation générale du Gouvernement, entre les mains d’Alexandre Parodi qui était chargé d’encadrer toute insurrection potentielle et de mettre en place les secrétaires généraux dans les ministères, et d’autre part, Jacques Chaban-Delmas, délégué militaire national, qui devait également encadrer toute insurrection « spontanée » de la part des FFI.

En effet, l’exercice du pouvoir par De Gaulle, s’il n’était contesté sur le fond par personne, pouvait néanmoins se trouver limité dans sa forme, essentiellement par le CNR, et son président, Georges Bidault. On trouve ici un exemple illustratif de la lutte souterraine, mais classique, qui oppose souvent une résistance intérieure à l’organisation extérieure de la même résistance. Les premiers, agissant sur le territoire, prennent et assument tous les risques, sous la menace permanente de la répression implacable de l’ennemi, tandis que les seconds, exilés dans une capitale étrangère ou outre-mer, visent à l’exercice du pouvoir, le moment venu. Bidault va donc se trouver sous la surveillance – discrète mais ferme – de Parodi.

Et, il y a les communistes, qui sont parvenus à fortement noyauter la Résistance et ses différents organismes, notamment le COMAC, le comité d’action militaire, destiné à encadrer l’action des FFI, et passé sous le contrôle du CNR. Au mois de mai, un mois avant le débarquement, les communistes ont réussi un coup de maître en faisant nommer l’un des leurs, Henri Rol-Tanguy, aux fonctions de commandant les FFI d’Ile de France. La question se pose de savoir si les communistes voulaient réellement s’emparer du pouvoir, au bénéfice d’une insurrection parisienne qu’ils auraient alors noyautée, contrôlée, puis dirigée. Il semble bien que non, même si cette perspective n’était pas faite pour leur déplaire. En réalité, d’une part, le rapport de force politique ne jouait pas en leur faveur, et, d’autre part, en pleine guerre, le commandement allié n’aurait certainement pas admis un tel coup de force. En revanche, que les communistes aient cherché à obtenir le maximum de gages pour l’avenir pour obtenir des responsabilités leur permettant de peser lourdement sur les décisions, c’est certain.

Et enfin, la Libération de Paris ayant lieu par la force des choses en pleine guerre, il ne faut pas oublier le commandement militaire allié, exercé par le général Eisenhower. Celui-ci n’était aucunement hostile à De Gaulle et, au moment du Débarquement, pragmatique, il a sciemment ignoré les directives qui étaient les siennes de mettre en place une administration militaire en France, se rendant aux arguments de De Gaulle. Ceci écrit, il n’avait aucune intention de se laisser détourner de ses impératifs stratégiques de commandant d’une coalition militaire interalliée par des contraintes relevant du jeu politique français. Paris ne constituait pas un objectif militaire, et, la Seine ayant été franchie en aval et en amont de la capitale, la progression alliée pouvait se poursuivre et Paris tomberait, le moment venu, comme un fruit mûr. Néanmoins, avant le débarquement, Eisenhower avait assuré à De Gaulle qu’il pourrait disposer de la 2e DB, sous contrôle opérationnel national, pour libérer la capitale.

Du côté ennemi, le commandant allemand du « Gross Paris » n’exerçait qu’un commandement territorial, et savait qu’il n’avait que peu de possibilités de se faire renforcer par des moyens relevant du Groupe d’armées « B », le commandement opérationnel. En effet, à partir du moment où la Seine était franchie par les Alliés en amont et en aval de Paris, l’intérêt pour la Wehrmacht de conserver Paris qui possédait les seuls ponts intacts sur la Seine avait disparu, puisqu’il n’y aurait plus d’opérations conduites au sud du fleuve.

Telles étaient les parties en présence, aux alentours du 15 août 1944, lorsque la situation militaire en France permettait d’envisager à court terme, la possibilité d’une libération de la capitale. Comment le général De Gaulle et ses représentants parisiens vont-t-ils manœuvrer pour arriver à leurs fins, à savoir, l’installation de son gouvernement à Paris ?

La police parisienne (qui avait beaucoup à se faire pardonner pour son rôle sous l’Occupation) se met en grève le 16 août et, le 18, prenant tout le monde de court, le CNR s’empare de la Préfecture de Police et des commissariats d’arrondissement. Par le réseau de communications de la Police parisienne, l’insurrection dispose d’emblée d’un système de liaisons sécurisé couvrant toute la capitale. Parodi réagit immédiatement et installe Charles Luizet, préfet de police désigné, dans ses murs. Ainsi, le premier acte insurrectionnel de la Libération de Paris est coiffé par la légalité du Gouvernement provisoire. Rol-Tanguy réagit également et lance immédiatement un mot d’ordre d’insurrection générale à Paris.

Dès le 20 août, De Gaulle se pose en avion près de Cherbourg, accompagné de Juin, chef d’état-major de la Défense nationale qui va jouer un rôle majeur dans les relations avec Eisenhower. Dès son arrivée, De Gaulle va d’ailleurs rencontrer le commandant suprême allié, à qui il demande la mise à disposition de la Division Leclerc, conformément à leur accord. Eisenhower élude au prétexte que les opérations ne sont pas achevées en Normandie, mais il se rend bien compte qu’il va devoir dorénavant, et à très court terme, devoir tenir compte de la présence du chef du Gouvernement provisoire sur ses arrières.

Ensuite De Gaulle va, jusqu’au 24, mener un périple, qui va le conduire de Rennes à Rambouillet, en passant par Laval, Le Mans et Chartres. À chaque fois, le rite est immuable : il déambule dans la principale artère de la ville où il se fait acclamer, il se rend à la Préfecture où le préfet lui présente ses principaux collaborateurs, il prononce ensuite un discours, et participe enfin à un Te Deum à la cathédrale. Il rôde en province, au niveau local, ce qui sera son triomphe national à Paris sur les Champs Elysées, le 26 août.

Pendant ce temps, à Paris, la situation évolue et la « trêve » voulue par Parodi et Chaban est finalement rompue par Rol-Tanguy. La ville se couvre de barricades et les Allemands se retranchent dans quelques points forts, l’École militaire, le Palais Bourbon, le Luxembourg ou le quartier des Célestins, place de la République. Le PC du général Von Choltitz, installé à l’hôtel Meurice rue de Rivoli, bénéficie de la sûreté rapprochée d’un escadron de chars déployé dans le jardin des Tuileries. La situation est bloquée, les Allemands sont dans l’impossibilité de réduire les barricades et les insurgés dans celle de faire tomber les réduits allemands.

Parallèlement, dans un souci de légalité républicaine, Parodi fait s’emparer de l’Hôtel Matignon, et, le 21, y préside la première réunion des secrétaires généraux des ministères, présents à Paris. La légalité reprend ses droits, même en pleine insurrection.

Mais, surtout, dès le 22 août, Eisenhower fait volte-face et décide que Paris serait libéré militairement et, dans ce but, place la 2e D.B à la disposition de De Gaulle, ce qui crée des incompréhensions entre Leclerc et son commandant de corps d’armée, le général L. T. Gerow, qui a beaucoup de mal à admettre cette situation. Mais Leclerc avait anticipé et envoyé, dès avant l’officialisation de la décision, un sous-groupement commandé par le lieutenant-colonel de Guillebon avec pour mission, d’aller reconnaître le dispositif allemand couvrant Paris depuis l’ouest et le sud.

Le 23 en fin d’après-midi, sa division étant regroupée dans la région de Rambouillet où réside De Gaulle, fort des renseignements recueillis par Guillebon, Leclerc diffuse son ordre célèbre : « Intention : S’emparer de Paris ». Chargé de l’effort, le groupement Billotte est orienté vers la porte d’Orléans depuis Arpajon, couvert sur sa droite par Dio qui vise la Porte d’Italie, et à sa gauche, Langlade, depuis Versailles, doit entrer dans la capitale par le Pont de Sèvres. Le 24 matin, la 2e D.B. débouche sur ses trois axes en direction de Paris, mais la résistance allemande est plus solide que prévue et, en début de soirée, aucun élément de la division n’est encore entré dans la capitale. Leclerc prend alors une double décision : larguer un message lesté dans la cour de la Préfecture de Police (« Tenez bon, nous arrivons ! ») et, surtout, faire infiltrer une compagnie du RMT renforcée de chars (la Nueve du capitaine Raymond Dronne) pour atteindre l’Hôtel de Ville avant minuit, ce qui est réalisé.

Dès le lendemain matin, les dernières résistances allemandes en banlieue Sud sont, soit réduites, soit manœuvrées et les groupements de la division pénètrent dans la capitale conformément à l’ordre reçu. Von Choltitz fait savoir qu’il ne capitulera pas, mais qu’il est prêt à cesser le feu à l’issue d’un baroud d’honneur. Leclerc reçoit sa reddition à la Préfecture, puis retourne attendre De Gaulle à son PC de Montparnasse où ce dernier arrive dans l’après-midi. D’emblée De Gaulle fait preuve d’une grande intransigeance politique, en reprochant amèrement à Leclerc de voir la signature du chef FFI Rol-Tanguy aux côtés de la sienne sur l’acte de reddition allemand.

La soirée du 25, dans une capitale en liesse est un moment de grande politique. Se sachant attendu à l’Hôtel de Ville par le CNR au grand complet, De Gaulle rejoint d’abord le ministère de la Guerre qu’il avait quitté le 10 juin 1940 avec Paul Reynaud et où il compte s’installer, en lieu et place de Matignon. Il écrira dans ses Mémoires « Rien ne manque excepté l’État. Il m’appartient de l’y remettre. Aussi, m’y suis-je d’abord installé ». Ce n’est que plus tard dans la soirée que De Gaulle condescendra à se rendre à l’Hôtel de Ville. Mais, seulement après avoir été saluer le Préfet Luizet à la Préfecture, l’hommage à l’institution préfectorale primant dans son esprit sur celui d’un Comité, fût-ce le CNR. À l’Hôtel de Ville, son célèbre discours (dont le passage le plus connu est cité en exergue de cette tribune) est certainement un morceau d’anthologie oratoire, mais également un modèle politique. Non seulement, De Gaulle ne fait aucune référence aux Alliés (pourtant il en aura besoin, on va le voir), mais il ne dit pas un mot, pas un seul ! sur l’action de la Résistance. Exit les FFI. Qui plus est, lorsque Bidault lui proposera de proclamer la République du haut du balcon de l’Hôtel de Ville, De Gaulle refuse avec hauteur au prétexte que la République n’avait jamais cessé d’exister depuis juin 1940 et qu’il l’avait incarnée.

Les jeux politiques sont faits. De Gaulle a gagné, les éventuels contre-pouvoirs qui auraient pu entraver son action, le CNR ou les FFI communistes sont marginalisés. Avant la fin août, c’est-à-dire en moins d’une semaine, les milices patriotiques sont dissoutes, et ses membres sommés de rejoindre l’armée régulière. Les FFI communistes, regroupés autour de Pierre Georges dit colonel Fabien, formeront le 151e Régiment d’Infanterie, qui rejoindra la Première Armée (son commandant en second sera Rol-Tanguy). Lors du défilé glorieux sur les Champs Elysées, le 26 août après midi, il est très intéressant de remarquer le respect de l’ordre protocolaire, dans une ambiance qui ne devait peut-être pas toujours s’y prêter : Parodi, son Délégué national avec rang de ministre descend les Champs Elysées à la droite de De Gaulle, alors que Bidault, président du CNR doit se contenter de défiler à sa gauche, les deux, un pas en arrière de De Gaulle.

Ceci écrit, De Gaulle savait qu’il devait se méfier d’un éventuel sursaut de mécontentement du monde résistant ou communiste. Aussi, le 28 août, jour même où il signe la dissolution des milices patriotiques, De Gaulle demande à Eisenhower de faire défiler « du monde » à Paris, de manière à produire une image de force destinée à étouffer dans l’œuf toute velléité de révolte. Avec un grand sens politique, Eisenhower propose, ce qui est accepté, de faire transiter par Paris et à pied deux divisions qui doivent rejoindre leur zone d’engagement au nord de la Seine. L’effet est saisissant : ce ne sont pas moins de 30 000 hommes qui défilent à Paris, en tenue de combat et casque lourd, fusil à la bretelle. Sur les Champs Elysées, ils défilent en rangs serrés ! Auparavant, De Gaulle avait demandé au commandement américain de conserver la 2e D.B. à Paris jusque début septembre.

En conclusion, rencontrant Jacques Lecompte-Boinet le 1er septembre, non pas en tant qu’ancien membre du CNR, mais en tant que secrétaire général du ministère des Travaux publics, De Gaulle lui déclare : « La Résistance est dépassée. La Résistance est finie. Il faut que la Résistance s’intègre dans la Nation. Parce que, vous comprenez, il y a eu la Résistance, maintenant il y a la Nation »

Rédigé par le Colonel (ER) Claude Franc – Aout 2024




La Russie dans le piège malien

La Russie, en soutenant la junte malienne contre les Touaregs du nord, s’est heurtée à la complexité du conflit au Sahel, notamment après la défaite de ses mercenaires et soldats maliens face aux combattants touaregs fin juillet 2024. Ce revers met en lumière l’erreur stratégique russe, similaire à celle de la France, en ignorant les réalités locales et en tentant de maintenir une unité malienne artificielle, sans résoudre les tensions ethniques profondes entre le nord et le sud du pays.

En plus d’indisposer son partenaire algérien en appuyant la junte de Bamako dans sa tentative de mise au pas des Touareg maliens, la Russie vient de découvrir tragiquement la « complexité » de la question sahélienne. 
Une découverte qui s’est faite dans le sang, entre le jeudi 25 et le samedi 27 juillet, dans la région de Tinzawaten, à proximité de la frontière algéro-malienne, où une colonne de l’armée malienne encadrée de mercenaires russes a été anéantie par les combattants touareg. Encerclés, les russo-maliens n’ont pas pu être secourus, ce qui en dit long sur leur niveau opérationnel.

Il était clair qu’après l’humiliation de la chute de leur bastion de Kidal en novembre dernier, les combattants du Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA), le nouveau nom de la coalition armée touareg et maure, allaient contre-attaquer.

Si un bilan définitif est difficile à annoncer, les vidéos qui circulent largement permettent d’estimer les morts à peut-être une douzaine de Russes parmi lesquels le commandant du secteur nord, ainsi que plusieurs dizaines de soldats maliens. Toujours grâce aux vidéos, il est possible d’affirmer qu’au moins deux Russes ont été faits prisonniers.

Après une arrivée triomphale uniquement permise par l’addition des erreurs politiques de la France, les Russes ont choisi la pire des options, à savoir aider le Mali du sud à conquérir le Mali du nord, donc, en revenir à la situation antérieure à 2011, c’est-à-dire au début de la guerre. Or, une intervention qui ne serait pas précédée du règlement politique de la question touareg ne ferait que reporter le problème tout en l’amplifiant. 
La Russie vient donc de découvrir qu’au Sahel, tout règlement en profondeur passe par la prise en compte des réalités locales… ce que la France a refusé de faire et qui explique son échec. 

Le fond du problème dont j’explique la genèse dans mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours est en effet que s’obstiner à vouloir faire vivre dans un même Etat les agriculteurs noirs sédentaires du Sud et les nomades berbères ou arabes du Nord est une utopie crisogène puisque l’ethno-mathématique électorale donne automatiquement le pouvoir aux plus nombreux, en l’occurrence les Noirs sudistes, ce que les nordistes ne peuvent accepter.

Nouvelle venue dans la région, la Russie n’a pas compris que la seule option de sortie de crise est celle de la reconnaissance d’une réalité qui explique tout, à savoir que le Mali « unitaire » n’a jamais existé -, et qu’il est donc urgent de penser à une nouvelle organisation constitutionnelle et territoriale. Toute autre approche est vouée à l’échec et aboutira finalement à une coagulation ethnique à travers un califat islamique régional… comme à la fin du XIXe siècle… jusqu’à ce que la colonisation vienne en libérer les populations…

Bernard LUGAN
Editorial du numéro d’août 2024 de la revue : l’Afrique réelle




10 mois de guerre entre le Hamas et Israël : Bilan et perspectives – Entretien avec Alain Chouet

Alain Chouet, ancien directeur du renseignement de la DGSE, explique que la stratégie militaire d’Israël contre le Hamas montre des résultats mitigés : bien que les opérations aient sévèrement affaibli les capacités du groupe, elles risquent de se traduire par une victoire à la Pyrrhus, car le Hamas pourrait se régénérer grâce à la frustration et au désir de vengeance qu’elles engendrent. Par ailleurs, il distingue les éliminations ciblées des responsables du Hamas, qui sont une pratique bien rodée des services spéciaux israéliens, bénéficiant d’une large acceptation publique en Israël.

Commentaire AASSDN : Notre amicale estime particulièrement utile et pertinent de relayer cet article sur son site car les réponses apportées par l’ancien directeur du renseignement de la DGSE s’appuient sur une longue expérience au sein des Services spéciaux et une connaissance approfondie des pays du Moyen Orient. Ses propos corrigent les analyses souvent superficielles et parfois marquées par l’idéologie, de pseudo experts présents dans de nombreux médias. Cette interview participe donc à la lutte contre la désinformation; Cette menace insidieuse et croissante s’attaque fréquemment aux intérêts fondamentaux de la Nation dont la défense est au cœur des préoccupations de l’AASSDN .

Le Diplomate (LD) : Après 10 mois de guerre et qui ont suivi les massacres du 7 octobre, quel est, sur le plan strictement militaire, le bilan d’Israël à propos de sa stratégie d’« éradication » du Hamas ? Comment expliquer notamment l’efficacité notable des services spéciaux israéliens quant aux éliminations ciblées des responsables de l’organisation terroriste palestinienne ?

Alain Chouet (AC) : Ce sont deux problématiques différentes. Les éliminations ciblées sont une constante des services spéciaux israéliens depuis 1948. Le Mossad, l’Aman et le Shabak entretiennent en permanence des dossiers d’objectif sur toutes les structures ou personnes susceptibles de nuire à la sécurité du pays ou convaincues de lui avoir nui. Ils sont donc en mesure de passer à l’action à tout moment sur un court préavis ou en fonction des opportunités comme on l’a vu à de très nombreuses reprises, notamment depuis l’attentat contre les athlètes israéliens aux Jeux Olympiques de Munich. S’agissant pour Israël d’une question de vie ou de mort entretenue par une lourde mémoire collective, la méthode est admise par l’opinion et ne rencontre pas les réticences morales, éthiques ou politiques auxquelles sont soumis les autres services des démocraties, notamment en Europe.

La stratégie d’élimination du Hamas relève d’une autre logique qui est celle d’une intervention militaire massive, souvent indifférenciée et à visage découvert. Son bilan est beaucoup plus mitigé malgré les très lourds dégâts matériels et humains qu’elle entraîne. Certes la masse de manœuvre et les capacités de nuisance de la milice terroriste sont durement atteintes et nombre de ses éléments aguerris et de ses cadres ont été éliminés. Mais son affaiblissement risque de s’analyser en une victoire à la Pyrrhus. Le Hamas n’est que l’émanation palestinienne de la galaxie violente des Frères Musulmans soutenus par certaines pétromonarchies, une partie des opinions publiques du monde musulman et instrumentalisée à des fins stratégiques par l’Iran tandis qu’il se pose en martyr et se victimise auprès de nombre de sociétés du tiers monde et de naïfs occidentaux.

Il y a donc tout lieu de redouter qu’il renaisse de ses cendres dès que la pression armée d’Israël sur Gaza devra bien être levée. Cela prendra sans doute un peu de temps mais l’organisation n’aura aucun mal à assurer la relève des militants éliminés dans le vivier de souffrance, de frustration et de désir de vengeance provoqués par l’opération interminable mais finalement peu concluante de Tsahal dans l’enclave.

LD : Le Mossad a récemment réalisé des opérations ciblées en utilisant des technologies avancées, y compris l’IA et le contrôle à distance, pour éliminer des leaders ennemis en Iran. Selon vous, quelles pourraient être les prochaines cibles potentielles du Mossad, et comment pensez-vous que ces opérations pourraient évoluer en termes de stratégies et de technologies employées ?

AC : Je vous laisse la responsabilité de dire quelles technologies le Mossad a utilisées pour mener à bien ses dernières opérations en Iran. Je ne les connais évidemment pas et j’ignore quelles pourraient être ses prochaines cibles.

Ce que je sais en tant que professionnel c’est que dans ce domaine chaque cas est un cas d’espèce et que tout est affaire de circonstances et d’opportunités. Il n’y a pas de règle générale et on cherche toujours le moyen le plus simple d’arriver à ses fins sachant que plus la méthode employée est complexe et sophistiquée, plus les risques d’échec sont importants.

LD : À notre époque hautement technologique, on l’a vu, le renseignement humain a-t-il encore son importance ? Et si oui, comment Israël le développe et l’entretien dans des pays ou des zones hostiles comme en Syrie, en Iran voire à Gaza ou dans les territoires palestiniens de Cisjordanie ?

AC : Les progrès technologiques appliqués aux cannes à pêche et aux moulinets n’ont pas rendu la chasse inutile ou obsolète. Il n’y a guère de sens à opposer le renseignement technique au renseignement humain. Ils sont interdépendants et complémentaires. Le progrès technologique a décuplé, voire centuplé, les capacités d’observation et d’écoute des services de renseignement. Mais il a ses limites et des trous dans sa raquette. Quelle que soit la sophistication des moyens techniques employés, celui qui observe et écoute par ces moyens n’est pas maître de la manœuvre. Il ne peut voir et entendre que ce que sa cible veut bien dire ou montrer. Et si la cible sait qu’elle est observée et écoutée, la porte est ouverte à l’intoxication et à la désinformation. Enfin et surtout, si le renseignement d’origine technologique permet plus que jamais de connaître de façon précise et détaillée la nature et l’état des forces hostiles, il ne permet pas de connaître le secret des intentions de ceux qui les emploient. Cela suppose alors l’entretien d’un capital de sources humaines au sein du cercle des décideurs adverses ou dans leur environnement immédiat.

Les comptables et les ignorants aiment bien le renseignement technique. Il est cher mais il fournit des résultats immédiats, visibles, vérifiables et quantifiables. Il a aussi l’avantage d’être sans risque politique puisqu’il peut s’exercer depuis chez soi sans s’exposer. Le renseignement humain, se joue sur le temps long. Il présente le danger de se faire prendre la main dans le sac en territoire adverse. Il est empreint de subjectivité et est souvent difficilement vérifiable dans l’immédiat. C’est pourquoi, face à l’explosion des capacités technologiques, les responsables politiques et financiers de nos États ont eu tendance dans les quelques décennies passées à privilégier le renseignement technique aux dépens – contraintes financières obligent – du renseignement de source humaine.

Israël n’a pas échappé à cette dérive venue tout droit des États-Unis qui n’ont pas le danger d’être au contact physique direct de l’adversaire. Les capacités en renseignement humain du Shabak en Cisjordanie et à Gaza, de l’Aman dans les pays du front et du Mossad dans le monde entier en ont pâti. Il faut reconnaître que la tâche n’est pas facile dans le contexte régional, en particulier à Gaza, où les autorités de fait n’hésitent pas à torturer et assassiner leurs contemporains au moindre soupçon – même totalement infondé – de collusion avec Israël. Mais la situation n’est guère différente au Liban, en Syrie ou en Iran. Il n’empêche – et la tuerie du 7 octobre 2023 en est la preuve – qu’au-delà des capacités techniques de connaissance de l’état des forces adverses, Israël doit retrouver sa capacité de connaissance et d’évaluation de leurs intentions.

LD : La collaboration croissante entre Moscou et Téhéran semble redessiner les alliances au Moyen-Orient, avec des implications potentiellement déstabilisatrices. Dans ce contexte, pensez-vous que le FSB pourrait jouer un rôle actif dans cette dynamique, et si oui, comment pourraient-ils s’intégrer dans les stratégies conjointes avec l’Iran ? Et surtout au prisme de l’ancienne coopération qui était notable jusqu’ici entre Israéliens et Russes ?

AC : La Russie et l’Iran, tous deux en difficulté dans leur contexte régional et international respectif, se soutiennent l’un l’autre comme la corde soutient le pendu. Si cela permet de fabriquer quelques connivences diplomatiques, économiques, militaires et stratégiques, cela ne permet pas de déboucher sur des actions décisives et coordonnées. Ces limites sont particulièrement patentes dans le Caucase, face à l’Azerbaïdjan et la Turquie et même en Syrie où les deux « partenaires » se regardent en chiens de faïence. Très mobilisé par la situation en Ukraine et en Europe où il doit essayer de pallier certaines insuffisances de l’armée régulière, le FSB, qui a perdu beaucoup du potentiel ancien du KGB au Levant, n’a pas beaucoup de plus value à apporter aux Iraniens (Ministère du renseignement ou Pasdaran), dans la gestion des crises régionales. Pour l’instant, s’ils se rejoignent sur la redéfinition d’un ordre international hostile à l’Occident et aux États-Unis, leurs agendas ne sont pas vraiment convergents.

LD : Avec l’augmentation des cyberattaques imputées à l’Iran, comment les services de renseignement, notamment israéliens, se préparent-ils à contrer ces menaces, et quelle est votre analyse de l’implication croissante de la cybersécurité dans les conflits géopolitiques actuels ?

AC : La récente panne informatique mondiale imputable à une mise à jour de Microsoft, les pannes de la SNCF dues à des sabotages d’armoires informatiques, les paralysies récurrentes de services médicaux imputables à des cybercriminels montrent à quel point l’ensemble de nos activités civiles et militaires sont devenues totalement dépendantes d’un réseau informatique mondial mal maîtrisé et donc à quel point nos sociétés sont vulnérables et fragiles. Il suffit aujourd’hui à un hacker un peu doué d’appuyer sur un bouton « Enter » pour priver un pays entier, pendant plusieurs heures ou plusieurs jours, d’eau, d’électricité, de carburants, de transports, de transmissions, de services de soins et de secours. Ce que le grand public sait trop peu c’est que toute notre architecture informatique repose sur l’existence et le fonctionnement de quelques dizaines de « Data Center » dont le sabotage ou la destruction paralyserait totalement la vie du pays.

Il n’est donc pas étonnant que ces « goulots d’étranglement » et ces vulnérabilités soient devenus un objectif privilégié de nos adversaires et donc un axe prioritaire de nos préoccupations de défense nationale. C’est évidemment le cas pour Israël qui a tout de même pour atout d’avoir développé très tôt un secteur informatique parmi les plus performants du monde et, en conséquence, des capacités de cyberdéfense hors du commun et, en tout cas, très supérieures aux capacités offensives de l’Iran dans ce domaine.

LD : Les tensions entre Israël et l’Iran montent de plus en plus. Certains experts évoquent un risque accru de confrontation directe entre les deux nations. Quelle est votre évaluation de cette menace, et quelles mesures les services de renseignement peuvent-ils prendre pour prévenir une escalade nucléaire ? Et pourtant, comment expliquer qu’en dépit des déclarations belliqueuses iraniennes suite à l’élimination d’Ismaël Haniyeh le 31 juillet dernier en Iran, les représailles tant annoncées se font toujours attendre ?

AC : Les tensions entre Israël et l’Iran montent particulièrement dans les médias occidentaux et les chaînes de télévision en continu. Le risque de confrontation militaire directe entre les deux pays au delà de quelques gesticulations spectaculaires paraît plus qu’incertain. Ni l’un ni l’autre n’en a les moyens. On imagine mal l’armée iranienne traverser l’Irak et la Jordanie ou débarquer sur les plages méditerranéennes pour se colleter avec Tsahal…. De même on voit mal comment l’armée israélienne, déjà en limite de portage dans ses opérations à Gaza, pourrait aller affronter l’Iran au sol en débarquant sur les rives du Golfe Persique.

L’éventualité d’un affrontement aérien croisé en cas de dramatisation du conflit ne peut être exclu mais ne mènerait pas à grand-chose. L’armée de l’air iranienne ne dispose en pratique que de vieux appareils d’avant la révolution islamique incapables de se mesurer aux appareils de l’État hébreu. L’armée de l’air israélienne est en mesure d’opérer des missions de bombardement sur l’Iran… Mais sur quels objectifs ? Pour quel résultat sans possibilité d’exploitation au sol ? Pour quel coût financier et surtout politique ? Car cela nécessiterait de traverser l’espace aérien de pays arabes qui n’ont pas vraiment de raison de l’autoriser. Et cela donnerait à l’Iran l’occasion de fustiger la complicité des monarchies sunnites avec les « sionistes ».

L’hypothèse d’une attaque massive par missiles et drones est régulièrement évoquée et l’Iran s’est déjà livré sans conviction à l’exercice. Il pourrait être tenté de recommencer sachant que le « dôme de fer » israélien, secondé par la flotte aéronavale américaine en Méditerranée orientale est efficace, mais qu’aucun système de protection n’est fiable à 100%. La chute d’un seul missile sur un territoire aussi densément peuplé qu’Israël serait dévastatrice et aurait des conséquences politiques incalculables. Cela entraînerait certainement une lourde riposte israélienne mais le régime des mollahs est moins sensible que le pouvoir israélien aux pertes humaines parmi sa population. Et, au total, on resterait dans l’impasse.

Quant à l’hypothèse d’une « escalade nucléaire », elle relève pour l’instant du fantasme, du journalisme à sensation ou de l’ignorance de pseudo-experts. L’Iran veut être ce que l’on appelle un « pays du seuil », c’est-à-dire susceptible d’avoir la bombe dans un délai de quelques semaines à quelques mois, mais il n’y est pas encore. C’est ce que pressentait dès l’an 2000 le regretté Ephraïm Halévy, alors patron du Mossad, qui s’était fixé comme objectif de retarder par tous les moyens l’échéance qu’il considérait comme inéluctable. Le Mossad est effectivement parvenu à retarder l’échéance mais, sauf bouleversement majeur, celle-ci demeure inéluctable.

Il n’en reste pas moins que c’est un domaine où la doctrine iranienne rejoint la doctrine de dissuasion de plusieurs pays occidentaux : avoir la bombe pour ne pas avoir à s’en servir. D’ailleurs la motivation initiale de l’Iran dans sa course à l’armement nucléaire n’était pas de se confronter à Israël mais de dissuader les monarchies sunnites alliées à l’Occident de lui refaire le coup de la guerre Iran-Irak avec son million de morts, ses trois millions d’éclopés, ses veuves et orphelins de guerre.

Le régime des mollahs a tout fait pour s’assurer une carte palestinienne dans son jeu stratégique dans la perspective de règlement des conflits régionaux dont il ne veut pas être exclu et pour montrer son rôle de fer de lance de la cause islamique alors que les monarchies sunnites se soumettent à Israël et à l’Occident. Téhéran a clairement instrumentalisé le Hamas et n’a pas hésité à le sacrifier en l’incitant à l’atroce opération du 7 octobre pour casser durablement la dynamique des accords d’Abraham et du rapprochement entre Israël et les pays arabes sunnites. Les Iraniens ne pouvaient ignorer que la riposte israélienne serait impitoyable et détruirait leur instrument. Mais le jeu en valait la chandelle et, pour les théocrates chiites persans, faire massacrer des Arabes sunnites et Frères Musulmans ne constitue pas un bien grand dommage par rapport au bénéfice engrangé. C’est ce qui explique en grande partie la « retenue » du Hezbollah libanais et de l’Iran lui-même face au désastre des Palestiniens de Gaza et à l’assassinat des dirigeants du Hamas. Comme on ne peut quand même pas ne rien faire face au défi, les proxys de l’Iran – Hezbollah, groupes chiites syriens et irakiens, Houthis yéménites – s’exercent à d’habituelles frappes de missiles et roquettes mais se gardent bien de tout engagement direct.

LD : Dans un contexte où les conflits traditionnels cèdent de plus en plus de terrain aux guerres de l’ombre, notamment dans les domaines du cyberespace et du renseignement, comment évaluez-vous l’évolution de ces nouvelles formes de confrontation ? Les services de renseignement, tels que ceux d’Israël et de l’Iran, se préparent-ils à un avenir où la supériorité technologique et la maîtrise de l’information surpassent les moyens militaires conventionnels ?

AC : Le budget militaire annuel de la Russie est d’environ 80 milliards de dollars. Celui de la Chine de 240 milliards. Le budget militaire cumulé des États-Unis et des pays de l’OTAN est de 1200 milliards…. Face à un tel déséquilibre de moyens appuyés sur une supériorité matérielle et technologique pour l’instant insurpassable, il est parfaitement vain et suicidaire de vouloir s’opposer à l’Occident par des moyens armés conventionnels. Le dernier à ne pas l’avoir compris est Saddam Hussein qui a accepté en 2003 une confrontation conventionnelle directe. Il en a payé le prix. Ses voisins plus subtils comme l’Iran, la Syrie ou la Libye qui avaient fait dans les années 80 du terrorisme une arme ordinaire de leurs relations internationales l’avaient bien compris et en ont engrangé des bénéfices inespérés

Dans cette situation de déséquilibre conventionnel, il n’y a donc que deux options pour ceux qui ne veulent pas se soumettre à l’hégémonie atlantiste : posséder la capacité nucléaire (et les vecteurs nécessaires à sa mise en œuvre) ou avoir recours à des stratégies sournoises et indirectes du faible au fort reposant sur l’utilisation du terrorisme, de la criminalité transnationale organisée, de l’influence, de l’espionnage, de la désinformation, de la cybernuisance.

La Corée du Nord a opté pour une stratégie nucléaire exclusive que son Président met spectaculairement et régulièrement en scène. L’Iran et ses proxys s’appuient sur un cocktail des deux en mettant en œuvre à peu près toutes les manœuvres du faible au fort – sans évidemment en assumer la responsabilité – dans l’attente d’une accession à la capacité atomique.

C’est donc bien à cet état des choses mouvant et polymorphe que les forces armées et services occidentaux – y compris ceux d’Israël – doivent s’adapter. Il y faut pour certains une sorte de « révolution culturelle » pour admettre que le temps n’est plus à la force brute du déferlement d’unités blindées et mécanisées en rase campagne sous couvert de supériorité aérienne, mais aux coups bas, aux opérations clandestines, aux tactiques indirectes qui sont plutôt de la compétence des services d’action spécialisés que des grandes unités constituées autour de leur drapeau. En France, le budget de la DGSE représente à peu près un pour cent du budget de la défense. Ce qui signifie qu’en amputant la défense conventionnelle d’un pour cent de son budget il serait possible de doubler les moyens de la DGSE….

LD : Ainsi, les principes éthiques et les règles de guerre traditionnelles sont-ils encore pertinents ? Existe-t-il des normes ou des cadres internationaux qui régissent ces nouveaux terrains de conflit, ou sommes-nous dans une zone grise où tout est permis pour atteindre ses objectifs stratégiques ?

AC : L’histoire et l’expérience prouvent que les soi-disant « principes éthiques » et « règles de guerre traditionnelles » sont des notions à géométrie variable soumises à l’interprétation personnelle des belligérants et n’ont pratiquement jamais été respectés – y compris par ceux qui s’en réclamaient – au cours des conflits du XXe siècle : guerres mondiales, guerres régionales, guerres coloniales, conflits locaux en marge de la guerre froide, « guerres antiterroristes », etc.

Ce ne sont pas d’épouvantables tortionnaires méprisants des droits de l’homme qui ont légalisé la torture, vitrifié des villes entières sous de tapis de bombes incendiaires ou des bombes atomiques, répandu larga manu des produits chimiques toxiques, massacré et incendié des villages entiers, interné sans procédure et sans jugement des suspects adverses dans des cages en fer pendant des décennies…

Il va de soi que le passage des conflits armés conventionnels à des tactiques sournoises et clandestines du faible au fort fait entrer les protagonistes dans une zone grise de non droit où tous les coups sont permis puisque la clandestinité de l’action est censée mettre les auteurs à l’abri de toute sanction.

LD : Enfin, nous savons que les services de renseignement importants des pays arabes comme ceux de l’Égypte, de l’Arabie saoudite, des Émirats et du Qatar par exemple sont très actifs depuis 10 mois dans les négociations, soit dans la libération des otages israéliens ou des divers cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Après tout ce temps quel est le bilan de ces services spéciaux, leurs relations plutôt bonnes jusqu’en octobre dernier avec les Israéliens sont-elles remises en cause définitivement et vont-ils jouer un rôle pour la fin de ce conflit et « l’après-Hamas » ?

AC : Les services de renseignement des pétromonarchies sont plutôt des services de protection et de sécurité des familles régnantes en place que des services de renseignement au sens où nous l’entendons.

D’une manière générale, les dirigeants arabes n’ont qu’une confiance limitée dans leur propre ministère des affaires étrangères dont ils ne maîtrisent pas le recrutement puisque la fonction nécessite une certaine technicité alors que les membres de leurs services de sécurité sont cooptés sur la base de connivences familiales, féodales ou tribales.

Et ils ont une confiance nulle dans les ministères des affaires étrangères des pays occidentaux qu’ils jugent majoritairement indiscrets, donneurs de leçons et hostiles. Ils leur préfèrent donc les relations de personne à personne ou les relations nouées de service de renseignement à service de renseignement.

Ils ont donc tendance à faire de leurs services un rouage essentiel de leur relation extérieure. D’ailleurs, dans les pays « bien tenus » – comme l’était la Libye de Kadhafi il était devenu d’usage que le chef des services spéciaux cumule ce poste avec celui de ministre des affaires étrangères comme le furent Ibrahim Bishari ou Moussa Koussa…. Et on voit bien que les négociations actuelles autour du sort des otages israéliens et de la tragédie gazaouie sont du ressort exclusif des chefs des services spéciaux, que ce soit du côté arabe ou du côté israélien ou américain.

La compétence des services qataris ou saoudiens en ce qui concerne les problématiques liées au Hamas est incontestable puisque ce sont ces mêmes services qui pendant de nombreuses années ont financé, favorisé, soutenu politiquement le mouvement terroriste islamiste et donné protection et asile à ses chefs qu’ils connaissent donc parfaitement. C’est sans doute un point qui mériterait réflexion quand l’urgent dossier du sort des otages aura pu être soldé…

Par souci de sécurité face à des voisins menaçants, les services qataris poursuivront à bas bruit leurs relations avec les services israéliens initiées depuis plus de vingt ans. De même les services saoudiens face au danger commun que représente l’Iran des mollahs. De même que les services égyptiens confrontés au même risque qu’Israël de la part des Frères Musulmans. Mais la dynamique politique des « Accords d’Abraham » par laquelle Benjamin Netanyahou pensait pouvoir normaliser les relations de l’État hébreu avec son environnement islamique sunnite est brisée sans doute pour longtemps. C’est une victoire dans la confrontation asymétrique qui oppose l’Iran à son environnement wahhabite, à Israël et à l’Occident.

Propos d’Alain CHOUET, Ancien directeur du renseignement de la DGSE
recueillis par Mathilde GEORGES pour Le Diplomate (19 août 2024)




Inauguration officielle de l’exposition Colonel Paillole au Cercle du littoral à Ramatuelle

En ce jeudi 15 août 2024 , après la messe de l’Assomption en l’église Notre-Dame de l’Assomption au village de Ramatuelle Var, nous avions convenu avec monsieur le maire, Bruno Roland d’inaugurer officiellement l’exposition colonel Paillole : « Un combat pour la libération de la France ».

Cette exposition que nous sommes allé chercher à La Fouillade dans l’Aveyron avec Jean Charles Meyer, le 20 juin 2024, installée au Cercle du littoral, au cœur du village historique de Ramatuelle dès le 1er juillet 2024 jusqu’au 15 août 2024 inclus.

Avec l’afflux touristique saisonnier, nous pouvons affirmer qu’elle a connu un franc succès !

Lors de l’inauguration, en présence de monsieur le maire, de ses adjoints et conseillers municipaux, du chef d’état-major de l’escadrille des sous-marins nucléaires d’attaque de la Base navale de Toulon, du délégué AASSDN du Var, de monsieur Doussin accompagné de sa fille Marine (parents de la famille Mouton dont le nom est inscrit sur le muret de notre Mémorial) et des amis de l’AASSDN présents dont Jean Charles Meyer qui organise les randonnées mémorielles depuis la ferme Ottou jusqu’à la Roche Escudelier, de Marc Debarre major (H) de police qui est venu de Mandelieu dans les Alpes-Maritimes .

Lors de la présentation, monsieur Alain Henri Bonnaure délégué AASSDN au Mémorial a précisé les raisons pour lesquelles Ramatuelle avait été choisie pour ces 80 ans de la libération de la Provence et du débarquement du 15 août 1944 :

Les missions sous-marines clandestines initiées depuis Alger par le général Giraud, le commandant Paillole et le colonel Rivet, jusqu’aux côtes méditerranéennes varoises à Ramatuelle du 4 février 1943 au 26 novembre 1943 avec les sous-marins Casabianca, Marsouin, l’Arethuse et la Perle. L’inauguration à Ramatuelle Var du Mémorial national de l’AASSDN le 3 Mai1959 par le garde des Sceaux Edmond Michelet et le colonel Paillole, fait citoyen d’honneur de la commune de Ramatuelle la même année. Ces trois événements emblématiques nous ont conduits à choisir Ramatuelle pour célébrer ce 80e anniversaire.

Le Cercle du littoral, la plus ancienne association du village, fondée en 1885, a pour but de rassembler dans un état d’esprit humaniste et républicain, des personnes de toute condition sociale. La création artistique, les expositions culturelles et historiques dominent dans ce bar associatif.

Ce fut une raison supplémentaire qui nous a motivés pour l’installation de l’exposition Paillole. Nous souhaitons dès à présent, un franc succès, dans d’autres lieux de mémoire de cette remarquable exposition.

Alain Henri Bonnaure Délégué AASSDN au Memorial national de l’AASSDN à Ramatuelle Var.




Nos conseils de lecture d’été 2024

Liste d’ouvrages parus récemment : partagez vos réactions avec notre Amicale !

Renseignement et espionnage :

  • Jean Christophe Notin, “DGSE: la fabrique des agents secrets”, Taillandier
  • Louis Caprioli, Jean François Clair, Michel Guerin “La DST sur le front de la guerre contre le terrorisme” Mareuil éditions
  • Jean François Gayraud, “la Mafia et la Maison Blanche”, Plon
  • Kim Philby, “Ma guerre silencieuse”, Nouveau Monde Editions
  • Igor Gran, “l’entretien d’embauche au KGB”, Bayard
  • Jean Lucat, “un rebelle à la DST”, Plon

2e guerre mondiale :

  • CF2R sous la direction d’Eric Dénécé, “Renseignement et espionnage pendant la deuxième guerre mondiale”
  • Claude Quetel, “Vichy, vérités et légendes”, Perrin
  • Patrick Marnham, “Résistance, désinformation et trahison dans la France occupée” Rosie & Wolfe