Photo : général Louis Rivet, chef du contre-espionnage et des services de renseignement (1936-1944)

1er extrait de la série : “Retour sur les heurs et malheurs du service de renseignement de l’armée avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale”

Au milieu des années 1930, le Service de Renseignement (SR) existe depuis un peu plus de soixante ans(1). Créé sur une base minimale et doté de moyens dérisoires(2) au lendemain de la guerre de 1870(3), il s’est étoffé au fil du temps. D’une part à la faveur de la première Guerre Mondiale. D’autre part à la suite des recommandations contenues dans les rapports présentés en 1932 et 1933 par le colonel Lainey(4), lequel avait plaidé, à juste raison, pour un renforcement du réseau des postes déployés aux frontières (ce qui débouchera, entre autres, sur la création du Bureau d’Études du Nord-Est à Lille) et pour un effort plus marqué dans le domaine des moyens techniques.

Au moment où le colonel Rivet en prend le commandement au mois de juin 1936 (c’est-à-dire à
peine trois mois après le choc majeur qu’a été l’occupation de la Rhénanie), le SR/SCR peut être caractérisé sur les bases suivantes :

  1. C’est une institution de caractère militaire et, plus précisément, une composante de l’État-Major, chargée tout à la fois de collecter un maximum de renseignements à l’étranger(5) et de contrecarrer les entreprises d’espionnage, quelle qu’en soit la nature et d’où qu’elles viennent. Ce qui apparaît a priori comme une évidence n’en mérite pas moins d’être précisé. D’une part parce que le SR/SCR n’est qu’un des acteurs du renseignement (qu’il partage avec le SR/Marine et, à partir de 1938, avec le SR Intercolonial) et du contre-espionnage (l’ensemble des procédures étant diligentées et gérées par la Surveillance du Territoire). Ensuite parce qu’il ne rapporte qu’à la hiérarchie militaire (soit directement, soit par le biais du 2e Bureau) et n’est que rarement en contact avec l’échelon politique, sauf à ce que l’échelon politique le sollicite directement(6).
  2. C’est une institution dont les moyens sont comptés, pour ne pas dire contraints, qu’il s’agisse de ses moyens en personnel(7), de ses moyens financiers(8) ou de ses moyens techniques(9). Comme c’est souvent le cas dans l’institution militaire, a fortiori dans le milieu du renseignement, les cadres sont recrutés par cooptation(10). Il n’est pas rare qu’ils y fassent l’essentiel de leur carrière(11) ou qu’ils y reviennent après y avoir servi(12).
  3. C’est une institution dont l’image et la réputation ont été durablement et profondément ternies par l’affaire Dreyfus, et ce à double titre. D’abord dans l’opinion publique, comme on le constatera lorsqu’une campagne de Presse sera lancée après l’arrestation de l’intendant Frogé, convaincu d’espionnage et condamné en 1935 à cinq ans de prison, c’est-à-dire au maximum de la peine applicable à l’époque(13). Ensuite, ce qui est plus surprenant, au moins a priori, dans l’institution militaire elle-même, car le fait de passer ou d’être passé par le SR/SCR n’est considéré ni comme valorisant, ni comme « porteur » dans une carrière d’officier. Le fait qu’aucun de ceux qui l’ont commandé n’ait dépassé le grade de colonel (à l’exception de Louis Rivet qui n’a accédé au grade d’officier général que lors de son départ en retraite et à la demande insistante de Jacques Soustelle) n’est pas le fait du hasard.
  4. Loin de vivre en vase clos et d’être un « électron libre » dans le système administratif, le SR/SCR doit, par la force des choses, travailler et « cohabiter » avec un certain nombre de partenaires autres que l’État-Major(14) et les services du ministère de la Guerre. Pour autant que les archives permettent d’en juger, les rapports avec les services du ministère de l’Intérieur (Direction Générale de la Sûreté Nationale, Surveillance du Territoire, 5e Section des Renseignements Généraux de la Préfecture de Police) et avec ceux du ministère de la Justice, où le SR/SCR dispose d’un correspondant privilégié et d’un relais efficace en la personne d’Henry Corvisy(15), peuvent être qualifiés d’apaisés, à défaut d’être pleinement harmonieux (notamment parce que la compétence des juridictions civiles à traiter les affaires d’espionnage est considérée comme approximative et les peines qu’elles prononcent comme insuffisantes par construction).

À l’inverse, les rapports avec les services du ministère des Affaires étrangères ont été le plus souvent conflictuels, pour ne pas dire tendus. D’une part parce qu’ils se sont opposés autant qu’ils l’ont pu à la nomination d’agents opérant sous couverture diplomatique, y compris dans des cas où elle était pleinement justifiée(16). D’autre part parce que, comme une bonne partie de l’administration et de la classe politique, ils n’ont compris que partiellement et tardivement ce qu’impliquait la lutte contre les entreprises de l’Axe, que ce soit sur le terrain de l’espionnage ou sur celui de la propagande(17). Ils persisteront à s’opposer jusqu’au mois de juin 1939 à l’expulsion d’Otto Abetz, organisateur et plaque tournante de la propagande du Reich en France(18). Après la déclaration de guerre, ils s’opposeront également à la fermeture des consulats italiens dans la zone des Armées alors qu’ils étaient communément utilisés par l’Abwehr pour collecter un maximum de renseignements d’ordre militaire, motif pris de ce qu’il ne faut ni « jeter Mussolini dans les bras d’Hitler » (dans un contexte où le Pacte d’Acier avait été signé au mois de mai 1939), ni le pousser à déclarer la guerre à la France » (ce qu’il fera, en tout état de cause, au début du mois de juin 1940). « Le SR dut combattre deux adversaires principaux : le contre-espionnage allemand et le ministère des Affaires étrangères. Des deux, ce fut le second qui entrava le plus efficacement notre action », écrira après la signature de l’armistice le commandant Navarre (qui avait passé les années 1937 à 1940 à la section « Allemagne » du SR)(19).

Si surprenant que cela puisse paraître aujourd’hui, il n’y a pas de branche « Action » au SR/ SCR, à l’inverse de ce qu’on observe à l’époque en Grande-Bretagne par exemple(20). La section MG (pour Matériel de Guerre) du 5e Bureau (qui regroupe depuis la déclaration de guerre le 2e Bureau et le SR/SCR) ne commencera à s’intéresser au sabotage que dans les derniers mois de l’année 1939(21). Aucune des opérations envisagées en liaison plus ou moins étroite avec l’allié britannique (l’obstruction du Danube notamment) ne débouchera sur quoi que ce soit. Il faudra attendre les premiers mois de l’année 1943 pour que le commandant Lejeune soit chargé de jeter les bases d’un service « Action » à la DSR-SM(22), mission dont l’objet même devint caduc après la création de la DGSS(23) à la fin du mois de novembre 1943 et, plus encore, après la fusion effective du BCRA et de la DSR-SM à la fin du mois d’avril 1944.

2) Les caractéristiques du SR/SCR et celles de son environnement institutionnel étant posées, reste à savoir si, dans quelle mesure et comment il s’est acquitté de ses missions tout au long des années 1930. Schématiquement parlant, elles sont au nombre de trois :
La connaissance, l’analyse et le suivi du ou des dispositifs mis en place par le ou les pays considérés comme des « adversaires potentiels », l’Allemagne et l’Italie en tout premier lieu.
La lutte contre l’espionnage, quelles qu’en soient la nature et l’origine.
L’identification, le signalement, le suivi et la surveillance de ceux qui sont susceptibles d’être considérés comme « suspects au point de vue national » (suivant la terminologie communément utilisée à l’époque).

2.1) S’agissant de la connaissance, de l’analyse et du suivi actualisé des dispositifs mis en place par les pays considérés comme des « adversaires potentiels » (Allemagne, Italie), le dépouillement des archives(24) ne laisse que peu de place au doute et ne permet pas ou quasiment pas d’instruire le procès du SR/SCR. D’abord parce que les documents disponibles montrent qu’il a compris et analysé, dès avant l’accession d’Hitler au pouvoir, l’objectif poursuivi par l’Allemagne à la fois sur le plan politique et sur le plan militaire, c’est-à-dire vider le Traité de Versailles de sa substance(25).

Ensuite parce qu’il a rapidement mis à jour et à peu près parfaitement suivi les efforts déployés par l’Allemagne dans la première moitié des années 1930 pour contourner les clauses militaires du Traité de Versailles et pour renforcer aussi discrètement que possible à la fois les effectifs et l’équipement de la Reichswehr(26). Enfin parce que les sources de tous ordres dont le SR/SCR disposait, y compris et surtout en Allemagne(27), lui ont permis d’informer le commandement et l’échelon politique de la décision prise par Hitler de rétablir le service militaire obligatoire au mois de mars 1935, d’occuper la zone démilitarisée de la Rhénanie au mois de mars 1936, de sceller la mort de la Tchécoslovaquie en tant qu’État indépendant au mois de septembre 1938, d’occuper la Bohème-Moravie au mois de mars 1939 et d’envahir la Pologne au mois de septembre 1939.

Les sources disponibles ne permettent manifestement pas de reprocher au SR/SCR de n’avoir pas transmis en temps et heure au commandement et à l’échelon politique les informations nécessaires pour apprécier à la fois les intentions d’Hitler et les conséquences qu’elles étaient susceptibles d’avoir dans l’hypothèse où il déciderait de les mettre à exécution, ce qui, à lire les notes rédigées à l’époque, était présenté comme plus que probable. La question qui reste posée est de savoir pourquoi l’un et l’autre ont fait le choix soit de minimiser, soit de mettre en doute, soit d’ignorer purement et simplement les informations et les analyses dont ils disposaient pour en venir in fine à ne pas les exploiter. Est-ce parce qu’ils parce qu’ils ne le jugeaient pas nécessaire (ce qui semble être le cas au mois de mars 1935 et, plus encore, au mois de mars 1936) ou parce qu’ils estimaient ne pas ou ne plus en avoir les moyens, militaires notamment (ce qui est le sentiment dominant avant les accords de Munich) ?

S’agissant de la connaissance, de l’analyse et du suivi régulier du dispositif déployé par l’Allemagne face à la France, l’appréciation qu’il est possible d’en faire, a posteriori et sur la base des archives disponibles, permet de les considérer à tout le moins comme « globalement positives ». On constate, y compris en fin de période, un écart entre les données produites par le SR/ SCR et la réalité telle qu’on la connaît aujourd’hui(28). Ce n’est pas surprenant. D’abord parce que l’exercice ne relève évidemment pas de la science exacte. Ensuite parce que l’accès à l’information était « verrouillé » dans l’Allemagne de l’époque, a fortiori quand elle portait sur un sujet plus que « sensible », ce qui contraignait ceux qui travaillaient sur le potentiel militaire du Reich soit à des approximations, soit à des extrapolations. Enfin parce que, si relative que puisse paraître la précision et/ou la fiabilité des données produites sur tel ou tel point à un moment donné du temps, il reste que le SR/SCR a correctement appréhendé et actualisé à intervalle régulier le dispositif déployé par l’Allemagne bien avant la déclaration de guerre(29) et que le rapport des forces dans le domaine aérien n’a cessé de pencher de plus en plus nettement en faveur du Reich au fil des années, que ce soit quantitativement ou qualitativement(30).

Loin d’être limité à l’ordre de bataille allemand, le SR/SCR a évidemment fait le même travail sur le dispositif italien, notamment à partir de la seconde moitié de l’année 1938. Il a été, pour l’essentiel, le fait du poste de Marseille(31) et de ses annexes, celles de Nice, de Chambéry et d’Annemasse en tout premier lieu.

La lutte contre l’espionnage a été une des missions essentielles du SR/SCR dans la seconde moitié des années 1930. Elle a pris une importance croissante au fil des années. D’une part parce que la perception de la menace que représentent les ingérences étrangères, celles de l’Allemagne et de l’Italie en tout premier lieu, est beaucoup plus aiguë en fin de période qu’en début de période. D’autre part parce que les instruments utilisés et les moyens déployés pour lutter contre l’espionnage ont sensiblement évolué sur la période considérée.

Les textes permettant de réprimer l’espionnage ont changé du tout au tout. À la loi du 18 avril 1886, qui était communément considérée comme inopérante(32) et dont l’application avait été de jure suspendue pendant la Première Guerre mondiale(33), va succéder, non sans mal(34), la loi du 26 janvier 1934. Même si elle comble à tout le moins une partie des lacunes dont souffrait la loi du 18 avril 1886, elle ne règle qu’une partie des problèmes posés. D’une part parce que l’espionnage reste considéré comme un délit (au lieu d’être considéré comme un crime, comme il l’est en Allemagne). D’autre part parce que la peine applicable en matière d’espionnage est limitée à cinq ans de prison alors même que l’espionnage est passible de la peine de mort en Allemagne(35). Il n’en reste pas moins que le nombre des prévenus soupçonnés d’espionnage augmente fortement, passant de 18 par an en moyenne entre 1930 et 1933 à 95 en 1934 et 141 en 1935(36).

D’abord parce que le décret-loi du 30 octobre 1935 va donner compétence aux tribunaux militaires pour statuer à tout le moins sur une partie des dossiers d’espionnage et leur donner la faculté de prononcer des peines supérieures à cinq ans de prison. Ensuite parce que le décret-loi du 17 juin 1938 étend la compétence des tribunaux militaires à l’ensemble des dossiers d’espionnage et fait de l’espionnage un crime de droit commun, justiciable des travaux forcés et de la peine de mort. Enfin parce que le décret-loi du 29 juillet 1939 va définir et détailler les actes considérés comme relevant de l’espionnage, tous étant passibles de la peine de mort, que ce soit en temps de guerre (ce qui avait été le cas entre 1914 et 1918) ou en temps de paix(37).

Dans le même temps, les moyens consacrés à la lutte contre l’espionnage vont être à la fois « professionnalisés » et renforcés. C’est moins, voire beaucoup moins, vrai pour la SCR(38) que pour l’instance chargée de diligenter les enquêtes et les procédures, c’est à dire la Sûreté Nationale. Alors que la lutte contre l’espionnage n’était qu’une des missions confiées à 136 « commissaires spéciaux » de la Sûreté, les choses changent du tout au tout au milieu des années 1930.

D’abord parce que le ministère de l’Intérieur va créer au mois d’avril 1934 un service spécialisé dans la lutte contre l’espionnage(39), n’ayant pas de comptes à rendre au corps préfectoral et rattaché au Contrôle Général de la Surveillance du Territoire(40). Ensuite parce que l’organisation même de la Surveillance du Territoire est progressivement rationalisée, notamment par rapport à celle des Armées(41). Enfin parce que ses effectifs vont sensiblement augmenter, passant d’une trentaine de fonctionnaires au milieu des années 1930 à une centaine de fonctionnaires à la veille de la déclaration de guerre(42).

2.2.3) La perception croissante de l’ampleur prise ou susceptible de l’être par les ingérences de l’Axe, le durcissement de l’arsenal répressif et le renforcement marqué des moyens dévolus à la Surveillance du Territoire(43) vont rapidement produire des résultats. D’une part parce que les peines prononcées à partir de 1936, pour une bonne part par les tribunaux militaires, sont sensiblement plus lourdes qu’elles ne l’étaient dans la première moitié des années 1930(44). D’autre part parce que le nombre des arrestations augmente dans des proportions significatives(45). D’après le décompte opéré par la SCR sur la base des comptes-rendus qui lui sont adressés au jour le jour, leur nombre serait passé de 45 en 1935 à 97 en 1936, 153 en 1937, 274 en 1938 et 494 sur les huit premiers mois de l’année 1939. Il va « exploser » après l’ouverture des hostilités et la déclaration de l’état de siège, lequel a – entre autres – pour conséquence de transférer les pouvoirs de police à l’autorité militaire. On compte 221 arrestations pendant les quatre derniers mois de l’année 1939(46) et 1251 sur l’ensemble de l’année 1940, la plupart d’entre elles intervenant avant la signature de l’armistice.

Si spectaculaires qu’ils puissent paraître, les chiffres précités et, plus encore, l’évolution dont ils témoignent méritent d’être nuancés. D’abord parce que toutes les arrestations ne débouchent ni sur un ordre d’informer, ni sur une condamnation, une partie d’entre elles se soldant soit par un acquittement, soit par un non-lieu. Ensuite parce qu’une fraction non négligeable de ceux qui sont arrêtés pour espionnage à partir de l’été 1939 ne seront jamais jugés, beaucoup profitant de l’exode pour s’évader. Enfin parce qu’une partie de ceux qui ont été jugés, condamnés pour espionnage et incarcérés seront libérés juste avant ou juste après l’armistice par l’occupant ou sous la pression de l’occupant(47).

L’identification, le signalement et, le cas échéant, la surveillance ou le suivi de ceux qui sont, à tort ou à raison, soupçonnés d’être « suspects au point de vue national » constituent le quotidien du SR/SCR et de ses postes en région. Les renseignements et les demandes d’enquête(48) qui les concernent représentent une fraction plus que significative des courriers et, d’une façon générale, des dossiers contenus dans les cartons de la série 7 NN(49).

On peut les caractériser comme suit :

2.3.1) Ils couvrent un spectre très large de personnes physiques et morales, qu’elles soient de nationalité française ou, ce qui est fréquent, de nationalité étrangère. La qualité des renseignements qu’ils contiennent est pour le moins inégale. Elle peut être considérée comme bonne, voire plus, notamment quand les renseignements donnés sont de première main et quand ils proviennent d’interceptions « techniques »(50) ou, à l’inverse, « approximative », voire à ce point faible qu’on peut les assimiler à des ragots. Une partie non négligeable des enquêtes demandées par le SR/SCR montre que les renseignements invoqués pour justifier la saisine des services de police sont soit empreints de malveillance, soit à peu près dénués de tout fondement(51).

2.3.2) Ils montrent que le SR/SCR a une conception pour le moins « extensive » de sa mission. Loin de se borner à identifier et surveiller les individus, les associations et les mouvements susceptibles de porter préjudice soit à la sûreté extérieure de l’État, soit à l’intérêt supérieur de la Défense Nationale, a fortiori quand ils sont originaires des puissances de l’Axe(52) ou quand ils en sont proches à un titre ou à un autre(53), le SR/SCR travaille, pour ainsi dire, « tous azimuts », surveillant tout à la fois les mouvements autonomistes, en particulier en Alsace(54), les mouvements qui militent soit contre le statu quo, soit pour l’accession à l’indépendance en AFN(55) et, d’une façon plus générale, tous ceux dont le « profil », les convictions et l’activité sont considérés comme une menace, au moins potentielle. On y trouve pêle-mêle des cercles et des personnalités classées soit à l’extrême gauche, soit à l’extrême droite, les premiers étant soumis à surveillance car considérés comme proches de l’URSS ou de la mouvance « radicale de la République espagnole et les seconds l’étant car considérés comme proches de l’Allemagne et/ou de l’Italie. Font, indifféremment et entre autres, l’objet d’une attention, pour ne pas dire d’une vigilance, particulière le PCF et ses dirigeants les plus en vue(56), Marceau Pivert, leader de la tendance « Gauche Révolutionnaire » de la SFIO et jugé proche du POUM(57), Marcel Bucard (fondateur et principal dirigeant du « Mouvement Franciste »), François Coty (fondateur en 1933 de « Solidarité Française ») ou Eugène Deloncle, fondateur de l’OSARN, plus connue sous le nom de CSAR(58). Sans revenir sur les responsabilités qui reviennent au SR/SCR dans la gestion du Carnet B(59), le contrôle des établissements travaillant ou susceptibles de travailler pour le compte de la Défense Nationale(60) ou la surveillance de la main-d’œuvre étrangère, notamment celle qui est employée sur les chantiers de la ligne Maginot(61) ou dans les familles d’officiers, en particulier quand elles vivent à l’étranger, les sources disponibles montrent que le champ d’action du SR/SCR est ou devient tel au fil du temps qu’il finit par déborder le terrain technique pour prendre un caractère beaucoup plus large, pour ne pas dire un caractère « global »(62).

Si constants et réels qu’ils aient pu être(63), la vigilance et le suivi mis en place, à plus ou moins juste titre suivant les cas, par le SR/SCR n’en ont pas moins rencontré une limite importante, au demeurant ressentie et reconnue par ses chefs, le général Schlesser notamment(64). Elle porte sur les problèmes rencontrés pour contrecarrer la propagande du Reich et l’influence qu’elle pouvait avoir sur toute une partie de la société française, en particulier par le biais de la Presse, un certain nombre de titres étant d’autant plus enclins à la complaisance (pour ne pas dire plus) qu’ils étaient, directement ou indirectement, soutenus, financièrement parlant, soit par l’ambassade d’Allemagne à Paris, soit par Berlin. Rien n’avait préparé les cadres du SR/SCR (qui s’interdisaient, sauf exception, toute forme de contact avec la Presse) à combattre ce qu’on appellerait aujourd’hui une « diplomatie d’influence » et, plus encore, à en prévenir les effets. Ils ont manifestement eu le sentiment d’être confrontés à un phénomène qu’ils ne connaissaient pas ou peu et qu’ils n’avaient pas les moyens de maîtriser si peu que ce soit. Le fait qu’ils se soient de plus en plus intéressés à la Presse, à son financement et aux rapports qu’un certain nombre de journalistes entretenaient avec les puissances de l’Axe, l’Allemagne en tout premier lieu, à partir de la seconde moitié des années 1930 n’est pas le fait du hasard et doit être interprété comme un signe des temps. Il faudra attendre les mois précédant la déclaration de guerre pour qu’ils commencent à récolter les fruits de leur travail et à enregistrer des succès tangibles sur ce terrain, comme l’attestent l’expulsion d’Otto Abetz (obtenue, non sans mal, à la fin du mois de juin 1939 sur arbitrage d’Édouard Daladier), l’arrestation pour espionnage d’Heinrich Baron, journaliste accrédité à Paris et, plus encore, les poursuites engagées au mois de juillet 1939 contre Aloïs Aubin, journaliste au Temps, et Julien Poirier, journaliste au Figaro, qui opéraient l’un et l’autre, moyennant rétribution, pour le compte d’un réseau constitué et dirigé par la baronne von Einem(65).

Au début de l’année 1940, le SR/SCR peut légitimement avoir le sentiment du devoir accompli, que ce soit dans le domaine de l’acquisition du renseignement ou dans celui du contre-espionnage. Il a aussi, davantage encore peut-être, le sentiment d’être ou d’avoir été « une voix qui crie dans le désert », les informations et les analyses qu’il n’a cessé d’adresser au commandement et, dans une moindre mesure, à l’échelon politique ayant été, à tout le moins jusqu’aux derniers mois de l’année 1938, largement ignorées, Édouard Daladier n’étant guère qu’une exception à cet égard. Ses chefs et l’essentiel de ses cadres, à commencer par ceux qui travaillent ou qui ont travaillé à la section « Allemagne » du SR et à celle de la SCR, en sont d’autant plus à la fois amers et inquiets qu’ils savent ce qu’est réellement le rapport des forces entre la France et l’Allemagne(66).

Dans le témoignage oral qu’il a laissé au Service Historique de la Défense(67), le colonel Paillole (qui était à la fin des années 1930 l’adjoint du lieutenant-colonel Schlesser à la SCR) rapporte une anecdote qui n’est pas sans rappeler ce qu’il avait vécu avant la guerre. Intervenant devant une partie des cadres de la DGSE dans le courant des années 1990, un de ses auditeurs l’interroge sur la conduite à tenir si et quand les informations et les analyses qu’il transmet ne sont prises en compte et exploitées ni par sa hiérarchie, ni par l’échelon politique, exactement comme ce fut le cas, au moins pour l’essentiel, tout au long des années 1930. Pris de court par la question qui lui est posée, il ne peut qu’avouer qu’il n’est pas en mesure d’y répondre. Comme l’a écrit en son temps Marguerite Yourcenar, « on a souvent tort d’avoir raison trop tôt ». La formule n’a rien perdu de sa pertinence. Elle reste d’actualité à bien des égards, y compris dans le domaine du renseignement.

Jacques de Lajugie
Administrateur de l’AASSDN

NOTES DE L’AUTEUR

(1) La Section de Centralisation du Renseignement, chargée du contre-espionnage,
ne sera créée qu’à la fin de l’année 1915. Elle sera confiée au commandant Ladoux
(qui traitera, entre autres, le dossier Mata Hari).
(2) En 1894 (i.e. au moment où éclate l’affaire Dreyfus), la « Section de Statistique
et de Reconnaissance Militaire (devenue « Section de Statistique ») comprend en tout
et pour tout cinq officiers et quatre auxiliaires.
(3) Laquelle avait mis en lumière la carence à peu près totale de l’armée de Terre
en matière de renseignement.
(4) Le colonel Lainey avait commandé le SR/SCR entre 1924 et 1928. Il sera de
ceux qui remarqueront le travail fourni par le lieutenant-colonel Rivet, à Varsovie
notamment, et qui plaideront, le moment venu, en faveur de sa nomination à la tête
du SR/SCR.
(5) Renseignements dont le 2e Bureau a pour mission de faire une synthèse à
destination du commandement.
(6) Le colonel Rivet sera sollicité directement par Léon Blum et par Édouard
Daladier. Le SR/SCR participera, par ailleurs, aux réunions interministérielles que
Léon Blum demander à Marx Dormoy d’organiser sur le renseignement à partir du
mois de février 1937. Il n’en sortira malheureusement pas grand-chose.
(7) On ne trouve dans les archives ni un document exhaustif, ni un document fiable
sur les effectifs du SR/SCR. On peut évaluer à un peu plus de 120 (Paris et province)
le nombre de ses cadres à la veille de la guerre. Une partie d’entre eux sont des civils
(11 sur 81 à la SCR au début du mois de février 1940).
(8) À titre d’exemple, le SR/SCR ne disposait que d’un véhicule de service et d’un
poste E/R en 1938.
(9) Le budget du SR/SCR ne dépassait pas 15 MF (soit l’équivalent de 8 M€ 2022)
en 1939. Ce chiffre n’en est pas moins trompeur car il ne comprend ni les dépenses
de personnel (qui sont imputées sur le budget du ministère de la Guerre), ni les fonds
secrets, ni les prélèvements susceptibles d’être effectués sur la « cagnotte » du Service
(dont le montant avait sensiblement augmenté pendant la Première Guerre mondiale).
(10) « Je ne recrute que des gens que je connais » dit le commandant Darbou au
lieutenant Rigaud, candidat à un poste au Bureau d’Études du Nord-Est (BENE) à
Lille. Dans ses « Carnets », le colonel Rivet note qu’un chef de corps vient le voir pour
lui recommander un de ses officiers, le lieutenant d’Hoffelize (qui dirigera plus tard le
poste TR 125 de Barcelone).
(11) Tel est le cas, entre autres, du colonel Paillole, du colonel Bonnefous, du
lieutenant-colonel Doudot et du colonel Lafont (plus connu sous le pseudonyme de
« Verneuil »).
(12) Tel est le cas, entre autres, du général Schlesser et, dans une moindre mesure,
du général Rivet.
(13) Dans sa livraison en date du 20 juillet 1936, le « Cahier des Droits de
l’Homme » consacre un article de deux pages à l’affaire Frogé. Il est intitulé : « Une
machination du 2e Bureau contre Frogé ? ».
(14) Avec le 2e Bureau en tout premier lieu, étant précisé que les rapports entre
le colonel Rivet et le colonel Gauché, chef du 2e Bureau entre 1935 et 1940, sont
manifestement « fluides » sur la période considérée. Ils le seront également avec le
successeur du colonel Gauché, le colonel Baril.
(15) Henry Corvisy sera nommé directeur des Affaires Criminelles et des Grâces au
mois de décembre 1940. Il le restera jusqu’au mois de janvier 1944. Il recommandera
quasiment toujours au Maréchal Pétain (qui suivra son avis) de rejeter les recours en
grâce présentés par les justiciables condamnés à mort pour espionnage. Tel sera le cas,
entre autres, dans l’affaire Devillers, agent de pénétration que l’Abwehr avait infiltré
au cœur du mouvement « Combat ».
(16) Cf. le cas de Maurice Dejean qui « opérera », plusieurs années durant, au
Service de Presse de l’ambassade de France à Berlin.
(17) C’est d’autant plus surprenant que les ambassadeurs qui se sont succédé à
Berlin entre le début des années 1930 et la déclaration de guerre, André François Poncet
et Robert Coulondre, avaient largement compris ce qu’il fallait penser à la fois
d’Hitler et de la menace qu’il représentait.
(18) Notamment en faisant valoir qu’Otto Abetz était « francophile » et que son
épouse était française (Otto Abetz avait épousé en 1932 l’assistante de Jean Luchaire).
(19) On trouve un propos comparable sous la plume du général Schlesser, chef de
la SCR entre 1936 et 1940 (Bulletin de l’AASSDN n° 9 en date du mois de janvier
1956).
(20) Où le ministère de la Guerre a mis en place la Military Intelligence Research
et le Secret Intelligence Service la section D, l’une et l’autre travaillant surtout sur les
sabotages. Voir à ce sujet l’ouvrage publié en 2016 par Sébastien Albertelli Histoire
du sabotage, pages 176 à 190).
(21) Placée sous l’autorité du commandant Brochu, la section MG comprend
quatre officiers, dont le lieutenant Gilbert Turck (qui parviendra à s’embarquer pour
l’Angleterre à la fin du mois de juin 1940 et qui sera parachuté en France au début
du mois d’août 1941. Interpellé par la gendarmerie dès son atterrissage, il sera libéré
après intervention du commandant Brochu et du colonel Rivet).
(22) Dénomination du SR/SCR à Alger à partir de la fin de l’année 1942.
(23) Direction Générale des Services Spéciaux. Elle fut confiée à Jacques Soustelle.
(24) Notamment celles des séries 7 N (archives du 2e Bureau de l’EMA) et 7 NN
(Fonds de Moscou). Voir également l’ouvrage publié en 1953 (en partie pour répondre
aux Mémoires du général Gamelin) par le général Gauché, Le 2e Bureau au travail.
(25) On le voit (entre autres) au travers des positions qu’il recommande au général
Weygand, chef d’État-Major Général de l’Armée à l’époque, de prendre tout au long
de la Conférence de Genève sur le désarmement entre 1932 et 1934.
(26) C’est sur la base des archives du 2e Bureau que Georges Castellan écrira en
1954 un ouvrage intitulé Le réarmement clandestin du Reich 1930-1935.
(27) La plus connue étant Hans Thilo Schmidt, à qui Paul Paillole et Frédéric
Guelton ont consacré un ouvrage en 2011, Notre espion chez Hitler.
(28) C’est moins le cas dans le domaine terrestre (aux problèmes de périmètre
près) que dans le domaine aérien, peut-être parce que l’entourage de Goering, ministre
de l’Aviation, avait pris le parti de transmettre à notre attaché de l’Air, le capitaine
Stehlin, des chiffres qui « gonflaient » à la fois les capacités opérationnelles de la
Luftwaffe et la capacité de production de l’industrie aéronautique en matière d’avions
de combat, l’objectif étant de dissuader par avance les Autorités françaises de s’opposer
si peu que ce soit aux entreprises du Reich. La manœuvre produisit manifestement
l’effet recherché, comme le montrent les positions prises par le général Vuillemin,
chef d’État-Major de l’armée de l’Air, à son retour d’une visite en Allemagne au mois
d’août 1938, juste avant la crise qui devait déboucher sur les accords de Munich.
(29) Voir à ce sujet l’article publié en 1949 dans la Revue Historique des Armées
par Georges Castellan (« La Wehmacht vue de France, septembre 1939 ») et l’article publié
par le général de Cossé-Brissac en 1964 dans la Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale
(« L’Armée allemande dans la campagne de France de 1940 »).
(30) Notamment pour ce qui concerne l’aviation de bombardement et, dans une
mesure un peu moindre, l’aviation de combat.
(31) Dénommé Section d’Études Régionales, le poste de Marseille et ses annexes
(celle de Nice notamment) ont été placés sous l’autorité du commandant Barbaro
de 1936 à 1940. Il avait une connaissance précise et exhaustive du dispositif italien.
Ses collaborateurs et ses collègues avaient coutume de dire que Mussolini l’appelait
quand il voulait savoir où était déployé tel ou tel de ses régiments.
(32) D’après les chiffres contenus dans le Compte Général de l’Administration de
la Justice Criminelle (chiffres qui ne sont probablement pas exhaustifs), le nombre
des prévenus poursuivis pour espionnage ne dépasse pas 72 entre 1930 et 1933. 12
sont acquittés et 60 condamnés, dont 43 à plus d’un an de prison. À noter que sur les
49 instructions ouvertes pour espionnage en 1933, 34 concernent l’Allemagne et 10
l’Italie.
(33) 737 prévenus ont été condamnés pour espionnage entre 1914 et 1918. 169 ont
été condamnés à mort et exécutés, dont 44 (soit 26 %) étaient de nationalité française.
(34) La première mouture du projet de loi qui débouchera in fin sur la loi du 26
janvier 1934 a été déposée en 1922.
(35) Convaincues d’espionnage au profit de la Pologne, Benita von Falkenhayn et
Renate von Natzmer seront décapitées à la hache au mois de février 1935.
(36) Quant aux condamnations, leur nombre passe en moyenne 15 par an (dont 11
à plus d’un an de prison) entre 1930 et 1933 à 85 (dont 35 à plus d’un an de prison) en
1934 et à 122 (dont 44 à plus d’un an de prison) en 1935.
(37) Le décret-loi du 29 juillet 1939 sera complété par deux décrets en date du 9
avril 1940. Le premier complétait les articles 75 et 76 du Code Pénal sur la trahison.
Quant au second, il définissait les sanctions encourues par les fonctionnaires et agents
publics qui se livrent à une propagande de nature à nuire à la Défense Nationale.
(38) Dont les moyens en personnel restent pour le moins limités. À titre d’exemple,
la section « Allemagne » de la SCR ne comprend pas plus de quatre officiers et la
section « Italie » pas plus de deux officiers à la fin des années 1930.
(39) Ses effectifs ont été progressivement portés de 1 à 10 commissaires et de 10
à 20 inspecteurs.
(40) Dirigé à partir de 1935 et jusqu’en 1942 par le Contrôleur Général André
Castaing. Il sera arrêté et déporté par l’occupant en 1943.
(41) Outre le Service Central (situé à Paris), les effectifs de la Surveillance du
Territoire sont répartis entre 11 circonscriptions régionales à partir du mois de juin
1934 et entre six régions à partir du mois de décembre 1935.
(42) Une bonne partie des commissaires de la Surveillance du Territoire ont une
relation ancienne et « fluide » avec la SCR. Ils la maintiendront, dans un contexte
pour le moins compliqué , sous l’Occupation, souvent à leurs risques et périls, comme
ce fut le cas du commissaire Triffe (qui arrêtera Henri Devillers au mois de janvier
1942), du commissaire Hacq (qui sera révoqué au mois d’octobre 1943, arrêté par
l’occupant au mois de novembre 1943 après avoir rejoint le réseau Ajax et déporté à
Mauthausen), du commissaire Osvald (qui avait arrêté l’enseigne de vaisseau Aubert,
lequel sera condamné à mort et exécuté, au mois de novembre 1938) ou, dans un
registre différent, du commissaire Blémant (qui est en poste à Lille jusqu’à la déclaration
de guerre, puis à Marseille jusqu’à l’invasion de la zone libre).
(43) Même si le Contrôleur Général Castaing et ses collaborateurs relèvent régulièrement
qu’ils ne sont pas suffisants, notamment pour assurer l’ensemble des filatures
nécessaires.
(44) Même si les officiers de la SCR critiquent régulièrement la faiblesse (supposée) des
verdicts rendus par les tribunaux militaires et n’hésitent pas à mettre en cause
le comportement du président du tribunal et/ou les réquisitions de l’avocat général.
(45) Cf. le carton 7 NN 2525. On trouve également des fiches manuscrites (sans
indication de date ou d’origine) sur le sujet dans le Fonds Paillole (1 K 545).
(46) Sur les 221 personnes arrêtées au cours des quatre derniers mois de l’année
1939, 170 travaillaient pour l’Allemagne et 32 pour l’Italie.
(47) Pour autant, une partie au moins des peines de mort qui ont été prononcées
pour espionnage depuis le début de l’année 1939 seront exécutées tout au long des
six premiers mois de l’année 1940, y compris après l’armistice. Quatre exécutions
auront lieu à Pessac le 22 juin 1940, une pour espionnage, une pour sabotage et deux
pour complicité de sabotage. Le premier des quatre condamnés était Jean Amourelle,
membre de la SFIO depuis 1934. Secrétaire sténographe au Sénat, il avait été chargé

de sténographier, sous la foi du serment, les débats secrets des Commissions de l’Armée
de la Chambre des Députés et du Sénat. Il était en train d’en négocier la vente à
l’Allemagne pour la somme de 400 000 francs quand il a été arrêté à la fin du mois
d’avril 1940. Traduit devant le Tribunal Militaire de Paris, il fut condamné à mort le
29 mai 1940 et exécuté trois semaines après.
(48) Elles sont, pour la plupart d’entre elles, adressées à la Direction Générale de
la Sûreté Nationale ou à la 5e
Section des Renseignements Généraux de la Préfecture
de Police (dirigée par le commissaire Gianviti).
(49) Comme c’est également le cas des cartons de la série 28 P 14 (qui regroupent
les archives du BMA de la 9e
Division Militaire entre le mois de septembre 1940 et le
début du mois de novembre 1942).
(50) Interceptions postales, téléphoniques ou télégraphiques.
(51) Il arrive même que l’individu mis en cause ne puisse pas être identifié ou ne
puisse pas être localisé.
(52) Cf. les diplomates allemands et italiens (qu’ils soient basés à Paris ou en province),
les dirigeants et les membres de la section française du NSDAP, la section
française du Groupement National Socialiste des Femmes Allemandes (dont la présidente
est Mme Karl Epting), le bureau de l’Agence des Chemins de Fer Allemands à
Paris et les journalistes allemands (à commencer par Krug von Nidda, correspondant
à Paris de la Deutsche Allgemeine Zeitung à partir de 1933 et qui sera le représentant
du Reich à Vichy de 1941 à 1943).
(53) D’où la surveillance exercée sur le Comité France-Allemagne ( dont la liste
des membres est soigneusement tenue à jour) et sur les personnalités considérées
comme proches, voire trop proches, du Reich, telles que Fernand de Brinon, Jean
Luchaire, Melchior de Polignac, Gabriel Jeantet (notamment à cause du rôle qu’il
joue au sein de la Cagoule) ou Bertrand de Jouvenel (qui réalise une interview d’Hitler pour le compte de « Paris-Midi » au mois de février 1936, son épouse étant, par ailleurs, une des filles du général Duseigneur, président de l’Union des Comités d’Action Défensive et membre important de la Cagoule).
(54) Sont notamment placés sous surveillance Hermann Bickler, Joseph Rossé,
Jean-Pierre Mourer,, Robert Ernst et Paul Schall. Tous seront arrêtés et internés à
Nancy le 31 octobre 1939. Ils seront libérés et remis à l’occupant à Chalon-sur-Saône
le 17 juillet 1940.
(55) Le Destour et le Néo-Destour en Tunisie ; l’Étoile Nord-Africaine et le Parti
du Peuple Algérien en Algérie, l’un et l’autre ayant été fondés par Messali Hadj.
(56) On trouve dans les archives le compte-rendu, probablement rédigé par un
informateur infiltré à bon niveau, de plusieurs réunions internes du PCF, notamment
celle du 2 décembre 1937 (7NN2557 ).
(57) Parti Ouvrier d’Unification Marxiste, mouvement considéré (en partie à tort)
comme étant d’obédience trotskyste. Il avait été fondé en 1935 par Andreu Nin et
Joaquin Maurin.
(58) Comité Secret d’Action Révolutionnaire. Sont également placés sous surveillance deux proches d’Eugène Deloncle, Jean Filiol (qui sera, non sans raison, soupçonné d’avoir activement participé à l’assassinat des frères Rosselli en 1937)
et François Méténier (qui organisera l’attentat commis contre l’immeuble de la

Confédération Générale du Patronat Français au mois se septembre 1937 et négociera
avec le régime italien les livraisons d’armes à la Cagoule).
(59) On comptait 2000 noms « actifs » dans le Carnet B au début du mois de septembre 1939.
(60) Dès avant la déclaration de guerre, le compte rendu des visites effectuées
dans les établissements travaillant pour la Défense Nationale contenait un paragraphe
consacré à la main- d’œuvre étrangère, à la présence et à l’audience des syndicats et
au nombre (voire à l’identité) des salariés soupçonnés de « proximité » avec le PCF.
(61) Pour des raisons évidentes, la surveillance exercée (qui est souvent lacunaire,
pour ne pas dire vaine, faute de moyens) vise par priorité la main-d’œuvre italienne et la
main-d’œuvre allemande. Dans l’article qu’il a publié en 1956 sur « Le contre-espionnage entre 1936 et 1940 » dans le Bulletin de l’AASSDN (n° 9), le général Schlesser
écrit (sans plus de précision) que la main-d’œuvre étrangère aurait représenté 45 %
des effectifs employés sur les chantiers de fortifications et dans les établissements
travaillant pour la Défense Nationale dans le département de la Meurthe-et-Moselle.
(62) Même s’il est partagé, au moins jusqu’à la déclaration de guerre avec les services de police et, dans une moindre mesure, avec le cabinet du ministre de la Guerre,
lequel reprendra à son compte en 1938 les activités de la section PR (Propagande
Révolutionnaire) qui avaient assez largement été réduites à la portion congrue. La
section PR (dont la mission principale était de lutter contre toute forme de propagande révolutionnaire dans l’Armée) sera dirigée par le commandant Serre, puis par
le capitaine Jacquot (qui avait travaillé sous les ordres du colonel Rivet en 1933 et qui
témoignera en faveur d’Édouard Daladier au procès de Riom en 1942).
(63) Une partie des dossiers individuels qu’on trouve dans la série 7 NN courent
sur 20 ans, voire plus.
(64) Chef de la SCR entre 1936 et 1940.
(65) Aloïs Aubin sera condamné à dix ans de prison et Jules Poirier mourra en
prison d’un infarctus après avoir fait des aveux complets. Ils avaient été présentés à
la baronne von Einem (que la SCR avait identifiée depuis longtemps) par Fernand de
Brinon, à l’époque journaliste au Matin.
(66) Dans une note qu’il adresse au commandement le jour même de la déclaration
de guerre, le colonel Gauché, chef du 2e
Bureau, conclut son propos en écrivant :
« Jamais, à aucune période de son Histoire, la France ne s’est engagée dans une guerre
dans des conditions initiales aussi défavorables ».
(67) Fonds 3 K 15

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