Mon Colonel,
Il est vrai que j’ai été surpris de recevoir de vous une lettre, mais bien agréablement. Vous n’êtes certes pas un revenant, parce que vous n’êtes jamais sorti de ma mémoire, que l’admiration que je vous ai vouée ne s’est pas refroidie, que je ne manque pas une occasion de parler de vous quand je rencontre ceux qui furent en contact avec vous et sous vos ordres. L’été dernier encore, ce fut avec le Général BEZY avec lequel j’ai maintenu des relations fréquentes. Au contraire, depuis les jours qui ont suivi sa réhabilitation, je n’ai pas vu le colonel MALAISE.
Paul FORET a été jusqu’à la nuit de sa mort, un ami très fidèle et cordial. RAMONATXO-Tonton, ne manque pas de se manifester de temps en temps, dans cette forme pleine de bonhomie qui caractérise son individualité. De tout ce que je fus à l’Ambassade de France à Madrid, j’ai conservé par devoir et bénévolement ma Délégation Générale de Croix-Rouge. Depuis seize années je réponds aux nombreuses demandes d’attestations de passage de nos compatriotes qui allaient, par l’Espagne, rejoindre les Forces Françaises Libres, car je suis seul à avoir conservé le fichier qui les concerne ! Si, donc, je ne me promène plus autant sur les Pyrénées, je ne les ai pas désertées et je les connais davantage. Votre pensée de mettre en évidence les services rendus par nos camarades frontaliers et ceux qui résidaient en Espagne, et leur rendre ainsi l’hommage qui leur est dû rencontre mon adhésion enthousiaste ; rien n’est plus juste. Je voudrais pouvoir publier la véritable histoire du peuple espagnol dans la Seconde Guerre Mondiale. Nul pays plus que celui-ci n’est moins grégaire et n’est plus heureusement individualiste dans son courage, son indépendance humaine ; nul n’a la conscience plus naturellement disposée à la responsabilité personnelle. San Bernado était une grande maison et, dans l’ampleur de ma soutane s’abritaient, à demeure ou au passage, bien de ceux qui étaient à vos ordres. Ce n’est pas seulement sur les Pyrénées que l’Espagne était ” non-belligérante ” en notre faveur, mais partout et à Madrid jusque dans les antichambres des administrations et les cabinets de ministres. Partout ou étaient la sympathie et l’amitié, là était l’aide à la Résistance, parce que l’Espagnol ne comprend rien mieux que l’indépendance. Si Dieu le veut, comme vous le désirez, je serai donc les 4 et 5 Mai prochains à Perpignan. En attendant l’honneur et la joie de vous retrouver, Mon Colonel, et rencontrer tous ceux que je voudrais pouvoir encore assister dans leurs nécessités, comme c’est le but de votre Amicale, je vous prie d’agréer tous les sentiments avec lesquels je vous suis dévoué et attaché.»
Mgr. BOYER-MAS.