L’ESA signe avec Hemeria pour sa première mission de nanosatellite de météorologie spatiale

Commentaire AASSDN : Un beau succès pour l’industrie spatiale française dans le domaine des nanosatellites.
Notons en outre que sur un plan opérationnel, la prévision des conditions météo est essentielle dans le recueil du renseignement et dans les décisions d’engagement des forces.

L’Agence spatiale européenne a signé avec Hemeria un contrat d’une valeur de 9,8 millions d’euros pour la conception, la construction et l’exploitation de Swing, la première mission de nanosatellite de météorologie spatiale de l’ESA.

Swing vise à démontrer la capacité des nanosatellites à recueillir des données de météorologie spatiale et à accompagner la dynamique de commercialisation dans l’ère du nouvel espace.

Le 20 novembre 2024, l’Agence spatiale européenne a signé avec Hemeria (France) un contrat pour développer la première mission de nanosatellite de météorologie spatiale de l’Agence : Swing (Space Weather Ionosphere Nanosat Generation). Le satellite observera l’ionosphère, une couche de l’atmosphère qui influe sur les services de communication et de navigation, et fournira des données pour des applications opérationnelles de météorologie spatiale.

« A titre individuel, les nanosatellites offrent une opportunité innovante de mettre en œuvre des missions spatiales peu couteuses et spécifiques. En tant que constellation, ils peuvent constituer un élément efficace du système européen de surveillance de la météorologie spatiale. Avec Swing, nous allons démontrer la pertinence des nanosatellites en tant qu’éléments d’un système de météorologie spatiale, et en tant que moyen d’amener l’industrie à participer à la surveillance de la météorologie spatiale », explique Juha-Pekka Luntama, chef du bureau de météorologie spatiale du Programme de sécurité spatiale de l’ESA. 

« Comprendre le comportement de l’ionosphère est essentiel afin de mettre en place des services de navigation et de communication fiables. Les particules chargées électriquement qu’elle contient peuvent avoir des conséquences critiques sur les services GNSS de haute précision en provoquant des erreurs de positionnement ou de synchronisation. Les données de Swing permettront de mieux comprendre les effets de la météorologie spatiale et de fournir des prévisions précises sur l’état de l’ionosphère », déclare Melanie Heil, coordinatrice du segment spatial au Bureau de météorologie spatiale de l’ESA et responsable du projet Swing. 

« Les phénomènes météorologiques spatiaux constituent un risque majeur pour nos infrastructures sur Terre et dans l’espace », note Holger Krag, responsable du Programme de sécurité spatiale de l’ESA. « Le développement d’une capacité de météo spatiale capable de fournir des informations exploitables aux opérateurs européens d’infrastructures critiques est l’un des principaux objectifs du programme. » 

« Hemeria est ravi d’accompagner la première mission de météorologie spatiale de l’Agence spatiale européenne. Je suis également heureux de constater que notre évolution vers les services de données soit ainsi saluée, en cohérence avec l’émergence rapide de notre division “Intelligence et Data”, qui fournira donc les données spatiales à l’ESA », déclare Nicolas Multan, PDG d’Hemeria. 

Swing, le satellite et ses instruments

Swing adoptera une orbite héliosynchrone (SSO), un type particulier d’orbite polaire qui permet au satellite de toujours visiter un même endroit à la même heure locale. À une altitude comprise entre 500 et 600 km, le nanosat effectuera des mesures in situ de l’ionosphère et suivra son évolution dans le temps. 

Le satellite sera conçu par Hemeria sur la base de sa plate-forme de nanosatellites HP-IOT. La charge utile sera composée des quatre instruments suivants : 

– DREAM – Moniteur de rayonnement – CNES, Steel Electronique (France); 
– XFM-NS – Moniteur de rayons X – Isaware (Finlande) ; 
– mNLP – Sonde de Langmuir – EIDEL (Norvège) ; 
– Aquila – Instrument GNSS RO – Syntony (France). 

Les données de la mission seront intégrées dans des modèles numériques de météorologie spatiale qui fourniront des prévisions météorologiques ionosphériques précises à la communauté des utilisateurs. Les données de la mission Swing seront également précieuses pour la recherche scientifique sur la haute atmosphère. 

Le satellite sera construit par Hemeria en tant que maître d’œuvre, ce qui comprend l’acquisition des instruments, le développement, l’intégration, les essais, la campagne de lancement, la mise en service dans l’espace de la plate-forme du satellite ainsi que les opérations du satellite. Le satellite sera assemblé dans les installations d’Hemeria à Toulouse.  Le centre d’opérations de la mission, qui fournira à l’ESA les données de météorologie spatiale traitées, est sous-traité à Planetek (Italie). 

Le lancement de Swing est prévu pour 2026 et le début du service de données pour 2027. 

ESA
20 novembre 2024

Légende de la photo : Hemeria est maître d’œuvre du satellite Swing de l’ESA




Les héros oubliés des réseaux clés de la Résistance en 1943

En 1943 les grands réseaux de renseignements (SIS – Secret Intelligence Service, SOE, BCRA) créés et opérant depuis le début de l’occupation en France et en zone dite libre, c’est-à-dire entre 1940 et 1942 avaient subi et subissaient encore des pertes nombreuses et tragiques qu’ils continueraient d’ailleurs à connaître en 1944 et jusqu’à la fin de la guerre. Les services de l’Abwehr et surtout la Gestapo, malgré le courage des patriotes composant ces réseaux, arrêtaient, exécutaient ou déportaient de nombreux combattants de l’ombre qui étaient indispensables pour informer le grand état-major allié en Angleterre (SHAEF).
Ces grands réseaux qui avaient pour noms Ajax, Alliance, Brutus, Buckmaster, Cohors, Confrérie Notre Dame, Castille, F2, Marco Polo, Phratrie, Saint Jacques, etc., risquaient d’être entièrement anéantis avant le « jour J » correspondant au débarquement des troupes alliées sur les côtes de Normandie, c’est-à-dire au moment où l’on aurait le plus besoin d’eux pour avoir des informations fiables le moment voulu.

Naissance du Plan Sussex :

C’est pourquoi dans l’optique de la préparation du débarquement en France, l’état major du général Eisenhower imagina en mars 1943 de créer un plan baptisé « Plan Sussex », visant à mettre en place, en parachutant des agents dans toutes les régions au nord de la Loire qui seraient de potentielles zones de combats, des équipes de deux officiers français en civil (un observateur et un radio) placés en des points stratégiques.
Ceux-ci devaient fournir en temps réel aux Alliés pendant et après le Débarquement, des informations cohérentes sur l’état moral et matériel de l’armée allemande, son ordre de bataille, ses mouvements de troupes et notamment ceux de ses divisions « Panzer », ses dépôts de matériels et de munitions, ses installations de rampes de lancement des bombes volantes V1 etc., afin que l’état-major puisse prendre les décisions opportunes et intervenir efficacement, notamment par des bombardements sur les convois, concentrations de troupes et de matériels.

Le Commander Kenneth Cohen du SIS (Grande Bretagne), le Colonel Francis Pickens Miller de l’OSS (USA) et le Colonel Gilbert Renault (alias Rémy) pour le BRCA (Bureau Central de Renseignements et d’Action) furent chargés de monter le Plan Sussex. Il y eu un autre projet similaire baptisé « Jedburgh » dédié à la coordination de l’action armée, sabotage et formation des maquis. Ces équipes étaient constituées d’équipes de 3 hommes parachutées en uniforme : un agent du pays recevant l’équipe, un Anglais et un Américain.

[…]

Dominique SOULIER
Fils de Sussex
Conservateur de la Collection Sussex

Article publié dans le bulletin de l’ASSDN
Septembre 2024




Lancement d’un challenge sur la sécurité économique au Campus OSINT

Ce challenge « Capture the flag » se déroule en deux étapes ; la première, virtuelle, du 14 au 17 novembre et la finale, à Angoulême, le 27 novembre. Ouvert à tout public, il fait suite à l’inauguration du Campus OSINT (open source intelligence) par Emmanuel Chiva, Délégué général pour l’armement (DGA), le 15 octobre dernier. Ce challenge porte sur la sécurité économique des entreprises de la base industrielle et de défense (BITD) et permettra de valoriser les outils proposés par les partenaires du Campus (collecte passive et active, identification de vulnérabilités, analyse et visualisation de données, frameworks spécialisés…).  

Au-delà du fait que ce challenge marque le début des activités du Campus, il favorise la mise en synergie des différents acteurs et concepteurs de l’OSINT. Dans le même temps, l’emploi de ces nouveaux outils, méthodes de recherches et d’investigations sur Internet, en sources ouvertes, permettra de constituer un premier vivier d’utilisateurs ou « OSINTeurs », sensibilisés aux thématiques de la base industrielle et technologique de défense.   Situé sur deux sites (Paris et Angoulême), le Campus OSINT a pour mission d’animer un écosystème constitué d’opérationnels du ministère des Armées et des Anciens Combattants, d’éditeurs de solutions et de logiciels, de chercheurs et d’universitaires ainsi que d’acteurs étatiques et privés.  

Le lancement de la première manche du challenge « Capture the flag » s’est déroulé à Paris (Balard), le 14 novembre, en présence du directeur de l’industrie de défense, l’ingénieur général de l’armement (IGA) Alexandre Lahousse.  
Lien vers le challenge en ligne : https://objectif-eagle.ctfd.io/  

La finale se tiendra à Angoulême le 27 novembre ; elle sera suivie d’une cérémonie de remise des prix.  

  Direction générale de l’armement
Service de presse




Général Sintive : La Guyane est une terre d’enjeux immenses

Entretien avec le général Jean-Christophe Sintive, commandant la Gendarmerie de la Guyane-Française. Affecté à la tête de la Gendarmerie de la Guyane Française depuis le 1er août 2022, le général Sintive décrit un territoire dont la beauté n’a d’égale que l’exigence de l’engagement des gendarmes qui y servent.

Commentaire AASSDN : Compte tenu de sa situation géographique proche de l’équateur, de ses ressources naturelles et de sa superficie importante (1/6e de la Métropole), la Guyane est un atout pour la France. Mais la très forte immigration étrangère, les trafics et l’insécurité qui atteint des niveaux inconnus en Métropole sont de nature à transformer ce département d’Outre-mer à devenir un boulet pour notre pays, voire une proie pour ses voisins. Il est donc impératif et urgent de restaurer la sécurité et l’intégrité de ce territoire où opèrent de nombreux clandestins, souvent orpailleurs armés venus du Surinam et du Brésil. La Guyane doit constituer notamment avec Kourou, un pôle d’influence français en Amérique du Sud.

Avec ses 84 000 km², la superficie de la Guyane est comparable à 1/6e de l’Hexagone, mais ne compte que 300 000 habitants. Seul outre-mer français à ne pas être une île, ce territoire partage plus de 500 kilomètres de frontière avec le Suriname et 700 kilomètres avec le Brésil (plus précisément avec l’État fédéré de l’Amapá), ce qui en fait ainsi la plus grande frontière terrestre de la France, au cœur de l’Amérique du Sud. La Guyane constitue ainsi une porte d’entrée vers l’Europe, qu’il s’agisse de flux licites ou illicites de personnes et de biens.

Recouvert à 94 % de forêt équatoriale, ce territoire présente une biodiversité exceptionnelle. Celle-ci est néanmoins menacée par la déforestation, par l’orpaillage illégal et la pêche illégale. Terre de convoitises, la Guyane dispose de réserves aurifères et halieutiques importantes.

Passionné par ce territoire, le général Jean-Christophe Sintive s’engage quotidiennement aux côtés des gendarmes servant sous ses ordres. « J’adore la Guyane. J’exerce un commandement hors du commun. La gendarmerie est la force qui compte sur ce territoire, elle y fait face à des enjeux immenses. »

De ses débuts en Guyane jusqu’aux fonctions de Commandant de la gendarmerie de la Guyane Française

« Scientifique de formation, j’ai choisi la gendarmerie après ma scolarité à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. À l’issue de la formation à l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN, nouvellement Académie militaire de la gendarmerie nationale – AMGN), j’ai rejoint l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 46/2 de Châtellerault, d’abord en tant que commandant d’un peloton blindé, puis à la tête du peloton d’intervention. J’ai participé à plusieurs missions, mais la première s’est déroulée en Guyane, constituant ainsi un véritable marqueur de ma carrière. J’ai également été engagé au Kosovo. J’ai ensuite été affecté à l’École polytechnique en tant qu’instructeur, avant de devenir commandant de la compagnie de gendarmerie départementale de Béziers. Ce temps de commandement s’est révélé particulièrement formateur en raison de l’activité judiciaire soutenue et des nombreux événements d’ordre public. Après un temps à la Direction générale de la gendarmerie nationale et une année de scolarité à l’École de Guerre, j’ai eu l’opportunité d’occuper un poste nouvellement créé au sein de l’Inspection générale de l’administration (IGA), dans le cadre du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur. Cette affectation m’a permis de disposer d’une compréhension des enjeux interministériels et d’obtenir des diplômes d’audit. Dans la continuité de ce poste, j’ai rejoint l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) afin de participer au développement de l’audit interne en gendarmerie. J’ai ensuite servi au sein du Bureau personnel officier, où j’ai pu appréhender les enjeux de l’Institution en matière de ressources humaines. De 2016 à 2019, j’ai commandé le Groupement de gendarmerie départementale de la Gironde, marqué par des enjeux périurbains et estivaux importants. À ce temps de commandement a succédé une nouvelle scolarité au sein du Centre des hautes études militaires (CHEM) et de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Cette formation m’a permis d’approfondir ma compréhension de la décision interministérielle et des enjeux géopolitiques de la France. À l’issue, j’ai occupé le poste de conseiller sécurité intérieure et défense sécurité auprès du ministre des Armées. En 2022, j’ai été affecté comme Commandant de la gendarmerie de la Guyane Française (COMGEND-GF).

Ce poste est exactement celui que je souhaitais obtenir. Je suis revenu en Guyane 23 ans après y avoir servi. Il s’agit d’un territoire exceptionnel, au sein duquel la gendarmerie joue un rôle majeur. Elle agit en effet sur plus de 99 % de ce territoire et assure la sécurité de 80 % de la population. À cela s’ajoutent les spécificités liées à la Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI), qui est une opération qui n’existe nulle part ailleurs, et à la protection du Centre spatial Guyanais (CSG). Pour ces raisons, commander la gendarmerie de Guyane présente un intérêt particulier. »

L’état de la menace

« La Gendarmerie doit faire face à des enjeux de sécurité extrêmement importants. La Guyane est confrontée à toutes les difficultés de l’Amérique du Sud et à des problématiques migratoires conséquentes. Les populations frontalières immigrent en Guyane en quête d’une vie meilleure. Le Produit intérieur brut (PIB) par habitant de ce territoire est deux fois supérieur à celui du Brésil et trois fois supérieur à celui du Suriname. La Guyane est marquée par un haut niveau de violence et par une circulation massive d’armes à feu. Les trafiquants de drogue utilisent la Guyane comme porte d’entrée vers l’Europe. Nous enregistrons 35 % des vols à main armée avec arme à feu et 20 % des tentatives d’homicide constatés par la gendarmerie sur le territoire national. Plusieurs phénomènes criminels sont aujourd’hui notables.

Depuis cinq ans, nous faisons face à l’arrivée de factions armées brésiliennes. Il s’agit de groupes criminels organisés qui ont commencé à se constituer dans les années 80 dans les prisons de ce pays. Ils cherchent désormais à s’étendre dans toute l’Amérique du Sud, voire à l’Europe via le Portugal mais aussi la France, en raison de la situation géographique de la Guyane. Les deux principales factions implantées en Guyane sont la FTA (Familia Terror do Amapá) et le Commando rouge. Ces organisations sont rivales, ce qui explique aussi les nombreux règlements de compte que nous constatons.

La Guyane est également victime de l’orpaillage illégal au cœur de la forêt équatoriale. On estime que 5 tonnes d’or ont été extraites illégalement en 2023. Cette année-là, nous avons saisi 61 millions d’euros d’avoirs criminels liés à l’orpaillage illégal. Actuellement, nous avons déjà atteint 76 millions de saisies et destructions. Ces résultats montrent que nous sommes présents et réactifs, mais cela ne suffit pas pour endiguer l’orpaillage illégal, dont la croissance est largement corrélée à l’augmentation du prix de l’or. Les moyens que nous engageons pour lutter contre ce phénomène doivent être proportionnels, pérennes et renouvelés. L’enjeu est de tenir la forêt équatoriale pour éviter qu’elle ne soit dévastée par des délinquants qui n’ont aucune conscience environnementale.

Le CSG constitue également un véritable enjeu de sécurité. La gendarmerie est chargée de la protection du site dans le cadre d’une convention conclue avec le Centre national d’études spatiales (CNES). Une partie des effectifs dédiés est financée par cette agence. À la suite du lancement réussi d’Ariane 6, l’activité du site va s’intensifier dans les prochaines années. L’ambition commune du CNES et de l’Agence spatiale européenne est de pouvoir réaliser jusqu’à trois lancements par mois. La gendarmerie devra s’adapter à cette accélération et monter en puissance.

Nous sommes également confrontés au défi de l’accroissement démographique. La population augmente de 3 % par an et même de 5 % par an dans certaines communes du territoire. La gendarmerie doit être en mesure de suivre cette évolution en adaptant son dispositif territorial. Le plan de création de 239 brigades lancé par le président de la République prévoit l’implantation de quatre nouvelles unités en Guyane. La première d’entre elles, la brigade fluviale de gendarmerie de Saint-Laurent-du-Maroni, a été inaugurée en avril 2024 et est aujourd’hui pleinement opérationnelle. »

Un engagement exigeant

« La gendarmerie a pris en compte le phénomène des factions. En raison de la difficulté à conduire les investigations les concernant, la Section de recherches (S.R.) de Cayenne a été réorganisée. Ses effectifs ont également été augmentés. Alors qu’elle ne comptait que deux divisions en début d’année (une division consacrée aux crimes commis en forêt équatoriale et une division dédiée à ceux commis sur le littoral, c’est-à-dire dans les zones habitées), elle est désormais structurée en quatre divisions (criminalité organisée, criminalité sérielle et complexe, criminalité économique et financière et LCOI). À celles-ci s’ajoute un Groupe appui renseignement (GAR). La division criminalité organisée est spécifiquement chargée de la lutte contre les factions. De nombreuses opérations judiciaires visant les factions ont d’ores et déjà été réalisées afin d’entraver leur développement. Ce travail commence à porter ses fruits.

La LCOI a été organisée autour de l’opération Harpie. Il s’agit d’un dispositif comprenant à la fois un contrôle de zone dans la profondeur, des actions aéroportées d’opportunité et des points de contrôle terrestres et fluviaux en forêt et sur le littoral, afin d’endiguer les flux logistiques. Deux Escadrons de gendarmerie mobile (EGM) sont normalement consacrés à cette mission en plus des unités de gendarmerie départementale de Guyane, de la Brigade fluviale et nautique de Matoury, de la Section de recherches (S.R.) de Cayenne, de la Section aérienne gendarmerie (SAG) et de l’Antenne du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (A-GIGN). Cette opération est coordonnée par le Centre de conduite des opérations (CCO). Rattaché au COMGEND-GF, cet état-major dédié à la LCOI est chargé de planifier, d’organiser et de conduire les opérations menées dans ce domaine, en lien avec les Forces armées en Guyane (FAG). Innovant en permanence, la gendarmerie de Guyane a fusionné son J2 CCO (renseignement) avec celui de l’État-major interarmées des FAG, afin de poursuivre l’amélioration du ciblage des opérations.

Notre action sur le terrain s’est toutefois amoindrie ces derniers mois en raison de l’engagement des EGM sur les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, ainsi qu’en réponse aux crises survenues en Nouvelle-Calédonie et en Martinique. Nous avons tout mis en œuvre pour compenser la diminution du nombre de gendarmes mobiles par un renforcement de l’activité des gendarmes départementaux et leur déploiement en forêt. Cette manœuvre a également permis de former largement les gendarmes départementaux sur une mission fondamentale pour la Guyane. Cet investissement estival multiplie aujourd’hui nos capacités opérationnelles en la matière. »

La coopération au cœur de l’efficacité opérationnelle

« Nous travaillons étroitement avec les FAG, tant dans le cadre de la LCOI, qu’au CSG. Nos actions et nos moyens sont complémentaires. Nous coopérons également avec de nombreux services étatiques, et notamment avec la police nationale, à Cayenne, à Saint-Laurent du Maroni, à Saint-Georges ou encore à l’aéroport. Le Parc amazonien de Guyane (PAG), l’Office français de la biodiversité (OFB) et l’Office national des forêts constituent également des partenaires quotidiens dans nos missions de protection de l’environnement.

On ne pourrait pas être efficaces si on ne développait pas des relations privilégiées avec les partenaires internationaux. Nous avons renforcé notre coopération avec la Korps Politie Suriname (KPS), en mettant en place des patrouilles conjointes des deux côtés du Maroni, ainsi qu’avec les polices du Brésil, notamment la police fédérale et les polices de l’État de l’Amapá. L’interpellation très récente par la KPS à Paramaribo, d’une équipe de cinq malfaiteurs chevronnés qui avait fui la Guyane et leur remise immédiate à la gendarmerie constituent la démonstration que nous sommes sur la bonne voie.

Structure prévue par une loi française et brésilienne, le Centre de coopération policière (CCP) de Saint-Georges facilite et fluidifie l’échange d’informations judiciaires et policières. »

Une gendarmerie de proximité

« Il est important que la gendarmerie soit un acteur reconnu de la sécurité des Guyanais. Elle doit être appréciée pour son contact, sa proximité et son intégration dans la vie guyanaise. À cette fin, nous avons développé des missions de Police de sécurité du quotidien (PSQ) permettant de nous rendre dans les villages isolés habités par les populations autochtones. Ce dispositif nous permet de mieux les comprendre et de rencontrer des gens qui ne sont pas en mesure de venir jusqu’à nous.

La proximité passe également par un recrutement local. Depuis deux ans, j’ai développé cet objectif au sein de la réserve et des gendarmes adjoints volontaires, grâce notamment à la montée en puissance du centre régional d’instruction. Nous en constatons les premiers résultats avec une augmentation de notre attractivité. À cette fin, nous avons signé un partenariat avec le Régiment du service militaire adapté (RSMA). »

Des gendarmes passionnés

« La Gendarmerie de Guyane peut vraiment compter sur le dynamisme de ses gendarmes. Ils remplissent des missions passionnantes qui ont du sens. La population apprécie leur action. Ses attentes envers eux sont fortes. Les gendarmes qui travaillent ici sont véritablement passionnés. Ils sont confrontés à un engagement majeur, probablement l’un des plus exigeants de leur carrière, mais celui-ci est particulièrement galvanisant.
Dans le même temps, la Guyane est une terre accueillante. La population est avenante et les gendarmes ont développé une véritable solidarité entre eux, ce qui les aide à se sentir bien dans leur vie professionnelle comme personnelle.
Ils ont la chance de servir sur un territoire d’une beauté extraordinaire. La forêt équatoriale présente une biodiversité incroyable. C’est un émerveillement quotidien, tant pour les gendarmes que pour leurs familles. »

Des enjeux d’avenir

« Les enjeux sont énormes et les possibilités le sont tout autant. La Guyane est une terre d’innovation. Nous avons déployé la Starlink sur le territoire. Au regard des résultats satisfaisants de ce système, nous l’avons expérimenté sur un véhicule pendant le Relais de la Flamme Olympique. Ce premier véhicule équipé du système Starlink permet de procéder à des contrôles en mobilité sur tous les axes du territoire, ce qui n’était pas le cas avant. De nombreuses initiatives sont menées, ce qui est pour moi, comme pour les gendarmes, une véritable source de satisfaction.

Capitaine Tristan MAYSOUNAVE

Crédit photo : © GEND/ SIRPAG/ ADC.BOURDEAU




Espionnage chinois : Les universités françaises menacées

Commentaire AASSDN : La volonté de développement accéléré de la Chine dans la plupart des domaines d’activités l’amène à pratiquer l’espionnage pour compléter leurs niveaux de recherches. Depuis longtemps nous savons que les étudiants chinois sont un vecteur de cette politique en France et ailleurs mais trop de gens ne veulent pas y croire alors que les preuves s’accumulent. Il faut se réjouir de cette nouvelle alerte en espérant qu’elle sera plus suivie que les précédentes.  




Après le retrait français, le Sahel livré à lui-même entre conflits et influences extérieures

Après la mort de 52 des meilleurs enfants de France tombés pour défendre des Maliens et des Nigériens préférant émigrer en France plutôt que se battre pour leurs pays respectifs, que devient le Sahel depuis le retrait français des années 2022 et 2023 ?  La région est en effet sortie de l’actualité française, d’une part parce que l’Ukraine et le Moyen-Orient attirent tous les regards ; d’autre part, en raison de la situation intérieure hexagonale. Or, à bas bruit, se poursuit l’extension des territoires contrôlés par les islamistes, par les trafiquants de drogue et par les passeurs de migrants. 

Avec des moyens dérisoires à l’échelle du gigantesque théâtre d’opérations saharo-sahélien, – plus de 8 000 000 km2 de désert et plus de 3 000 000 km2 de Sahel -, Barkhane, qui n’était que de passage, n’était évidemment pas en mesure de refermer ces plaies ethno-raciales ouvertes depuis la nuit des temps et qui sont à la base des guerres actuelles. 

Aujourd’hui, les Russes comprennent à leur tour qu’ils ne peuvent agir sur les constantes millénaires qui conditionnent les définitions politico-sociales régionales. Ils ne peuvent pas davantage résoudre les problèmes liés à la démographie, à la sous-administration et à l’inexistence d’Etats sans profondeur historique qui associent tout à fait artificiellement des Nord blancs et des Sud noirs immémorialement antagonistes. 

L’ignorance des constantes ethno-historico-politiques régionales et d’un milieu dans lequel les populations ont une tradition de violence en raison de la concurrence pour les maigres ressources en eau ou en pâturages, a fait qu’un conflit localisé à l’origine au seul nord-est du Mali, limité à une fraction touareg, et dont la solution passait par la satisfaction de revendications politiques légitimes de cette dernière, s’est transformé en un embrasement régional échappant désormais à tout contrôle. 

Un désastre qui s’explique par une erreur originelle de diagnostic. La polarisation sur le jihadisme fut en effet l’alibi servant à masquer la méconnaissance des décideurs français, doublée de leur incompréhension de la situation. Comme je n’ai cessé de le dire et de l’écrire depuis au moins deux décennies, le jihadisme saharo-sahélien est en effet, et d’abord, la surinfection de plaies ethniques séculaires et même parfois millénaires. 

Or, comme il vient d’être dit, nul n’étant en mesure de cautériser ces dernières, les malheureuses populations continueront donc à vivre dans la terreur. 

N’en déplaise aux tueurs de mémoire, nous assistons bien en réalité au retour à la longue durée régionale. Une situation qui avait été mise entre parenthèses entre les années 1890 et 1960, durant la brève parenthèse coloniale, quand la France s’est ruinée avec application pour assurer la paix aux populations, pour les soigner, pour les nourrir, pour tracer des routes, lancer des ponts, bâtir dispensaires, hôpitaux, écoles…

Bernard Lugan
Blog de l’auteur
Editorial du 1er novembre 2024




Safran investit dans Vyoma spécialisé dans la surveillance des débris spatiaux

Commentaire AASSDN : La surveillance de l’espace devient une activité hautement stratégique.
Elle concerne non seulement le suivi des satellites militaires étrangers et leurs manœuvres dans l’espace, mais aussi la localisation très précise des innombrables débris qui constituent autant de risques de détérioration ou de destruction de nos satellites en cas de collision.

Ce partenariat entre Safran et une start up allemande contribue à renforcer la souveraineté de la France et de l’Allemagne, mais aussi, plus généralement, celle des nations européennes sous réserve que celles-ci privilégient ces entreprises européennes plutôt que celles d’outre-Atlantique.

Safran Corporate Ventures a le plaisir d’annoncer la signature d’un investissement conjoint, aux côtés de trois autres co-investisseurs, dans la société Vyoma dans le cadre d’un tour de table financier de 8,5 millions d’euros.

Vyoma est une startup allemande créée en 2020 à l’origine d’un système d’observation par constellation de satellites conçue pour la surveillance des débris spatiaux en orbite basse autour de la Terre. La société utilise une flotte de satellites équipés de télescopes, permettant d’identifier et de cataloguer les débris spatiaux. Ces données, combinées aux données de Vyoma, permettront aux opérateurs de satellites de naviguer de manière autonome et d’éviter les collisions avec les débris. Vyoma se positionne sur le domaine stratégique de la « space situationnal awareness » (SSA) et s’inscrit dans une volonté européenne de souveraineté spatiale.

Parallèlement à son investissement, Safran travaillera en partenariat avec Vyoma sur trois domaines en particulier. Safran Electronics and Defense étudiera la possibilité d’embarquer sur les constellations de Vyoma, de nouveaux capteurs (radiofréquence et télémètres laser) et travaillera avec Vyoma sur le partage de certaines données complémentaires pour en optimiser la valeur et la précision. Enfin, Safran Reosc explorera le développement d’un instrument optique pour détecter des objets de moins de 2 cm en mode surveillance qui complète le portefeuille de capteurs existant et futur de Vyoma.

« Ce partenariat avec Vyoma présente un intérêt technologique et stratégique pour renforcer l’offre de Safran Electronics and Defense dans le domaine de la surveillance de l’Espace », souligne Jean-Marie Betermier, Directeur de la Direction Espace de Safran Electronics and Defense.

« Cet investissement dans une startup allemande spécialisée du New Space s’inscrit dans la stratégie de Safran Corporate Ventures visant à soutenir des sociétés développant des technologies de rupture stratégiques pour le Groupe et en ligne avec une collaboration franco-allemande contribuant au renforcement de la souveraineté de l’Union européenne » ajoute Florent Illat, Directeur Général de Safran Corporate Ventures.« Le partenariat avec Safran Electronics & Defense nous aide à affiner notre portefeuille de données et de services pour répondre aux besoins de nos clients et assurer la sécurité et l’efficacité des opérations spatiales », a déclaré le Dr Stefan Frey, PDG de Vyoma.

SAFRAN
20 juin 2023

https://www.safran-group.com/fr/espace-presse



De Vichy à Genève : Les réseaux secrets du colonel Georges Groussard, alias Eric

Colonel Georges Groussard, alias Gilbert et Eric, fut un maître du renseignement pendant la Seconde Guerre mondiale, dirigeant les “Réseaux Gilbert” et collaborant étroitement avec l’Intelligence Service britannique. Malgré les obstacles, il organisa une résistance efficace contre les Allemands depuis la Suisse et joua un rôle clé dans l’arrestation de Laval.

Photo :

Hommage au colonel
Georges Groussard,
le 25 Mai 2024

Avec
Dominique Fonvielle
et Alain Juillet

En 1942, le colonel Groussard était réputé être l’homme le mieux renseigné de France. Ses « Réseaux Gilbert », qu’il anime depuis la Suisse, couvrent pratiquement la France entière et une partie de l’Italie. La qualité des renseignements fournis à l’Intelligence Service lui vaudra d’être nommé Officier dans l’Ordre du British Empire, (OBE), distinction que les Britanniques ne distribuent qu’au compte-goutte.

En 1938, Commandant en second, puis Commandant l’École Spéciale Militaire en août 1939, il assure jusqu’au bout la formation de ses élèves qui prendront comme nom de promotion, en mars 1940, le nom d’Amitié Franco-Britannique, avant de rejoindre le front. Lui-même est nommé chef d’État-Major du 12ème Corps d’Armée, puis rejoint Paris avec le général Dentz nommé Gouverneur de Paris, comme Chef d’État-Major. Il a la pénible tâche de livrer Paris aux Allemands.

L’officier héroïque de la Première guerre mondiale ne peut admettre l’armistice, tout en conservant un grand respect à la personne du Maréchal. Ce Vendéen, descendant de grands-parents dreyfusards, époux de Véra Berstein, avec laquelle il s’est initié au renseignement en Bulgarie dès 1928, lorsqu’ elle avait voulu retourner sur la terre de son enfance, ne pouvait rester inactif.

Alors qu’il est sur le point de passer général, il demande à être mis en congé d’Armistice. Avec l’appui du ministre de l’Intérieur Peyrouton et du ministre de la Guerre, le général Huntziger, il est nommé Inspecteur général des Services de la Sûreté Nationale. Sous cette « couverture », il va entreprendre de créer, depuis Vichy, le CIE (Centre d’Information et d’Études) et les Groupes de Protection, une organisation secrète de cadres sous-officiers et officiers capable de reprendre la guerre, officiellement chargée de la protection du régime. Il s’inspire ainsi de l’exemple allemand du général von Seeckt après le traité de Versailles (1919, 22, 29), en camouflant des activités interdites sous des organismes officiellement reconnus.

Mais Vichy n’est pas Weimar, et le projet se heurtera à « l’hypothèque Vichy »[1] et à la politique de collaboration.

Avec l’accord de Huntziger et l’aide de Pierre Fourcaud[2], il effectue en juin 1941 un voyage clandestin à Londres où il rencontre personnellement Winston Churchill, Premier ministre, Anthony Eden, ministre des Affaires étrangères et John Winant, ambassadeur des Etats-Unis, ainsi que les chefs du MI6 avec lesquels il est vraisemblablement en relation depuis 1940. Malgré sa demande, il ne peut rencontrer le général De Gaulle alors en tournée au Moyen-Orient, et se heurte à l’hostilité des gaullistes[3] qu’il rencontre pourtant longuement, malgré les réticences des Britanniques.

Le colonel Groussard et ses Groupes de protection participent à l’arrestation de Laval en décembre 1941, mais lui-même est arrêté sur ordre de Darlan et interné à plusieurs reprises. Son projet s’effondre, les Groupes de Protection et le CIE sont dissous sur ordre des Allemands. Qu’importe, il change son fusil d’épaule et, sachant que la Grande-Bretagne, seule encore dans la lutte contre les Allemands, a avant tout besoin de renseignement opérationnel, avec l’aide de ses amis et relations, il donne la priorité aux réseaux Gilbert qui vont rapidement se déployer et se montrer particulièrement efficaces.

Ses partisans se nomment Virret, Kapp, Bruno, le Préfet Jacques Juillet (en 1942 à la direction du personnel de l’Administration Préfectorale à Vichy)[4]. Sa fille Françoise, alors âgée de 12 ans lui servira, lors de ses périodes de détention, d’agent de liaison.

Il est par ailleurs en contact étroit avec les réseaux clandestins des SR et CE montés depuis le « Serment de Bon Encontre », avec Paillole, Rivet, les colonels Ronin et Baril, ainsi que les groupes formés par le général Heurteaux (en zone occupée) et le commandant Loustaunau-Lacau (Alliance).

En novembre 1942, à nouveau prisonnier de Vichy et risquant de se voir livré aux Allemands, il fausse compagnie à ses geôliers, et rejoint Genève où il bénéficie de l’appui des services suisses de renseignement et de l’IS. Depuis ce « sanctuaire », il développe les réseaux qu’il a mis en place dès l’été 1940 et qu’il avait continué d’animer depuis ses lieux de détention successifs.

Ses chefs de réseaux sont les frères Ponchardier, Devigny (Vallée du Rhône, Toulon), De Pace (Italie), Heurteaux (Zone occupée), Dingler (Alsace-Lorraine), Bruno (Espagne), … avec un effectif global d’environ 700 personnes et un taux de pertes très bas, du fait de son exigence absolue en matière de sécurité.

Le colonel Groussard n’est pas gaulliste, bien qu’il connaisse très bien le général De Gaulle depuis le SGDN où ils servaient ensemble en 1934-35. Passy et Dejean ne l’aiment pas et le sous-estiment largement. Pourtant, il mettra à la disposition des MUR ses moyens et les points de passage entre la France et la Suisse qu’il contrôle totalement. Bénouville profitera à de nombreuses reprises de son aide et de son appui.

Après la guerre, le colonel Groussard, profondément choqué par les conditions de l’épuration dans l’armée, refuse les étoiles offertes par le général De Gaulle. Il se consacre à la rédaction de ses mémoires (« Chemins secrets », en 1948, « Services secrets » en 1964) et à d’autres ouvrages. Il rompt définitivement les ponts avec De Gaulle au moment de la crise algérienne, et se retire dans le sud de la France avec sa compagne de la guerre, Suzanne Kohn[5], qu’il épousera après le décès de sa première épouse.

En septembre 1944, ses compagnons, réunis à Annemasse lui dédicacent un témoignage de fidélité et d’amitié qui, pieusement conservé, a été remis par sa fille Françoise au colonel Fonvielle pour être déposé dans un lieu de mémoire. Ce vœu a été exaucé en mai 2024, à l’occasion du Congrès de l’AASSDN.

Aucun autre lieu ne pouvait mieux convenir que le Musée de l’Officier de l’académie Militaire de St Cyr pour abriter le souvenir d’un grand soldat, d’un grand résistant, et d’un ancien commandant de l’École de Saint Cyr.

Par le colonel (h) Dominique Fonvielle


[1] Peschanski, D ;  Dauzou, L. « La Résistance française face à l’hypothèque Vichy », Centre d’Histoire Sociale du XXème siècle, CNRS Université, Panthéon-Sorbonne Paris I.

[2] L’un des premiers « missionnaires » des FFL de De Gaulle en France.

[3] Capitaine Dewavrin, dit Passy, qui avait été professeur de fortifications à St Cyr sous son commandement, et Dejean, Directeur des affaires Politiques de De Gaulle, d’emblée totalement opposé au projet de Groussard.

[4] Groussard, Georges, « Chemins secrets », Bader-Dufour, 1948

[5] Suzanne Kohn, célèbre aviatrice, a réalisé le raid Paris Madagascar avant la guerre ; sa sœur Antoinette Sachs, muse de Paul Géraldy, était une très proche amie de Jean Moulin.




10 mois de guerre entre le Hamas et Israël : Bilan et perspectives – Entretien avec Alain Chouet

Alain Chouet, ancien chef du Service de Renseignement à la DGSE, explique que la stratégie militaire d’Israël contre le Hamas montre des résultats mitigés : bien que les opérations aient sévèrement affaibli les capacités du groupe, elles risquent de se traduire par une victoire à la Pyrrhus, car le Hamas pourrait se régénérer grâce à la frustration et au désir de vengeance qu’elles engendrent. Par ailleurs, il distingue les éliminations ciblées des responsables du Hamas, qui sont une pratique bien rodée des services spéciaux israéliens, bénéficiant d’une large acceptation publique en Israël.

Commentaire AASSDN : Notre amicale estime particulièrement utile et pertinent de relayer cet article sur son site car les réponses apportées par l’ancien directeur du renseignement de la DGSE s’appuient sur une longue expérience au sein des Services spéciaux et une connaissance approfondie des pays du Moyen Orient. Ses propos corrigent les analyses souvent superficielles et parfois marquées par l’idéologie, de pseudo experts présents dans de nombreux médias. Cette interview participe donc à la lutte contre la désinformation; Cette menace insidieuse et croissante s’attaque fréquemment aux intérêts fondamentaux de la Nation dont la défense est au cœur des préoccupations de l’AASSDN .

Le Diplomate (LD) : Après 10 mois de guerre et qui ont suivi les massacres du 7 octobre, quel est, sur le plan strictement militaire, le bilan d’Israël à propos de sa stratégie d’« éradication » du Hamas ? Comment expliquer notamment l’efficacité notable des services spéciaux israéliens quant aux éliminations ciblées des responsables de l’organisation terroriste palestinienne ?

Alain Chouet (AC) : Ce sont deux problématiques différentes. Les éliminations ciblées sont une constante des services spéciaux israéliens depuis 1948. Le Mossad, l’Aman et le Shabak entretiennent en permanence des dossiers d’objectif sur toutes les structures ou personnes susceptibles de nuire à la sécurité du pays ou convaincues de lui avoir nui. Ils sont donc en mesure de passer à l’action à tout moment sur un court préavis ou en fonction des opportunités comme on l’a vu à de très nombreuses reprises, notamment depuis l’attentat contre les athlètes israéliens aux Jeux Olympiques de Munich. S’agissant pour Israël d’une question de vie ou de mort entretenue par une lourde mémoire collective, la méthode est admise par l’opinion et ne rencontre pas les réticences morales, éthiques ou politiques auxquelles sont soumis les autres services des démocraties, notamment en Europe.

La stratégie d’élimination du Hamas relève d’une autre logique qui est celle d’une intervention militaire massive, souvent indifférenciée et à visage découvert. Son bilan est beaucoup plus mitigé malgré les très lourds dégâts matériels et humains qu’elle entraîne. Certes la masse de manœuvre et les capacités de nuisance de la milice terroriste sont durement atteintes et nombre de ses éléments aguerris et de ses cadres ont été éliminés. Mais son affaiblissement risque de s’analyser en une victoire à la Pyrrhus. Le Hamas n’est que l’émanation palestinienne de la galaxie violente des Frères Musulmans soutenus par certaines pétromonarchies, une partie des opinions publiques du monde musulman et instrumentalisée à des fins stratégiques par l’Iran tandis qu’il se pose en martyr et se victimise auprès de nombre de sociétés du tiers monde et de naïfs occidentaux.

Il y a donc tout lieu de redouter qu’il renaisse de ses cendres dès que la pression armée d’Israël sur Gaza devra bien être levée. Cela prendra sans doute un peu de temps mais l’organisation n’aura aucun mal à assurer la relève des militants éliminés dans le vivier de souffrance, de frustration et de désir de vengeance provoqués par l’opération interminable mais finalement peu concluante de Tsahal dans l’enclave.

LD : Le Mossad a récemment réalisé des opérations ciblées en utilisant des technologies avancées, y compris l’IA et le contrôle à distance, pour éliminer des leaders ennemis en Iran. Selon vous, quelles pourraient être les prochaines cibles potentielles du Mossad, et comment pensez-vous que ces opérations pourraient évoluer en termes de stratégies et de technologies employées ?

AC : Je vous laisse la responsabilité de dire quelles technologies le Mossad a utilisées pour mener à bien ses dernières opérations en Iran. Je ne les connais évidemment pas et j’ignore quelles pourraient être ses prochaines cibles.

Ce que je sais en tant que professionnel c’est que dans ce domaine chaque cas est un cas d’espèce et que tout est affaire de circonstances et d’opportunités. Il n’y a pas de règle générale et on cherche toujours le moyen le plus simple d’arriver à ses fins sachant que plus la méthode employée est complexe et sophistiquée, plus les risques d’échec sont importants.

LD : À notre époque hautement technologique, on l’a vu, le renseignement humain a-t-il encore son importance ? Et si oui, comment Israël le développe et l’entretien dans des pays ou des zones hostiles comme en Syrie, en Iran voire à Gaza ou dans les territoires palestiniens de Cisjordanie ?

AC : Les progrès technologiques appliqués aux cannes à pêche et aux moulinets n’ont pas rendu la chasse inutile ou obsolète. Il n’y a guère de sens à opposer le renseignement technique au renseignement humain. Ils sont interdépendants et complémentaires. Le progrès technologique a décuplé, voire centuplé, les capacités d’observation et d’écoute des services de renseignement. Mais il a ses limites et des trous dans sa raquette. Quelle que soit la sophistication des moyens techniques employés, celui qui observe et écoute par ces moyens n’est pas maître de la manœuvre. Il ne peut voir et entendre que ce que sa cible veut bien dire ou montrer. Et si la cible sait qu’elle est observée et écoutée, la porte est ouverte à l’intoxication et à la désinformation. Enfin et surtout, si le renseignement d’origine technologique permet plus que jamais de connaître de façon précise et détaillée la nature et l’état des forces hostiles, il ne permet pas de connaître le secret des intentions de ceux qui les emploient. Cela suppose alors l’entretien d’un capital de sources humaines au sein du cercle des décideurs adverses ou dans leur environnement immédiat.

Les comptables et les ignorants aiment bien le renseignement technique. Il est cher mais il fournit des résultats immédiats, visibles, vérifiables et quantifiables. Il a aussi l’avantage d’être sans risque politique puisqu’il peut s’exercer depuis chez soi sans s’exposer. Le renseignement humain, se joue sur le temps long. Il présente le danger de se faire prendre la main dans le sac en territoire adverse. Il est empreint de subjectivité et est souvent difficilement vérifiable dans l’immédiat. C’est pourquoi, face à l’explosion des capacités technologiques, les responsables politiques et financiers de nos États ont eu tendance dans les quelques décennies passées à privilégier le renseignement technique aux dépens – contraintes financières obligent – du renseignement de source humaine.

Israël n’a pas échappé à cette dérive venue tout droit des États-Unis qui n’ont pas le danger d’être au contact physique direct de l’adversaire. Les capacités en renseignement humain du Shabak en Cisjordanie et à Gaza, de l’Aman dans les pays du front et du Mossad dans le monde entier en ont pâti. Il faut reconnaître que la tâche n’est pas facile dans le contexte régional, en particulier à Gaza, où les autorités de fait n’hésitent pas à torturer et assassiner leurs contemporains au moindre soupçon – même totalement infondé – de collusion avec Israël. Mais la situation n’est guère différente au Liban, en Syrie ou en Iran. Il n’empêche – et la tuerie du 7 octobre 2023 en est la preuve – qu’au-delà des capacités techniques de connaissance de l’état des forces adverses, Israël doit retrouver sa capacité de connaissance et d’évaluation de leurs intentions.

LD : La collaboration croissante entre Moscou et Téhéran semble redessiner les alliances au Moyen-Orient, avec des implications potentiellement déstabilisatrices. Dans ce contexte, pensez-vous que le FSB pourrait jouer un rôle actif dans cette dynamique, et si oui, comment pourraient-ils s’intégrer dans les stratégies conjointes avec l’Iran ? Et surtout au prisme de l’ancienne coopération qui était notable jusqu’ici entre Israéliens et Russes ?

AC : La Russie et l’Iran, tous deux en difficulté dans leur contexte régional et international respectif, se soutiennent l’un l’autre comme la corde soutient le pendu. Si cela permet de fabriquer quelques connivences diplomatiques, économiques, militaires et stratégiques, cela ne permet pas de déboucher sur des actions décisives et coordonnées. Ces limites sont particulièrement patentes dans le Caucase, face à l’Azerbaïdjan et la Turquie et même en Syrie où les deux « partenaires » se regardent en chiens de faïence. Très mobilisé par la situation en Ukraine et en Europe où il doit essayer de pallier certaines insuffisances de l’armée régulière, le FSB, qui a perdu beaucoup du potentiel ancien du KGB au Levant, n’a pas beaucoup de plus value à apporter aux Iraniens (Ministère du renseignement ou Pasdaran), dans la gestion des crises régionales. Pour l’instant, s’ils se rejoignent sur la redéfinition d’un ordre international hostile à l’Occident et aux États-Unis, leurs agendas ne sont pas vraiment convergents.

LD : Avec l’augmentation des cyberattaques imputées à l’Iran, comment les services de renseignement, notamment israéliens, se préparent-ils à contrer ces menaces, et quelle est votre analyse de l’implication croissante de la cybersécurité dans les conflits géopolitiques actuels ?

AC : La récente panne informatique mondiale imputable à une mise à jour de Microsoft, les pannes de la SNCF dues à des sabotages d’armoires informatiques, les paralysies récurrentes de services médicaux imputables à des cybercriminels montrent à quel point l’ensemble de nos activités civiles et militaires sont devenues totalement dépendantes d’un réseau informatique mondial mal maîtrisé et donc à quel point nos sociétés sont vulnérables et fragiles. Il suffit aujourd’hui à un hacker un peu doué d’appuyer sur un bouton « Enter » pour priver un pays entier, pendant plusieurs heures ou plusieurs jours, d’eau, d’électricité, de carburants, de transports, de transmissions, de services de soins et de secours. Ce que le grand public sait trop peu c’est que toute notre architecture informatique repose sur l’existence et le fonctionnement de quelques dizaines de « Data Center » dont le sabotage ou la destruction paralyserait totalement la vie du pays.

Il n’est donc pas étonnant que ces « goulots d’étranglement » et ces vulnérabilités soient devenus un objectif privilégié de nos adversaires et donc un axe prioritaire de nos préoccupations de défense nationale. C’est évidemment le cas pour Israël qui a tout de même pour atout d’avoir développé très tôt un secteur informatique parmi les plus performants du monde et, en conséquence, des capacités de cyberdéfense hors du commun et, en tout cas, très supérieures aux capacités offensives de l’Iran dans ce domaine.

LD : Les tensions entre Israël et l’Iran montent de plus en plus. Certains experts évoquent un risque accru de confrontation directe entre les deux nations. Quelle est votre évaluation de cette menace, et quelles mesures les services de renseignement peuvent-ils prendre pour prévenir une escalade nucléaire ? Et pourtant, comment expliquer qu’en dépit des déclarations belliqueuses iraniennes suite à l’élimination d’Ismaël Haniyeh le 31 juillet dernier en Iran, les représailles tant annoncées se font toujours attendre ?

AC : Les tensions entre Israël et l’Iran montent particulièrement dans les médias occidentaux et les chaînes de télévision en continu. Le risque de confrontation militaire directe entre les deux pays au delà de quelques gesticulations spectaculaires paraît plus qu’incertain. Ni l’un ni l’autre n’en a les moyens. On imagine mal l’armée iranienne traverser l’Irak et la Jordanie ou débarquer sur les plages méditerranéennes pour se colleter avec Tsahal…. De même on voit mal comment l’armée israélienne, déjà en limite de portage dans ses opérations à Gaza, pourrait aller affronter l’Iran au sol en débarquant sur les rives du Golfe Persique.

L’éventualité d’un affrontement aérien croisé en cas de dramatisation du conflit ne peut être exclu mais ne mènerait pas à grand-chose. L’armée de l’air iranienne ne dispose en pratique que de vieux appareils d’avant la révolution islamique incapables de se mesurer aux appareils de l’État hébreu. L’armée de l’air israélienne est en mesure d’opérer des missions de bombardement sur l’Iran… Mais sur quels objectifs ? Pour quel résultat sans possibilité d’exploitation au sol ? Pour quel coût financier et surtout politique ? Car cela nécessiterait de traverser l’espace aérien de pays arabes qui n’ont pas vraiment de raison de l’autoriser. Et cela donnerait à l’Iran l’occasion de fustiger la complicité des monarchies sunnites avec les « sionistes ».

L’hypothèse d’une attaque massive par missiles et drones est régulièrement évoquée et l’Iran s’est déjà livré sans conviction à l’exercice. Il pourrait être tenté de recommencer sachant que le « dôme de fer » israélien, secondé par la flotte aéronavale américaine en Méditerranée orientale est efficace, mais qu’aucun système de protection n’est fiable à 100%. La chute d’un seul missile sur un territoire aussi densément peuplé qu’Israël serait dévastatrice et aurait des conséquences politiques incalculables. Cela entraînerait certainement une lourde riposte israélienne mais le régime des mollahs est moins sensible que le pouvoir israélien aux pertes humaines parmi sa population. Et, au total, on resterait dans l’impasse.

Quant à l’hypothèse d’une « escalade nucléaire », elle relève pour l’instant du fantasme, du journalisme à sensation ou de l’ignorance de pseudo-experts. L’Iran veut être ce que l’on appelle un « pays du seuil », c’est-à-dire susceptible d’avoir la bombe dans un délai de quelques semaines à quelques mois, mais il n’y est pas encore. C’est ce que pressentait dès l’an 2000 le regretté Ephraïm Halévy, alors patron du Mossad, qui s’était fixé comme objectif de retarder par tous les moyens l’échéance qu’il considérait comme inéluctable. Le Mossad est effectivement parvenu à retarder l’échéance mais, sauf bouleversement majeur, celle-ci demeure inéluctable.

Il n’en reste pas moins que c’est un domaine où la doctrine iranienne rejoint la doctrine de dissuasion de plusieurs pays occidentaux : avoir la bombe pour ne pas avoir à s’en servir. D’ailleurs la motivation initiale de l’Iran dans sa course à l’armement nucléaire n’était pas de se confronter à Israël mais de dissuader les monarchies sunnites alliées à l’Occident de lui refaire le coup de la guerre Iran-Irak avec son million de morts, ses trois millions d’éclopés, ses veuves et orphelins de guerre.

Le régime des mollahs a tout fait pour s’assurer une carte palestinienne dans son jeu stratégique dans la perspective de règlement des conflits régionaux dont il ne veut pas être exclu et pour montrer son rôle de fer de lance de la cause islamique alors que les monarchies sunnites se soumettent à Israël et à l’Occident. Téhéran a clairement instrumentalisé le Hamas et n’a pas hésité à le sacrifier en l’incitant à l’atroce opération du 7 octobre pour casser durablement la dynamique des accords d’Abraham et du rapprochement entre Israël et les pays arabes sunnites. Les Iraniens ne pouvaient ignorer que la riposte israélienne serait impitoyable et détruirait leur instrument. Mais le jeu en valait la chandelle et, pour les théocrates chiites persans, faire massacrer des Arabes sunnites et Frères Musulmans ne constitue pas un bien grand dommage par rapport au bénéfice engrangé. C’est ce qui explique en grande partie la « retenue » du Hezbollah libanais et de l’Iran lui-même face au désastre des Palestiniens de Gaza et à l’assassinat des dirigeants du Hamas. Comme on ne peut quand même pas ne rien faire face au défi, les proxys de l’Iran – Hezbollah, groupes chiites syriens et irakiens, Houthis yéménites – s’exercent à d’habituelles frappes de missiles et roquettes mais se gardent bien de tout engagement direct.

LD : Dans un contexte où les conflits traditionnels cèdent de plus en plus de terrain aux guerres de l’ombre, notamment dans les domaines du cyberespace et du renseignement, comment évaluez-vous l’évolution de ces nouvelles formes de confrontation ? Les services de renseignement, tels que ceux d’Israël et de l’Iran, se préparent-ils à un avenir où la supériorité technologique et la maîtrise de l’information surpassent les moyens militaires conventionnels ?

AC : Le budget militaire annuel de la Russie est d’environ 80 milliards de dollars. Celui de la Chine de 240 milliards. Le budget militaire cumulé des États-Unis et des pays de l’OTAN est de 1200 milliards…. Face à un tel déséquilibre de moyens appuyés sur une supériorité matérielle et technologique pour l’instant insurpassable, il est parfaitement vain et suicidaire de vouloir s’opposer à l’Occident par des moyens armés conventionnels. Le dernier à ne pas l’avoir compris est Saddam Hussein qui a accepté en 2003 une confrontation conventionnelle directe. Il en a payé le prix. Ses voisins plus subtils comme l’Iran, la Syrie ou la Libye qui avaient fait dans les années 80 du terrorisme une arme ordinaire de leurs relations internationales l’avaient bien compris et en ont engrangé des bénéfices inespérés

Dans cette situation de déséquilibre conventionnel, il n’y a donc que deux options pour ceux qui ne veulent pas se soumettre à l’hégémonie atlantiste : posséder la capacité nucléaire (et les vecteurs nécessaires à sa mise en œuvre) ou avoir recours à des stratégies sournoises et indirectes du faible au fort reposant sur l’utilisation du terrorisme, de la criminalité transnationale organisée, de l’influence, de l’espionnage, de la désinformation, de la cybernuisance.

La Corée du Nord a opté pour une stratégie nucléaire exclusive que son Président met spectaculairement et régulièrement en scène. L’Iran et ses proxys s’appuient sur un cocktail des deux en mettant en œuvre à peu près toutes les manœuvres du faible au fort – sans évidemment en assumer la responsabilité – dans l’attente d’une accession à la capacité atomique.

C’est donc bien à cet état des choses mouvant et polymorphe que les forces armées et services occidentaux – y compris ceux d’Israël – doivent s’adapter. Il y faut pour certains une sorte de « révolution culturelle » pour admettre que le temps n’est plus à la force brute du déferlement d’unités blindées et mécanisées en rase campagne sous couvert de supériorité aérienne, mais aux coups bas, aux opérations clandestines, aux tactiques indirectes qui sont plutôt de la compétence des services d’action spécialisés que des grandes unités constituées autour de leur drapeau. En France, le budget de la DGSE représente à peu près un pour cent du budget de la défense. Ce qui signifie qu’en amputant la défense conventionnelle d’un pour cent de son budget il serait possible de doubler les moyens de la DGSE….

LD : Ainsi, les principes éthiques et les règles de guerre traditionnelles sont-ils encore pertinents ? Existe-t-il des normes ou des cadres internationaux qui régissent ces nouveaux terrains de conflit, ou sommes-nous dans une zone grise où tout est permis pour atteindre ses objectifs stratégiques ?

AC : L’histoire et l’expérience prouvent que les soi-disant « principes éthiques » et « règles de guerre traditionnelles » sont des notions à géométrie variable soumises à l’interprétation personnelle des belligérants et n’ont pratiquement jamais été respectés – y compris par ceux qui s’en réclamaient – au cours des conflits du XXe siècle : guerres mondiales, guerres régionales, guerres coloniales, conflits locaux en marge de la guerre froide, « guerres antiterroristes », etc.

Ce ne sont pas d’épouvantables tortionnaires méprisants des droits de l’homme qui ont légalisé la torture, vitrifié des villes entières sous de tapis de bombes incendiaires ou des bombes atomiques, répandu larga manu des produits chimiques toxiques, massacré et incendié des villages entiers, interné sans procédure et sans jugement des suspects adverses dans des cages en fer pendant des décennies…

Il va de soi que le passage des conflits armés conventionnels à des tactiques sournoises et clandestines du faible au fort fait entrer les protagonistes dans une zone grise de non droit où tous les coups sont permis puisque la clandestinité de l’action est censée mettre les auteurs à l’abri de toute sanction.

LD : Enfin, nous savons que les services de renseignement importants des pays arabes comme ceux de l’Égypte, de l’Arabie saoudite, des Émirats et du Qatar par exemple sont très actifs depuis 10 mois dans les négociations, soit dans la libération des otages israéliens ou des divers cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Après tout ce temps quel est le bilan de ces services spéciaux, leurs relations plutôt bonnes jusqu’en octobre dernier avec les Israéliens sont-elles remises en cause définitivement et vont-ils jouer un rôle pour la fin de ce conflit et « l’après-Hamas » ?

AC : Les services de renseignement des pétromonarchies sont plutôt des services de protection et de sécurité des familles régnantes en place que des services de renseignement au sens où nous l’entendons.

D’une manière générale, les dirigeants arabes n’ont qu’une confiance limitée dans leur propre ministère des affaires étrangères dont ils ne maîtrisent pas le recrutement puisque la fonction nécessite une certaine technicité alors que les membres de leurs services de sécurité sont cooptés sur la base de connivences familiales, féodales ou tribales.

Et ils ont une confiance nulle dans les ministères des affaires étrangères des pays occidentaux qu’ils jugent majoritairement indiscrets, donneurs de leçons et hostiles. Ils leur préfèrent donc les relations de personne à personne ou les relations nouées de service de renseignement à service de renseignement.

Ils ont donc tendance à faire de leurs services un rouage essentiel de leur relation extérieure. D’ailleurs, dans les pays « bien tenus » – comme l’était la Libye de Kadhafi il était devenu d’usage que le chef des services spéciaux cumule ce poste avec celui de ministre des affaires étrangères comme le furent Ibrahim Bishari ou Moussa Koussa…. Et on voit bien que les négociations actuelles autour du sort des otages israéliens et de la tragédie gazaouie sont du ressort exclusif des chefs des services spéciaux, que ce soit du côté arabe ou du côté israélien ou américain.

La compétence des services qataris ou saoudiens en ce qui concerne les problématiques liées au Hamas est incontestable puisque ce sont ces mêmes services qui pendant de nombreuses années ont financé, favorisé, soutenu politiquement le mouvement terroriste islamiste et donné protection et asile à ses chefs qu’ils connaissent donc parfaitement. C’est sans doute un point qui mériterait réflexion quand l’urgent dossier du sort des otages aura pu être soldé…

Par souci de sécurité face à des voisins menaçants, les services qataris poursuivront à bas bruit leurs relations avec les services israéliens initiées depuis plus de vingt ans. De même les services saoudiens face au danger commun que représente l’Iran des mollahs. De même que les services égyptiens confrontés au même risque qu’Israël de la part des Frères Musulmans. Mais la dynamique politique des « Accords d’Abraham » par laquelle Benjamin Netanyahou pensait pouvoir normaliser les relations de l’État hébreu avec son environnement islamique sunnite est brisée sans doute pour longtemps. C’est une victoire dans la confrontation asymétrique qui oppose l’Iran à son environnement wahhabite, à Israël et à l’Occident.

Propos d’Alain CHOUET, Ancien directeur du renseignement de la DGSE
recueillis par Mathilde GEORGES pour Le Diplomate (19 août 2024)




“La Résistance au service de Sa Majesté” : un film d’espionnage révèle le rôle méconnu du SOE Britannique

Le 8 août prochain à 21h45, Arte diffusera un documentaire captivant intitulé “La Résistance au service de Sa Majesté”. Réalisé par Cécile Coolen et co-écrit avec Olivier Wieviorka, ce film plonge les spectateurs dans les coulisses méconnues de la Seconde Guerre mondiale.

Commentaire AASSDN : Le délégué Paris-Ile de France s’est rendu au musée de la Légion d’honneur le mercredi 12 juin à l’invitation de Madame Cécile Coolen, amie de l’AASSDN qui présentait dans le cadre d’une projection privée son dernier documentaire sur le SOE : ”La Résistance, au service de Sa Majesté”. Madame Cécile Coolen est une réalisatrice et chef monteuse de plus de 100 films reconnus dans les festivals internationaux, spécialisée dans les documentaires d’archives, en particulier sur les services de renseignement en temps de guerre. Le documentaire d’une durée d’un heure présentait les différents mouvements de Résistance et les acteurs en Europe occupée, France, Belgique, Danemark, Yougoslavie et Grèce soutenus par le SOE.

Ce documentaire monté à partir d’archives peu ou même inconnues était particulièrement intéressant même si la réalisatrice pour une question de longueur a été dans l’obligation de faire l’impasse, notamment sur la mise en place du premier réseau de résistance en France occupée par le BCRA avec le soutien des Anglais et l’accord du général de Gaulle (Mission Savanna du capitaine Berger et Joël Le Tac en 1941).

Le délégué a aussi exprimé ses réserves auprès de la réalisatrice quant à la présentation de la résistance yougoslave uniquement centrée sur les partisans communistes du maréchal Broz Tito et omettant complètement le rôle et la place de la résistance royaliste incarné par le colonel Draza Mihailovic (décoré de la Croix de guerre par le général de Gaulle). Une cinquantaine d’invités se sont retrouvés à l’issue de la projection autour d’un verre et ont été en mesure d’échanger avec la réalisatrice. De Jean-Marc Montaron, Membre de l’AASSDN

Le SOE, un service secret méconnu

Dans l’imaginaire collectif, la Résistance est souvent associée à des groupes de partisans agissant seuls contre l’occupant nazi. Pourtant, dans de nombreux pays sous tutelle, ces réseaux clandestins ont été mobilisés, organisés et financés par un service secret britannique, le SOE (Special Operations Executive). Le documentaire explore le rôle central de cette agence et révèle comment elle a entraîné et parachuté des agents spécialement formés sur leur terre natale, notamment en France, en Belgique, en Norvège, au Danemark, en Italie et en Grèce.

Des agents au profil inattendu

Pour raconter cette histoire méconnue en France, la réalisatrice Cécile Coolen a choisi de mêler le genre du film d’espionnage à une dimension humaine profonde. Les opérations du SOE reposaient sur des agents aux profils inattendus, tels qu’un étudiant en droit idéaliste, une femme au caractère bien trempé, un aventurier amoureux ou encore un diplomate proche de Churchill. Elle a retracé leurs parcours dans un récit tout en archives, grâce à leurs dossiers récemment déclassifiés, et aux témoignages de leurs familles, qui lui ont confié des photographies inédites issues de leurs albums personnels.

Une stratégie complexe pour Churchill

Le film explore également la stratégie de Winston Churchill à l’échelle du continent européen. Si le Premier ministre britannique a sincèrement œuvré à la libération de l’Europe du joug nazi, il n’a pas hésité à s’immiscer dans les politiques intérieures des pays où le SOE était actif. Cette double perspective, entre défense de la liberté des peuples et intérêts stratégiques, a souvent donné lieu à des résultats contrastés, façonnant ainsi l’après-guerre pour le meilleur et pour le pire.

Un récit haletant et bouleversant

À travers des images rares, “La Résistance au service de Sa Majesté” offre un récit haletant qui bouscule l’imaginaire collectif sur la Seconde Guerre mondiale. Cécile Coolen, ancienne chef monteuse récompensée dans de nombreux festivals internationaux, signe ici son premier film en tant que réalisatrice, alliant son expertise du montage à sa passion pour l’histoire.

Le documentaire “La Résistance au service de Sa Majesté”, réalisé par Cécile Coolen et co-écrit avec Olivier Wieviorka, offre un regard inédit sur le rôle essentiel joué par les services secrets britanniques pendant la Seconde Guerre mondiale. En explorant les opérations du SOE et en mettant en lumière des agents méconnus de la Résistance, ce film captivant révèle une facette peu connue de l’histoire de la guerre.
Ne manquez pas la diffusion de ce récit bouleversant le 8 août à 21h45 sur Arte.

Auteur : Jérémie Raude-Leroy