“Eric DENECE était mon ami” : Hommage du Préfet Yves Bonnet

Éric Denécé était mon ami. Il le reste au-delà de la mort. Pourtant, rien, ou presque, ne nous était commun : formation, parcours professionnel, âge, nous n’aurions  pas dû nous rencontrer, encore moins, partager centres d’intérêt, analyses, méthodes, pour un métier que je n‘ai abordé que par le choix que fit François Mitterrand de me confier la direction de la surveillance du territoire dans une période où l’espionnage soviétique et la subversion violente (communément et improprement dénommée terrorisme) menaçaient lourdement les intérêts et l’indépendance de la France.

J’en avais d’ailleurs fini avec mon parcours préfectoral et m’étais engagé en politique quand nos parcours se sont croisés, puis sont devenus parallèles, avec cet avantage que je possédais sur beaucoup d’être devenu disciple et ami de Pierre-Marie Gallois et de Paul-Marie de La Gorce, maîtres incontestés de la géopolitique française. C’est sur ce chemin qu’Eric Denécé et moi avons emprunté pratiquement ensemble qu’il nous a été donné de confronter nos analyses, avec des moyens différents mais en nous référant à, la même méthode et à la même déontologie. Éric m’a ainsi demandé de figurer au sein du jury de l’Université de Bordeaux qui a ratifié sa thèse et pris le « risque » de se soumettre à mon jugement.

Au fil de nos rencontres, je me suis rapproché du CF2R dont j’apprécie les collaborateurs, en particulier dans le domaine de la prospective stratégique et il m’a demandé de collaborer à son Histoire de renseignement qui, même inachevée, restera comme sa grande œuvre, en un domaine dont nous n’avons plus toujours les clés quand en disparaissent les pionniers et je pense à ce sujet au général Gallois.

J’avais, pour ma part, demandé à Éric de se joindre à la mission que nous avons faite en Libye quelques jours avant le renversement de Mouammar Khadafi avec, en particulier, Saïda Benhabilès et Roumiana Ougartchinska et que nous avons concrétisé par un rapport envoyé à tous les parlementaires dont deux seulement, Marine Le Pen et une députée communiste, ont bien voulu saluer l’honnêteté et la pertinence

Sans doute, les accusations et les anathèmes dont Éric a fait l’objet me sont-ils appliqués et c’est pourquoi je me sens investi de la mission, non pas de façon grandiloquente, mais avec le souci du professionnalisme et de la vérité, d’expliquer ce que fut son combat et de convaincre de le poursuivre ceux qui ne versent pas dans l’imprécation et le parti-pris.

Éric est précisément cela : il refuse les idées toutes faites, il s’attache aux faits, mesure les jugements. Sur tous les domaines où nous nous sommes concertés, je peux témoigner de son honnêteté et de sa capacité à se remettre en cause. Par exemple, sur la guerre qui déchire aujourd’hui l’Europe orientale et qui fut soigneusement fomentée de l’autre côté de l’Atlantique, je suis régulièrement preneur de ses informations, depuis février 2022 et je peux affirmer qu’elles sont toutes été corroborées par l’implacable déroulement des événements.

De mes propres positions sur l’Ukraine et la Syrie, je peux produire les articles parus sous ma signature dans la revue algérienne El Djazair. Elles se recoupent avec celles nous avions sur la Libye et dont les faits démontrent aujourd’hui combien elles furent prémonitoires. Assassiner Khadafi ne fut pas seulement ignominieux – et je ne voudrais pas être à la place de ses assassins – mais stupide. Le déferlement d’une immigration qui ne peut être contrôlée que de l’autre côté de la Méditerranée est là qui condamne Nicolas Sarkozy avant même Hollande et Macron, tous organisateurs, à des titres divers, d’une vraie guerre que nous sommes en train de perdre. Quand avec des trémolos dans une voix soigneusement travaillée, le président en titre agite la menace imaginaire d’un pays qui a payé pour tous le prix de la victoire sur le nazisme, il oublie qu’il nous a instillé la pire maladie qui soit, la perte de notre identité.

Éric n’a eu de cesse de dénoncer les vrais dangers que nous affrontons : notre déchristianisation, notre soumission à des dérives sociétales fatales, ou, simplement, notre capitulation devant l’impérialisme capitaliste. Karl Marx que je combattais derrière l’étendard de Raymond Aron avait finalement raison et nous l’ignorions. Les gouvernements qui ont expédié des millions de jeunes Français se battre contre le FLN des accords de la Soumam n’ont pas seulement ravagé des consciences. Ils ont creusé un fossé dans lequel deux peuples se noient à présent. Quand la classe politique française se réjouissait sous cape, dans les années noires, des malheurs de l’Algérie, à la notable exception du parti communiste, elle n’était pas seulement injuste mais stupide et nous en payons à présent le prix.

Eric m’écoutait quand je développais devant lui cette idée simple que, de part et d’autre de la Méditerranée, deux peuples, l’algérien et le français,  sont condamnés à la cohabitation ou, si l’on préfère, qu’il est trop tard pour les séparer. Autant organiser notre liaison puisque nous nous la sommes imposée. Autant restaurer la bonne entente que l’Église catholique avait su proposer et imposer entre chrétiens et musulmans et que juifs, hier, évangéliques, aujourd’hui, avaient installée pour faire de cette terre une société multireligieuse, comme il en est, à présent, de la nôtre. Je crois l’en avoir convaincu et il m’a, en tout cas, permis de m’exprimer sur ce point. Car, en toute chose, Éric avait pour méthode d’écouter, de parfaire sa connaissance du sujet ou de la situation, de confronter avec ses collaborateurs, puis de proposer la meilleure lecture.

Il pouvait y prétendre dans la mesure où il avait en lui ces deux qualités qui font le bon géopoliticien :  la connaissance et le recul. Il y ajoutait même l’honnêteté, denrée rare en des temps où l’argent et le parti pris imposent au monde des « narratifs » qui servent des intérêts rarement bienveillants. Il est, en effet, navrant de constater qu’en une époque où nous disposons de toutes les clés de la vérité, l’intrusion de personnages aussi détestables que les Soros, ou, à une échelle beaucoup plus modeste, Nicolas Tenzer ou d’organisations aussi perverses que l’OTAN, finissent par triompher de la Vérité jusqu’à mettre à bas des nations ou des États entiers.

Bien peu nombreux sont ceux qui osent s’élever contre ce viol des consciences qui nous tient lieu d’« opinion publique ». Comme cela fut le cas à propos du déchirement de la Yougoslavie et de la Serbie, de l’assassinat de l’Irak et, au passage de l’élimination de Saddam Hussein, de la dispersion de la Libye, et, au passage de l’ignoble exécution de Mouammar Khadafi, des brutales et cyniques interventions en Syrie, en Afghanistan, la liste est impressionnante des erreurs – pour être gentil – que, sous l’égide américaine, nous avons contribué à perpétrer, au risque de déstabiliser le monde.

Sur chacun de ces sujets, Éric était parvenu à placer un coin entre bêtise et suffisance. Il ne s’est jamais aventuré à pontifier dans un domaine simple et noble : celui d’informer et d’expliquer, sans parti pris, en se référant aux faits. Entouré de vrais chercheurs, il a fait du CF2R une maison où il était permis de travailler en toute indépendance et où, par son entregent, il avait réussi à attirer quelques-uns parmi les grands de la géopolitique.

J’étais un ami de Pierre-Marie Gallois, qui restera comme un des plus grands géopoliticiens contemporains. Sa fulgurante analyse Le Sang du pétrole avec ses deux tomes , Irak et Bosnie, a redonné aux conflits présents leur vraie dimension et situé la politique américaine – avec son bras armé de l’OTAN – comme la principale source de déstabilisation mondiale. Éric, comme Jacques Baud, Edouard Husson, Hervé Caresse, Alain Juillet, ou Luc Ferry ou encore l’historienne Annie Lacroix-Riz, représentent l’« école française du renseignement » qui ajoute aux grands courants de l’Histoire une finesse d’analyse et une précision factuelle qui nous rendent une vraie crédibilité. Il n’en est que plus navrant que s’éteigne pareille voix.

Rien n’est imputable au hasard et je suis de ceux qui ne craignent pas d’afficher leurs doutes d’un « suicide » qui fait les affaires des instigateurs d’une désinformation cyniquement propagée au nom de contorsions sémantiques et d’une désinformation qui n’a rien à envier au Propaganda staffel ou à l’Agitprop.

Sur le sujet de l’Ukraine comme sur celui de l’islamisme radical comme sur celui de l’Afghanistan, comme sur celui du printemps arabe, il n’avait de cesse d’écouter, d’écrire, d’informer. Lorsque nous avons rencontré Abdallah Senoussi à Tripoli, dans des conditions pittoresques, sous un parasol, au milieu d’une cour, j’avais apprécié la pertinence de ses questions et, au passage, la franchise de l’entretien, dont il avait fait le verbatim. Il prit la direction de la synthèse qui est intégrée dans la Face cachée des révolutions arabes fascicule passé inaperçu alors que s’y trouve l’explication prémonitoire de la crise syrienne qui n’a toujours pas effacé toutes ses conséquences. Il avait devant lui le vaste espace des deux crises majeures -mais non les seules – qui fracturent le monde et menacent d’en clore définitivement le cours. De qui ses prises de positions gênaient-elles les intérêts ? Poser la question, c’est y répondre.

Je l’avais appelé voici deux mois pour solliciter son avis sur l’idée qui m’est venue de traiter autrement le problème de Mayotte qu’en termes d’assistance mais, au contraire, dans la dynamique d’un positionnement géostratégique dans le canal du Mozambique et d’un retour à notre vocation maritime. Il l’avait dans un premier temps, écartée pour, dès le lendemain, revenir sur sa position et co-signer, comme nous l’avons fait tant de fois, un article qu’il avait fait paraître dans « Front populaire ». Ce sera sa dernière contribution au grand retour de la France sur la scène internationale qui se fait cruellement attendre.

J’en veux terriblement à ceux qui l’ont fait taire, à ceux qui n’ont pas salué son grand départ, ou qui s’en réjouissent, à tous les stipendiés du pouvoir qui pontifient, glosent, jugent, classent pour, en fin de compte, briser la démocratie. Je ne souris même plus des « philosophes » autoproclamés, minutieusement débraillés, ridicules acteurs d’une décadence en marche. Je plains tous ceux qui l’ont un peu assassiné faute d’honnêteté.

Je les quitterai bientôt, sans regret. Et sans avoir recours au suicide.

Préfet Yves BONNET

Source photo : Wikimedia Commons




Délégation de l’Aveyron : Cérémonie et hommages au camps du Struthof

Le 3 juin 2025, dans le cadre d’un voyage mémoriel, la classe de 4èmeA du collège annexe de La Fouillade, sous le patronage de l’AASSDN, a visité le camp de concentration du Natzweiler Struthof.

Le groupe était constitué de 14 élèves âgés de 12 à 14 ans, encadrés par leurs professeures de français et d’histoire ainsi que la délégation Aveyron de l’AASSDN et celle du comité de Villefranche de Rouergue de l’ANACR.

Accueillis par Christian POUPART, délégué local de l’AASSDN, les élèves ont honoré la mémoire des compagnons de la libération passés ou morts dans ce camp ainsi que les 106 membres du réseau Alliance les 35 du GMA Vosges et les 4 femmes, françaises et britanniques du SOE (special operation executive),  parachutées en France exécutés au camp dans la même nuit.

Chaque élève a lu une biographie des victimes des nazis et ont clôturé la cérémonie  par un émouvant chant des partisans. Ils ont été profondément marqués par cette visite, “n’ayant pas trouvé les mots” pour exprimer leur ressenti suite à cette visite Ils ont promis de témoigner et de transmettre la mémoire des morts. Le 27 mai une délégation de cette classe a participé à la cérémonie organisée à la statue de la Résistance de Villefranche de Rouergue avec Christophe BURBAUD Sous-préfet de Villefranche.Une exposition concernant cette expérience sera présentée en novembre sous la présidence de Madame Claire CHAUFFOUR-ROUILLARD Préfète de l’Aveyron qui a aidé à la réalisation de ce voyage.

Marc HUBENTZ
Délégué pour l’Aveyron de l’AASSDN
20 juillet 2025




Géopolitique : « Génocide colonial » ou ruine de la France coloniale ?

Selon un histrion du nom de Jean-Michel Apathie, la colonisation française aurait été une entreprise génocidaire à ce point emblématique que le nazisme s’en serait inspiré… 

Ce faquin qui, il y a quelques années, proposait de raser le château de Versailles (!!!), n’inventait rien en proférant ces inepties. Il ne faisait en effet que répéter servilement le discours décolonial dominant, s’inscrivant ainsi dans la lignée de l’Emmanuel Macron candidat à la présidence de la République, qui osa parler à Alger de la colonisation comme d’un « crime contre l’humanité » décoloniaux. 

Singulier « crime contre l’humanité » et singulier « génocide » en effet, qui eurent pour résultat l’explosion démographique coloniale, et plus particulièrement algérienne, la population de ce dernier pays passant d’un peu plus d’un million d’âmes en 1830 à plus de dix millions en 1962…

Autre poncif de la doxa, la France aurait tiré sa richesse du pillage de son empire. Avant même tout examen des chiffres, la réponse à cette accusation récurrente tient en une question de bon sens : puisque la France tirait sa prospérité du « pillage » de son Empire, pourquoi son économie ne s’est-elle donc pas effondrée avec la décolonisation ? Pourquoi, tout au contraire, a-t-elle économiquement considérablement bénéficié de cette rupture durant la décennie 1960 ?

La réponse à cette question a été donnée en 1984 par Jacques Marseille qui publia un livre fondateur (republié en 2005) dont le titre était « Empire colonial et capitalisme français, histoire d’un divorce ». Dans ce livre, l’auteur bouleversait totalement et en profondeur la perspective coloniale en démontrant que :

1) Contrairement à ce qu’avait postulé Jules Ferry, les investisseurs privés se détournèrent de l’Afrique, laissant donc à l’Etat français le fardeau de sa mise en valeur à travers les emprunts d’Etat et les impôts des Français.

2) L’Empire ne fut pas une « bonne affaire » car ses produits qui n’étaient pas rares furent achetés par la métropole à des coûts supérieurs à ceux du marché international. 

3) Les territoires n’ayant pas de ressources propres, leurs budgets durent être constamment alimentés par la France. 

Non seulement la France n’a donc pas pillé l’Afrique, mais, tout au contraire, elle s’y est ruinée. Son empire africain fut même un boulet économique pour la France qui s’était condamnée à y assurer la totalité des investissements dans tous les domaines, qu’il s’agisse du génie civil, de la santé ou de l’éducation. En retour, et là encore contrairement aux mensonges des décoloniaux, l’empire lui fournissait à des prix supérieurs à ceux du marché des productions qu’elle payait en réalité deux fois puisqu’elle les avait subventionnées.

Bernard LUGAN
Afrique réelle
Editorial du mois de juillet 2025




Hommage de l’AASSDN aux morts de Diên Biên Phu

Allocution du président de l’AASSDN prononcé lors dépôt de gerbe au Monument aux morts de Diên Biên Phu à Saint Cyr Coëtquidan le 17 Mai 2024

Mesdames, messieurs, mes chers camarades

Merci au général de Courrèges commandant l’Académie militaire de Saint Cyr Coëtquidan de nous avoir permis de nous retrouver ici aujourd’hui pour ce moment de recueillement.

Le 7 mai 1954, après 55 jours d’une bataille, qui fut pour les unités Parachutistes ce que Camerone est aux Légionnaires et Bazeilles aux Coloniaux, tombait Dien Bien Phu. Cette cuvette où le commandement voulait refaire le succès de Na San contre les troupes du général Giap fut le tombeau de 2 293 des nôtres. Ce triste bilan fut amplifié par les 7 801 morts sur la route puis dans les camps d’internement, soit un ratio d’extermination supérieur à celui des principaux camps de concentration nazis.

Qui peut oublier ce combat pour la gloire et pour l’honneur des bataillons de Bigeard, Tourret, Bréchignac, et tant d’autres qui firent l’impossible pour renverser une situation désespérée dès le départ et ne hissèrent jamais le drapeau blanc. Si le commandement avait écouté les rapports du Groupement de commandos mixtes aéroportés (GCMA) dont les maquis jalonnaient les déplacements des Viets, ils auraient su que Giap amenait par les pistes de jungle les canons de 105 de la victoire. Permettez-moi ici d’avoir une pensée pour le capitaine Hebert et ses partisans thaï du 8è commando du GCMA, le maquis Colibri, qui fut sacrifié pour permettre le début réussi de l’opération Castor et laissèrent leur vie sur un chemin sans croix.

Dans cette bataille qui clôtura le sort de l’Indochine, on n’a pas assez tenu compte des renseignements venus de ceux travaillant sur les arrières ennemis qui permettaient de comprendre ce qui allait se passer. On ne les a pas fait intervenir suffisamment pour insécuriser les routes d’approvisionnement. Enfin on n’a donné que le 27 avril l’ordre aux 1 500 partisans des maquis Malo, Servan et Podeur du capitaine Sassi de se rapprocher suffisamment du camp retranché pour servir de recueil quand il est devenu évident que la seule solution pour échapper à l’inéluctable serait de tenter des sorties. Le 7 mai, la colonne Crèvecoeur venue du Laos était encore à 40 km de la cuvette et Sassi encore à 100 km lors de son repli le 11 mai. Moins d’une centaine d’hommes réussirent à échapper.

C’est la différence avec le débarquement du 6 juin 1944 où les alliés demandèrent aux services spéciaux de se mettre en action pour informer sur l’ennemi et gêner ses opérations.  Du BCRA de Passy au 2è bureau de Paillole et Rivet à ceux de l’intelligence service (IS) anglais, comme Alliance de Marie Madeleine Fourcade et les réseaux Gilbert du colonel Groussard, ou de l’office of strategic services (OSS) américaine comme Roy de l’abbé Lapouge, ou encore les équipes alliées de Sussex, tout le monde apporta sa contribution à la victoire. Ici permettez-moi d’avoir une pensée particulière pour les 10 « merlinettes » chères au général Mermet et les 39 agentes anglaises parachutées en France, de Violette Szabo assassinée près de Limoges à Phyllis Latour qui vient de s’éteindre en octobre 2023.

Chacun se souvient de la phrase à la radio Londres qui déclencha leur action : « Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone ». Depuis Sun Tzu nous savons que le renseignement est une des clés de la victoire mais, au Tonkin, certains l’avaient oublié.

Ceci n’a pas empêché nombre de nos combattants sur cette terre lointaine de rentrer dans l’histoire. Faisant partie de ceux ayant eu la chance d’avoir servi sous les ordres ou travaillé avec des anciens de Diên Biên Phu comme Bigeard, Trapp, Flamen, ou Pouget j’ai appris d’eux que l’on se bat pour une certaine idée de la France, par devoir, pour l’honneur, et avec panache quelles que soient les circonstances.  

Quels que soient les services d’où nous venons, soyons toujours digne d’eux qui nous ont montré le chemin.

Alain JUILLET
Président de l’AASSDN




Vers une Conscience Historique Européenne : Défis et Opportunités

Extrait de la résolution du Parlement européen du 17 janvier 2024 sur la conscience historique européenne : Ce texte aborde la gestion complexe du passé européen, marqué par des histoires nationales diverses et parfois conflictuelles, comme un élément à double tranchant, présentant à la fois des risques et des opportunités. Il met en évidence les difficultés inhérentes à toute tentative de politisation de l’histoire, tout en reconnaissant le potentiel éducatif des périodes sombres du passé européen pour éviter la répétition des erreurs et promouvoir des sociétés démocratiques et inclusives.

Cette résolution insiste sur l’importance d’une conscience historique informée en Europe, qui nécessite une approche large et critique de l’histoire, intégrant les perspectives sous-représentées et promouvant des méthodes d’enseignement innovantes. Il appelle à une culture de la mémoire émanant des citoyens, basée sur des valeurs européennes communes, et souligne le rôle central de l’éducation dans la mise à jour des curriculums pour favoriser une compréhension supranationale de l’histoire.

Aborder le passé de l’Europe comme un risque et une opportunité

Le Parlement européen,

1.  reconnaît que les histoires diverses et souvent conflictuelles des nations et des États européens rendent difficile et potentiellement dangereux tout effort pour gérer l’histoire au niveau politique, et que les tentatives visant à influer la manière de commémorer et d’interpréter le passé s’avèrent toujours difficiles;

2.  souligne le potentiel du principe de l’historia magistra vitae et estime en particulier que les périodes tragiques et les éléments sombres de l’histoire de l’Europe sont un rappel vigoureux des erreurs du passé à ne pas répéter, mais également un appel à œuvrer ensemble en faveur de sociétés démocratiques et inclusives dans l’Union et le reste du monde;

3.  estime qu’une approche responsable, factuelle et critique de l’histoire, axée sur les valeurs européennes communes, est une condition sine qua non pour tout organe politique démocratique, afin de sensibiliser les générations actuelles et futures aux réalisations et aux aberrations du passé, de renforcer un discours public faisant preuve d’esprit critique, et de favoriser la compréhension et la réconciliation au sein de certains groupes sociaux, nations et États et entre ceux-ci;

Politique du passé dans l’Union européenne – une évaluation critique

4.  souligne la nécessité d’une évaluation honnête de la «politique du passé» de l’Union, par laquelle elle s’est efforcée de donner plus de légitimité au projet européen, de renforcer un sentiment d’appartenance à l’Europe et d’encourager la coexistence pacifique des peuples du continent, en reconnaissant de manière égale les réalisations et les lacunes existantes et en examinant attentivement les moyens par lesquels les citoyens ont été encouragés à se confronter au passé;

5.  salue l’ensemble des initiatives passées et présentes au niveau européen visant à promouvoir une mémoire historique européenne commune, notamment la Journée commémorative de l’Holocauste, la Journée européenne de commémoration des victimes de tous les régimes totalitaires et autoritaires, la mise en place d’un volet consacré à la mémoire dans l’ancien programme «l’Europe pour les citoyens» et dans le programme actuel «Citoyenneté, égalité, droits et valeurs» (CERV), ainsi que les diverses résolutions du Parlement telles que celle du 2 avril 2009 sur la conscience européenne et le totalitarisme et celle du 19 septembre 2019 sur l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe;

6.  se déclare préoccupé par la persistance d’une concurrence latente et d’une incompatibilité partielle entre les différentes conceptions de la mémoire et cultures du souvenir en Europe, notamment entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est, mais aussi entre les pays et les nations de certaines parties du continent; souligne que tous les pays européens ont des expériences à la fois concordantes et divergentes qui appartiennent à une histoire européenne commune; reconnaît les crimes commis par les régimes totalitaires nazis, fascistes et communistes, et à l’époque du colonialisme, et le rôle que ces crimes ont joué dans la formation des perceptions de l’histoire en Europe; souligne la nécessité de réduire les fractures régionales et idéologiques existantes en matière de prise de conscience historique entre les pays et les peuples européens, afin de créer un espace commun de dialogue, de compréhension et de respect mutuels;

7.  reconnaît que les horreurs du passé servent de «mythe fondateur négatif» et donnent un sens profond au projet de paix européen, mais constate que le souci de l’Union de raconter son histoire ex negativo risque de nourrir une conception téléologique, simpliste et manichéenne de l’histoire, ce qui pourrait nuire à une compréhension pleinement informée du passé complexe de l’Europe et réduire les incitations à remettre en cause les stéréotypes et les vaches sacrées des histoires nationales;

Vers une conscience historique informée en Europe

8.  reconnaît la nécessité d’une compréhension plus large et plus globale de l’histoire européenne pour qu’émerge une conscience historique européenne critique et capable de se remettre en question, notamment en élargissant le champ des initiatives européennes actuelles liées au travail de mémoire, en tenant dûment compte également des groupes qui ont été sous-représentés jusqu’à présent, et en promouvant de nouvelles méthodes d’enseignement de l’histoire;

9.  souligne qu’il importe de s’écarter d’une «culture du souvenir» européenne principalement imposée par les autorités dans le souci de définir ce dont les Européens devraient se souvenir, et de se tourner vers une «culture du souvenir» émanant de la population et axée sur les citoyens, fondée sur des valeurs et des principes européens communs, en se concentrant sur le développement des capacités de réexamen critique du passé aux niveaux local, régional, national et européen, avec la participation des organisations de la société civile;

10.  reconnaît qu’il est fondamental d’examiner le passé de l’Europe à la lumière des valeurs européennes fondamentales consacrées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne, et des traditions éthiques et philosophiques qui sous-tendent ces valeurs, ainsi que de créer un espace de discussion ouvert qui permette également d’aborder des éléments difficiles des histoires nationales et qui garantisse une compréhension mutuelle et une réconciliation entre les différentes nations européennes et à l’intérieur de ces dernières, ainsi qu’entre les nations européennes et le reste du monde;

11.  estime que la liberté d’enseigner, d’étudier et de mener des recherches, y compris le libre accès aux archives et aux sources, parallèlement à la liberté d’expression artistique, est une condition préalable à la production et à la diffusion de connaissances impartiales et fondées sur des données probantes dans les sociétés démocratiques, et à un traitement critique de l’histoire en particulier; invite la Commission et les États membres à protéger ces libertés qui sont actuellement menacées, en particulier par des cas de détournement des lois relatives à la mémoire, y compris en recourant au mécanisme européen de protection de l’état de droit;

12.  souligne le rôle essentiel de l’éducation et invite les États membres à actualiser leurs programmes d’études et méthodes d’enseignement existants afin de faire passer l’histoire européenne et mondiale avant l’histoire nationale, et de mettre davantage l’accent sur une compréhension supranationale de l’histoire, notamment en permettant des perspectives multiples sur l’histoire et en encourageant les styles d’enseignement correspondants qui privilégient la réflexion et la discussion plutôt que le transfert de connaissances, et qui ont pour objectif général d’amener les étudiants à «apprendre à penser» plutôt que de leur dire «ce qu’ils doivent penser»;

13.  souligne combien l’apprentissage de l’intégration européenne, de l’histoire, des institutions et des valeurs fondamentales de l’Union ainsi que de la citoyenneté européenne est indispensable à l’émergence d’un sentiment d’appartenance européenne; demande que l’enseignement de l’histoire européenne et de l’intégration européenne, qui doit être envisagée dans un contexte global, et l’éducation à la citoyenneté européenne fassent partie intégrante des systèmes éducatifs nationaux; reconnaît les efforts déployés au niveau de l’Union pour améliorer les connaissances sur l’Union et son histoire, notamment avec les actions dites «Jean Monnet»; invite la Commission et les États membres à travailler, notamment dans le cadre du groupe de travail sur l’égalité et les valeurs de l’Espace européen de l’éducation, à l’élaboration d’éléments spécifiquement axés sur le développement d’une conscience historique européenne, et à élaborer conjointement un «manuel de l’UE» pour les activités pédagogiques fournissant des orientations communes ainsi que des faits et des chiffres impartiaux pour l’enseignement de l’histoire européenne;

14.  estime que le chauvinisme, les stéréotypes sexistes, les asymétries de pouvoir et les inégalités structurelles sont profondément ancrés dans l’histoire européenne, et déplore l’absence d’une approche suffisamment multiculturelle et sensible au genre dans l’enseignement de l’histoire; considère qu’il est essentiel de lutter contre la marginalisation des femmes et d’autres groupes de la société sous-représentés dans l’histoire, et invite les États membres à accorder une attention accrue aux programmes scolaires nationaux;

15.  souligne la nécessité d’un enseignement interdisciplinaire et intersectionnel de l’histoire qui applique une pédagogie innovante et centrée sur l’apprenant, en utilisant par exemple des outils interactifs, des méthodes de narration et des approches fondées sur les enseignements tirés pour toutes les générations, qui utilise un ensemble complet de sources, de technologies et de matériels d’apprentissage, y compris des manuels d’histoire transfrontaliers et transnationaux et des récits oraux, et qui encourage les capacités d’analyse et de réflexion critique;

16.  reconnaît le rôle central joué par les enseignants dans la création et la transmission des compétences nécessaires à la compréhension et à l’évaluation critique des faits historiques, et souligne qu’il est important que les enseignants non seulement reçoivent une formation adéquate, mais s’engagent également à se perfectionner de manière continue, y compris par des activités d’apprentissage entre pairs et par le partage des meilleures pratiques, à la fois au niveau national et transnational; souligne, dans ce contexte, la valeur ajoutée des académies Erasmus + des enseignants;

17.  invite les États membres à fournir du matériel d’enseignement (de l’histoire) et des formations sur mesure qui permettent aux enseignants de mieux se concentrer sur les aspects transnationaux et les multiples facettes de l’histoire, qui transmettent des principes didactiques adéquats et les principes d’un enseignement moderne et qui visent avant tout à former des jeunes qui réfléchissent par eux-mêmes;

18.  souligne qu’il est très utile de collecter des données et de comparer et d’évaluer les méthodes et les outils d’enseignement de l’histoire, et salue le travail des organisations gouvernementales et non gouvernementales spécialisées actives dans ce domaine, y compris l’Observatoire de l’enseignement de l’histoire en Europe du Conseil de de l’Europe et EUROCLIO; souligne qu’il importe que davantage d’États membres de l’Union participent à l’Observatoire;

19.  reconnaît le potentiel des musées qui abordent de manière critique l’histoire contestée de l’Europe en tant qu’outil d’apprentissage du passé et de renforcement de la conscience historique, en particulier la «Maison de l’histoire européenne», en tant que projet phare pour lequel des ressources suffisantes devraient être mises à disposition afin d’assurer un rayonnement plus large auprès du public européen;

20.  insiste sur l’importance de préserver le riche patrimoine culturel et historique de l’Europe et les lieux de mémoire, en particulier comme moyen de développer une conscience historique critique, à condition qu’ils ne soient pas détournés à des fins idéologiques, et souligne le rôle que le label du patrimoine européen et les institutions indépendantes œuvrant à la promotion du patrimoine européen, tant matériel qu’immatériel, peuvent jouer à cet égard; encourage les États membres à intensifier leurs efforts pour identifier et protéger les lieux de mémoire démocratique, en particulier ceux qui sont liés aux groupes sous-représentés; souligne le potentiel d’Europeana en tant que bibliothèque numérique, archive, musée et plateforme éducative de l’Europe;

21.  reconnaît le potentiel des médias numériques et le niveau croissant de numérisation dans l’éducation, tout en se déclarant profondément préoccupé par le fait que les canaux numériques sont de plus en plus souvent utilisés de manière abusive à des fins de manipulation politique et de diffusion de la désinformation, y compris en ce qui concerne l’histoire, comme illustré par le révisionnisme historique pratiqué par la Russie dans le contexte de sa guerre d’agression contre l’Ukraine; invite la Commission et les États membres à intensifier leurs efforts pour renforcer l’éducation aux médias et au numérique et pour doter les enseignants et les étudiants de compétences et d’outils adéquats facilitant un enseignement de l’histoire fondé sur les faits, et leur permettant d’identifier, de contextualiser et d’analyser les sources historiques aussi bien traditionnelles que modernes;

22.  souligne que les possibilités de mobilité transfrontalière à des fins d’apprentissage offertes par les programmes de mobilité européens et autres favorisent les échanges d’idées et promeuvent les connaissances transversales ainsi que la compréhension interculturelle, en contribuant à faire tomber les barrières nationales et en permettant une meilleure compréhension du passé et du présent;

23.  demande à la Commission et aux États membres de renforcer les outils actuellement disponibles au niveau européen afin de favoriser l’émergence d’une conscience historique européenne critique et capable d’autoréflexion, en particulier le programme Erasmus+, qui soutient la mobilité et l’apprentissage interculturel, en tant qu’instruments essentiels pour améliorer la compréhension des autres cultures et nations, ainsi que le programme CERV, qui prête un appui à des projets transnationaux portant sur le souvenir historique et promeut l’engagement civique;

24.  demande aux institutions européennes, aux États membres, aux pays candidats et aux pays candidats potentiels, aux établissements d’enseignement et aux acteurs de la société civile de redoubler d’efforts pour promouvoir la réconciliation, s’abstenir de toute tentative d’instrumentalisation de l’histoire à des fins politiques et lutter contre le révisionnisme et le déni de la réalité historique tant dans l’Union européenne que dans les pays tiers; rappelle l’importance de ces éléments dans la perspective des futurs élargissements de l’Union;

Perspectives: l’héritage du passé et l’avenir de l’Union

25.  adhère à l’idéal d’une «culture de la mémoire» et d’une conscience historique fondée sur des valeurs et des pratiques européennes communes dans la façon d’aborder le passé, tout en évitant les nivellements ou les simplifications excessifs de l’histoire;

26.  espère que, sur la base d’une autoréflexion critique portant sur l’histoire et la responsabilité historique au niveau national, un discours réflexif véritablement européen sur le passé du continent puisse voir le jour, sans que l’histoire ne soit détournée à des fins politiques, et exprime l’espoir qu’une «communauté de destin» entre les peuples européens émergera d’un travail historique commun;

27.  estime que les mémoires collectives finiront par contribuer à une sphère publique européenne et par s’y fondre, une sphère dans laquelle les différentes cultures du souvenir se complètent au lieu de s’opposer, et où le traitement de l’histoire devient une question d’action civique et non plus une affaire politique;




Joséphine Baker au Panthéon

Par Alain Juillet et Marie Gatard

Avec l’entrée au Panthéon de Joséphine Baker, beaucoup retiennent le combat d’une femme qui a utilisé sa grande notoriété au service de la lutte contre le racisme et pour l’émancipation des Noirs en soutenant le mouvement américain des droits civiques, puis en s’impliquant comme franc-maçonne, à partir de 1960, dans la lutte pour l’égalité des droits pour toutes et tous.

Pourtant ce n’est pas seulement une femme exceptionnelle pour son action en faveur de la fraternité universelle, symbolisée par la fratrie de tous les enfants qu’elle a adoptés, venus de toutes les régions du monde, pour toutes et tous, c’est aussi la combattante pour la liberté de la France qui est aujourd’hui honorée.

Joséphine Baker – Photo Studio Harcourt (1948)

Les anciens des Services spéciaux sont particulièrement fiers de voir ainsi reconnue l’une des leurs mais beaucoup ignorent ce qu’elle a pu faire réellement. C’est pourquoi il a semblé utile aux auteurs de cet article d’en raconter l’histoire en utilisant les mémoires et livres qui évoquent le combat de la femme de l’ombre qui prenait si bien la lumière.

Elle ne reculera effectivement devant aucun risque pour la France.

Quand elle est contactée, dès septembre 1939, par le capitaine Jacques Abtey, de la section allemande du contre-espionnage français dirigé par le capitaine Paul Paillole, elle accepte immédiatement de se mettre à la disposition du service avec ces paroles : « C’est grâce à la France que je suis devenue ce que je suis. Je lui vouerai une reconnaissance éternelle. Les Parisiens m’ont tout donné, en particulier leur cœur, je leur ai donné le mien. Je suis prête, capitaine à leur donner aujourd’hui ma vie. Vous pouvez disposer de moi comme vous l’entendez. »

Voir la vidéo produite par le Ministère des Armées

De la misère à la danse

Danseuse aux Folies Bergères, l’artiste a alors 33 ans, elle est devenue une image mythique du music-hall.

L’ascension de la petite fille du Missouri a été prodigieuse. Sa mère, métisse noire et indienne, et son père, batteur de Saint Louis, d’origine espagnole, qui ont monté un numéro de chant et de danse, se produisent dans des bars et des music-halls.

De son vrai nom Freda Mac Donald, elle est l’aînée de la famille, mais, un an après sa naissance, son père quitte sa mère, et celle-ci, qui tient la petite fille pour responsable, se comporte avec une grande brutalité. Le froid, la puan- teur, la misère sont le terreau de son enfance. À huit ans, elle travaille comme bonne à tout faire dans la maison d’une blanche, où elle dort avec le chien près du tas de charbon. Elle est tirée de cet univers quand sa patronne l’ébouillante pour la punir, des voisins ayant entendu les cris de l’enfant. À onze ans, elle assiste à un événement qui la marquera à jamais, l’émeute raciale du ghetto de East Saint Louis. Des gens ont été brûlés dans l’incendie, elle voit s’enfuir les fugitifs traqués comme des bêtes. À treize ans, après une rupture violente avec sa mère, elle se marie, pour peu de temps, avec un garçon de wagon-lit, Willie Wells.

La danse est déjà son univers. Dans les rues de Saint Louis, elle a appris les mouvements typiques des danseurs de jazz des années 20 aux États-Unis. Élevée dans la tradition baptiste, elle aime les cérémonies religieuses où musique et rythme entraînent les fidèles qui tapent des pieds, battent des mains, se balancent dans une atmosphère hypnotique. Elle est imprégnée de l’idée que l’âme peut s’exprimer à travers le corps.

C’est ainsi qu’après avoir été serveuse, elle se joint à un groupe familial de musiciens de rue, où elle apprend à jouer du trombone. C’est là qu’elle épouse, à quinze ans, Willie Baker, dont elle gardera le nom, et qu’elle réalise son rêve, entrer dans le corps de ballet d’un groupe en tournée. Elle y joue d’abord les remplaçantes, mais finit par se faire connaître dans le rôle de girl comique : elle grimace, se démène avec un entrain irrésistible, capable de n’importe quelle posture sans jamais arrêter de loucher.

Scandale et enthousiasme : la Revue nègre

À la même époque à Paris, en 1925, sévit un véritable engouement des artistes pour l’exotisme, en particulier pour l’art africain. Le peintre Fernand Léger, qui vient de voir l’exposition d’art nègre au musée des Arts décoratifs, suggère à l’administrateur du théâtre des Champs-Élysées de présenter un spectacle entièrement réalisé par des Noirs. La troupe dont fait partie Joséphine est pressentie. Elle a alors dix-neuf ans, danse en solo et commence à faire parler d’elle. C’est son premier contact avec la France.

De ce pays, Joséphine attend tout et, surtout, d’y échapper à une discrimination raciale particulièrement lourde à l’époque dans son pays. Paris lui offrira plus qu’une terre d’accueil, il fera d’elle une star. Mais si ce corps se dresse comme une œuvre qui exalte le monde des arts, si le nom de Joséphine Baker est aussi synonyme de liberté et d’ouverture sur le monde, l’Éros, propice aux fantasmes, indigne certains. Les catholiques s’offusquent, au point que l’Église en vient à s’alarmer. Pourtant, la star décide de rester en France.

Elle devient la compagne de Giuseppe Abatino, dit Pepito, qui passe pour un gigolo et se révélera être, durant leur union de dix ans, un remarquable impresario. C’est lui qui organise pour elle une tournée mondiale. Celle-ci débute à Vienne où des étudiants de droite veulent empêcher les artistes de couleur de se produire. L’Église, offusquée par des exhibitions de sensualité aussi tumultueuse, s’en mêle. Joséphine est horrifiée. En Argentine aussi, dit-elle, « les partis catholiques m’ont traquée de gare en gare, de ville en ville, d’une scène à l’autre ». En 1929, la police de Munich interdit le spectacle.

Arrivent les années 30. Elle a retrouvé la France, seul pays pour elle « où l’on puisse vivre facilement ». Elle est danseuse au Casino de Paris, devenu music-hall respectable. Joséphine s’est  transformée :  elle est vêtue avec simplicité et s’est mise à chanter. La petite Tonkinoise et J’ai deux amours sont sur toutes les lèvres. En 1934, elle tentera l’opérette et remportera un vrai succès dans le rôle de La Créole d’Offenbach.

Pourtant son désir de retourner dans son pays pour s’y imposer à Broadway se soldera par un échec. Comprenant qu’elle n’y a définitivement pas sa place, elle rentre à Paris mener une nouvelle revue aux Folies Bergères. Pepito est mort brutalement au printemps 1936. En 1937, en épousant Jean Lion, un riche courtier en sucre, elle obtient la nationalité française. La même année elle passe le brevet de pilote.

La star et le contre-espionnage

Quand éclate la guerre, en 1939, la star noire est en quelque sorte rattrapée par le racisme. On entendait déjà les accents du nazisme et les cruautés de l’idéal aryen. Les nazis considèrent les Noirs comme une menace pour la « race blanche ».C’est un agent de théâtre qui la met en rapport avec le capitaine Jacques Abtey, un Alsacien de 33 ans, énergique et sportif, un blond au front haut et aux yeux bleu pâle.

Avant la guerre déjà, le chef de la section des services secrets travaillant contre l’Allemagne avait eu l’idée d’utiliser des comédiens français à l’occasion de leurs déplacements à l’étranger.

«  Quand  le jeune capitaine Abtey me parla pour  la première fois  de Joséphine Baker, dira le colonel Paillole, je fus réticent. Nous nous méfions au 2e Bureau des enthousiasmes à la Mata Hari. Je craignais qu’elle soit une de ces personnalités brillantes du monde du spectacle qui, à l’épreuve d’un vrai danger, bien différent de leurs affres habituelles, se cassent comme du verre ; il me dit que Joséphine, c’était de l’acier. » Sous la coupe de Jacques Abtey, Joséphine Baker devient honorable correspondant.

Elle « ignorait tout du service de renseignements et devint rapidement un H.C. de tout premier ordre, dit Abtey. Cette femme universellement connue n’avait rien d’une barbouze. On se doute qu’elle n’opérait pas davantage en manteau couleur passe-muraille. Ce fut précisément en tant que Joséphine Baker qu’elle n’attirait pas l’attention sur son activité secrète. (…) Mieux, je parvins moi-même en certaines circonstances à passer complètement inaperçu en voyageant auprès d’elle avec un faux passeport en qualité de secrétaire ou d’artiste. »

« Mission accomplie ! »

Une longue route d’aventures va commencer pour Joséphine et son « officier traitant ». Le monde du renseignement de la vedette devient vite celui des ministres, des ambassades, voire des rois.

En 1940, Jacques Abtey est chargé d’établir, pour les Services spéciaux français, une liaison avec l’Intelligence Service, en vue d’un échange permanent de renseignements et afin de recevoir des consignes pour l’action commune. Il est décidé qu’il va accompagner la star dans sa tournée au Portugal et en Amérique du Sud ; il se fondra dans la troupe avec un passeport au nom de Jacques-François Hébert. Joséphine commence son travail de couverture, qui implique d’énormes risques, d’autant qu’elle fait inscrire sur le passeport de son coéquipier « accompagne madame Joséphine Baker ».

Pour ce premier voyage, ils partent avec une synthèse des renseignements recueillis jusque-là par le service de Paul Paillole, reproduite en langage chiffré et à l’encre sympathique (emplacement des principales divisions allemandes, effectifs, matériel, terrains d’aviation et même une photo d’une péniche que les Allemands projettent d’utiliser pour une invasion de l’Angleterre).

Tout le monde se presse pour voir la vedette, Abtey passe inaperçu, il fait pour ainsi dire partie des bagages. À l’ambassade de Lisbonne, par l’attaché de l’Air anglais, il entre en contact avec un membre de l’Intelligence Service. Joséphine, revenue seule à Paris, pourra dire à Paillole : « Mission accomplie ! »

Comme elle a besoin de renflouer ses finances, entamées par l’expédition à Lisbonne qu’elle a tenu à assumer, elle reprend à Marseille La Créole. À partir de ce moment, elle n’acceptera jamais aucune aide pécuniaire pour tout ce qu’elle fera pour la Résistance ou les soldats de l’Alliance.

Abtey est resté à Lisbonne pour mettre sur pied les modalités de collaboration avec les Anglais. Le service français sera basé à Casablanca et les courriers transiteront par le Portugal. Rentré à Marseille pour la première d’un spectacle de Joséphine, il lui dit qu’il a besoin d’elle pour la suite de ses missions et qu’ils vont s’installer au Maroc. N’hésitant pas un instant, elle interrompt les représentations pour cause de maladie et fait prendre ses bagages dans son château de Dordogne. Mais elle tient à ses animaux et l’on voit arriver dans sa cabine du bateau en partance pour l’Afrique du Nord : son danois, sa guenon, son singe-lion, son ouistiti, et ses deux souris blanches.

Ils embarquent aussi avec la dernière synthèse de renseignements. Mais, arrivé à Casablanca, Abtey a de telles difficultés pour obtenir un visa pour Lisbonne que Joséphine décide d’y aller à sa place. « Dans une valise, dira- t-il, elle emmenait la synthèse de Paillole que je lui avais transcrite à l’encre sympathique sur une partition de musique. De me voir écrire avec de l’eau l’avait bien amusée. C’était la première mission qu’elle allait accomplir seule à l’étranger. » Pour justifier sa présence à Lisbonne, elle y donne quelques représentations et revient radieuse

Mosaïques, orangers et colonnes de marbre

Elle se replie alors à Marrakech où deux personnalités lui ont ouvert les bras : un cousin germain du sultan, S.A. Moulay Larbi el-Alaouï, et le pacha de Marrakech, S.E. Si Thami el-Glaoui. Séduite par cette ville, elle s’installe avec sa suite, dont Abtey, dans une demeure de rêve au fond d’une impasse de la Médina : vestibule couvert de mosaïques, jardin intérieur à colonnes de marbre, orangers, fontaine gazouillante. Elle est frappée par la spiritualité qui émane de cette féerie. Mais le travail continue.

Malgré les dangers qu’il y a pour elle à aller en Espagne, alors sous tutelle occulte des Allemands, elle décide de s’y produire, ce voyage étant favorable à leur mission. Elle en reviendra avec, fixées à ses sous-vêtements par une épingle de nourrice, les notes qu’elle a prises sur les ambassades et les milieux politiques espagnols.

Mais, soudain, sa santé arrête son élan : elle a une péritonite et son cas est des plus sérieux. Un lit de camp est dressé auprès d’elle pour Abtey qui la veille, mais doit souvent la quitter pour les besoins de sa mission. Elle l’aide encore à sa manière : sous prétexte de visites à la malade, il peut donner dans sa chambre la plupart de ses rendez-vous clandestins.

Cependant, de rechute en rechute, Joséphine mène une incessante lutte pour la vie, qui va durer dix-neuf mois.

Un jour, elle voit arriver à son chevet un grand gaillard au visage ouvert, le vice-consul américain Bartlett : « Miss Baker étant d’origine américaine, dit-il, personne ne trouvera surprenant que je lui fasse des visites. » Abtey a en effet établi de nouveaux contacts avec les Américains, entrés dans la guerre. C’est ce même Bartlett qui leur annoncera un jour : de graves événements se préparent.

À la mi-octobre 1942, on offre à Abtey de diriger le 2e  Bureau de l’état-major militaire d’un mouvement de France Combattante qui vient de se former à Casablanca. Et les agents de Paillole ont été pressentis pour neutraliser, sous la direction du général Béthouart, le commandement supérieur des troupes du Maroc qui sont sous la direction du gouvernement de Vichy.

Le 8 novembre 1942, la DCA se déchaîne contre les premiers avions alliés, c’est le début du débarquement en Afrique du Nord. Joséphine exulte, Abtey la voit « bondir de son lit métallique, se lancer sur la terrasse, son maigre corps vêtu d’un pantalon de pyjama et d’un méchant tricot, les pieds nus » et, levant un poing vers le ciel : « Je vous l’avais toujours dit ! C’est cela les Américains ! » Elle suit la bataille du toit de la clinique.

Le deuxième jour des combats, elle tient, malgré sa faiblesse, à accompagner les représentants de la France Combattante qui vont se mettre à la disposition de l’état-major américain : une civière leur permettra de se déplacer sous la protection d’une ambulance de la Croix-Rouge.

Des milliers de soldats l’écoutent chanter

Enfin, le 1er  décembre, Joséphine quitte la clinique. À Marrakech, Si Mohamed Menebhi met à sa disposition un pavillon de son palais. Mais une paratyphoïde la terrasse à nouveau et elle enrage de ne pouvoir s’engager aux côtés de son officier traitant. Pourtant, le 1er  février, à peine rétablie et les cicatrices des interventions chirurgicales qu’elle a subies lors de son long séjour à la clinique n’étant pas entièrement refermées, pour aider les gens de sa couleur, elle monte sur les planches dans un foyer de soldats américains noirs (les blancs ont leur propre club). Le général Clark, qui assiste au spectacle, viendra la féliciter à la réception où l’on verra les plus hauts gradés de l’armée interalliée. Elle renaît à sa vie de star et se met à la disposition du haut commandement des troupes engagées, pour donner gratuitement des spectacles pour soutenir le moral des soldats. Et, alors qu’elle n’a plus un sou et qu’elle doit, pour se renflouer, donner une série de représentations au Rialto à Casablanca, la première est un gala au profit de la Croix-Rouge française. Le succès est énorme. J’ai deux amours, mon pays et Paris déchaîne une émotion parfois déchirante.

Et, tandis qu’Abtey, qui a quitté le Corps franc coiffé par Giraud, attend l’occasion de s’envoler pour rejoindre de Gaulle, elle fait le tour des can- tonnements (près de 300.000 hommes sont sous la tente ou dans des bara- quements). Plusieurs fois par jour, elle monte sur les tréteaux ; sa loge est une tente. Près d’Oran, la scène est dressée au milieu d’un champ, plusieurs milliers de soldats l’entourent. À Mostaganem, on lui demande de chanter sur la place publique car les militaires sont en butte à l’hostilité de la population, majoritairement italienne et espagnole, et le chef d’état-major a décidé de les mêler à la foule, espérant susciter le pouvoir rassembleur de l’artiste.

Tout en chantant, elle descend parmi les spectateurs, prenant des bébés dans ses bras et les remettant aux soldats. C’est ainsi qu’elle réussit à créer cette atmosphère de fraternité à laquelle elle aspire tant.

Des milliers de kilomètres à travers le désert

Quand elle rentre, épuisée, Paillole et de nombreux membres du 2e Bureau sont arrivés à Alger, ainsi que le général Catroux, représentant de Gaulle. Abtey se met au service du BCRA, tandis que Joséphine accepte une tournée dans les camps britanniques de Libye et d’Égypte. On pourrait croire que son activité dans la Résistance va s’arrêter là, d’autant qu’il n’est pas question pour elle de rentrer en France où, depuis 1941, les nazis ont interdit l’entrée en zone occupée de toute personne de couleur.

baker josephine
Le SLT Josephine Baker avec Alla Dumesnil-Gillet CDT les formations féminines de l’air – Photo Archives AASSDN

Pourtant, les deux coéquipiers vont continuer à lutter ensemble, mais leur action prend une autre tournure. Il ne s’agit plus d’œuvrer contre les services allemands, mais d’observer le monde musulman où les rivalités ancestrales ressurgissent. Joséphine a une grande connaissance du milieu arabe et, si elle met les intérêts de la France au-dessus de tout, elle aime sincèrement ses amis musulmans. C’est dans cet esprit qu’elle va travailler.

Accompagnée d’Abtey, elle part donc pour le Moyen-Orient. Sous couvert d’une tournée de propagande, sous le haut patronage de De Gaulle et au profit de la Résistance en métropole, elle donnera des spectacles devant les troupes FFL.

Toujours bénévole, pour pouvoir financer l’entreprise, Joséphine donne une grande soirée au théâtre municipal d’Alger. De Gaulle est parmi les spectateurs, il la félicite et lui fait remettre une petite croix de Lorraine en or. Il faut dire que Joséphine a un drapeau français de dix mètres orné d’une immense croix de Lorraine, qu’elle a déployé sur la scène. Elle le déploiera tout au long de sa tournée.

Elle suggère d’emmener avec eux un de ces amis, Madani Glaoui, neveu du pacha de Marrakech, un jeune homme plein de grâce et d’allant, acquis à de Gaulle, et dont le nom est susceptible de leur ouvrir des portes. Et les voilà partis pour un extraordinaire périple, tous les trois en jeep, les bagages suivant dans un autre véhicule, Joséphine en tenue militaire de campagne. Elle va faire ainsi des milliers de kilomètres à travers le désert.

À Sfax, ville détruite, elle offre la recette aux sinistrés. À Alexandrie, le trio est invité par le prince Mohamed Ali qui s’intéresse à leur mission. Au Caire, grande soirée franco-égyptienne présidée par le roi Farouk et banquet en l’honneur de la star. À Beyrouth, président de la République sortant, ambassadeur et têtes couronnées de Grèce. Pour augmenter la recette au profit de la Résistance, Joséphine met aux enchères la croix de Lorraine en or offerte par de Gaulle : elle atteint 350.000 francs.

Damas, Jérusalem, Tel-Aviv, Jaffa, Haiffa, puis Le Caire à nouveau ; sur toutes les scènes, Joséphine fait flotter son grand drapeau, symbole de la résurrection de la France. Bilan de la mission : une action de propagande et plus de trois millions de francs pour la Résistance.

Cependant, à Beyrouth, à l’élection du nouveau président de la République libanaise, le candidat français est battu, l’union arabe marque le premier point. Les renseignements recueillis par Abtey sont tous transmis à Alger et, devant la révolte grondant au Liban et les manifestations du Caire, ce dernier décide de rentrer le plus rapidement possible dans la capitale algérienne pour rapporter de vive voix les suggestions faites par les personnalités libanaises rencontrées.

L’échec de la France au Moyen-Orient occupe les esprits et change déjà les mentalités. Impression des deux coéquipiers : « le torchon brûle ». Les mouvements nationalistes intéressent les services de renseignements français, autant qu’américains et britanniques.

Mais Joséphine paie son infernale randonnée dans le désert et doit être opérée d’urgence d’une occlusion intestinale. Le palais Menebhi, où elle est en convalescence, est un lieu privilégié d’observation pour juger de l’évolution des dispositions des notables marocains à l’égard de la France.

À la veille du Débarquement en France sur les côtes normandes, elle accepte une tournée de propagande au profit de la France libre, en Corse, qui vient d’être libérée ; le but est, là, une démonstration à l’intention des Américains, dont l’attitude à l’égard de De Gaulle est plus qu’équivoque ; au point qu’un jour, un membre du corps diplomatique conseille à la vedette de ne jamais monter dans l’avion du Général.

Son avion s’écrase en mer

Quand elle rejoint la Corse en avion avec Abtey, s’apprêtant à poser le pied en France pour la première fois depuis quatre ans, peu après la Sardaigne, un moteur tombe en panne. Le ciel est sillonné d’avions français, tandis que le leur perd de l’altitude et finit par descendre vers la mer. « Calez-vous ! » crie le pilote. Le grand drapeau roulé sert de coussin protecteur à Joséphine. L’avion s’écrase dans une gerbe d’eau, sa carlingue de bois éclate, ses occupants grimpent sur une aile au milieu des bagages flottants. Ils sont tombés dans une anse, un groupe de tirailleurs Noirs accourt sur la plage. La soirée de gala sera assurée, Joséphine chantera pour les hommes qui vont libérer la France occupée.

Engagée le 23 mai 1944 dans l’armée, le lieutenant Joséphine Baker débarquera elle-même en zone sud avec les Forces féminines de l’Air : tenue de campagne, barda et casque réglementaires, vie de soldat.

Abtey la retrouve à Paris, aux Halles, calot sur la tête, dans un grand manteau gris-bleu de la RAF, pourvu par ses soins des boutons de cuivre de l’armée de l’Air française, une grosse écharpe de laine autour du cou ; elle s’approvisionne en gros pour les vieux de la banlieue (sans tickets d’alimentation grâce à ses relations). Elle s’est engagée dans la lutte contre la misère.

Pour une série de spectacles au profit des sinistrés, on lui recommande l’orchestre de Jo Bouillon. Ils suivront ensemble la progression de la 1re Armée, parcourant la zone française en Allemagne occupée. À Berlin, elle représente la France au cours d’un spectacle grandiose où figurent les grandes nations alliées. À Buchenwald libéré, elle ira au chevet des typhiques intransportables.

Une nouvelle tranche de vie attend la star, mais, en retrouvant la paix, avec Jo Bouillon devenu son mari, elle ne renoncera jamais à lutter avec l’étonnante générosité dont elle a toujours fait preuve, notamment pour sa cause première : l’abolition des barrières raciales. Voulant prouver qu’on peut vivre ensemble sans discrimination, elle adoptera douze enfants d’origines différentes.

L’activité de Joséphine Baker dans le cadre des services spéciaux a été minimisée par certains, pour lesquels elle n’aurait pas été un véritable agent de renseignements. Sans elle, pourtant, le véritable agent de renseignements que fut Jacques Abtey n’aurait jamais pu mener à bien ses missions. Elle a tout le long de l’Occupation pris des risques considérables pour le « couvrir » et s’est dépensée parfois au-delà de ses forces pour la Résistance. Ses décorations en témoignent. Elle a reçu la médaille de la Résistance, en 1946, dans son lit de la clinique de Neuilly (nouveaux ennuis de santé) et, en 1961, dans son château des Milandes, en Dordogne, les insignes de la Légion d’honneur et la croix de guerre avec palme.

Ses funérailles nationales, en 1975, étaient sans précédent pour un artiste.

Alain Juillet et Marie Gatard

Cet article a été publié le 19 septembre 2021 dans le numéro 256 du Bulletin bimestriel de l’AASSDN, l’Amicale des Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale. Nous le reproduisons ici avec l’aimable autorisation de leurs auteurs et de l’AASSDN.

Alain Juillet, vice-président de l’AASSDN – Photo © JFD

Marie Gatard, Historienne AASSDN – Photo ©

Quelques livres pour en savoir davantage

Joséphine Baker, une Américaine à Paris, Phyllis Rose. Ed.Fayard, 1990

Joséphine, Joséphine Baker et Jo Bouillon. Ed. Robert Laffont, 1976

Voyages et aventures de Joséphine Baker, Marcel Sauvage. Ed. Marcel Sheur, Paris, 1931

Joséphine Baker contre Hitler, Charles Onana. Ed. Duboiris, 20XX 

2e Bureau contre Abwehr , Jacques Abtey. Ed. de la Table Ronde, 1967

La guerre secrète de Joséphine Baker, Jacques Abtey. Ed. Siboney, 1948

Bulletin de liaison de l’AASSDN, n° 177 et 127

J.A., Rémy. Ed. Galic, 1961

Services spéciaux, Paul Paillole. Ed. Robert Laffont, 1975

Mes missions face à l’Abwehr, Gilbert Guillaume. Ed. Plon, 1973

Combats de femmes, Marie Gatard, L’esprit du Livre, 2009




Josephine Baker in the Pantheon

With Josephine Baker’s induction into the Pantheon, many will remember the struggle of a woman who made good use of her popularity to fight racism and promote the emancipation of blacks by supporting the American civil rights movement, and then by becoming involved as a Freemason from 1960 onwards, in the fight for equal rights for all.

She is today honoured not only for her action in favour of universal fraternity, as exemplified by the brotherhood resulting from the many children she adopted in the four corners of the world, but also for her true fight for the freedom of France.

Joséphine Baker – Photo Studio Harcourt (1948)

Joséphine Baker – Photo Studio Harcourt (1948)

Former Special Branch personnel are particularly proud to see one of their peers being paid tribute in this way, but many are unaware of what she actually did. That is why the authors of this article believed it useful to tell the story using memoirs and books that evoke the struggle of the woman in the shadows who took the light so well.

And she did not shy away from any risk for France.

When she was contacted in September 1939 by Captain Jacques Abtey of the German section of the French counter-espionage service headed by Captain Paul Paillole, she immediately agreed to make herself available to the service with these words: « It is thanks to France that I have become what I am. I will be eternally grateful to her. The Parisians have given me everything, especially their hearts, I give them mine. I am ready, Captain, to give them my life today. You may dispose of me as you wish

Video produced by the french Ministry of Defence

From misery to dance

A dancer at the Folies Bergères, the artist was 33 years old at the time and had become a mythical music hall figure.

The rise of the little girl from Missouri was prodigious. Her mother, of mixed black and Indian origin, and her father, a drummer of Hispanic origin from Saint Louis, had put together a song and dance act, performed in bars and music halls.

Her real name was Freda MacDonald and she was the eldest child in the family, but about a year after she was born her father left. Her mother, who held the little girl responsible, behaved with great brutality. Cold, stench and misery were the soil of her childhood. At the age of eight, she worked as a maid in a white woman’s house, sleeping with the dog by the coal pile. She eventually was taken out of this world after her boss scalded her to punish her, and the neighbours alarmed by the child’s screams. When she was eleven, she witnessed an event that would leave a lasting impression on her, the East Saint Louis ghetto race riot. People were burned in the fire, and she watched as fugitives were hunted down like animals. At the age of thirteen, after a violent break-up with her mother, she marries, for a short time, a sleeping car boy, Willie Wells.

Dancing was already her world. On the streets of St. Louis, she learned the typical moves of jazz dancers in the 1920s in the United States. Raised in the Baptist tradition, she loved religious ceremonies where music and rhythm drove the faithful to stomp their feet, clap their hands and sway in a hypnotic atmosphere. She is imbued with the idea that the soul can express itself through the body.

So, after working as a waitress, she joined a family band of street musicians, where she learned to play the trombone. There, at the age of fifteen, she married Willie Baker, whose name she kept, and realised her dream of joining a touring band’s corps de ballet. At first she was auxiliary, but eventually made a name for herself as a comic girl: she pulled faces and moved with irresistible gusto, capable of any posture without ever stopping to squint.

Scandal and enthusiasm: the Revue negre

At the same time in Paris, in 1925, a real craze erupted among artists for exoticism, particularly African. The painter Fernand Léger, who had just seen the Negro Art exhibition at the Musée des Arts Décoratifs, suggested the administrator of the Théâtre des Champs-Élysées to present a show entirely produced by black people.

The troupe to which Josephine belonged was approached. She was then nineteen years old, danced solo and had begun to make a name for herself. This was her first contact with France.

Josephine expected everything from this country, especially the opportunity to escape from the particularly heavy racial discrimination in her country. Paris will offer her more than a home, it will make her a star.

Paris will offer her more than a home, it will make her a star

But if this body stands as a work of art that exalts the world of the arts, if the name Josephine Baker is also synonymous with freedom and openness to the world, Eros, which is conducive to fantasy, is indignant to some. Catholics took offence, to the point that the Church became alarmed. Nevertheless, the star decided to stay in France.

She became the companion of Giuseppe Abatino, known as Pepito, who passed for a gigolo and turned out to be a remarkable impresario during their ten-year union. It was he who organised a world tour for her. The tour began in Vienna, where right-wing students wanted to prevent coloured artists from performing. The Church, offended by such tumultuous displays of sensuality, got involved. Josephine is horrified. In Argentina too, she says, « the Catholic parties hounded me from station to station, from town to town, from stage to stage. In 1929, the Munich police banned the show ».

The 1930s arrived. She returned to France, the only country for her « where one can live easily ». She was a dancer at the Casino de Paris, which had become a respectable music hall. Josephine was transformed: she dressed simply and started to sing. La petite Tonkinoise and J’ai deux amours are on everyone’s lips. In 1934, she tried her hand at operetta and had a real success in Offenbach’s La Créole.

However, her desire to return to her country to make a name for herself on Broadway ended in failure. Realising that she definitely did not belong there, she returned to Paris to lead a new revue at the Folies Bergères. Pepito died suddenly in the spring of 1936. In 1937, by marrying Jean Lion, a rich sugar broker, she obtained French nationality. The same year she passed her pilot’s licence.

The star and counter-espionage

When war broke out in 1939, the black star was caught up in racism. The overtones of Nazism and the cruelties of the Aryan ideal could already be heard. A theatre agent put her in touch with Captain Jacques Abtey, an energetic and athletic 33-year-old from Alsace, a blond with a high forehead and pale blue eyes.

Even before the war, the head of the secret service section working against Germany had had the idea of using French actors when travelling abroad.

« When the young Captain Abtey spoke to me for the first time about Josephine Baker, » Colonel Paillole said, « I was reluctant. We were wary in the 2nd Bureau of Mata Hari-like enthusiasm. I was afraid that she was one of those brilliant personalities of the entertainment world who, when put to the test of a real danger, quite different from their usual afflictions, break like glass; he told me that Josephine was steel.» Under Jacques Abtey, Josephine Baker became an honourable correspondent.

She « knew nothing of the intelligence service and soon became an H.C. of the first order,» says Abtey. « This universally known woman could not be a spook. Nor could anyone suspect her of covert operations. It was her figure as Josephine Baker that drew attention, masking her secret activity. (…) Better still, I myself managed on certain occasions to go completely unnoticed by travelling with her on a false passport as a secretary or artist

« Mission accomplished ! »

A long road of adventures began for Josephine and her ‘case officer’. The star’s world of intelligence quickly encompassed that of ministers, embassies and even kings.

In 1940, Jacques Abtey was asked to set up a liaison with the Intelligence Service for the French Special Services, in order to ensure a permanent exchange of information and to receive instructions for joint action. It was decided that he would accompany the star on his tour of Portugal and South America; he would blend in with the troupe with a passport in the name of Jacques-François Hébert. Joséphine began her job as a cover, which involved enormous risks, especially since she had had her partner’s passport marked « assistant to Madame Josephine Baker ».

For this first trip, they set off with a summary of the information gathered so far by Paul Paillole’s department, reproduced in cipher and sympathetic ink (location of the main German divisions, personnel, equipment, airfields and even a photo of a barge that the Germans were planning to use for an invasion of England).

As everyone rushed to see the star, Abtey went unnoticed, he was part of the baggage so to speak. At the Lisbon embassy, through the British air attaché, he came into contact with a member of the Intelligence Service. Josephine, who returned to Paris alone, could tell Paillole: « Mission accomplished

As she needed to replenish her finances, damaged by the expedition to Lisbon, which she was keen on taking on, she took over La Créole in Marseilles. From then on, she would never accept any financial help for anything she did for the Resistance or the soldiers of the Alliance.

Abtey remained in Lisbon to work out the arrangements for collaboration with the British. The French service would be based in Casablanca and mail would be routed through Portugal. When he returned to Marseilles for the premiere of a show by Josephine, he told her that he needed her for the rest of his missions and that they were going to settle in Morocco. Not hesitating for a moment, she interrupts the performances on the ground of flailing heath and had her luggage transferred to her Dordogne castle. But as fond as she was of her animals, her Great Dane, female chimp, lion monkey, marmoset, and two white were seen arriving in her cabin on the boat headed for North Africa.

They also embark with the latest intelligence summary. Upon arrival at Casablanca however, Abtey has such difficulty obtaining a visa for Lisbon that Joséphine decides to go in his place. « In a suitcase,» he said, « she carried Paillole’s synthesis that I had transcribed for her in sympathetic ink on a musical score. She was amused to see me writing with water. It was the first mission she was going to carry out alone abroad. To justify her presence in Lisbon, she gave a few performances there and returned radiant

Mosaics, orange trees and marble columns

She then retreated to Marrakech where two personalities opened their arms to her: a first cousin of the Sultan, H.H. Moulay Larbi el-Alaouï, and the pasha of Marrakech, H.E. Si Thami el-Glaoui. Seduced by this city, she settled with her retinue, including Abtey, in a dream residence at the end of a cul-de-sac in the Medina: a mosaic-covered vestibule, an interior garden with marble columns, orange trees and a babbling fountain. She is struck by the spirituality that emanates from this enchantment. But the work continues.

Despite the dangers of going to Spain, then under the occult control of the Germans, she decided to perform there, as this trip was favourable to their mission. She returned with the notes she had taken on embassies established in Spain and political circles, attached to her underwear by a safety pin.

But suddenly her health stopped her momentum: she had peritonitis and her case was very serious. A camp bed was set up next to her for Abtey to watch over her. But because he often had to meet people for the needs of his mission, she still helped him in her own way as under the pretext of assisting « his » patient, he could hold most of his clandestine meetings in her room.

However, from relapse to relapse, and for nineteen months Josephine led an unceasing struggle for life.

One day, a tall, open-faced man, the American vice-consul Bartlett, arrived at her bedside: « Miss Baker being of American origin,» he said, « no one will find it surprising that I should pay her visits.» Abtey had indeed made new contacts with the Americans, who had entered the war. It was the same Bartlett who would one day tell them that serious events were afoot.

In mid-October 1942, Abtey was offered to head the 2nd Bureau of the military staff of a France Combattante movement that had just been formed in Casablanca. And Paillole’s agents were approached to neutralise, under the direction of General Béthouart, the higher command of the troops in Morocco which were under the direction of the Vichy government.

On 8 November 1942, the flak was unleashed against the first allied planes. It was the beginning of the landing in North Africa. Josephine exults, Abtey saw her « leaping from her metal bed, launching herself onto the terrace, her skinny body clad in pyjama trousers and a nasty knitwear, her feet bare » and, raising a fist to the sky: « I always told you! That’s what the Americans are ! » She followed the battle from the clinic’s roof.

On the second day of the fighting, and despite her weakness, she insisted on accompanying the representatives of France Combattante that were going to make themselves available to the American staff: a stretcher would allow them to move under the protection of a Red Cross ambulance.

Thousands of soldiers listen to her sing

Finally, on 1 December, Joséphine left the clinic. In Marrakech, Si Mohamed Menebhi puts a pavilion in his palace at Finally, on 1 December, Josephine left the clinic. In Marrakech, Si Mohamed Menebhi puts a pavilion in his palace at her disposal. But paratyphoid struck her again and she was furious at not being able to join her treating officer. However, on 1 February, barely recovered and with the scars from her long stay in the clinic not fully healed, she took to the stage at a black American soldiers’ home (the whites had their own club) to help people of her colour. General Clark, who attended the show, came to congratulate her at a reception attended by the highest ranking officers of the Allied Forces. She was reborn as a star and made herself available to the high command of the troops involved, to give free shows to support the morale of the soldiers. And when she was penniless and had to give a series of performances at the Rialto in Casablanca to bail herself out, the first was a gala for the French Red Cross. It was a huge success. J’ai deux amours, mon pays et Paris (I have two loves, my country and Paris) unleashed a sometimes heartbreaking emotions.https://www.youtube.com/embed/gRfrUdsL4Pk

And while Abtey, who had left the Corps franc headed by Giraud, waited for the opportunity to fly out to join de Gaulle, she toured the camps (nearly 300,000 men were in tents or shacks). She hit the stage several times a day; her dressing room is a tent. Near Oran, the stage was set up in the middle of a field, with several thousand soldiers surrounding it. In Mostaganem, she was asked to sing in the public square because the soldiers were facing hostility from the population, which was mainly Italian and Spanish, and the chief of staff had decided to mix them with the crowd, hoping to arouse the rallying power of the artist.https://www.youtube.com/embed/iGr3c1dCm74

While singing, she descended among the spectators, taking babies in her arms and handing them to the soldiers. This is how she managed to create the atmosphere of brotherhood that she longed for.

Thousands of kilometres across the desert

When she returned, exhausted, Paillole and many members of the 2nd Bureau had arrived in Algiers, as well as General Catroux, representing de Gaulle. Abtey went to work for the BCRA, while Josephine accepted a tour of the British camps in Libya and Egypt. One might think that her activity in the Resistance would end there, especially as there was no question of her returning to France where, since 1941, the Nazis had forbidden the entry of any person of colour into the occupied zone.

baker josephine
SLT Josephine Baker with Alla Dumesnil-Gillet commanding the Women’s Air Forces – AASSDN Archives Photo

Yet the duo carried on with their fight, but their action took a different turn. Instead of focusing on German activities the job at stake consisted of observing the Muslim world where ancestral rivalries were resurfacing. Josephine had a great knowledge of the Arab world and, she put the interests of France above all else, she sincerely loves her Muslim friends. It is in this spirit that she worked.

Accompanied by Abtey, she leaves for the Middle East. Under the guise of a propaganda tour, under the high patronage of De Gaulle and for the benefit of the Resistance in metropolitan France, she held shows for the FFL troops.

Always benevolently and in order to finance the operation, Josephine threw a big party at the municipal theatre in Algiers. De Gaulle was among the spectators, he congratulated her and gave her a small gold cross of Lorraine. Worthy of notice, Josephine had a ten-metre long French flag decorated with a huge cross of Lorraine that she unfurled on the stage, something that she did throughout her tour.

She suggested taking with them one of her friends, Madani Glaoui, nephew of the pasha of Marrakech. A young man full of grace and energy and supporter of de Gaulle, his name was likely to open up doors for them. And here they are, off on an extraordinary journey, the three of them in a jeep, their luggage following in another vehicle, Josephine in military field dress. She will travel thousands of kilometres across the desert.

In Sfax, a destroyed city, she offers the proceeds to the victims. In Alexandria, the trio is invited by Prince Mohamed Ali, who is interested in their mission. In Cairo, a great Franco-Egyptian function and banquet presided by King Farouk is given in the star’s honour. In Beirut, she was host to the outgoing President of the Republic, the ambassador and the crowned heads of Greece. To raise money for the Resistance, Josephine auctioned the gold Cross of Lorraine given to her by de Gaulle, raising 350,000 francs.[1]

Damascus, Jerusalem, Tel-Aviv, Jaffa, Haiffa, then Cairo again; on every stage, Josephine flew her big flag, symbol of the resurrection of France. The outcome of the mission: a propaganda action and more than three million francs for the Resistance.

However, in Beirut, at the election of the new president of the Lebanese Republic, the French candidate was defeated and the Arab Union scored the first point. The information gathered by Abtey was all transmitted to Algiers and, with the revolt rumbling in Lebanon and the demonstrations in Cairo, he decided to return as soon as possible to the Algerian capital to report in person the suggestions made by the Lebanese personalities he had met.

France’s defeat in the Middle East is on everyone’s mind and is already changing opinions. For the duo things there clearly were turning sour. The nationalist movements were of high interest to French, American and British intelligence services.

But Josephine’s infernal treks through the desert came to a cost and she had to undergo emergency surgery for an intestinal obstruction. The Menebhi Palace, where she was convalescing, was a privileged place to observe the evolution of the Moroccan notables’ attitude towards France.

On the eve of the D-Day landings in France on the Normandy coast, she accepted a propaganda tour to the benefit of Free France in Corsica, which had just been liberated; the aim was a display of ability aimed at the Americans, whose attitude towards De Gaulle had been more than equivocal to the extent that one day, a member of the diplomatic corps advised the star never to board the General’s plane.

Her plane crashed at sea

Shortly after overflying Sardinia on their way to Corsica as a stepstone to set foot in France for the first time in four years, one of the plane’s engine broke down. The sky is criss-crossed by French planes, while theirs loses altitude and eventually descends towards the sea. The pilot shouted « brace yoursleves » and the large rolled-up flag serves as a protective cushion for Josephine. The plane crashed in a spray of water and with its wooden frame shattered, its occupants climbed onto the wing amidst the floating luggage. They had crashed in a cove where a group of black riflemen run to the beach. The gala evening is saved, Josephine will sing for the men who are going to liberate occupied France.

Lieutenant Josephine Baker enlisted on 23 May 1944 and landed in the southern zone with the Women’s Air Force complete with full field dress, besetting gear and helmet for a life as a soldier.

Abtey eventually met her in Paris, at Les Halles, cap on her head, wearing large grey-blue RAF coat sporting French Air Force buttons and large woollen scarf wrapped around her neck; without the required food ration stamps thanks to her connections she had just bought wholesale supplies for the old suburbs folks. She was fully committed to her fight against poverty.

For a series of shows for the benefit of the disaster victims, she was recommended Jo Bouillon’s orchestra. Together they followed the progress of the 1st Army, travelling through the French zone in occupied Germany. In Berlin, she represented France in a grandiose show featuring the great allied nations. In liberated Buchenwald, she went to the bedside of non-transportable typhoid victims.

A new slice of life awaited the star, but with the return of peace and Jo Bouillon now her husband, she will never give up fighting with the astonishing generosity she always displayed, especially for her primary cause: the abolition of racial barriers. To prove that people can live together without discrimination, she adopted twelve children of different origins.

Josephine Baker’s activity as part of the special services got downplayed by some individuals claiming that she was not a true intelligence agent. Without her, however, recognised intelligence agent Jacques Abtey would have never ben able to carry out his missions. Throughout the Occupation, she took considerable risks to « cover » him and sometimes worked beyond her strength for the Resistance. Her decorations bear witness to this. In 1946, she was made the recipient of the Resistance medal in her bed at the Neuilly clinic (due to new health problems) and, in 1961, in her château in Les Milandes, in the Dordogne region, of the insignia of the Legion of Honour and the Croix de Guerre with palm.

Her state funeral in 1975 was unprecedented for an artist.

Alain Juillet and Marie Gatard

Alain Juillet, AASSDN Vice-president – Photo © JFD

Marie Gatard, AASSDN Head of Historical studies – Photo ©


[1] Handwritten letter from General de Gaulle to Josephine Baker published in the book dedicated to her by Major Jacques Abtey: Josephine Baker’s Secret War published by Siboney Editions (1948) and La Lauze Editions (2013) 2nd edition.

Colombey-les Deux Églises, 14.10.1946 :

Chère Mademoiselle Joséphine Baker
In full awareness of the prevailing circumstances I wish to address you my wholehearted congratulations on your receipt of the High Distinction of the Resistance Française award.
I was in recent years able to see and fully appreciate the great services you rendered at some most critical moments. I was subsequently all the more moved to learn the enthusiasm and generosity you deployed to put your immense talent at the disposal of our cause and those who served it. My wife and I wish you a speedy and complete recovery.
In the hope of having the honour to soon see you again, please accept, Dear Madam, the expression of my most distinguished consideration, to which my wife wishes to add her very fondest memories.

Charles de Gaulle

This article was published on September 19, 2021 in issue 256 of the bimonthly Bulletin of the AASSDN, the Amicale des Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale.

French version : Josephine Baker au Panthéon – Source : AASSDN

Translated by Eric Herbert Bias




Source MAD : Française de l’ombre

Un événement majeur de l’histoire du renseignement français pendant la Seconde guerre mondiale, à travers l’histoire d’un couple interdit : Madeleine Richou, agent des Services spéciaux français secrets clandestins, et Erwin Lahousen, officier autrichien au service de la Wehrmacht, unis contre le nazisme.

La position stratégique de Madeleine Richou-Bihet et de Erwin Lahousen Elder von Vivremont a fait de leur engagement une source de renseignements de première importance sur tous les projets de Hitler. Madeleine Richou était agent des Services spéciaux français clandestins (elle était sous la coupe directe des futurs généraux Rivet et Navarre). Erwin Lahousen, officier de renseignement autrichien, versé dans la Wehrmacht à la suite de l’Anschluss, fut un des principaux collaborateurs de l’Amiral Canaris, chef du service de renseignements allemand, l’Abwehr, et, de ce fait, un des hommes les mieux informés de l’époque, puisqu’il assistait fréquemment aux réunions des plus hautes instances de l’armée allemande, parfois en présence de Hitler. Il participa à la préparation de certaines des tentatives d’attentats contre ce dernier et fut un des principaux témoins à charge lors du procès de Nuremberg. A eux deux, ils ont constitué ce que les services français appelaient ” la source MAD “, du nom de guerre de Madeleine Richou.
Si les mémoires de cette dernière sont restés enfouis dans les archives du Service historique de la Défense, inaccessibles à la consultation jusqu’à une date relativement récente, c’est qu’elle a toujours su respecter son devoir de réserve.
On peut y suivre aussi au quotidien la montée du nazisme à Vienne puis à Berlin, et les ravages perpétrés par l’arrivée successive des troupes allemandes et soviétiques à Budapest, où elle a vécu 50 jours dans une cave sous un champ de bataille. À travers les dires de Lahousen, on vit aussi les sauvageries du front de l’Est.
C’est Madeleine qui parviendra à faire libérer son compagnon, prisonnier des Américains à la fin de la guerre, en faisant reconnaître le rôle réel de cet officier autrichien antinazi.




Les Services Spéciaux de la Défense Nationale pendant la guerre 1939-1945 (SR Terre)

Le S.R. TERRE

Au moment où un peu partout sont célébrées les grandes dates de là récente Histoire de France, il nous a paru nécessaire de rappeler à nos adhérents l’oeuvre accomplie par les Services Spéciaux de la Défense Nationale et, particulièrement, par les S.R. « Terre », « Air », « Marine »,
De nombreux Bulletins précédents ont consacré au C.E. et à la S.M. de longues pages et nous ne reviendrons pas, du moins pour l’instant, sur l’action (les Services de Sécurité Militaire et des T.R. au cours de la dernière Guerre Mondiale.

Nous commençons donc aujourd’hui par la publication d’un travail effectué par le Colonel SIMONEAU et qui porte sur le Service de Renseignements de l’Armée de Terre et son Réseau clandestin « Kléber ».

LE S.R. DE L’ARMEE DE TERRE

Le souci du renseignement a toujours hanté les Chefs d’Etat. Sous l’Ancien Régime, les Rois de France ou leurs Premiers Ministres ont toujours eu un cabinet noir, et ont employé à des missions spéciales précises, des personnages dont la petite histoire surtout a conté les aventures plus ou moins romancées.
Ce n’est que sous le Premier Empire et pour des fins aussi bien opérationnelles que politiques, que le besoin d’une organisation se fit sentir.
Le Baron VIGNON reçut en effet mission de créer et de mettre en oeuvre un Service secret chargé de la recherche et de la centralisation du renseignement, l’Empereur se réservant personnellement l’interprétation et l’exploitation.
De 1814 à 1870 on reprit les errements antérieurs, mais en présence, du danger que constituait le Reich allemand, et dans un but préventif on créa en 1873 au 2ème Bureau de l’E.M.A., une section de recherche qui, avec des fortunes diverses répondit à ce que le haut commandement de l’Armée française en espérait, et qui par la suite fut appelée couramment le « S.R. ».

Lors de l’entrée en guerre de 1914 le S.R. comptait, face à l’Allemagne trois postes installés respectivement à Mézières, Nancy et Belfort, mais ce dernier mieux placé à l’aile du dispositif des Armées, absorba les moyens des deux autres, et renseigna constamment le commandement sur le potentiel de guerre du Reich, et sur les activités de ses grandes unités au-delà des fronts de contact.
La victoire de 1918, la création de la S.D.N., les conférences de désarmement, la limitation des forces allemandes à une Reichwher de cent mille hommes, l’activité des commissions de contrôle, tout cela diminua considérablement l’audience que le S.R. avait su acquérir pendant les hostilités.
Il fallut l’avènement d’HITLER à la tête du Troisième Reich, et la création de l’Axe pour qu’en face du nouveau danger, on se décidât à donner au S.R. des moyens mieux adaptés à la situation.

1939- 1940

L’Anschluss de l’Autriche, l’affaire des Sudètes, l’occupation totale de la Tchécoslovaquie, les préparatifs face à la Pologne, la construction de la ligne Siefried, qui s’inscrivaient dans le temps avec le triplement du nombre des grandes unités, la création d’une force offensive de Trois Corps d’Armée (XlVe, XVe, XVIe) groupant les divisions motorisées, mécanisées et blindées, accrue par la mise sur pied de deux C.A. en Autriche et un en Tchécoslovaquie furent suivis de près et signalés, dès les premiers indices, dans les délais les plus courts par le S.R. qui au 1er septembre 1939 comprenait :

– Une Direction Centrale, articulée :
– Section de Commandement,
– 3 Sections géographiques (1),
– 1 Section scientifique et économique,
– 1 Section moyens techniques et recherches,
– 1 Section radio, photo, correspondances spéciales,
– 1 Section Marine,
– 1 Section Air.
– Six postes principaux :
– BENE à Lille, – BREM à Metz,
– SCM à Belfort, – SER à Marseille,
– SDRC à Toulouse, – SEA à Alger,
ayant une composition à peu près semblable à celle de la Direction centrale mais avec une seule section géographique, la mission étant à la fois définie et localisée (2).

Chaque poste actionnait un nombre variable d’annexes légères à proximité des passages de frontière.
– Des postes extérieurs installés dans la plupart des capitales.
Ce dispositif toutefois devait être remanié dès l’entrée en guerre, en raison de la création d’un « front » en principe imperméable. Le BREM de Metz se dessaisit d’une partie de ses moyens, au profit de deux postes d’aile BENE et SCM et de certains postes extérieurs, et devint BREP, poste accolé à l’échelon central.

Le BREP, enrichi d’une importante section économique et scientifique, fut chargé de la recherche à longue portée, en utilisant les plateformes constituées par les pays non belligérants.
Cette organisation permettait de répondre aux besoins de la conduite des opérations, et compte tenu du tempérament du Führer, un accent particulier fut mis sur tous les indices de préparatifs offensifs.

Le regroupement de troupes de toutes armes autour des formations blindées des W.K. (régions territoriales du Reich), l’accélération de l’instruction dans les camps, le remplacement dans les unités statiques d’hommes jeunes par des recrues âgées (3), signalés opportunément, montrèrent au Commandement que les Nazis n’avaient nullement l’intention de se limiter aux succès remportés sur la Pologne, et à des joutes oratoires par le truchement de Radio – Stuttgart.

Le rassemblement de forces importantes au Sud du Jutland, signe avant-coureur de l’invasion du Danemark, puis de la Norvège, bien que signalé au fur et à mesure de son exécution parut invraisemblable.

Il en fut de même plus tard, lorsque de plusieurs sources, on connut le déploiement de nombreuses formations blindées dénombrées et identifiées devant les frontières hollandaise, belge et luxembourgeoise.

Pendant la retraite de mai – juin 1940, le BREP absorba la plupart des éléments S. R. repliés du Nord, et tout comme ses voisins BENE et SCM mena le difficile combat du renseignement en manoeuvre rétrograde.

La bataille était perdue, mais le contact de l’adversaire par le renseignement était étroitement maintenu.

JUIN 1940 – NOVEMBRE 1942

La situation de fait créée par l’armistice de juin 1940 ne modifia en rien l’activité du S. R. dont le principal objectif resta la Wehrmacht.

La ligne de démarcation qui coupait la France en deux ne fut pas longtemps une gêne. Elle favorisa la réorganisation du Service et le resserrement des liaisons avec les alliés.

Le jour même où l’armistice devenait effectif, des postes légers fonctionnaient déjà à Saint-Justin (Landes), Langon (Gironde), Périgueux (Dordogne), Châteauroux (Indre), Mâcon (Saône-et-Loire).

Le 15 juillet, l’ensemble du S. R. avait repris dans la clandestinité une activité normale.

Direction P 1 Vichy-Chamalières (Puy-de-Dôme )
P 2 (ex. BREP) Vichy
P 3 (ex. BENE) Limoges
P 4 (ex. SCM) Lyon
P 5 (ex. SER) Marseille
P 6 (ex. SDRC) Toulouse
P 8 Rabat
P 9 Tunis
P 10 (ex-SEA) Alger
P 12 Liban-Syrie

Le 1er août 1940 des antennes étaient déjà en place à Paris, Marmande, Montmorillon, Châteauroux, La Madeleine (Moulins), Chalon-sur-Saône, Mâcon.

Le nombre de ces antennes se multiplia progressivement tant en zone occupée que sur la ligne de démarcation, et en juin 1941, grâce à un jeu de « boîtes aux lettres » et de filières d’acheminement dues à des concours bénévoles, les bulletins de renseignements parvenaient à destination souvent plus rapidement que par les voies régulières.

Malgré un camouflage très poussé l’ordre de bataille de la Wehrmacht était entièrement connu.
Quant aux mouvements de troupe et de matériel par voie ferrée, ils étaient signalés par les ingénieurs et cadres de la S.N.C.F. avant leur exécution avec toutes les précisions de dates et lieux d’embarquement, de débarquement ou de dernier transit vers des destinations lointaines (4).

Les ingénieurs des P.T.T. affectés aux lignes souterraines à grandes distances permirent malgré de gros risques, d’intercepter les communications téléphoniques protégées du commandement allemand. Cette opération (5), réalisée à Noisy-le-Grand puis à Livry-Gargan, sous la dénomination de « source K » donna des résultats exceptionnels en quantité et en qualité.

Pendant toute l’année 1942 (6) . un simple accident causa sa fin, car sa réalisation ne fut jamais détectée par les services secrets allemands. Création, identification, localisation, mouvements de grandes unités, mise au point de matériels nouveaux, activités de la Gestapo, inquiétudes et récriminations du Haut Commandement, étaient devenus une pâture quotidienne dont nos alliés étaient les grands bénéficiaires, grâce à des liaisons sûres et rapides.

Outre les liaisons régulières clandestines (radio, courriers spéciaux)
sur lesquelles nous ne nous étendrons pas par discrétion, l’essentiel des renseignements recueillis par le S. R. (comme par le C.E. d’ailleurs), était instantanément acheminé chez les alliés par les voies ci-après :

– Délégation des U.S.A. à Vichy Major Bob SCHOW, Capitaine de Vaisseau SALABOT.
– Délégation des U.S.A. à Berne Attaché Militaire LEGGE.
– Ministre du Canada à Vichy : M. DUPUIS, Capitaine Aviateur CASSIDI .
Enfin, les valises diplomatiques étaient largement utilisées. Nous citerons pour mémoire simplement celle qui s’est rendue au Portugal, acheminée de temps en temps par l’actuelle Mme BIDAULT.

NOVEMBRE 1942 – AOUT 1944

L’occupation totale du territoire donna lieu à des remaniements importants dans le S.R. de l’Armée de Terre.

Les postes et leurs antennes passèrent dans la clandestinité totale ; les personnels qui faisaient l’objet de recherches précises de la Gestapo furent dirigés sur l’A.F.N. ; la Direction centrale se transporta à Alger avec son Chef le Colonel Louis RIVET. Cet exode a fait l’objet de récits dans nos précédents Bulletins (tel le Bulletin n° 5). Nous n’y reviendrons pas.

Le transfert était indispensable. Il ne fut réalisé qu’à la dernière limite du possible, après mise en place du Central clandestin (KLEBER) que dirigeait le Colonel DELOR et l’adaptation des liaisons radio à la situation nouvelle.

Les ressources en personnel qualifié, existant en A.F.N. furent rapidement drainées pour faire face aux impératifs nouveaux :

– Liaison avec le Commandement français et allié d’A.F.N. ;
– Participation effective à la campagne de Tunisie ;
– Préparation des campagnes futures ;
– Intensification des liaisons avec la France clandestine, et avec les postes extérieurs (ceux-ci officiellement couverts par le Gouvernement de Vichy purent continuer de remplir leur mission, sauf celui de Bucarest qui rompit dès le 8 novembre 1942. L’acheminement des renseignements put se faire sans perte de temps grâce à la complaisance des Alliés, et à la tolérance des autorités locales ;
– Utilisation intensive de la plateforme ibérique ;
– Liaison avec les S.R. alliés (U.S. : Colonel EDDY ; GRANDE-BRETAGNE : Brigadier CODRINGTON ; POLONAIS : Colonel SLOWIKOWSKI).

Ainsi s’installa à Alger, rue Charras, dès la fin de 1942, la Direction des S.R. et S.M., rattachée
directement au Commandant en Chef, le Général GIRAUD, installé au Palais d’Eté. Le Colonel du CREST de VILLENEUVE prit la direction du S.R. TERRE, le Colonel RONIN celle du S.R. AIR, le Capitaine de Corvette TRAUTMANN la direction du S.R. MARINE.

Le 3 janvier 1943, le Commandant PAILLOLE prenait à son tour la direction des Services de Sécurité Militaire et de C.E. et s’installait à EL-BIAR (Villa Jaïs) où déjà le Lieutenant-Colonel CHRETIEN dirigeait les services de C.E. d’A.F.N.

Aucun problème majeur ne se présenta par rapport au Commandement et aux Alliés, les chefs du S.R. bénéficiant déjà d’une large audience. Les crédits financiers, aériens et maritimes nécessaires furent obtenus sans la moindre difficulté.

***

Le poste de TUNIS, sous l’autorité du Lieutenant-Colonel KIEL s’installa au KEF pour là campagne de TUNISIE et découpla des antennes à BEJA, TEBOURSOUK, MAKTAR, THALA.

En outre, deux missions clandestines, respectivement aux ordres des Capitaines LACAT et PERRUSEL fonctionnèrent sur les arrières ennemis.

Par leur activité, ces éléments, auxquels il convient d’ajouter les moyens techniques de recherche du Commandant BLACK, installé à Alger, permirent un contrôle permanent de la 5ème Armée, et des débris de l’Afrika Korps, avec pour aboutissement la reddition en rase campagne du Général von ARNIM.

Renforcée par quelques officiers évadés de France, la Direction du S.R. fut à même de créer une section d’instruction et de montage d’opérations clandestines, dont la CORSE, la SARDAIGNE et l’ITALIE, furent les premiers objectifs. Ce furent les missions : DESAULE, CHOPITEL. GRIFFI, COLONNA D’ISTRIA, entre autres.

Des antennes opérationnelles, adaptées respectivement aux C.E.F. du Général JUIN (Capitaine WEIL, Lieutenants ZUNDEL, SIMA, FREY, ROCARD) et au détachement de libération de la Corse (Capitaines HAGE, ZIMPFER, LOECHER), outre leur part indéniable aux succès, lancèrent une série de missions sur l’île d’Elbe et l’Italie du Nord.

Mais la préparation des opérations de libération du territoire national resta la préoccupation principale des chefs du S.R. à Alger. Leur atout maître était le S.R. clandestin KLEBER.

Après l’éphémère direction du Colonel DELOR, celui-ci avait subi, en 1943, quelques coups durs (arrestations des Colonels LOMBARD, PELLISSIER, BERTRAND, Commandants HENRY, SCHMITT, Capitaines MAUER, BOUREAU, MISOFFE, notamment) et le problème de son commandement s’était posé à deux reprises. Finalement c’est au Commandant LOCHARD qu’échut cette lourde responsabilité. Jeune, mais déjà chevronné, prudent, bon technicien, celui-ci avait pris, en accord avec Alger, des dispositions qui lui permettaient de faire face aux besoins des forces alliées dans la triple éventualité de débarquements simultanés ou successifs sur les côtes de la Manche, de l’Atlantique ou de la Méditerranée.

Il lui fallait compléter et étoffer son dispositif, ce qui fut fait en implantant par atterrissages clandestins, parachutages, voie sous-marine, ou voie terrestre via Espagne, des équipes nouvelles bien pourvues en moyens de travail, et disposant de refuges sûrs.

Ainsi furent lancées d’Alger ou de Londres, sept missions de septembre 1943 à juin 1944 : « GALLIEN », couloir Rhodanien ; « ISIDORE », Bourgogne, Franche-Comté ;« PERNOD », Bourbonnais, Charolais ; « PIERRE », Plateau Central ; « CATINAT », Hautes et Basses-Alpes, Isère, Drôme ; « SCALA », Ile-de-France, Normandie ;« PANZER », Poitou, Charentes, Aquitaine. Deux autres au début d’août 1944 :« JORXEY », Doubs, Haute-Saône, Belfort ; « CAROLLES », Jura, Doubs.

L’hypothèse d’un débarquement en péninsule balkanique n’était pas écartée. Toutefois ce territoire dont la situation politique était encore incertaine était l’apanage des grands alliés. Il n’y fut envoyé que deux missions dans la région de LJUBLIANA, en complément de celles qui opéraient en Italie du Nord et en vue de pénétrer le dispositif allemand dans la partie sud du Reich.

L’acheminement des courriers, les liaisons d’officiers complétant des contacts radio pratiquement permanents en dépit des activités allemandes de repérage par radio – goniométrie, permirent au Haut Commandement allié de choisir en toute connaissance de cause, les lieux et dates des débarquements. Les organisations de défense côtière étaient connues du S.R. Terre dans tout leur détail, ainsi que l’ordre de bataille des armées d’occupation, de sorte que les débarquements du 6 juin 1944 et du 15 août en Normandie et en Méditerranée connurent une fortune qui combla les espérances les plus optimistes.

AOUT 1944 – MAI 1945

La continuité de la recherche était un impératif, comme aussi la jonction effective avec les équipes clandestines et la liaison permanente avec la Sécurité Militaire (opérationnelle et territoriale) et les équipes C.E. (T.R.).

La création du S.R.O. (S.R. Opérations), formation de marche du S.R. fut ainsi décidée en mars 1944. Le Commandant SIMONEAU eut la charge de cette lourde responsabilité.

Débarqué avec les premiers éléments de l’Armée de LATTRE, le S.R.O. ne comprenait initialement que trois antennes provenant des éléments qui opéraient en Italie et en Corse (un détachement léger aux ordres du Capitaine DOUIN opéra en outre à la demande des alliés avec la T. Force U.S.).

Dès la libération de Marseille, il se grossit des équipes clandestines dont la mission était achevée et qui furent rapidement adaptées à la recherche en guerre de mouvement.

La jonction avec le S.R. KLEBER devint effective à l’arrivée de l’Armée à Mâcon.

La stabilisation de la Première Armée à BESANÇON permit de réaliser:


– Une intégration plus étroite des anciennes équipes clandestines
– Une mise en place d’agents dans la trouée de Belfort et en Haute Alsace
– L’adaptation d’une importante équipe à la VII e Armée U.S. (S.D.A.7) ;
– L’établissement d’une liaison avec une formation du S.R. français de Londres (Colonel RETHORE) qui opérait avec la III e Armée U.S.
– La création d’un centre d’instruction et d’une section de recherche du renseignement scientifique – L’utilisation de la plateforme helvétique pour la pénétration en Allemagne du Sud.

L’adaptation des antennes à toutes les grandes unités engagées s’avéra particulièrement efficace, tant pour la diffusion du renseignement, que pour la mise en place des agents par infiltration, ou pour le recueil de ceux-ci.

Une antenne fut laissée sur le front des Alpes et une autre participa aux opérations du front Atlantique.

Bien que disposant de l’O.S.S. – G2, le Commandement américain qui constatait la qualité des renseignements portant l’attache du S.R.O., donna les plus grandes facilités matérielles aux éléments français qui opéraient dans sa zone et qui initialement n’étaient adaptés qu’à la 2ème D.B. du Général LECLERC.

Il fallait faire vite. Profitant de la confusion qui régnait en Allemagne, des agents (transfuges de la Wehrmacht et volontaires français) furent poussés jusqu’au coeur du Reich, mais la nécessité de recueillir le renseignement et de le transmettre dans les plus courts délais amena certains officiers à pousser des pointes audacieuses à l’intérieur du dispositif ennemi, et même à prendre des initiatives particulièrement risquées.

Le 8 mai 1945, le S.R.O. partout en liaison avec les S.M. ou le C.E. était déployé comme suit :

– P.C. arrière : KARLSRUHE ;
– P.C. avant : UBERLINGEN ;
– Antennes à: CONSTANCE, LINDAU, DORNBIRN, FELDKIRCH, BERCHTESGADEN, DEGERLOCH, LEIPZIG.

Ce dispositif, par la suite, fut réajusté en raison de :
– La répartition des zones d’occupation entre les Alliés ;
– La démobilisation du personnel appartenant aux réserves ;
– La création d’un S.R. en zone française d’occupation en Autriche ;
– L’envoi de volontaires en Indochine.

Au 1er août 1945, transporté à Baden-Baden, le S.R.O. devenu direction du S.R. en Allemagne était articulé en deux sous-directions :

– S.D. Nord : à LANDAU (PFALZ) ; Antennes : à COBLENCE – WORMS.
– S.D. Sud : à SCHEWENINGEN (WURTEMBERG) ; Antennes : à TUBINGEN (DORNBIRN).

Pendant ce temps, à Paris, la Direction Générale des Services Spéciaux (D.G.S.S.), dirigée par M. SOUSTELLE, s’était installée fin août 1944, boulevard Maunoury et boulevard Suchet.

Des considérations qui n’avaient rien à voir avec la technique de la Recherche du Renseignement avait peu à peu écarté de leurs postes les anciens chefs des S.R. Guerre et Aviation (7).

Une organisation nouvelle « chapeautait » les Services Spéciaux sur l’impulsion des Colonels DEWAWRIN et MANUEL.

En fait, les éléments centraux des anciens S.R. s’étaient effacés au bénéfice des équipes du B.C.R.A, de Londres et d’Alger. Seul le C.E. (S.M. et T.R.) avait conservé la direction et la structure mises sur pied à Alger par le Commandant PAILLOLE.
Rattachés à la Présidence du Conseil, et non plus au Commandement en Chef, les Services Spéciaux devaient encore subir dès 1945 une transformation profonde.
La guerre s’achevait.

La D.G.S.S. disparaissait à son tour et faisait place à la D.G.E.R. (Direction Générale des Etudes de Recherches), sous la Direction du Colonel DEWAWRIN (PASSY).
Plus tard encore la D.G.E.R. devait laisser la place au S.D.E.C.E.

CONCLUSION

La meilleure conclusion qui puisse se tirer de l’exposé précédent est sans aucun doute de tenter de résumer les résultats obtenus.

Nous empruntons au Général NAVARRE, ancien chef de la Section Allemande du S.R. et du Deuxième Bureau du Général WEYGAND, l’exposé succinct qui suit :

I. – Résultats obtenus avant la guerre

Le S.R. disposait d’un remarquable réseau d’informateurs. Certains admirablement placés.
La plupart avaient été recrutés de longue date, certains même pendant l’occupation de la rive gauche du Rhin, après 1918. Ils continuaient à travailler malgré les conditions très difficiles créées par l’avènement du nazisme. Le recrutement, depuis 1935, était devenu très ardu, mais continuait.

La reconstitution de l’armée allemande a été suivie du début à la fin sans aucune lacune dans aucun domaine.

Les grands événements politico-militaires ont tous été décelés à temps, et la plupart avec une très grande précision.

Le Commandement français et par conséquent le Gouvernement en furent avisés dans des conditions de temps permettant les meilleures exploitations :

– Réoccupation de la rive gauche du Rhin ;
– Anschluss ;
– Occupation de la Tchécoslovaquie ;
– Tractations russo-allemandes ;
– Concentration sur la Pologne ;
– Menace sur Dantzig, etc. etc.

Au surplus toute cette phase de l’activité du S.R. apparaît parfaitement dans le livre du Chef du Deuxième Bureau de l’Etat-Major de l’Armée de cette époque, le Général GAUCHE :« Le Deuxième Bureau au travail ».
Nul témoin n’était plus qualifié pour informer l’opinion de l’oeuvre magistrale accomplie avant la guerre par le S.R.

II. – Résultats obtenus pendant la « drôle de guerre »

S’il était besoin d’un témoignage irréfutable de l’action du S.R., pendant cette période, il conviendrait de se reporter aux archives de la Cour de Riom. Le Président CAOUS et le Procureur Général CASSAGNEAU ont confirmé les indications qui vont suivre et rendu un éclatant hommage à la clairvoyance du S.R.

– La mobilisation de l’armée allemande a été suivie unité par unité, sans aucune lacune ni erreur.
– Il en fut de même de la concentration des unités allemandes face à la Pologne, d’une part, à la France, au Danemark, à la Belgique et à la Hollande, d’autre part.
– La répartition des forces a toujours été parfaitement indiquée au Haut Commandement Français, pendant la campagne de Pologne, pendant l’intervalle des campagnes de Pologne et de France.
Le transfert vers l’Ouest des grandes unités ayant pris part à la campagne de Pologne a été suivi intégralement par le S.R. Français, sans que jamais une grande unité allemande eût été perdue de vue pendant plus de 24 heures.
– Le dispositif allemand à la veille du 10 mai 1940 était connu dans les moindres détails, ainsi que les possibilités de manoeuvre qu’il portait en germe.
– La date et le lieu de l’attaque du 10 mai 1940 ont été communiqués au Commandement Français avec quelques réserves dès la fin mars 1940, et, avec certitude dès avril 1940.
– La constitution des armées de terre et de l’air allemandes a été tenue à jour sans lacune et cela aussi bien pour leur composition que pour leur équipement et leurs armes, et, pour si paradoxal que cela puisse paraître, le S.R. français a donné de l’armée allemande une description plutôt surévaluée : c’est ainsi que le nombre de chars des divisions blindées allemandes a été surévalué de 10 à 15 %, du fait que les sorties d’usine étaient en retard sur les prévisions.
– Au cours de la campagne de France l’essentiel des mouvements allemands a été identifié de bout en bout. En particulier chaque division blindée a été suivie sans aucune erreur grâce à l’interception et à l’exploitation de tous les messages de commandement des grandes unités allemandes. Ainsi purent être annoncées et décrites : l’attaque sur la Meuse, la marche vers la Manche, les regroupements en vue des attaques sur la Somme, en Champagne, etc., etc.

Il est permis d’affirmer avec le Général WEYGAND et la Cour de Riom, que le S.R. a admirablement rempli sa mission et qu’il n’a aucune responsabilité dans le désastre de 1940.


III. – Résultats obtenus pendant l’occupation

Jamais le travail sur l’Allemagne et l’Italie n’a été interrompu, ni diminué le rendement du S.R. L’ordre de bataille de l’ennemi fut constamment tenu à jour avec une précision quasi absolue.

L’acharnement de l’Abwehr et de la Gestapo à poursuivre et à détruire les postes du S.R. KLEBER, serait s’il le fallait, une preuve supplémentaire de l’efficacité du S.R. TERRE et de l’aide décisive apportée par lui au Haut Commandement allié jusqu’à la Libération du Territoire.

Ainsi il est possible d’affirmer que le S.R (et le C.E.) ont été les premiers en date des réseaux de résistance et nous ajoutons que ce ne fut que normal.

***
Il nous paraît intéressant, à propos de cette période de l’action S.R. dont l’utilité a été si souvent contestée par les détracteurs de nos Services, de compléter l’exposé du Colonel SIMONEAU par ce témoignage (8) du Général WEYGAND – en date du 31 mars 1949. Nous le devons à l’obligeance du Colonel GASSER :


« …Les Services de Renseignements ayant été supprimés par les Allemands, il n’existait officiellement à mon Etat-Major qu’un Deuxième Bureau (dirigé par le Commandant NAVARRE).
Le S.R. était donc clandestin…
Il y fonctionnait un système ayant pour but de transmettre dans les plus courts délais à la force d’intervention de Malte tous les renseignements recueillis par les postes établis sur la côte orientale de Tunisie et par l’aviation de Tunis sur les convois allemands et italiens se dirigeant vers la Tripolitaine en suivant les côtes françaises. Les renseignements transmis furent nombreux et aboutirent à la destruction d’un certain nombre de ces navires.

NOTES :

(1) A – Allemagne – Europe centrale. B – Italie – Europe méridionale – Méditerranée. C – U.R.S.S. – Japon – Chine.
(2) Priorités pour les 3 premiers postes :
BENE 6° et 10° W:K. (de MUNSTER et BREME).
BREM 12, et 9° W.K (de MAYENCE et KASSEL.
SCM 7° et 5° W.K. (de MUNICH et STUTTGART).

(3) Personnels qui par suite du traité de 1919 n’avaient pas fait de Service Militaire.

(4) Les transports routiers de ravitaillement étaient imposés dans la plupart des cas aux transporteurs routiers français. Ceux-ci groupés en C.O.T.R. (Comité d’Organisation des Transports Routiers) sous la présidence de M. Robert SIMON, se mirent spontanément à la disposition du S. R.

(5) Conception et réalisation Ingénieurs COMBAUX et KELLER. Exploitation JUNG, ROCARD, RIESS.

(6) La source « K » ne fut découverte que le matin de Noël 1942 par un détachement de Landesschützen qui prospectait des cantonnements.

(7) Le Général Louis RIVET a largement exposé dans des Bulletins antérieurs les conditions souvent décevantes et irritantes de ces transformations.

(8) Témoignage et documents recueillis par la Commission d’Enquête parlementaire (Tome VI, pages 1660 et 1661).

Sources : Bulletins N° 43 et 44




Histoire politique des services secrets français

Cet ouvrage retrace l’épopée de la DGSE, le service de renseignement français à l’international et des services qui l’ont précédé. Cette centrale d’espionnage et de contre-espionnage est en effet l’héritière d’une longue histoire commencée dans la Résistance contre les nazis. Trajectoire prolongée par le SDECE pendant la guerre froide, la guerre d’Indochine, la guerre d’Algérie, sous la IVe République comme sous les présidences de Gaulle, Pompidou et Giscard d’Estaing. Puis par la DGSE depuis 1982 sous Mitterrand, Chirac, Sarkozy et maintenant Hollande avec l’émergence du monde éclaté d’aujourd’hui.

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Commentaire :
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