Ouvrages de référence

GARDER Michel
La guerre secrète des services spéciaux français 1935-1945
FORCADE Olivier
LAURENT Sébastien
Général Louis Rivet, Carnets du chef des services secrets, 1936-1944,
GATARD Marie
La pierre qui parle 1940 – 1945
KOCH-KENT Henri
Doudot
PAILLOLE Paul ( Colonel )
Services spéciaux 1935 -1945
Notre espion chez Hitler
STEAD Philip John
Le 2ème Bureau sous l’occupation.
NAVARRE Henri ( Général )
Le service de renseignements 1871-1944
Forcade Olivier
La Republique secrete
Forcade Olivier Laurent Sebastien
Secrets d’état
de Loisy Philibert
La première résistance le camouflage des armes
DEUVE Jean
Histoire secrète des stratagèmes de la Seconde Guerre mondiale
Troupin Vladimir et autres historiens
La flamme de la résistance



Les Services Spéciaux de la Défense Nationale pendant la guerre 1939-1945 (SR Terre)

Le S.R. TERRE

Au moment où un peu partout sont célébrées les grandes dates de là récente Histoire de France, il nous a paru nécessaire de rappeler à nos adhérents l’oeuvre accomplie par les Services Spéciaux de la Défense Nationale et, particulièrement, par les S.R. « Terre », « Air », « Marine »,
De nombreux Bulletins précédents ont consacré au C.E. et à la S.M. de longues pages et nous ne reviendrons pas, du moins pour l’instant, sur l’action (les Services de Sécurité Militaire et des T.R. au cours de la dernière Guerre Mondiale.

Nous commençons donc aujourd’hui par la publication d’un travail effectué par le Colonel SIMONEAU et qui porte sur le Service de Renseignements de l’Armée de Terre et son Réseau clandestin « Kléber ».

LE S.R. DE L’ARMEE DE TERRE

Le souci du renseignement a toujours hanté les Chefs d’Etat. Sous l’Ancien Régime, les Rois de France ou leurs Premiers Ministres ont toujours eu un cabinet noir, et ont employé à des missions spéciales précises, des personnages dont la petite histoire surtout a conté les aventures plus ou moins romancées.
Ce n’est que sous le Premier Empire et pour des fins aussi bien opérationnelles que politiques, que le besoin d’une organisation se fit sentir.
Le Baron VIGNON reçut en effet mission de créer et de mettre en oeuvre un Service secret chargé de la recherche et de la centralisation du renseignement, l’Empereur se réservant personnellement l’interprétation et l’exploitation.
De 1814 à 1870 on reprit les errements antérieurs, mais en présence, du danger que constituait le Reich allemand, et dans un but préventif on créa en 1873 au 2ème Bureau de l’E.M.A., une section de recherche qui, avec des fortunes diverses répondit à ce que le haut commandement de l’Armée française en espérait, et qui par la suite fut appelée couramment le « S.R. ».

Lors de l’entrée en guerre de 1914 le S.R. comptait, face à l’Allemagne trois postes installés respectivement à Mézières, Nancy et Belfort, mais ce dernier mieux placé à l’aile du dispositif des Armées, absorba les moyens des deux autres, et renseigna constamment le commandement sur le potentiel de guerre du Reich, et sur les activités de ses grandes unités au-delà des fronts de contact.
La victoire de 1918, la création de la S.D.N., les conférences de désarmement, la limitation des forces allemandes à une Reichwher de cent mille hommes, l’activité des commissions de contrôle, tout cela diminua considérablement l’audience que le S.R. avait su acquérir pendant les hostilités.
Il fallut l’avènement d’HITLER à la tête du Troisième Reich, et la création de l’Axe pour qu’en face du nouveau danger, on se décidât à donner au S.R. des moyens mieux adaptés à la situation.

1939- 1940

L’Anschluss de l’Autriche, l’affaire des Sudètes, l’occupation totale de la Tchécoslovaquie, les préparatifs face à la Pologne, la construction de la ligne Siefried, qui s’inscrivaient dans le temps avec le triplement du nombre des grandes unités, la création d’une force offensive de Trois Corps d’Armée (XlVe, XVe, XVIe) groupant les divisions motorisées, mécanisées et blindées, accrue par la mise sur pied de deux C.A. en Autriche et un en Tchécoslovaquie furent suivis de près et signalés, dès les premiers indices, dans les délais les plus courts par le S.R. qui au 1er septembre 1939 comprenait :

– Une Direction Centrale, articulée :
– Section de Commandement,
– 3 Sections géographiques (1),
– 1 Section scientifique et économique,
– 1 Section moyens techniques et recherches,
– 1 Section radio, photo, correspondances spéciales,
– 1 Section Marine,
– 1 Section Air.
– Six postes principaux :
– BENE à Lille, – BREM à Metz,
– SCM à Belfort, – SER à Marseille,
– SDRC à Toulouse, – SEA à Alger,
ayant une composition à peu près semblable à celle de la Direction centrale mais avec une seule section géographique, la mission étant à la fois définie et localisée (2).

Chaque poste actionnait un nombre variable d’annexes légères à proximité des passages de frontière.
– Des postes extérieurs installés dans la plupart des capitales.
Ce dispositif toutefois devait être remanié dès l’entrée en guerre, en raison de la création d’un « front » en principe imperméable. Le BREM de Metz se dessaisit d’une partie de ses moyens, au profit de deux postes d’aile BENE et SCM et de certains postes extérieurs, et devint BREP, poste accolé à l’échelon central.

Le BREP, enrichi d’une importante section économique et scientifique, fut chargé de la recherche à longue portée, en utilisant les plateformes constituées par les pays non belligérants.
Cette organisation permettait de répondre aux besoins de la conduite des opérations, et compte tenu du tempérament du Führer, un accent particulier fut mis sur tous les indices de préparatifs offensifs.

Le regroupement de troupes de toutes armes autour des formations blindées des W.K. (régions territoriales du Reich), l’accélération de l’instruction dans les camps, le remplacement dans les unités statiques d’hommes jeunes par des recrues âgées (3), signalés opportunément, montrèrent au Commandement que les Nazis n’avaient nullement l’intention de se limiter aux succès remportés sur la Pologne, et à des joutes oratoires par le truchement de Radio – Stuttgart.

Le rassemblement de forces importantes au Sud du Jutland, signe avant-coureur de l’invasion du Danemark, puis de la Norvège, bien que signalé au fur et à mesure de son exécution parut invraisemblable.

Il en fut de même plus tard, lorsque de plusieurs sources, on connut le déploiement de nombreuses formations blindées dénombrées et identifiées devant les frontières hollandaise, belge et luxembourgeoise.

Pendant la retraite de mai – juin 1940, le BREP absorba la plupart des éléments S. R. repliés du Nord, et tout comme ses voisins BENE et SCM mena le difficile combat du renseignement en manoeuvre rétrograde.

La bataille était perdue, mais le contact de l’adversaire par le renseignement était étroitement maintenu.

JUIN 1940 – NOVEMBRE 1942

La situation de fait créée par l’armistice de juin 1940 ne modifia en rien l’activité du S. R. dont le principal objectif resta la Wehrmacht.

La ligne de démarcation qui coupait la France en deux ne fut pas longtemps une gêne. Elle favorisa la réorganisation du Service et le resserrement des liaisons avec les alliés.

Le jour même où l’armistice devenait effectif, des postes légers fonctionnaient déjà à Saint-Justin (Landes), Langon (Gironde), Périgueux (Dordogne), Châteauroux (Indre), Mâcon (Saône-et-Loire).

Le 15 juillet, l’ensemble du S. R. avait repris dans la clandestinité une activité normale.

Direction P 1 Vichy-Chamalières (Puy-de-Dôme )
P 2 (ex. BREP) Vichy
P 3 (ex. BENE) Limoges
P 4 (ex. SCM) Lyon
P 5 (ex. SER) Marseille
P 6 (ex. SDRC) Toulouse
P 8 Rabat
P 9 Tunis
P 10 (ex-SEA) Alger
P 12 Liban-Syrie

Le 1er août 1940 des antennes étaient déjà en place à Paris, Marmande, Montmorillon, Châteauroux, La Madeleine (Moulins), Chalon-sur-Saône, Mâcon.

Le nombre de ces antennes se multiplia progressivement tant en zone occupée que sur la ligne de démarcation, et en juin 1941, grâce à un jeu de « boîtes aux lettres » et de filières d’acheminement dues à des concours bénévoles, les bulletins de renseignements parvenaient à destination souvent plus rapidement que par les voies régulières.

Malgré un camouflage très poussé l’ordre de bataille de la Wehrmacht était entièrement connu.
Quant aux mouvements de troupe et de matériel par voie ferrée, ils étaient signalés par les ingénieurs et cadres de la S.N.C.F. avant leur exécution avec toutes les précisions de dates et lieux d’embarquement, de débarquement ou de dernier transit vers des destinations lointaines (4).

Les ingénieurs des P.T.T. affectés aux lignes souterraines à grandes distances permirent malgré de gros risques, d’intercepter les communications téléphoniques protégées du commandement allemand. Cette opération (5), réalisée à Noisy-le-Grand puis à Livry-Gargan, sous la dénomination de « source K » donna des résultats exceptionnels en quantité et en qualité.

Pendant toute l’année 1942 (6) . un simple accident causa sa fin, car sa réalisation ne fut jamais détectée par les services secrets allemands. Création, identification, localisation, mouvements de grandes unités, mise au point de matériels nouveaux, activités de la Gestapo, inquiétudes et récriminations du Haut Commandement, étaient devenus une pâture quotidienne dont nos alliés étaient les grands bénéficiaires, grâce à des liaisons sûres et rapides.

Outre les liaisons régulières clandestines (radio, courriers spéciaux)
sur lesquelles nous ne nous étendrons pas par discrétion, l’essentiel des renseignements recueillis par le S. R. (comme par le C.E. d’ailleurs), était instantanément acheminé chez les alliés par les voies ci-après :

– Délégation des U.S.A. à Vichy Major Bob SCHOW, Capitaine de Vaisseau SALABOT.
– Délégation des U.S.A. à Berne Attaché Militaire LEGGE.
– Ministre du Canada à Vichy : M. DUPUIS, Capitaine Aviateur CASSIDI .
Enfin, les valises diplomatiques étaient largement utilisées. Nous citerons pour mémoire simplement celle qui s’est rendue au Portugal, acheminée de temps en temps par l’actuelle Mme BIDAULT.

NOVEMBRE 1942 – AOUT 1944

L’occupation totale du territoire donna lieu à des remaniements importants dans le S.R. de l’Armée de Terre.

Les postes et leurs antennes passèrent dans la clandestinité totale ; les personnels qui faisaient l’objet de recherches précises de la Gestapo furent dirigés sur l’A.F.N. ; la Direction centrale se transporta à Alger avec son Chef le Colonel Louis RIVET. Cet exode a fait l’objet de récits dans nos précédents Bulletins (tel le Bulletin n° 5). Nous n’y reviendrons pas.

Le transfert était indispensable. Il ne fut réalisé qu’à la dernière limite du possible, après mise en place du Central clandestin (KLEBER) que dirigeait le Colonel DELOR et l’adaptation des liaisons radio à la situation nouvelle.

Les ressources en personnel qualifié, existant en A.F.N. furent rapidement drainées pour faire face aux impératifs nouveaux :

– Liaison avec le Commandement français et allié d’A.F.N. ;
– Participation effective à la campagne de Tunisie ;
– Préparation des campagnes futures ;
– Intensification des liaisons avec la France clandestine, et avec les postes extérieurs (ceux-ci officiellement couverts par le Gouvernement de Vichy purent continuer de remplir leur mission, sauf celui de Bucarest qui rompit dès le 8 novembre 1942. L’acheminement des renseignements put se faire sans perte de temps grâce à la complaisance des Alliés, et à la tolérance des autorités locales ;
– Utilisation intensive de la plateforme ibérique ;
– Liaison avec les S.R. alliés (U.S. : Colonel EDDY ; GRANDE-BRETAGNE : Brigadier CODRINGTON ; POLONAIS : Colonel SLOWIKOWSKI).

Ainsi s’installa à Alger, rue Charras, dès la fin de 1942, la Direction des S.R. et S.M., rattachée
directement au Commandant en Chef, le Général GIRAUD, installé au Palais d’Eté. Le Colonel du CREST de VILLENEUVE prit la direction du S.R. TERRE, le Colonel RONIN celle du S.R. AIR, le Capitaine de Corvette TRAUTMANN la direction du S.R. MARINE.

Le 3 janvier 1943, le Commandant PAILLOLE prenait à son tour la direction des Services de Sécurité Militaire et de C.E. et s’installait à EL-BIAR (Villa Jaïs) où déjà le Lieutenant-Colonel CHRETIEN dirigeait les services de C.E. d’A.F.N.

Aucun problème majeur ne se présenta par rapport au Commandement et aux Alliés, les chefs du S.R. bénéficiant déjà d’une large audience. Les crédits financiers, aériens et maritimes nécessaires furent obtenus sans la moindre difficulté.

***

Le poste de TUNIS, sous l’autorité du Lieutenant-Colonel KIEL s’installa au KEF pour là campagne de TUNISIE et découpla des antennes à BEJA, TEBOURSOUK, MAKTAR, THALA.

En outre, deux missions clandestines, respectivement aux ordres des Capitaines LACAT et PERRUSEL fonctionnèrent sur les arrières ennemis.

Par leur activité, ces éléments, auxquels il convient d’ajouter les moyens techniques de recherche du Commandant BLACK, installé à Alger, permirent un contrôle permanent de la 5ème Armée, et des débris de l’Afrika Korps, avec pour aboutissement la reddition en rase campagne du Général von ARNIM.

Renforcée par quelques officiers évadés de France, la Direction du S.R. fut à même de créer une section d’instruction et de montage d’opérations clandestines, dont la CORSE, la SARDAIGNE et l’ITALIE, furent les premiers objectifs. Ce furent les missions : DESAULE, CHOPITEL. GRIFFI, COLONNA D’ISTRIA, entre autres.

Des antennes opérationnelles, adaptées respectivement aux C.E.F. du Général JUIN (Capitaine WEIL, Lieutenants ZUNDEL, SIMA, FREY, ROCARD) et au détachement de libération de la Corse (Capitaines HAGE, ZIMPFER, LOECHER), outre leur part indéniable aux succès, lancèrent une série de missions sur l’île d’Elbe et l’Italie du Nord.

Mais la préparation des opérations de libération du territoire national resta la préoccupation principale des chefs du S.R. à Alger. Leur atout maître était le S.R. clandestin KLEBER.

Après l’éphémère direction du Colonel DELOR, celui-ci avait subi, en 1943, quelques coups durs (arrestations des Colonels LOMBARD, PELLISSIER, BERTRAND, Commandants HENRY, SCHMITT, Capitaines MAUER, BOUREAU, MISOFFE, notamment) et le problème de son commandement s’était posé à deux reprises. Finalement c’est au Commandant LOCHARD qu’échut cette lourde responsabilité. Jeune, mais déjà chevronné, prudent, bon technicien, celui-ci avait pris, en accord avec Alger, des dispositions qui lui permettaient de faire face aux besoins des forces alliées dans la triple éventualité de débarquements simultanés ou successifs sur les côtes de la Manche, de l’Atlantique ou de la Méditerranée.

Il lui fallait compléter et étoffer son dispositif, ce qui fut fait en implantant par atterrissages clandestins, parachutages, voie sous-marine, ou voie terrestre via Espagne, des équipes nouvelles bien pourvues en moyens de travail, et disposant de refuges sûrs.

Ainsi furent lancées d’Alger ou de Londres, sept missions de septembre 1943 à juin 1944 : « GALLIEN », couloir Rhodanien ; « ISIDORE », Bourgogne, Franche-Comté ;« PERNOD », Bourbonnais, Charolais ; « PIERRE », Plateau Central ; « CATINAT », Hautes et Basses-Alpes, Isère, Drôme ; « SCALA », Ile-de-France, Normandie ;« PANZER », Poitou, Charentes, Aquitaine. Deux autres au début d’août 1944 :« JORXEY », Doubs, Haute-Saône, Belfort ; « CAROLLES », Jura, Doubs.

L’hypothèse d’un débarquement en péninsule balkanique n’était pas écartée. Toutefois ce territoire dont la situation politique était encore incertaine était l’apanage des grands alliés. Il n’y fut envoyé que deux missions dans la région de LJUBLIANA, en complément de celles qui opéraient en Italie du Nord et en vue de pénétrer le dispositif allemand dans la partie sud du Reich.

L’acheminement des courriers, les liaisons d’officiers complétant des contacts radio pratiquement permanents en dépit des activités allemandes de repérage par radio – goniométrie, permirent au Haut Commandement allié de choisir en toute connaissance de cause, les lieux et dates des débarquements. Les organisations de défense côtière étaient connues du S.R. Terre dans tout leur détail, ainsi que l’ordre de bataille des armées d’occupation, de sorte que les débarquements du 6 juin 1944 et du 15 août en Normandie et en Méditerranée connurent une fortune qui combla les espérances les plus optimistes.

AOUT 1944 – MAI 1945

La continuité de la recherche était un impératif, comme aussi la jonction effective avec les équipes clandestines et la liaison permanente avec la Sécurité Militaire (opérationnelle et territoriale) et les équipes C.E. (T.R.).

La création du S.R.O. (S.R. Opérations), formation de marche du S.R. fut ainsi décidée en mars 1944. Le Commandant SIMONEAU eut la charge de cette lourde responsabilité.

Débarqué avec les premiers éléments de l’Armée de LATTRE, le S.R.O. ne comprenait initialement que trois antennes provenant des éléments qui opéraient en Italie et en Corse (un détachement léger aux ordres du Capitaine DOUIN opéra en outre à la demande des alliés avec la T. Force U.S.).

Dès la libération de Marseille, il se grossit des équipes clandestines dont la mission était achevée et qui furent rapidement adaptées à la recherche en guerre de mouvement.

La jonction avec le S.R. KLEBER devint effective à l’arrivée de l’Armée à Mâcon.

La stabilisation de la Première Armée à BESANÇON permit de réaliser:


– Une intégration plus étroite des anciennes équipes clandestines
– Une mise en place d’agents dans la trouée de Belfort et en Haute Alsace
– L’adaptation d’une importante équipe à la VII e Armée U.S. (S.D.A.7) ;
– L’établissement d’une liaison avec une formation du S.R. français de Londres (Colonel RETHORE) qui opérait avec la III e Armée U.S.
– La création d’un centre d’instruction et d’une section de recherche du renseignement scientifique – L’utilisation de la plateforme helvétique pour la pénétration en Allemagne du Sud.

L’adaptation des antennes à toutes les grandes unités engagées s’avéra particulièrement efficace, tant pour la diffusion du renseignement, que pour la mise en place des agents par infiltration, ou pour le recueil de ceux-ci.

Une antenne fut laissée sur le front des Alpes et une autre participa aux opérations du front Atlantique.

Bien que disposant de l’O.S.S. – G2, le Commandement américain qui constatait la qualité des renseignements portant l’attache du S.R.O., donna les plus grandes facilités matérielles aux éléments français qui opéraient dans sa zone et qui initialement n’étaient adaptés qu’à la 2ème D.B. du Général LECLERC.

Il fallait faire vite. Profitant de la confusion qui régnait en Allemagne, des agents (transfuges de la Wehrmacht et volontaires français) furent poussés jusqu’au coeur du Reich, mais la nécessité de recueillir le renseignement et de le transmettre dans les plus courts délais amena certains officiers à pousser des pointes audacieuses à l’intérieur du dispositif ennemi, et même à prendre des initiatives particulièrement risquées.

Le 8 mai 1945, le S.R.O. partout en liaison avec les S.M. ou le C.E. était déployé comme suit :

– P.C. arrière : KARLSRUHE ;
– P.C. avant : UBERLINGEN ;
– Antennes à: CONSTANCE, LINDAU, DORNBIRN, FELDKIRCH, BERCHTESGADEN, DEGERLOCH, LEIPZIG.

Ce dispositif, par la suite, fut réajusté en raison de :
– La répartition des zones d’occupation entre les Alliés ;
– La démobilisation du personnel appartenant aux réserves ;
– La création d’un S.R. en zone française d’occupation en Autriche ;
– L’envoi de volontaires en Indochine.

Au 1er août 1945, transporté à Baden-Baden, le S.R.O. devenu direction du S.R. en Allemagne était articulé en deux sous-directions :

– S.D. Nord : à LANDAU (PFALZ) ; Antennes : à COBLENCE – WORMS.
– S.D. Sud : à SCHEWENINGEN (WURTEMBERG) ; Antennes : à TUBINGEN (DORNBIRN).

Pendant ce temps, à Paris, la Direction Générale des Services Spéciaux (D.G.S.S.), dirigée par M. SOUSTELLE, s’était installée fin août 1944, boulevard Maunoury et boulevard Suchet.

Des considérations qui n’avaient rien à voir avec la technique de la Recherche du Renseignement avait peu à peu écarté de leurs postes les anciens chefs des S.R. Guerre et Aviation (7).

Une organisation nouvelle « chapeautait » les Services Spéciaux sur l’impulsion des Colonels DEWAWRIN et MANUEL.

En fait, les éléments centraux des anciens S.R. s’étaient effacés au bénéfice des équipes du B.C.R.A, de Londres et d’Alger. Seul le C.E. (S.M. et T.R.) avait conservé la direction et la structure mises sur pied à Alger par le Commandant PAILLOLE.
Rattachés à la Présidence du Conseil, et non plus au Commandement en Chef, les Services Spéciaux devaient encore subir dès 1945 une transformation profonde.
La guerre s’achevait.

La D.G.S.S. disparaissait à son tour et faisait place à la D.G.E.R. (Direction Générale des Etudes de Recherches), sous la Direction du Colonel DEWAWRIN (PASSY).
Plus tard encore la D.G.E.R. devait laisser la place au S.D.E.C.E.

CONCLUSION

La meilleure conclusion qui puisse se tirer de l’exposé précédent est sans aucun doute de tenter de résumer les résultats obtenus.

Nous empruntons au Général NAVARRE, ancien chef de la Section Allemande du S.R. et du Deuxième Bureau du Général WEYGAND, l’exposé succinct qui suit :

I. – Résultats obtenus avant la guerre

Le S.R. disposait d’un remarquable réseau d’informateurs. Certains admirablement placés.
La plupart avaient été recrutés de longue date, certains même pendant l’occupation de la rive gauche du Rhin, après 1918. Ils continuaient à travailler malgré les conditions très difficiles créées par l’avènement du nazisme. Le recrutement, depuis 1935, était devenu très ardu, mais continuait.

La reconstitution de l’armée allemande a été suivie du début à la fin sans aucune lacune dans aucun domaine.

Les grands événements politico-militaires ont tous été décelés à temps, et la plupart avec une très grande précision.

Le Commandement français et par conséquent le Gouvernement en furent avisés dans des conditions de temps permettant les meilleures exploitations :

– Réoccupation de la rive gauche du Rhin ;
– Anschluss ;
– Occupation de la Tchécoslovaquie ;
– Tractations russo-allemandes ;
– Concentration sur la Pologne ;
– Menace sur Dantzig, etc. etc.

Au surplus toute cette phase de l’activité du S.R. apparaît parfaitement dans le livre du Chef du Deuxième Bureau de l’Etat-Major de l’Armée de cette époque, le Général GAUCHE :« Le Deuxième Bureau au travail ».
Nul témoin n’était plus qualifié pour informer l’opinion de l’oeuvre magistrale accomplie avant la guerre par le S.R.

II. – Résultats obtenus pendant la « drôle de guerre »

S’il était besoin d’un témoignage irréfutable de l’action du S.R., pendant cette période, il conviendrait de se reporter aux archives de la Cour de Riom. Le Président CAOUS et le Procureur Général CASSAGNEAU ont confirmé les indications qui vont suivre et rendu un éclatant hommage à la clairvoyance du S.R.

– La mobilisation de l’armée allemande a été suivie unité par unité, sans aucune lacune ni erreur.
– Il en fut de même de la concentration des unités allemandes face à la Pologne, d’une part, à la France, au Danemark, à la Belgique et à la Hollande, d’autre part.
– La répartition des forces a toujours été parfaitement indiquée au Haut Commandement Français, pendant la campagne de Pologne, pendant l’intervalle des campagnes de Pologne et de France.
Le transfert vers l’Ouest des grandes unités ayant pris part à la campagne de Pologne a été suivi intégralement par le S.R. Français, sans que jamais une grande unité allemande eût été perdue de vue pendant plus de 24 heures.
– Le dispositif allemand à la veille du 10 mai 1940 était connu dans les moindres détails, ainsi que les possibilités de manoeuvre qu’il portait en germe.
– La date et le lieu de l’attaque du 10 mai 1940 ont été communiqués au Commandement Français avec quelques réserves dès la fin mars 1940, et, avec certitude dès avril 1940.
– La constitution des armées de terre et de l’air allemandes a été tenue à jour sans lacune et cela aussi bien pour leur composition que pour leur équipement et leurs armes, et, pour si paradoxal que cela puisse paraître, le S.R. français a donné de l’armée allemande une description plutôt surévaluée : c’est ainsi que le nombre de chars des divisions blindées allemandes a été surévalué de 10 à 15 %, du fait que les sorties d’usine étaient en retard sur les prévisions.
– Au cours de la campagne de France l’essentiel des mouvements allemands a été identifié de bout en bout. En particulier chaque division blindée a été suivie sans aucune erreur grâce à l’interception et à l’exploitation de tous les messages de commandement des grandes unités allemandes. Ainsi purent être annoncées et décrites : l’attaque sur la Meuse, la marche vers la Manche, les regroupements en vue des attaques sur la Somme, en Champagne, etc., etc.

Il est permis d’affirmer avec le Général WEYGAND et la Cour de Riom, que le S.R. a admirablement rempli sa mission et qu’il n’a aucune responsabilité dans le désastre de 1940.


III. – Résultats obtenus pendant l’occupation

Jamais le travail sur l’Allemagne et l’Italie n’a été interrompu, ni diminué le rendement du S.R. L’ordre de bataille de l’ennemi fut constamment tenu à jour avec une précision quasi absolue.

L’acharnement de l’Abwehr et de la Gestapo à poursuivre et à détruire les postes du S.R. KLEBER, serait s’il le fallait, une preuve supplémentaire de l’efficacité du S.R. TERRE et de l’aide décisive apportée par lui au Haut Commandement allié jusqu’à la Libération du Territoire.

Ainsi il est possible d’affirmer que le S.R (et le C.E.) ont été les premiers en date des réseaux de résistance et nous ajoutons que ce ne fut que normal.

***
Il nous paraît intéressant, à propos de cette période de l’action S.R. dont l’utilité a été si souvent contestée par les détracteurs de nos Services, de compléter l’exposé du Colonel SIMONEAU par ce témoignage (8) du Général WEYGAND – en date du 31 mars 1949. Nous le devons à l’obligeance du Colonel GASSER :


« …Les Services de Renseignements ayant été supprimés par les Allemands, il n’existait officiellement à mon Etat-Major qu’un Deuxième Bureau (dirigé par le Commandant NAVARRE).
Le S.R. était donc clandestin…
Il y fonctionnait un système ayant pour but de transmettre dans les plus courts délais à la force d’intervention de Malte tous les renseignements recueillis par les postes établis sur la côte orientale de Tunisie et par l’aviation de Tunis sur les convois allemands et italiens se dirigeant vers la Tripolitaine en suivant les côtes françaises. Les renseignements transmis furent nombreux et aboutirent à la destruction d’un certain nombre de ces navires.

NOTES :

(1) A – Allemagne – Europe centrale. B – Italie – Europe méridionale – Méditerranée. C – U.R.S.S. – Japon – Chine.
(2) Priorités pour les 3 premiers postes :
BENE 6° et 10° W:K. (de MUNSTER et BREME).
BREM 12, et 9° W.K (de MAYENCE et KASSEL.
SCM 7° et 5° W.K. (de MUNICH et STUTTGART).

(3) Personnels qui par suite du traité de 1919 n’avaient pas fait de Service Militaire.

(4) Les transports routiers de ravitaillement étaient imposés dans la plupart des cas aux transporteurs routiers français. Ceux-ci groupés en C.O.T.R. (Comité d’Organisation des Transports Routiers) sous la présidence de M. Robert SIMON, se mirent spontanément à la disposition du S. R.

(5) Conception et réalisation Ingénieurs COMBAUX et KELLER. Exploitation JUNG, ROCARD, RIESS.

(6) La source « K » ne fut découverte que le matin de Noël 1942 par un détachement de Landesschützen qui prospectait des cantonnements.

(7) Le Général Louis RIVET a largement exposé dans des Bulletins antérieurs les conditions souvent décevantes et irritantes de ces transformations.

(8) Témoignage et documents recueillis par la Commission d’Enquête parlementaire (Tome VI, pages 1660 et 1661).

Sources : Bulletins N° 43 et 44




Les vue prophetiques du 2eme bureau de l’armee d’armistice

Préfacés par notre Président d’Honneur, le Général L. RIVET, nous versons, au dossier de l’Histoire deux documents authentiques, oeuvres du Général BARIL, chef du 2ème Bureau de 1940 à 1942. Un rapport du 27 Juin 1941 envisageant les conséquences et les incidences du conflit germano-russe sur la conduite de la politique française, Une note du 4 Janvier 1942 sur la situation militaire et les perspectives qu’elle comporte. En publiant les extraits essentiels de ces documents, nous entendons rendre à l’Armée de l’Armistice et à son État-Major l’hommage dû à son patriotisme; trop de mensonges ont été et sont encore répandus sur son compte pour que de tels témoignages de son véritable état d’esprit restent plus longtemps ignorés. Nous voulons rappeler des faits qui pèsent aujourd’hui lourdement sur le sort du monde et dont la connaissance objective demeure indispensable pour juger sainement des graves problèmes internationaux que notre Pays doit résoudre.




Les services speciaux dans l’appareil offensif du pays de 1885 a 1914

Le travail de 1885 à 1914 a préparé nos succès pendant la Grande Guerre

Note préliminaire : nous avons vu qu’en 1880, le Colonel GRISOT a pris la direction du SERVICE. Sous son impulsion, d’importants résultats ont été obtenus par nos organes de renseignement qui ont saisi, entre autres, le plan de mobilisation allemande de 1875.

Il est clair à l’esprit des profanes eux-mêmes que GRISOT et ses prédécesseurs ne s’étaient point mépris sur le but à atteindre. Il s’agissait bien, en dernière analyse, d’aller si possible jusqu’au cerveau moteur de la machine de guerre qu’ils avaient à recenser. Et les gens de métier, voire les plus spécialisés et les plus heureux, reconnaîtront que ces maîtresses réussites ne leur sont pas prodiguées par les dieux.

Après GRISOT, le colonel VINCENT apparaît dans la galerie de ces précurseurs de choix. Nous sommes en 1885. VINCENT expose un jour, dans un substantiel compte-rendu, sa situation. Il fait état de la pauvreté de ses moyens et plaide avec chaleur l’octroi d’un budget conforme aux “besoins considérables” qui se manifestent. Pour étayer son propos, il se réfère à l’organisation et aux ressources du SR allemand, son antagoniste né. Et il ne parle pas par hypothèse, car voici ce qu’il affirme :

Il signale tout d’abord pour mémoire que le SR allemand a engagé, pour la durée de la guerre 1870-71,9 millions de thalers (34 millions de nos francs de cette époque). Il évalue ensuite les fonds dont son adversaire dispose en 1883 :
1°/- revenus de la fortune confisquée au Roi du Hanovre, soit 3 millions de francs;
2°/- contribution fournie par les divers ministères, soit 2 millions;
3°/- Trésor de guerre déposé dans les banques (Bleichröder et Erlanger en particulier), chiffre non précisé mais certainement important puisqu’une étude postérieure de peu à cet exposé estime à plus de 20 millions le total des ressources du SR allemand.

Peut-on s’étonner qu’en face de cette opulence, VINCENT réclame un budget “triple de celui de l’année précédente”, soit un peu plus 1 million ! Nos grands argentiers, il faut le dire, furent sans cesse lésineurs à l’endroit de ce Service “suspect”, que certains parlementaires citaient vainement à la barre au moment de la discussion du budget par les Chambres, et qui laissait à un malheureux Président du Conseil le soin de s’expliquer sur la destination “inavouable” des fonds dits “secrets ” !

En 1886, VINCENT a passé la main au Commandant SANDHERR. Ce dernier, alsacien vibrant et de surcroît malade, va, à l’occasion des activités allemandes sur notre territoire, déchaîner malencontreusement une campagne qu’un Commandement plus avisé eut pu éviter : l’affaire DREYFUS, la fameuse “Affaire” : On s’en souvient encore. Débordant sur le plan politique, elle a passionné et divisé les Français à un moment où tous les pays du monde observaient attentivement rassurés ou inquiets le relèvement de notre Pays et les progrès de son expansion.

Le remous ne devait pas manquer de secouer le SERVICE et d’entamer la cohésion de son personnel. Impliqué dans un procès dont les incidences lointaines le dépassaient. Avant de dire comment il sortit de ce mauvais pas, remarquons la composition de la “Centrale” telle qu’elle ressort d’une note remise par son Chef au Général GONSE le 22 mai 1896, en pleine crise :

Lieutenant-Colonel PICQUART, Chef de la “Section de Stastistique”
Chef de Bataillon HENRY
Capitaine de Cavalerie LAUTH
Capitaine du Génie JUNCK
Capitaine VALDANT
M. GIBELIN, Archiviste de 2ème Cl.
M. LORSIER, Adjudant de la 2ème Section.

Civils :
MM. MARCHAND et NOTH Expéditionnaires
Un gardien de bureau.

Cet effectif restera inchangé jusqu’à la guerre de 1914-18. Le personnel est celui d’un “moment” de l’ “Affaire”.

Depuis le début de l’action judiciaire, le SR est l’objet d’âpres discussions aux échelons élevés de la Défense Nationale. Plusieurs chefs de l’État-Major de l’Armée ont été sévèrement critiqués au cours du procès. On leur a reproché d’avoir délaissé leurs prérogatives et consenti aux Chefs du SR un trop libre comportement. Des sanctions ont été prises, d’autres sont demandées. Le Général de Gallifet, Ministre de la Guerre, particulièrement sollicité d’agir, va pouvoir se targuer de répondre à ce voeu et d’insuffler un air plus salubre et une discipline plus stricte dans les coins “infectés” de son département. Le 24 avril 1899, il prend, en accord avec le Ministre de l’intérieur, des mesures qui ont pour objet de restreindre l’indépendance du Chef du SR et de borner ses missions :

1°/- La “Section de statistique” demeure un organe de l’État-Major de l’Armée, mais elle est placée sous la dépendance directe du Chef du 2ème Bureau.
2°/- Le Contre-espionnage est confié au Ministère de l’intérieur.
3°/- interdiction est faite aux Officiers du SR de se rendre à l’Étranger, obligation leur est imposée de passer par les agents du Ministère de l’intérieur pour la recherche du renseignement à l’extérieur.

Ce n’est point diminuer un chef de grand mérite, cavalier légendaire, de dire que ce jour-là il chargea comme un “bleu”. Sa décision, explicable peut-être par une de ces sautes d’humeur qui lui étaient familières, était proprement insoutenable.

L’appliquer à la lettre eut signifié la ruine de 20 années d’un prodigieux effort qui avait porté nos positions SR au coeur des secrets des États de la Triple Alliance, ç’eut été mettre un bandeau sur les yeux de notre État-Major au moment même où s’accumulaient les symptômes d’une nouvelle et inévitable conflagration franco-allemande.

Au surplus, si ce geste avait pour but d’apprendre aux Français que, pour avoir enfreint des usages internationaux dont notre démocratie proclamait le respect, nos SERVICES de Recherche un instant dévoyés étaient vigoureusement ramenés dans les sentiers de la vertu, on conviendra qu’il avait à leurs yeux peu d’intérêt.

Leur entendement en ces choses n’a jamais été ni leur fait, ni leur souci. Si, par ailleurs, GALLIFET pensait que le gouvernement allemand nous saurait gré de modérer, à l’avenir, une activité par essence inamicale et marquée d’hostilité, il se faisait des illusions bien enfantines. Sans compter qu’il nous donnait imprudemment tous les torts dans une affaire où les Services Allemands avaient certainement joué un rôle, mal établi il est vrai.

Bref, un gros rire dut secouer la gorge des “gens” d’en face. Mais on ne l’entendit pas. Pas plus que le gouvernement du Kaiser, discrètement prié de donner son sentiment sur l’ “Affaire”, ne se départit d’un silence hautain et quelque peu méprisant. Comme on le comprend !

A la vérité, l’absurdité du régime que prétendait instaurer GALLIFET n’échappa à personne. Nos organes SR, sûrs d’une “doctrine” forgée dans l’action et consacrée par des succès éclatants, résolurent de ne point s’y soumettre. Dans un mémoire rédigé en termes déférents mais fermes, le chef de la “Section de Statistique” laissa percer un refus mental que le Commandement, mal assuré dans ses considérants, contrôla mollement dans les faits. Qu’en advint-il ?

Il advint que des compromis négociés à la sauvette entre les divers échelons du Service et leurs partenaires de l’intérieur, tournèrent les récifs et comblèrent les obstacles ainsi dressés sur leur route. Il advint qu’on rusa un peu partout -en tout bien tout honneur- que l’imagination et l’habileté secondèrent une volonté redoublée de maintenir les voies indispensables de la Recherche.

Le précieux miel que nous appelons le “renseignement profond” continua de suinter et d’emprunter des voies sûres. Notre E.-M. demeura renseigné. Cependant que la discorde française expirait sur la grève et que peu à peu se ressaisissait l’opinion.

A distance, on pourra ergoter, déplorer ou condamner cette ruse de Protée. Une infraction aux “Tables de la Loi” était commise qui peut n’avoir pas l’assentiment de maints Français de bonne tradition. Encore que la loi écrite ait subi depuis ce temps, et récemment comme chacun sait, bien des atteintes, et souvent légitimes .. Une pareille attitude, pour être comprise, requiert plus que le patriotisme de morale usuelle. Elle a sa source aux plus hauts sommets de la Conscience nationale, dans une zone de sensibilité exercée à l’évidence du plus grand devoir devant la menace du plus grand péril, détermine parfois l’homme à négliger la légalité établie.

Nos Officiers SR de 1899, comme ceux de 1871, vivaient sur ces hauteurs. Au contact physique de l’ “ennemi héréditaire”, Ils savaient ce que ne pouvait pas savoir l’opinion publique, et que n’acceptait d’ailleurs pas sans réserve un Haut Commandement voué à ménager sans cesse la politique prudente de nos gouvernements. Une poignée d’Officiers et de fonctionnaires français, nourris de certitudes, voyaient au-delà de l’Affaire. Ils voyaient juste. Car c’est en définitive grâce aux preuves qu’ils apportaient, que la France entra dans le nouveau siècle avec une âme intacte et un coeur ferme.

Au surplus, et confusément encore, la pensée française révisait ses fondements. Remettons-nous en mémoire l’état d’esprit de notre jeunesse entre 1900 et 1914. Mélange singulier d’idéal humanitaire et de réflexes de grandeur. Un patriotisme resté profondément “gambettiste”, et qui cependant interroge. Des courants politiques teintés d’antimilitarisme, mais, dans le peuple de France une sensibilité extrême aux choses du Pays. Et quand le dialogue franco-allemand se révèle menaçant pour notre droit, la nation unanime réclame du pouvoir une attitude sans concession.

On imagine sans peine ce que fut, dans ce moment d’angoisse française, le comportement d’un SERVICE fort de l’approbation mentale que constituait pour lui un patriotisme national en éveil.

Les Chefs du SR étoffèrent sans bruit le dispositif établi aux frontières, et firent un large usage des dispositions favorables manifestées par les Généraux commandant les Régions en bordure. Ainsi purent-ils, sous des formes convenues, introduire des officiers qualifiés ou déjà éprouvés, dans l’appareil de recherche étalé depuis la frontière belge jusqu’à Nice. Peu à peu, d’incessantes alertes aidant, ils obtinrent la faculté de créer des postes comptant plusieurs Officiers en certains points convenablement situés, tels que BELFORT et NANCY (MEZIERES au dernier moment) face à l’Allemagne, et NICE face à l’Italie. Les Chefs de poste, en union étroite avec les Services de police frontière, retrouvèrent leur liberté d’action et prirent leurs responsabilités.

Ce qui leur valut, ne le dissimulons pas, un certain nombre “d’accidents” dont l’un, l’arrestation du Capitaine LUX à Constance, provoqua de la part du Gouvernement impériale une assez vive réaction, qui n’inquiéta pas autrement le Gouvernement français.

La guerre approchait. Une sérénité empreinte de la réalité de notre force imprégnait notre contenance officielle face aux remontrances formelles de l’Allemagne. La diplomatie allemande, inspirée par le Grand État-Major, se voyait d’ailleurs assigner des limites au-delà desquelles le NACHRICHTEN DIENST était exposé,lui aussi, a été mis en cause. De part et d’autre, on avait intérêt à demeurer circonspect.

LUX était prisonnier, mais la guerre du SR continuait.

Dans cette atmosphère qui en définitive redressait les énergies, suscitait des caractères, le SR oeuvrait avec un entrain décuplé et un coeur juvénile. Incrusté depuis des années dans l’appareil de guerre ennemi, il en parachevait l’inventaire et dressait son ordre de bataille. En Août 1914, les unités de l’armée allemande étaient parfaitement dénombrées et leur dispositif en fin de mobilisation connu : deux ans auparavant, des documents recueillis par un de nos organes SR avaient révélé à notre Commandement le plan d’attaque allemand face à l’Ouest …

L’honneur du SR était donc engagé dans l’épreuve décisive qui commençait. Quatre années de guerre ont démontré qu’il était en mesure de “tailler des croupières” à son adversaire chevronné. Et d’ abord, il renseigna. Non seulement, il suivit correctement les mouvements des unités et l’évolution des matériels à l’arrière du front allemand, mission à laquelle il s’était soigneusement préparé, mais il eut la bonne fortune – qui échoit à qui la mérite – d’obtenir de remarquables succès dans la recherche des intentions. Nous ne pouvons les énumérer et les commenter ici. Rappelons en seulement quelques uns .

– Au moment critique de la Marne, il apprend que le prélèvement de 2 corps d’armée en Alsace est décidé par le Commandement allemand en vue de leur transfert dans l’Est. JOFFRE est renseigné en temps utile.
– En Septembre 1915, il a connaissance des premiers préparatifs d’offensive allemande sur VERDUN. Il affirme cette certitude jusqu’à la veille de l’attaque.
– Plusieurs mois à l’avance, il annonce l’offensive austro-allemande de CAPORETTO. Notre 3ème Bureau, orienté vers d’autres prévisions, est long à convaincre. Cette attaque faillit réussir.
– Les préparatifs de l’attaque allemande lancée le 15 Juillet 1918 sur le front tenu par GOURAUD ont été parfaitement décelés. Les renseignements fournis par des prisonniers allemands la veille de l’attaque, n’ont fait que confirmer les données du SR.

Un accident dans ce tableau :
En Mai de cette même année. LUDENDORFF avait attaqué sur le Chemin des Dames. Le renseignement qui devait nous en prévenir, détenu depuis 8 jours par un agent volage, ne parvint au SR que la veille au soir seulement :

Si assuré soit-il, un SR peut-être trahi par ses dieux.

Mais la démonstration était péremptoire. Le SR français avait prouvé son excellence. Le Colonel NICOLAI, chef du “NACHRICHTEN DIENZT”, dans un plaidoyer pro domo trop hâtivement publié après la guerre en convint avec aigreur, sinon dans les termes du moins par leurs sous-entendus.

Il allait de soi que lui, NICOLAI, n’était pour rien dans la défaite allemande, que son Service avait impeccablement fonctionné, et que le coupable était à chercher dans le Dolschstoss …mais il ne nous a pas expliqué comment, en maintes circonstances et notamment à l’occasion d’accidents survenus dans nos arsenaux ou dépôts de munitions, des agents français travestis en “agents allemands” avaient abusé notre prestigieux adversaire, en lui faisant accroire que ces accidents étaient des sabotages effectués par eux en exécution de missions reçues du SR allemand.

Nous en tirâmes des avantages considérables qui faisaient le plus grand honneur aux Officiers spécialisés dans le CONTRE-ESPIONNAGE, organe neuf en plein essor. Mais NiCOLAI l’a-t-il jamais su ?

Gardons-nous toutefois de mésestimer ou de médire Le vieux et remarquable SR allemand connaissait son métier. Et NICOLAI mentionne des succès qui ne furent pas tous de pure invention.

Il faut néanmoins le répéter. L’instrument de recherche si obstinément et si intelligemment construit par nos Anciens avait, avant et pendant la Grande Guerre, acquis une maîtrise qu’il importerait de maintenir.

Des noms de chefs ont percé le voile pudique derrière lequel ils eussent voulu rester ignorés. Citons parmi d’autres que nous omettons involontairement, HOLENDER, BRISSE, DUPONT, CARTIER, LINARD, LAMBLING, HUOT, WALNER, BRIQUE, ANDLAUER , LAINEY, MERSON, qui méritent plus qu’un souvenir distrait, obscurci par le temps.

C’est un culte que nous leur devons. Hantés par le péril permanent qu’un puissant empire aux rêves démesurés faisait courir à notre existence nationale, ces officiers s’étaient “installés” chez lui pour en surprendre les possibilités et les projets. Ils s’étaient littéralement “intégrés” à sa vie interne.

LA DOCTRINE VAUDRAIT POUR L’AVENIR.




L’Afrique du nord dans nos combats

JUIN 1940-NOV 1942- Les Services de Contre – Espionnage du 5ème Bureau de l’Etat-Major l’Armée (ex 2ème bureau SR-SCR) officiellement dissous, avaient fait place au lendemain de l’armistice à une double organisation :- l’une officielle (Bureaux des Menées Anti-Nationales BMA) qui se substituait en quelque sorte aux BCR sur le plan régional.- l’autre clandestine (TR) dirigée par PAILLOLE (alias PERRIER).De même que dans la Métropole, l’ensemble des services spéciaux était centralisé à ROYAT sous l’autorité des Colonels RIVET et d’ALES, la totalité des services de C.E. de l’Afrique du Nord devait être sous les ordres du Colonel CHRETIEN à ALGER. Il dépendait lui-même des Services centraux métropolitains BMA et TR.




1940-1944 : Pourquoi et comment est née la securité militaire ?

Depuis plusieurs semaines, sur la demande des autorités allemandes, Laval exigeait la dissolution des Bureaux des Menées Antinationales (B.M.A.) et le ” limogeage ” de leurs chefs : Rivet et d’Alès en tête.Ce nettoyage des Services Spéciaux de l’Armée de l’Armistice s’effectuait dans le cadre d’une opération plus générale de lutte contre les organisations de Résistance Militaire.

par le Colonel Paul PAILLOLE

J’entends et lis, à propos de la Sécurité Militaire, tant d’inexactitudes, parfois aussi tant d’inepties, que, dans l’intérêt de la vérité et pour l’honneur de mes camarades qui en firent un grand service national, je me dois de retracer une fois encore, les raisons et les circonstances de sa création.

C’était en juillet 1942.

Depuis plusieurs semaines, sur la demande des autorités allemandes, Laval exigeait la dissolution des Bureaux des Menées Antinationales (B.M.A.) et le ” limogeage ” de leurs chefs : Rivet et d’Alès en tête.

Ce nettoyage des Services Spéciaux de l’Armée de l’Armistice s’effectuait dans le cadre d’une opération plus générale de lutte contre les organisations de Résistance Militaire. Du Vigier, Chef du 3ème Bureau et père des G.A.D. (Groupes d’Auto-Défense), Baril, Chef du 2ème Bureau, et bien d’autres, disparaissaient de l’État-Major de l’Armée de Terre ; Ronin, malgré l’habile protection du général Bergeret, devait mettre en veilleuse son S.R. Air. Seul le S.R. Marine sortait à peu près indemne de la vague épuratrice. Il est vrai qu’à cette époque, ce n’étaient pas les aviateurs mais les marins qui occupaient les postes de confiance…

En juin et juillet 1940, j’avais créé le Service de Contre­-Espionnage clandestin, camouflé, avec l’aide du Génie Rural, dans l’entreprise des Travaux Ruraux (T.R.). Notre action contre les puissances de l’Axe et la Trahison s’était poursuivie et développée avec une vigoureuse efficacité grâce à la protection des B.M.A. et à leur rôle décisif dans l’appareil répressif militaire.

A n’en pas douter, c’était ce rôle répressif et la confortable ” couverture ” que les B.M.A. nous offraient qui gênait les Allemands et que Laval n’entendait pas tolérer.

Rivet me fit appeler.

Avec d’Alès et lui, nous examinâmes les conséquences de cette décision et les mesures à prendre pour en atténuer les effets maléfiques.

Certes, les B.M.A., héritiers des B.C.R. (1) , avaient une existence précaire depuis que l’Autorité Militaire avait été, en février 1941, déchargée des Pouvoirs de Police. Elle n’avait plus, pour justifier le maintien de ces organismes, que de mauvais prétextes ; les vrais, encore que soupçonnés par les autorités de fait, demeuraient inavouables.

Si, dans cette conjoncture, l’Armée de l’Armistice, en tant que telle, pouvait à la rigueur (comme l’Armée du temps de Paix), se passer des Services de Contre-Espionnage Spécialisés, nos réseaux militaires clandestins de recherches ne pouvaient sans dommage être privés de leur meilleure protection. Quant au C.E. clandestin (T.R.) il ne pouvait renoncer à l’exploitation judiciaire de son travail sur le territoire national. L’un des principes essentiels de notre lutte était précisément de maintenir en France, face aux puissances occupantes, la répression impitoyable de la trahison à leur profit. On sait que les Tribunaux Militaires de la zone sud condamnèrent ainsi plusieurs centaines d’agents de l’Axe dont quarante-deux à la peine de mort.

Faute de pouvoir directement ” embrayer ” sur la Justice Militaire pour assurer cette action répressive, force était à T.R. de disposer d’un intermédiaire sûr au sein même de l’Armée.

Enfin, élément capital, je savais l’inéluctable et proche action alliée en A.F.N. Il fallait que cette opération décisive soit effectuée avec un maximum de sécurité en matière de C.E. et que les Alliés trouvent dans les territoires libérés, un service organisé capable de remplir les missions de pro­tection qu’exigeraient les circonstances et d’ôter tout prétexte, sinon l’envie, aux services de sécurité amis de s’immiscer dans les affaires françaises.

Je me doutais, au surplus, que l’Armée française d’Afrique, jointe aux Forces Françaises Libres, reprendrait aux côtés des Alliés la lutte contre l’Axe. Il fallait que cette armée possède les moyens élémentaires pour neutraliser les entreprise occultes de l’ennemi et aussi, dans l’hypothèse probable de la remise des Pouvoirs de Police à l’Autorité Militaire, qu’elle dispose d’un organisme propre à seconder le Commandement dans l’exercice de telles attributions.

Toutes ces raisons impliquaient l’existence officielle au sein de l’Armée d’un Service à définir, ainsi que le transfert en A.F.N. d’un personnel supplémentaire qualifié et d’éléments d’archives suffisant pour faire face à la situation nouvelle qu’allait créer le débarquement allié.

En Métropole, où le nouvel organisme devait échapper à l’attention des autorités allemandes et aux investigations parfois trop zélées de policiers français, la limitation à un ou deux par Division Militaire du nombre des officiers apparemment habilités à traiter des problèmes dits de ” Sécurité ” était indispensable. Les militaires des B.M.A. dissous, du moins ceux connus pour leur compétence et la rectitude de leurs convictions patriotiques, devaient constituer sans plus tarder les noyaux d’un autre Service clandestin apte à fournir les cadres des organismes officiels de C.E. que la Libération du Territoire devait révéler.

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Tel fut le point de départ de la création des SERVICES DE SECURITE MILITAIRE.

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Si je me suis quelque peu étendu sur les raisons et les circonstances de cette création, c’est qu’il m’apparaissait essentiel de montrer que jamais nulle autre préoccupation ne nous effleura que de mettre notre Service en condition pour faire face à sa seule mission : NEUTRALISER LES ENTREPRISES OCCULTES DE L’ENNEMI, EN PROTEGER L’ARMEE, ET AUSSI LA NATION TOUT ENTIERE, CONFORMEMENT A LA LOI.

Pour établir ce postulat, il me reste à dire quelques mots de la vie du S.S.M.

Rivet et d’Alès jugèrent que je devais en prendre la responsabilité.

J’étais atterré.

La tâche me paraissait immense et redoutable. Elle impliquait que je devais renoncer au Commandement direct du réseau T.R. où tant de sujets de satisfaction m’étaient prodigués. Tôt ou tard je devrais quitter la France encore occupée et ne plus partager l’existence de mes camarades métropolitains.

Mes objections furent vaines. J’acceptai finalement lorsque, pour me seconder à la tête de T.R., Rivet me donna Laffont et lorsque Bonnefous voulut bien m’assurer qu’il s’adjoindrait à moi, pour mettre sur pied l’organisation nouvelle.

Il restait à convaincre l’État-Major de l’Armée et le Commandant en Chef de la nécessité de donner au S.S.M. cette existence discrète, mais officielle.

Les généraux Verneau (2) et Olleris (3) , Chef et Sous-Chef de l’E.M.A., admirent d’enthousiasme la solution. Elle convenait à leur conception de la résistance militaire et au rôle qu’ils entendaient confier aux Services de C.E.

Le Général Revers et l’Amiral Battet auprès de Darlan firent le reste. Il est vrai que l’Amiral Commandant en Chef se faisait un malin plaisir de contrecarrer les volontés de Laval et que déjà son comportement se teintait de résistance…

Le 24 août 1942 une décision non publiée consacrait officiellement la naissance des Services de Sécurité Militaire. J’en restai le Chef jusqu’au 18 novembre 1944.

A peine avions-nous eu le temps, Bonnefous, mes collaborateurs (4) et moi de jeter dans les trois Armées (Terre – Mer – Air) les bases de cette organisation, à peine avec Chrétien (5) , avions-nous eu le temps d’étoffer nos moyens en A.F.N. que le débarquement du 8 novembre 1942 intervint.

Il provoqua, on le sait, avec mon départ pour Alger la réalisation d’un organisme de Contre-Espionnage centralisé avec :

– Un service de recherches et d’action C.E. (T.R.);

– Un service d’exploitation C.E. et de protection contre les entreprises occultes de l’ennemi.

(Le S.S.M. englobait en outre la surveillance du Territoire et la Sûreté aux Armées.)

Cette Sécurité Militaire était organisée territorialement dans les zones libérées. Elle disposait d’éléments spécialisés dans toutes les grandes unités. Dans les territoires occupés par l’ennemi le S.S.M. clandestin, dont le Général Navarre fut le Chef, préparait la tâche des B.S.M. libérateurs.

Tout ce monde fut doté en temps utile des moyens indispensables à son travail : documents techniques et administratifs, archives, fonds, etc. Ce ne fut pas une mince affaire. Les textes d’avant-guerre n’avaient pas prévu la situation qui était la nôtre. La bonne volonté ne suppléait pas à l’in­compétence de ceux qui prétendaient gouverner. Les finances étaient maigres, les liaisons difficiles, et rare le personnel de qualité. Et puis, il faut l’avouer, les rivalités nées de la trop longue opposition entre Giraud et de Gaulle créaient une ambiance lourde où la méfiance paralysait trop souvent les meilleurs et les plus désintéressés d’entre nous.

Pourtant, de mon P.C. d’El Biar où tant de Généraux commandant de grandes unités vinrent travailler avec moi : Chouteau, H. Martin, du Vigier, Leclerc, Brosset, Granier, etc., je pus mettre sur pied les services indispensables à la Sécurité des Forces de débarquement.

A Londres, avec le Général Bedell-Smith, Chef d’E.-M. d’Eisenhower, et Cheen, chef de son 2ème Bureau, je pus élaborer les conditions de travail des Services de C.E. alliés dans le respect de la souve­raineté française.

J’étais intransigeant quant au respect par autrui de nos responsabilités et de nos missions. Réciproquement je ne pouvais admettre une ingérence quelconque du S.S.M. dans des domaines qui ne lui appartenaient pas.

La situation délicate, douloureuse parfois, dans laquelle se trouvait l’Armée du fait des querelles qui divisaient ses Sommets, me faisait tout spécialement un Devoir d’interdire plus que jamais les instructions politiques dans mes services, ou par leur intermédiaire.

C’est parce que malgré les tentations, malgré certaines provocations, le S.S.M. sut généralement respecter cette règle et laisser au Commandement, à chaque échelon, ses responsabilités et ses prérogatives dans la recherche de l’état d’esprit et la protection du moral de sa troupe, qu’il gagna cet élément décisif de son efficacité que fut la confiance de l’Armée et de ses Chefs.

Aussi bien, le 24 avril 1944 (6) à Alger, le général de Gaulle, Président du Comité Français de Libération, avait personnellement rendu officielle cette conception exclusive et rigoureuse de notre rôle technique. Chef des Armées, il savait bien que l’Autorité du Chef ne se disperse pas. Il avait aussi compris que l’efficacité des Services de Sécurité Militaire ne pouvait souffrir d’équivoque quant au sens et aux points d’application de leurs missions.

_________________

Novembre 1944.

La France est libérée. La Victoire est proche.

Pour des raisons que je n’analyserai pas ici, les Services de Sécurité Militaire sont dispersés, mutilés, séparés de T.R., source de leur vie, raison de leur existence.

Je ne peux comprendre ni admettre cette transformation anarchique du Contre-Espionnage en temps de guerre. Je ne peux davantage transiger sur ma conception de notre rôle de soldats au sein des Services Spéciaux.

Je pars.

Un an après je quitterai l’Armée.


(1) Bureaux de Centralisation des Renseignements mis sur pied à la mobilisation dans chaque Région Militaire pour lutter contre les entre­prises occultes de l’ennemi.

(2) Mort en déportation

(3) Déporté et décédé

(4) Dont Serot qui créa la Sécurité Air, Delmas, Héliot morts en déportation.

(5) Chef des Services de C.E. en A.F.N.

(6) D.M. N° 8.000 SSM/Org du 24 avril 1944.




Paul Paillole : entrée dans les services spéciaux et rencontre du Colonel Rivet

A sa sortie de Saint Cyr, Paul Paillole se présente au 2eme bureau et rencontre le Colonel Rivet qui deviendra le patron des services spéciaux durant toute la guerre.






Biographie : Général Henri NAVARRE

Général Henri NAVARRE

Né en 1898, il est le fils d’un professeur de littératures grecque à la faculté de Toulouse.

En juin 1916, il entre à l’école Spéciale Militaire, promotion “Promotion des Drapeaux et de l’Amitié américaine”.

 

En 1917, il est affecté en Champagne, à la 4ème Division de Cavalerie, 2ème Régiment de Hussards. Le 11 novembre 1918, il est stationné aux environs de Mayence.

En 1919, , il est rappelé à Saint-Cyr, où sa promotion devait être regroupée pour suivre sa seconde année d’école. En octobre 1919, il est affecté pour un an, à l’École d’application de la Cavalerie à Saumur.

 

Entre 1920 et 1936, il sera affecté dans divers régiments de cavalerie : début 1920, au 10ème Dragons à Montauban, puis à la mi-décembre, au 11ème régiment de Spahis à Alep. Ce sera ensuite le 3ème puis le 5ème Spahis à Trèves, et le 14ème Régiment de Chasseurs à Cheval de Wiesbaden.

En 1927, il suit les cours de l’École d’application de la Cavalerie, et sera en garnison à Saint-Germain-en-Laye.
De 1928 à 1930, il suit les cours de l’école Supérieure de Guerre. Il choisira d’être affecté à Rabat au Maroc, et en 1931, il est affecté à l’EMA de Marrakech où commande le Général Catroux. Il y prend la direction du 4ème Bureau, pour reprendre, au départ du Lieutenant colonel Duché, celui du 3ème Bureau auquel était rattaché le 2ème Bureau. En1934, il quitte le Maroc pour rejoindre le 11ème Régiment de Cuirassiers à Paris.

Juin 1936 à août 1940, Il est affecté au Service de Renseignement, Section allemande ( en 1923, il avait obtenu le diplôme d’interprète de langue allemande ) comme adjoint du commandant Perruche . Il le remplacera quelques mois plus tard à la tête de cette Section, et cela jusqu’en 1940. Fin août 1940, il part à Alger pour un temps de commandement au 5ème Chasseur d’Afrique.

De 1940 à 1942, il sera le chef du 2ème Bureau du Général Weygand, puis du Général Juin.

 

En novembre 1942, succédant au commandant Paillole, il aura la charge de mettre en place, dès mars 1943, le Service de Sécurité Militaire Précurseur, et d’assurer la liaison avec l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA).

Il termine la campagne d’Allemagne, en 1945, comme commandant d’un groupement Blindé.

 

De 1945 à 1953 , il occupera des postes de plus en plus importants , pour devenir en octobre 1952, chef d’état major du Général Juin, au commandement du théâtre d’Opérations Centre Europe à Fontainebleau.

 

En Mai 1953, général de Corps d’Armée, il est nommé Commandant en chef en Indochine ; il sera remplacé à ce poste, en juin 1954, par le Général Ely

 

Le 12 octobre 1956, il demande au Ministre de la Défense Nationale à quitter l’Armée.

 

Le Général Henri Navarre est décédé en 1983