Alors que la guerre en Ukraine va atteindre sa troisième année, trois constantes majeures se dressent pour l’armée de Terre :
– l’exposition permanente à l’ennemi,
– l’importance de l’innovation,

l’absence de « game changer* ».

Le général Rodolphe Hardy, commandant en second du combat futur de l’armée de Terre, a expliqué ceux-ci, jeudi 20 février, à l’occasion du point presse du ministère des Armées.

Un champ de bataille sans sanctuaire

La guerre en Ukraine a confirmé une tendance forte : l’absence de sanctuaire, notamment en raison de la parité aérienne entre les forces en présence.

En effet, ni la Russie ni l’Ukraine n’ont réussi à obtenir la supériorité dans la troisième dimension. « Cela a favorisé l’innovation et l’adaptation. En témoigne l’usage de bombes planantes par les forces armées Russes, équipées d’ailerons directionnels et d’un guidage satellite intégré », explique le général Hardy.

Ces armes constituent aujourd’hui des menaces redoutables et très destructrices pour les forces ukrainiennes.

L’absence de supériorité aérienne a également replacé l’artillerie au centre des opérations, notamment l’artillerie de campagne et les frappes dans la profondeur qui visent à détruire des objectifs à haute valeur stratégique.

Enfin, la dronisation, conjuguée au renseignement aérien et satellitaire, a favorisé la transparence du champ de bataille. Conséquence : une meilleure connaissance des intentions adverses, permettant de réagir plus rapidement et de prendre des décisions plus éclairées. Pour y faire face, les belligérants optent pour la dispersion et le camouflage de leurs forces. De fait, cette transparence a réduit le volume des unités et des manœuvres exécutées de part et d’autre.

L’innovation au cœur du combat

Le général Hardy souligne que l’usage massif des drones aériens, terrestres et navals modifie la géométrie du champ de bataille, étendant la zone de danger bien au-delà des lignes de front.

« D’un point de vue tactique, les drones permettent de tout voir et de tout détruire dans leur zone d’action. De plus, leur nombre et leur endurance permettent d’assurer une relative permanence sur le champ de bataille.

La zone mortelle ne se limite plus à 300 mètres mais s’étend jusqu’à 15 km. » 

L’adaptation technologique des belligérants est également impressionnante. En témoignent les téléphones portables ukrainiens équipés d’applications servant de capteurs pour améliorer les processus de renseignement et de ciblage, ou encore les drones civils modifiés pour emporter des charges militaires et être utilisés comme des armes.

Autre caractéristique de ce conflit : les modes de financement. A titre d’exemple, durant les fêtes de Noël 2023, une campagne de financement participatif a permis de récolter plus de 500 000 dollars afin de fournir aux forces armées ukrainiennes des drones fpv (first person view), disponibles à la vente sur internet.

Absence de « game changer »*

Malgré l’émergence de nouvelles technologies, aucun « game changer » n’a fondamentalement bouleversé le cours du conflit. Ni les drones ni l’introduction des F-16 américains n’ont inversé la situation sur le terrain.

« Aucun acteur du conflit ne dispose d’un armement que l’autre ne peut pas pleinement contrer. La technologie ne permet pas de remplacer la masse et encore moins la présence de combattants au sol », estime le général Hardy.

Il ajoute que l’intelligence artificielle, bien que prometteuse, n’est pas encore en mesure de supplanter la prise de décision humaine.

Enfin, concernant la gestion des réserves, qu’elles soient humaines ou matérielles, le général estime qu’elles jouent un rôle majeur en Ukraine. Notamment pour « garantir la cohésion du dispositif, assurer la relève des unités éprouvées et maintenir le moral des forces. »

Général Rodolphe HARDY
Commandant en second du combat futur
de l’armée de Terre

21 février 2025

* Dans le milieu militaire, l’expression « game changer » est souvent utilisée pour désigner une arme, une technologie, une stratégie ou un événement qui change radicalement la donne sur le champ de bataille ou dans une opération militaire.

image_pdfimage_print
Recevoir les actualités par email