Face à des interrogations et des critiques sur la passation retardée de certains marchés, le ministère des Armées a apporté quelques précisions jeudi. Il précise que « dans une situation budgétaire particulièrement contrainte, « les prises de commandes réalisées auprès des industriels de l’armement au premier semestre 2025 par la Direction générale de l’armement (DGA) vont en s’accélérant par rapport aux exercices précédents, marquant la poursuite de l’effort de réarmement de la France » et que les retards ont été « largement rattrapés ».

En 2025, ces commandes représentent pour les grands maîtres d’œuvre industriels :
– 725 millions d’euros pour THALES, avec notamment le maintien en condition opérationnelles du système de communication par satellites SYRACUSE, la poursuite du programme de radio logicielle CONTACT et le développement de liaison de données pour Rafale ;
– 318 millions d’euros pour Dassault Aviation, avec notamment le lancement de l’étude de levée de risques du futur standard F5 du Rafale, la poursuite de la production des avions Rafale et les travaux NGWS et le lancement de travaux sur un démonstrateur d’avion spatial ;
– 300 millions d’euros pour KNDS, avec notamment la poursuite du programme SCORPION, la fourniture de CAESAR et les travaux d’amélioration de la résilience de la production de munitions 40mm ;
– 168 millions d’euros pour Naval Group, avec la poursuite des programmes Barracuda, de la torpille lourde F21 et de préparation de la réalisation du sous-marin SNLE de 3e génération ;
– 128 millions d’euros pour Safran, avec notamment l’accélération des munitions AASM ;
– 106 millions d’euros pour Ariane Group dans le cadre du programme M51 ;
– 89 millions d’euros pour Airbus notamment pour les hélicoptères Caracal ;
– 69 millions d’euros pour MBDA, avec notamment la poursuite des programmes missiles anti-navire Exocet et anti-char MMP ;
– 11 millions d’euros pour Arquus, notamment pour des évolutions de véhicules blindés.

« Pour les petites et moyennes entreprises, plus de 300 millions d’euros de commandes ont été passées directement, par exemple auprès de SABENA Technics pour l’acquisition d’un avion banc d’essai de nouvelle génération, de CNIM pour la conception et la fabrication de chalands de débarquement pour la Marine Nationale, et d’Aura Aéro pour le développement d’un prototype de drone », ajoute le ministère qui annonce aussi que « le rythme des commandes doit s’accélérer d’ici la fin de l’année en vue de terminer l’exercice 2025 en conformité avec les termes de la Loi de programmation militaire 2024-2030. »

Le sénateur de Legge inquiet

Ces assurances et ces chiffres ne convainquent pas tout le monde.  Ainsi le sénateur Dominique de Legge, rapporteur de la commission des finances sur les crédits de la Défense, se demande qui raconte des « carabistouilles ».

Il avait déjà fait part de sa perplexité dans un Rapport d’information n° 615 (2024-2025), déposé le 14 mai 2025 et intitulé « Perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire« . Il y écrivait: « alors que le ministère des Armées manifeste une volonté forte de sanctuariser autant que possible l’intégralité des acquisitions capacitaires prévues en LPM, le besoin de financement subsistant s’est traduit essentiellement par une hausse du « report de charges » (à savoir les dépenses qui auraient dû être réglées dans l’année mais dont le paiement a été reporté). Concrètement, le ministère des armées achète donc davantage qu’il ne peut aujourd’hui payer. »

Depuis la diffusion de ce rapport, la situation ne s’est guère améliorée. On est même « au bout du bout », selon lui. Les commandes listées ci-dessus, « c’est de la poudre aux yeux. Si on les passe, on ne peut plus les payer », prévient le sénateur qui pourfend aussi les reports de charges: de 3,8 milliards en 2023 à 8,2 milliards d’euros actuellement (soit 24% du budget des Armées »). D’où la première de ses dix recommandations: « Recommandation n° 1 : Mettre fin à la tendance au report significatif de crédits de paiement d’année en année, en cohérence avec le principe d’annualité budgétaire (ministère des armées et ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) »

« Le roi est nu », résume amèrement l’élu breton qui regrette que le ministre des Armées n’ait peut-être pas « la bonne vision de ce qu’il se passe ».

Le ministère assure pour sa part que « le montant total de paiements entre janvier et juin 2025 pour le renforcement des capacités défense et d’innovation de défense s’élève à 12 milliards d’euros ; celui-ci est supérieur de près de 2 milliards d’euros à ceux enregistrés en 2023 et 2024 à la même période, et représente en six mois toute l’année de programmation militaire 2019, témoignant de la montée en puissance de la loi de programmation militaire. »

Philippe CHAPLEAU
Lignes de Défense
04 juillet 2025

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