L’article traite des violences survenues en Nouvelle-Calédonie, attisées par l’opposition à la loi sur le dégel du corps électoral et l’ingérence de puissances étrangères, notamment l’Azerbaïdjan et la Chine. Tandis que des groupes indépendantistes radicaux et des voyous canaques se sont rebellés, les accords avec Bakou visaient à affaiblir la France pour son soutien à l’Arménie. La Chine, quant à elle, poursuit discrètement ses intérêts stratégiques dans la région pour contrer l’influence américano-australienne dans le Pacifique.

Commentaire AASSDN : A travers la Nouvelle Calédonie, c’est la France qui est visée et les troubles qui s’y déroulent contribuent à affaiblir la puissance, la crédibilité et l’influence de la France dans le monde. Les DROM-COM constituent un atout stratégique majeur pour notre pays qui est ainsi présent sur tous les océans avec plus de 11 M km2 de zone économique exclusive (ZEE de 200 nautiques autour des côtes). En outre des installations militaires essentielles sont implantées sur les 120 000 km2 de territoire qu’ils représentent : bases navales, aériennes centre spatial et stations d’écoute et de surveillance. Les ingérences étrangères menacent donc directement notre intégrité territoriale et constituent une atteinte directe et grave à nos intérêts stratégiques. Elles exigent une réponse sans ambiguïté.

Les événements en Nouvelle-Calédonie étaient prévisibles. L’opposition à la loi sur le dégel du corps électoral s’était radicalisée, depuis des mois, dans une partie de la communauté canaque. Mal anticipée, l’émeute a bloqué le territoire à partir du 13 mai, jusqu’à l’arrivée des premiers renforts, le 18 mai. Malgré l’état d’urgence décrété le 16, la Nouvelle-Calédonie aura subi la violence la plus extrême pendant plusieurs jours (huit morts et près de 1 milliard d’euros de dégâts).  

Enkystés au sein de la communauté canaque, des indépendantistes radicaux et des groupes de voyous ont tenu tête à l’État, aidés en sous-main par des ingérences étrangères. Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, le précisait le 16 mai, sur France 2, en ciblant précisément l’Azerbaïdjan : « Ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité… une partie des indépendantistes calédoniens ont fait un deal avec ce pays. » Ce deal évoqué concerne des accords de coopération signés, en avril, entre le régime azerbaïdjanais et des responsables indépendantistes. 

Ces ingérences étrangères n’expliquent pas la montée aux extrêmes, tant les contentieux locaux sont nombreux, mais elles y ont contribué.

Ce n’est pas une nouveauté dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Voici quarante ans, l’Australie et la Nouvelle-Zélande soutenaient déjà le camp indépendantiste, pour chasser la France du Pacifique Sud. Cette fois, c’est l’Azerbaïdjan, situé à près de 14 000 km de Nouméa, sans aucun lien historique ou géopolitique avec la région. Le régime de Bakou agit par pur opportunisme, avec un but : tenter d’affaiblir la France pour la punir de son soutien à l’Arménie. Ses attaques informationnelles ont été repérées en 2022 par l’agence étatique française Viginum, chargée de surveiller internet. Elles ont commencé quand la France a dénoncé l’agression de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie. Elles ont redoublé d’intensité à l’automne 2023, après l’annonce d’une aide militaire française à l’État arménien.

Les relais d’influence de Bakou s’efforcent de coordonner l’action antifrançaise des « peuples opprimés par la France », qu’ils soient canaques, polynésiens, guyanais, martiniquais ou… corses. Aux petits soins pour des élus indépendantistes ou gauchistes complaisants ou naïfs, ils cherchent à amplifier le sentiment antifrançais à travers un généreux « programme de solidarité anticoloniale », financé par les ventes de gaz et de pétrole… à l’Union européenne.   

Dans ce jeu d’ingérences, l’Azerbaïdjan n’est pas le seul acteur. La Chine agit « derrière le rideau », plus discrètement, dans le cadre d’une stratégie de puissance de long terme.

Elle s’intéresse à la Nouvelle-Calédonie pour consolider ses intérêts économiques et géopolitiques dans le Pacifique Sud et se préparer à l’inévitable confrontation à venir avec les États-Unis. 

Pékin cherche à nouer toutes sortes de partenariats avec les États qui le souhaitent, des plus grands (Indonésie) aux plus petits, comme Nauru, le Vanuatu ou les îles Salomon. De nombreux pays sont devenus des éléments plus ou moins complaisants de l’immense « collier de perles » que les Chinois déploient, du Sri Lanka à la Papouasie. En renforçant ainsi leur présence, les Chinois entrent en concurrence directe avec les Américains et leurs grands alliés occidentaux de l’hémisphère sud, les Australiens et les Néo-Zélandais. 

La Chine bute sur la Nouvelle-Calédonie française. Pékin voit cet archipel comme une source potentielle de richesses, comportant environ des millions de km2 de zones de pêche (NDLR dont près de 1,5 Mkm2 de ZEE) et des gisements de nickel (l’île est le troisième producteur mondial, après l’Indonésie et les Philippines). Le « caillou » est aussi un important point d’appui stratégique dans le Pacifique Sud, le « porte-avions de la France », comme il le fut pour l’armée américaine durant la Seconde Guerre mondiale. Le port et l’aéroport de Nouméa intéressent la marine et l’aviation militaires chinoises, appelées à rayonner de plus en plus loin de leurs bases. 

En ajoutant le « caillou » calédonien à sa collection de « perles », les Chinois feraient un gain stratégique majeur.

Ils se retrouveraient au contact direct du vaste dispositif américano-australien qui verrouille quelques-unes des grandes routes maritimes mondiales, reliant notamment l’Amérique à ses deux grands alliés dans le Pacifique Nord, face à la Chine : le Japon et Taïwan.

Frédéric PONS
Chronique paru dans la Revue Conflits n°52
https://www.revueconflits.com

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