Servir son pays, donner le sang de ses enfants, pourquoi ? Le général Pierre Gillet (2S) revient sur la question du patriotisme soulevée par le chef d’état-major des armées fin novembre. Difficile de se préparer à la guerre sans aimer son pays, et si l’amour de la France est en berne, il ne se décrète pas.

L’intervention du chef d’état-major des armées (CEMA) fin novembre au congrès des maires de France et la décision du président Emmanuel Macron de rétablir un service militaire de dix mois au volontariat, ont indirectement ouvert le sujet du patriotisme.

Loin des basses manœuvres politiques et des déclarations chocs (inaudibles ?), la question du service de son pays reste majeure. Et pour y répondre, encore faut-il qu’il n’y ait pas de doute sur le bien-fondé de la cause à défendre, et des Français pour s’y engager corps et âme. Le
patriotisme ne sera jamais Moloch qui réclame le sang de ses enfants.

Entretenir la flamme

Que les Français aiment la France est la condition absolument nécessaire pour que celle-ci garde sa vitalité et son rayonnement. Les défis, économiques, anthropologiques, écologiques, numériques, migratoires qui se dressent sur notre route requièrent une grande énergie pour les surmonter. Allons droit au but : aimer son pays consiste à reconnaître ce qu’on lui doit, à participer à l’aventure commune et quand il le faut, à le défendre. La haine, le contraire de l’amour, nous détourne de notre pays, provoque de l’aversion, du dégoût. Elle est bien présente autour de nous. Malheureusement, si le patriotisme correspond à l’amour de son pays, pas besoin de longs développements pour montrer qu’il est en berne. Heureusement, les héros, si souvent anonymes, ne manquent pas autour de nous pour témoigner qu’une flamme brille dans les cœurs des hommes et des femmes de bonne volonté, à condition qu’elle soit entretenue. Comment l’entretenir ? Là est la grande question du patriotisme.

Une question de justice

“Patrie” convoque l’idée du père et “nation” celle de naissance. La première correspond à un héritage ; la seconde à un enracinement physique. Dans la première, rien n’empêche d’avoir des fils adoptifs. Par la naissance, nous ne choisissons pas notre pays et notre famille. Dans tous les cas, l’héritier, comme le fils naturel, reçoit le cadeau de la vie. Dans les deux cas, ce cadeau appelle la reconnaissance et la gratitude. D’une part, nous admettons que nous sommes ce que nous recevons ; qu’il s’agisse de notre culture, de notre religion, des valeurs et des connaissances. D’autre part, nous n’avons aucun moyen de mesurer justement ce que nous devons rendre à notre tour. L’amour filial de son pays n’est pas une vertu facultative mais une question de justice. Dans tous les cas, nous avons une attache personnelle avec notre pays (de naissance ou d’accueil) et avec notre famille. Sans elle nous devenons des apatrides, des déracinés qui se livrent au plus offrant, si souvent pour le pire ! 

Le combat de l’enracinement

“Tout cela est bien beau” diriez-vous avec raison. La réalité est plus sombre et l’amour ne se décrète pas. Les faits sont têtus et une certaine classe politique et intellectuelle se complaît à décrier et déconstruire la France. Un combat s’engage, celui de l’enracinement, thème cher à la philosophe Simone Weil. C’est un besoin de l’âme. Soyons offensifs avec un brin d’optimisme. Sur l’actuel champ de bataille spirituel, intellectuel, moral, les cœurs et les esprits sont prêts à entendre la vérité. Toutes les personnes investies dans la formation de notre jeunesse peuvent en témoigner.
À l’instar de cette période de l’Avent qui nous prépare à Noël, les temps sont mûrs pour rappeler les réalités de notre histoire, donner l’envie de servir, encourager les âmes de bonne volonté à mettre leurs bras, leur cœur, leurs tripes au service de leur pays. Ce n’est pas réservé à un petit groupe d’élus. Sur ce front, nous sommes tous des combattants de première ligne et c’est de la somme de nos efforts et de nos engagements (chacun selon ses charismes) que viendra le redressement. La foi du charbonnier qui fait face aux sermons incompréhensibles et aux injonctions déconnectées de la réalité des grands de ce monde ! Donnons raison à Charles Péguy lorsqu’il écrit à propos de la patrie : « Elle est cette portion de terre où une âme peut respirer et où un peuple ne meurt pas. »

Général (2s) Pierre Gillet
Aleteia
12 décembre 2025

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