Monsieur Roger WYBOT. Directeur de la Surveillance du Territoire, a bien voulu, à la suite de la “Mise au point” parue dans notre dernier Bulletin Spécial, nous écrire la lettre que nous publions ci-après in extenso.

Nous l’en remercions et nous lui savons tout particulièrement gré de s’associer à l’hommage que nous avons rendu à l’oeuvre anti-allemande des Bureaux M.A, mais nous devions sur quelques points apporter à nos Adhérents certaines précisions complémentaires.

Par courtoisie et camaraderie, nous avons tenu à les communiquer à M. WYBOT et, à l’occasion de la correspondance qu’il a engagée avec lui, le Président Paul PAILLOLE a résumé ainsi les raisons majeures de notre « réaction » :

….. Tout comme vous, je n’éprouve que de l’estime pour ceux qui ont voulu faire leur devoir de 1940 à 1944 – de quelque manière que ce soit. Dans les circonstances actuelles, il serait criminel de les opposer.

C’est, du reste, la raison essentielle pour laquelle je crois nécessaire de publier dans notre BULLETIN (dont la diffusion est limitée) nos diverses “mises au point”. Nos camarades verront ainsi qu’au-delà des ragots d’une certaine Presse, et des mauvaises légendes volontairement entretenues par des esprits sectaires et malveillants, il y a une Vérité qui rapproche les vrais Résistants et doit sceller aujourd’hui leur Union.

….. Si le ton général de notre rédaction vous donne l’impression d’être un peu amer, il faut sans doute en chercher la cause dans notre déception de constater, quinze ans après, l’altération systématique des faits et la mauvaise foi qui préside trop souvent à l’information d’une opinion ignorante et docile.

M. Roger WYBOT nous écrit :

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PARIS. Le 4 Mai 1956.

Mon cher X. . . .

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt, l’article publié sous le titre “Mise au point” du numéro spécial 1956 du bulletin de l’AMICALE et, bien que très bousculé en ce moment, je m’empresse de vous répondre aussitôt pour faire, à mon tour, quelques mises au point qui,d’ailleurs, je le pense, ne gêneront personne :

Douze ans de Directeur de la Surveillance du territoire m’ont appris à ne jamais redresser les erreurs de la presse, mais simplement à la poursuivre en diffamation quand elle dépasse les bornes – bien entendu, je n’assimile pas le Bulletin de notre AMICALE à un quelconque journal, et c’est pourquoi je lui réponds.

1°) – Tout d’abord, je suis entièrement d’accord sur le fond de votre article, et notamment sur le rôle anti-allemand, extrêmement efficace, joué par les Bureaux M.A. Je ne veux donc recti­fier que quelques points de détail.

2°)- M. LEONARD, chef de la B.S.T. de Marseille en 1941, était heureusement en congé lors de mon arrestation faisant suite à celle du Colonel FOURCAUD. Il n’a jamais occupé de poste à la Surveillance du Territoire sous ma direction.

3°) – Je ne connais pas personnellement le Colonel de BONNEVAL, mais je suis certain de son grand patriotisme et je puis témoigner que, lorsqu’il m’a reçu à Londres, en 1941, le Général de GAULLE, s’il ne m’a pas cité le nom du Colonel de BONNEVAL, m’a au moins cité le nom d’un autre Officier, chef d’un Bureau M.A., pour lequel il aurait beaucoup d’estime.

4°) – J’ignorais, jusqu’à ce jour, la démarche qu’avait faite auprès du Colonel d’ALES, le Colonel GROUSSARD. Voici, en ce qui me concerne, quelle est l’histoire: après la dissolution des Bureaux M.A. ,j’ai cherché, par mes propres moyens, à rejoindre l’Angleterre en compagnie de quatre autres camarades, et c’est presque par hasard que j’ai retrouvé le Colonel GROUSSARD, qui se préparait également à aller à Londres et qui m’a présenté à FOURCAUD.

A la demande du Colonel GROUSSARD, et surtout de FOURCAUD, nous avons consenti à abandonner momentanément notre projet de rejoindre Londres pour rester en France, tout en nous considérant comme militairement engagés dans les Forces Françaises Libres et devant exécuter les missions qui nous étaient confiées.

Pour ma part, on me conseilla de solliciter la fin de mon congé d’armistice et je fus affecté dans un groupe de D.C.A. de la région de MARSEILLE.

Je croyais savoir que j’avais été affecté, très peu de temps après, au Bureau M.A. à la demande du Colonel GRANIER, alors Chef d’Etat-Major de la 15ème Région Militaire, après la démarche qu’avait faite auprès de lui le Colonel GROUSSARD; mais j’ignorais que des contacts avaient eu lieu à l’échelon du Colonel d’ALES.

Je dois dire qu’à cette époque j’ai rencontré, au Bureau M.A., des Officiers animés du patriotisme le plus ardent, ce qui ne signifie pas forcément qu’ils étaient pour de GAULLE.

Cependant, deux officiers du Bureau M.A., le Capitaine BAGGIO, dont le beau-frère était Colonel aux Forces Françaises Libres, a su que j’avais des contacts avec Londres et le Capitaine ROLAND qui, lui-même, a déjeuné en ma compagnie et en la compagnie de FOURCAUD qu’il n’a d’ailleurs connu, avant mon arrestation, que sous le nom de LUCAS.

Je ne savais pas, jusqu’à ce jour que d’autres Officiers du Bureau M.A., sauf peut-être GEORGES-HENRY qui n’était pas directement rattaché au Bureau M.A. mais au Service de PAILLOLE, avaient connaissance, en 1941, des contacts directs que j’avais avec LONDRES.

Je dois d’ailleurs signaler, à propos du service PAILLOLE sur lequel je reviendrai tout à l’heure, que, bien que j’aie fort peu connu son activité, car c’était vraiment un service secret, le peu que j’en ai connu m’a rempli d’admiration et a peut-être été l’origine de ma vocation actuelle. En tout cas, l’admiration que je lui portais et que je ne cherchais pas à cacher, m’a valu de sérieux désagréments à mon arrivée à LONDRES.

5°) – Si je fus bien interpellé le 28 août 1941, en même temps que FOURCAUD, à la Gare Saint-Charles à Marseille, je ne fus heureusement arrêté que le lendemain, ce qui m’a tout de même donné un peu plus d’une nuit pour prendre quelques précautions.

Si je n’ignore pas qu’effectivement les Services de la Surveillance du territoire de l’époque obtinrent beaucoup trop de renseignements dans l’interrogatoire d’un résistant, j’ignore encore, malgré les enquêtes que ,j’ai menées sur ce point, tant à Londres qu’à Paris, comment les Services de la Surveillance du Territoire étaient en possession, lorsqu’ils ont interrogé FOURCAUD et moi-même, d’une partie du courrier qui aurait du partir à la lune précédente, au cours d’une opération aérienne mais qui,finalement, avait été acheminé par les Pyrénées.

Je vous serais très reconnaissant, mon cher X .. qui savez tant de choses que j’ignore, de bien vouloir me le confier simplement à titre historique, un jour, au cours d’une conversation privée.

Dès qu’il a connu la prochaine arrestation du Lieutenant WARIN, le colonel d’ALES s’est d’abord proposé de venir lui-même à MARSEILLE, puis demanda effectivement à PAILLOLE de suivre la question.

Je ne doute pas un seul instant que PAILLOLE avait, non seulement la mission, mais encore l’intention de limiter les dégâts et qu’il s’y est vraisemblablement pris de la manière la plus habile; mais je dois dire que, sur le moment, son attitude m’a beaucoup déconcerté, comme elle a d’ailleurs déconcerté le Capitaine ROLAND.

C’est le commissaire P… qui m’interrogea alors. Il commença par me dire que je pouvais bien lui déclarer tout ce que je voulais, car il ne connaissait rien à l’affaire; et si les questions du commissaire divisionnaire LINAS, venu spécialement de VICHY, ne m’embarrassèrent jamais tant elles montraient une ignorance fondamentale du sujet, je dois dire que j’ai passé l’un des plus mauvais moments de mon existence lorsque PAILLOLE est venu me poser lui-même des questions d’une telle pertinence que j’ai été vraiment fort embarrassé.

7°) – Je croyais savoir que j’avais été libéré à la suite d’une intervention très énergique du Capitaine JONGLEZ de LIGNE auprès du Général commandant la Région – j’ajoute que, dans une conversation qu’il eut avec moi, après cette libération, le Capitaine JONGLEZ de LIGNE, sans cependant manifester son accord avec ses entreprises, me fit comprendre la connaissance que la Surveillance du Territoire avait du réseau et quelques-unes des charges qui pouvaient être retenues contre moi.

Quelques jours après, PAILLOLE me confirmait effectivement au grand ébahissement du Capitaine ROLAND, que la proposition qu’il m’avait faite, peut-être un mois auparavant, d’aller occuper un poste T.R. à Paris tenait toujours, car, en zone occupée, les intérêts des Bureaux M.A. et des Services pour lesquels je travaillais se confondaient.

J’ajoute que je n’ai dû à ma bonne étoile et à la suspicion qui pesa sur moi à Londres après que j’aie déclaré mon admiration pour les services de PAILLOLE et qu’on m’empêcha, en conséquence, de retourner en France, de ne pas tomber dans la gueule du loup, car j’ai appris depuis, hélas ! que les Allemands avaient un bon agent dans ce poste que j’aurais du rejoindre.

Je précise également qu’à cette époque, je fus reçu à VICHY par le Colonel d’ALES qui me fit très amicalement remarquer que, s’il admettait parfaitement des contacts très poussés avec les Anglais et avec les Américains, il n’était pas tout à fait d’accord sur des contacts avec les Gaullistes et qu’il avait bien l’impression que, sur ce point, j’avais dépassé les bornes.

Il ne me demanda d’ailleurs pas d’explication et confirma la proposition qui m’était faite d’occuper un poste T.R. à Paris. Je différais ma réponse à un mois, sous le prétexte d’aller voir préalablement moi-même la situation à Paris; mais, en réalité, pour aller chercher des instructions à LONDRES.

J’avais d’ailleurs, au même moment, essayé de solliciter l’appui et les conseils du Colonel RONIN, dont je savais qu’il était en liaison avec le Colonel GROUSSARD, avant l’arrestation de ce dernier. Le Colonel RONIN, qui était, à cette époque, très surveillé lui-même, m’a sans doute pris pour un provocateur et m’a proprement flanqué à la porte.

J’ai revu effectivement PAILLOLE en Août 1943 (je crois que c’est Août et non Avril) à Alger. J’avais toujours la même admiration pour lui (que j’ai toujours d’ailleurs). Nous avons eu à l’époque une conversation aussi amicale que le permettait la différence de grade qui existait entre nous. Mais je ne me souviens pas d’avoir songé à m’excuser d’être parti à LONDRES sans lui en avoir, au préalable, rendu compte. Je me rappelle simplement qu’il a été question, à ce moment-là, d’une espèce de rapprochement entre le B.C.R.A. et les Services de PAILLOLE dans lequel je devais jouer un rôle relativement important, puisque j’avais appartenu aux deux Maisons, rôle que j’aurais rempli de grand coeur car il me semblait nécessaire de réconcilier, au plus tôt, des Services qui poursuivaient le même objectif avec la même efficacité.

J’ajoute que l’arrestation de FOURCAUD, lors d’un contact qu’il avait avec moi, et l’admiration naïve et réelle que je manifestais pour le travail des Bureaux M.A.. et le Service T.R. en particulier, m’ont valu les pires ennuis, d’abord avec les Anglais lors de mon passage en Espagne. Puis, toujours avec eux, lors de mon arrivée à Londres – enfin. avec les Services du S.R. gaulliste. qui n’étaient pas encore à l’époque le B.C.R.A.. Une première fois lors de mon arrivée à Londres et une deuxième fois, un an plus tard, quand FOURCAUD y revint. Je ne pense pas, mon cher X … que ces précisions soient de nature à gêner qui que ce soit. En tous cas, elles sont pour moi strictement conformes à ce que je crois être la vérité, et je serais très heureux, si je me suis trompé sur quelques points, que vous me le déclariez, à votre choix, en public ou en privé.

Ignorant votre identité. je ne puis malheureusement mettre la traditionnelle formule de politesse qui risquerait de ne pas s’adapter à la sympathie que j’ai peut-être pour vous ou à la considération que je vous dois peut-être. Signé: Roger WIBOT.

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Un pur trouve toujours un plus pur qui l’épure !!

Il est aussi injuste de mettre en cause – ou de rendre responsable ­ le SSM/TR tout entier ( ou les B.M.A.) en s’appuyant sur des fautes ou des erreurs individuelles, que d’accabler le réseau de police AJAX ( par exemple) pour des fautes ou des erreurs individuelles commises par des fonctionnaires de la Sûreté Nationale.

SSM-TR. précise :

Paragraphe 4.­

Les affectations dans les Bureaux des Menées Antinationales (M.A.) échappaient aux Généraux Commandant les Divisions Territoriales de l’Armée de l’Armistice. Elles étaient toutes prononcées par le Chef du Service M.A. (Colonel d’ALES).

M. WYBOT a cité le nom du Colonel GRANIER Chef d’E.M. de la 15ème Division Militaire à Marseille. Il nous est agréable de saisir cette occasion pour souligner une fois de plus l’efficacité de l’action dynamique de ce grand Français et de le remercier ici de l’aide inlassable qu’il apporta aux Bureaux M.A. et au Service TR dans leur lutte contre l’ennemi.

Ce n’est rien enlever à ses mérites que de ne point lui attribuer l’affectation aux B.M.A. de Marseille du lieutenant WARIN.

Paragraphe 5.­

Il nous paraît nécessaire,avant de poursuivre le commentaire de la réponse de M. WYBOT, de faire quelques observations indispensables à la bonne compréhension de la situation des B.M.A. en France de 1940 à 1942 et de l’atmosphère particulier dans lequel évoluait l’affaire évoquée :

a)- si l’état de siège avait été maintenu après l’Armistice en France dite “libre”, l’autorité civile – en l’occurrence le Ministre de l’Intérieur, avait néanmoins recouvré la plénitude de ses attributions et la totalité des pouvoirs de police – C’est du reste cette action qui fut à la base du procès et de la condamnation à mort de Pu… à Alger.

La Surveillance du Territoire, dont la mission répressive en matière de Sûreté Intérieure et extérieure de l’État échappait à la responsabilité des B.M.A., avait été placée au début de 1941 par DARLAN (successeur de LAVAL) sous les ordres d’un marin, le Commandant ROLLIN. Cette nomination devait accentuer “le caractère impartial” (sic) de cette mission répressive et permettre à la police du C.E. d’échapper totalement à “l’empire du 2ème Bureau fâcheusement confiné dans une attitude anti-­allemande et favorable aux alliés” (resic).

En conséquence, toutes les affaires dites “d’Initiative” de la Surveillance du Territoire, susceptibles de suites judiciaires étaient directement passées pour attribution à la Justice répressive. Il fallait une action persévérante, et parfois véhémente, des chefs des B.M.A. pour faire admettre que la Surveil­lance du Territoire (dont la plupart des fonctionnaires étaient de magnifiques patriotes) devait informer les B.M.A. de tout ce qui était susceptible de suites judiciaires en matière de C.E. Dans certains cas, satisfaction ne fut donnée aux B.M.A. qu’avec réticence, et la plupart des enquêtes faites à l’encontre de services alliés ou gaullistes ne furent connues des B.M.A. qu’après le dépôt des procédures entre les mains souveraines des juges d’instruction.

b)- L’affaire GROUSSARD-FOURCAUD, dans laquelle fut impliqué le Lieutenant WARIN – alias WYBOT – représente le type de ces affaires “d’initiative” réalisées par la Surveillance du Territoire sous l’impulsion du Commandant R…. Elle se complique du fait que les autorités policières crurent avoir, grâce à elle, la possibilité de pénétrer les secrets des Services Spéciaux Militaires (B.M.A. – S.R. – T.R.) et en apportant la preuve de leur collusion avec “Londres” d’obtenir leur dissolution, et l’arrestation de leurs chefs.

L’arrestation du Colonel GROUSSARD, ami des chefs des Services Spéciaux Militaires, la découverte à cette occasion de plusieurs documents compromettant pour des Officiers ou agents de ces Services, les arrestations antérieures de certains de leurs agents, étaient les éléments de base de cette suspicion.

L’arrestation de FOURCAUD en compagnie d’un Officier des B.M.A. (WARIN) ne pouvait qu’étayer et renforcer cette suspicion.

c)- En fait l’affaire GROUSSARD-FOURCAUD-WARIN, etc.. provoqua beaucoup d’agitations pour des résultats que le Service M.A. n’a pas toujours bien compris.

– Les Services Spéciaux Militaires se tirèrent de ce mauvais pas.. pour un temps.. (ils furent dissous et leurs chefs limogés moins d’un an après).

– WARIN fut libéré avant même d’avoir été déféré à la justice.

– ROLLIN, le chef d’orchestre incontesté de la “répression” filait.. en Angleterre en 1943, où malgré l’opposition du SSM/TR, il vécut très confortablement et en liberté jusqu’à la fin de la guerre. Il avait été enlevé par pick-up.. “en raison des services rendus à la Résistance” ..

Mais revenons plus précisément à la lettre de M. WYBOT :

Nous confirmons donc que FOURCAUD fut arrêté à Marseille à la seule initiative de la Surveillance du Territoire, à l’insu des Bureaux M.A. et du Service TR qu’il s’agissait de confondre à cette occasion.

M. WYBOT nous demande de lui exposer, en privé, les conditions dans lesquelles les Services de Surveillance du Territoire furent mis en possession d’une partie d’un courrier destiné à Londres et que la découverte de l’affaire GROUSSARD avait empêché d’être enlevé par avion (“pick-up”). Nous préférons exposer publiquement ce que nous savons.

Le courrier en question était recherché par le Commandant ROLLIN avec au moins autant d’obstination que FOURCAUD lui-même. Il pensait sans doute y trouver, entre autres choses intéressantes, les preuves des contacts avec “Londres” de certains Officiers du S.R. ou du T.R. Par un de ces hasards miraculeux – qui sont la Providence des bons policiers – ce courrier fut imprudemment confié pour franchir la frontière espagnole à un indicateur de la Surveillance du Territoire, trafiquant notoire, agent triple ou quadruple, dont nous révèlerons le nom si M. WYBOT le juge utile. Le Commandant R. en fut avisé. Le Service M.A. aussi.. Il ne restait plus à celui-ci qu’à “court-circuiter” le dit – courrier qui s’apprêtait à rejoindre Vichy, à “l’épurer”, et à remettre ostensiblement à R. ce qui en restait. Ainsi fut fait.

Paragraphes 6. et 7. ).­

Nous avons demandé à notre Président de dire lui-même ce qu’il pense des considérations développées par M. WYBOT dans ces paragraphes. Nous laissons la parole à l’ancien Chef du SSM/TR.

….. Je crois me souvenir que j’étais furieux de l’imprudence commise par le Lieutenant WARIN, qui, sachant notre position difficile et les conséquences graves de l’affaire GROUSSARD, n’avait cependant pas cru nécessaire de nous demander conseil et de prendre des précautions supplémentaires en rencontrant FOURCAUD. Il est possible aussi que, décidé à le faire mettre hors de cause, je n’ai tout de même pas voulu lui donner l’impression que nous étions exagérément naïfs. Peut être est-ce pour cela que j’ai fait passer à WARIN ce qu’il appelle “un mauvais moment” ? Il m’en excusera en mesurant les risques que courraient nos Services et l’effort qu’il nous fallait maintenir pour les préserver.

Par contre, si le Commissaire LINAS ne l’a jamais “embarrassé” au cours de ses brefs interrogatoires, c’est qu’il avait été convenu formellement entre nous qu’il ne lui poserait aucune question sur le fond d’une affaire qu’il connaissait mieux que WARIN et moi. Le Bulletin Spécial 1956 a parfaitement donné les raisons de cette attitude correcte de M. LINAS.

J’avais grande estime pour l’intelligence, le patriotisme et le cran de WARIN. J’insistai donc auprès de lui pour qu’il travaille dans le Service T.R. à Paris. Je suis étonné que M.WYBOT fasse maintenant allusion à un danger qui pouvait le menacer en la personne d’un agent ennemi introduit dans le Poste qu’il devait rejoindre.

Certes, et je ne le lui avais pas caché à l’époque, il s’agissait de remplacer un Officier T.R. qui fut arrêté par l’ennemi en novembre 1941, et dont nous avons eu par la suite quelques raisons de nous méfier. Mais les précautions à prendre étaient sans doute élémentaires, et le camarade qui, faute de l’acceptation de WARIN-WYBOT, se rendit à Paris à sa place, se porte, aujourd’hui, fort bien.

Ce que M. WYBOT appelle “la méfiance” du Général RONIN à son égard, a probablement pour origine les raisons qu’en donne M. WYBOT lui-même dans sa lettre du 4 Mai.

Le Général avait tort. Son attitude pourtant s’expliquait par des considérations qu’il développa souvent devant moi, en s’appuyant parfois sur les surprenants rebondissements et les curieuses conclusions de l’affaire à laquelle WARIN avait été mêlé.

Un fait est certain: RONIN, l’un des premiers Résistants de France, Soldat sans peur et sans reproche, aurait été la première victime de la répression policière et du Commandant R., sans la discipline de travail qu’il s’imposait, sans cet ascendant qu’il exerçait sur tous ceux qui l’approchaient, sans cette hautaine désinvolture avec laquelle il franchissait tous les obstacles.

Je suis navré de la série d’ennuis qu’a pu valoir à M. WARIN-WYBOT son admiration pour nos Services, admiration qu’il extériorisait auprès des Anglais avec peut-être trop de générosité. Je suis persuadé que s’il s’était ouvert à moi de son intention de rejoindre Londres, il y eut reçu auprès de nos Alliés l’accueil chaleureux que j’y ai reçu moi-même, et qu’y ont reçu d’autres camarades de notre “Maison”.

Quoiqu’il en soit, et ce sera ma conclusion, je retiens de la lettre de M. WYBOT le passage où il montre “de quel coeur il eut servi le rapprochement entre deux Maisons (B.C.R.A. et SSM/TR) qui poursuivaient le même objectif avec la même efficacité”.

Aujourd’hui, plus que jamais, les “cloisons” doivent être abattues. La Vérité historique ne peut que servir l’estime réciproque et l’Union des français de bonne foi.

Malheur à ceux qui ne comprennent pas encore que les querelles de clochers sont dépassées, et que l’orgueil personnel doit s’effacer devant l’intérêt général.

La lettre de M. WYBOT ne gênait effectivement personne au SSM/TR. Par ailleurs, le Directeur de la Surveillance du Territoire nous a donné son accord, le 24 Mai, sur le texte qu’on vient de lire.

En ce qui nous concerne, nous considérons l’incident comme définitivement clos.

Maintenant, il faut le dire !

Les premiers contacts établis par le TR. avec LONDRES et la ” FRANCE LIBRE ” .

Les diverses “mises au point” publiées dans notre premier NUMERO SPECIAL de 1956 et le présent BULLETIN, ont eu pour origine un article paru dans “France-Dimanche” donnant sur les B.M.A. des informations inexactes.

Nous savons que les précisions ainsi accumulées sur nos activités ont été et seront passionnément commentées.

Nous savons aussi que certains “détracteurs” de nos Services persistent à semer le doute sur l’efficacité, voire l’utilité de certains de nos réseaux.

Nous sommes résolus à lever “progressivement” et “pudiquement” quelques parties du voile afin de révéler, avec le tact et la discrétion indispensables, ce que nous devons tous savoir, et ce que les “détracteurs” , professionnels du mensonge et spécialistes de la “cravate”-, continueront sans doute (même devant l’évidence) à ignorer.

Ce qui va suivre doit renseigner nos lecteurs sur les conditions dans lesquelles nos services de C.E. et T.R. en particulier ont démarré en Z.O. (Région parisienne), et comment ces services ont établi des contacts directs avec la “France Libre” et Londres.

Le récit est extrait du compte-rendu d’un collaborateur de TR 112 dont nous ne pouvons révéler l’identité et que nous désignerons par l’indicatif 112 bis.

Il sera suivi d’autres récits, tout aussi historiques..

Ceci n’est donc qu’un point de départ choisi en raison de certaines circonstances particulières, de temps, de lieu et de personnes.

———–

” A partir de Juillet-Août 194O, plusieurs postes T.R. travaillent à PARIS avec des missions précises mais indépendantes les unes des autres. Les uns dépendent directement de la Direction T.R. Un autre dépend de T.R.113, enfin un autre dépend de T.R. 112 : il s’agit de 112 bis qui nous donne ci-après quelques indications sur les débuts de son travail..

Les premiers pas du 112 bis, à PARIS

Aussitôt après l’armistice, la plupart des H.C. parisiens, en majorité amis personnels des membres du SERVICE, comprennent notre position et nous aident de tout leur coeur. Ils forment le noyau de notre implantation en Z.O.

Vers la fin de l’année 1940. Il devient cependant difficile d’en accroître le nombre. En effet, des groupes de résistance se forment spontanément et les chefs recherchent une liaison directe avec Londres. La plupart ne peuvent l’obtenir. Ils veulent avant tout (nous ne parlons pas, bien entendu, des coteries politiques qui se rallièrent par la suite à la Résistance) des armes et des instructions.

Leur impatience conduira l’E.M.A. et le SSM/TR à la formation des G.A.D. (Groupes Auto Défense) sous la direction du Commandant LAMBERT en Mars 1941.

Cependant, sauf dans la Région du Nord où 112 bis n’a qu’une implantation sommaire, la plupart de ces groupes nous font confiance et acceptent de ne recevoir leurs instructions que de nous. Nous faisons valoir pour cela :

– notre ligne d’action commune; travailler contre l’ennemi pour obtenir sa défaite militaire.

– empêcher la désagrégation morale du pays.

Nous demandons essentiellement à ces groupes amis :

– de collecter des renseignements S.R. et C.E. et d’accepter nos plans de recherches à ce sujet.

– de placer des agents dans les divers services spéciaux ennemis et groupes de collaboration et de nous rendre compte des contacts ainsi établis.

– de nous fournir à l’occasion des “boîtes aux lettres”, des “couvertures” et d’effectuer certaines liaisons.

En échange, nous garantissons que tous les renseignements intéressants, servant l’effort de guerre, parviendront à Londres (Ils auront d’ailleurs la réponse à leurs messages). Nous commençons à fournir des armes individuelles.

A chaque instant, au début de 1941, nous tombons sur des groupes “gaullistes” “soupçonneux” à notre égard. Certains nous laisseront “tomber” quand ils auront la liaison directe avec Londres: c’est le cas du groupe de Granville (donné par G., dirigé par le professeur d’anglais au collège de Granville).

D’autres accepteront le “modus vivendi” de la liaison avec Londres par notre intermédiaire : Organisations RIPOCHE-PASCAL “Maintenir”, “Petit Train d’Anjou”, etc…..

Enfin, nous aurons des sortes de “contrats spéciaux” avec des agents F.F.L. venus d’Angleterre. Ainsi deux émissaires bien connus de la France Libre, REMY et St-JACQUES, ont fait leurs premiers pas grâce à nous et nous ont parfois apporté les moyens complémentaires, matériels et financiers, qui pouvaient nous faire défaut.

LE CAS REMY (Alias GILBERT RENAUD)

Le cas REMY, alias Gilbert RENAUD, est un exemple frappant de ce genre d’activité.

En Septembre 1940, un groupe se constitue à Saumur autour de l’infatigable M. MADELIN (Pétroles Desmarais) que nous avait amené Me HOUDAILLE, son beau-frère, avocat à Paris.

MADELIN avait vainement cherché une liaison avec le Général de GAULLE. Il accepte de travailler pour nous avec enthousiasme.

Aidé par la Croix-Rouge de Saumur, il met sur pied une filière pour faire passer en zone libre les prisonniers de Saumur. Il recrute ensuite des agents S.R. qui identifient les éléments ennemis stationnés dans la région.

Grâce au dévoué EPRINCHARD, Commissaire de Police à Saumur, un petit réseau C.E. est créé de toutes pièces. M. ANCELIN, Procureur de la République, en est la cheville ouvrière.

D’autre part, un “ancien” du service. M. MILLIAT, Sous-Préfet. nous donne tout son appui: il recevra le premier poste radio envoyé par l’antenne C.E. de Limoges dans les premiers jours de 1941.

Lorsque Gilbert RENAUD, envoyé de Londres, annonce à son parent (le photographe DECKER) son arrivée à Saumur, nous sommes aussitôt prévenus (DECKER fait partie du groupe MADELIN) et on nous demande des instructions. Nous en demandons au chef du T.R.

Sur ordre du Colonel PAILLOLE, contact doit être pris avec REMY, de manière à lui faciliter sa mission au mieux.

MADELIN conduit donc REMY à Paris pour le présenter à Marcel THOMAS, secrétaire du chef du poste T.R. 112 bis. C’est le début d’une excellente collaboration qui ne finira qu’avec l’arrestation de cer­tains éléments du 112 bis. En échange des services rendus, Gilbert RENAUD remet des fonds et des moyens matériels (radio) importants qui facilitent considérablement la tâche de T.R. Les courriers du “Petit Train d’Anjou” et de “Maintenir” passeront souvent par cette voie. REMY relate dans ses Mémoires certains épisodes de sa collaboration avec THOMAS-VAUTRIN (Il ignorait qu’il appartenait au C.E. français) en particulier celui où, ayant oublié un jour de rendre à temps à THOMAS des plans fournis par un agent de pénétration, ce dernier fut obligé de brûler la bicoque qui lui servait de bureau.

LE CAS DUCLOS (Alias SAINT-JACQUES)

Parachuté par Londres en zone libre aux environs de Périgueux, Maurice DUCLOS, dit St-JACQUES, se brise une jambe à l’atterrissage. Il est soigné à l’hôpital, se lie d’amitié avec nos Services { RIGAUD, de BONNEVAL, etc…..) et accepte de travailler avec eux.

Nous “organiserons” son évasion .. qu’il racontera à LONDRES, cet TR 112 bis échangera avec lui chaque semaine son courrier.

En son absence, son cousin VISSEAUX le remplace.

P.C. = Bureaux place Vendôme (agents de change DUCLOS & Cie). Les échanges auront lieu jusqu’à la fin de l’année 1941.

LE CAS DE L’ ORGANISATION RlPOCHE (PARIS)

Fin 1940, RIPOCHE Maurice (Fours électriques RIPOCHE, rue de la Santé), PASCAL et X.. (S.N.C.F.) créent une organisation (Libération) divisée en cellules correspondant aux divers quartiers de PARIS et de banlieue. Ils n’ont encore pas réussi à prendre liaison avec LONDRES lorsque nous nous mettons en rapport avec eux.

Après des débuts réticents, RIPOCHE et PASCAL recevant de LONDRES les réponses à leurs messages, ont la preuve de l’efficacité de nos liaisons. Les premières livraisons d’armes effacent les derniers soupçons et le courrier hebdomadaire devient de plus en plus abondant. Bientôt, il faudra, pour ce courrier, engager une secrétaire et placer dans l’organisation un agent de liaison permanent: M. DUFOUR de LETTRE.

Beaucoup d’agents opèrent en province (St-Nazaire – Châlons). Le courrier est concentré soit au siège de l’ Électricité de France, soit chez M. RIPOCHE (dans les bûches de la cheminée, truquées à cet effet). Après le tri opéré chez DUFOUR de LETTRE, ils sont tapés en double exemplaires: un pour TR 112, un pour le courrier de LONDRES.

Quelques agents de C.E. intéressants sont pris complètement en compte par TR 112. D’autres servent de “boîte aux lettres”, ainsi Maurice NORD, propriétaire d’un café-hôtel, 43 avenue d’Orléans, chez qui nous ferons “loger” des suspects pour les fouiller tout à loisir.

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