…. Le 25 juin 1940, autour du monument aux morts de Bon-Encontre, les personnels du 2 bis se recueillent longuement. De sa voix sourde le colonel Rivet, le patron, parle. Il trace le devoir de chacun : lutter contre l’envahisseur. Tous en font le serment.

Voici ce qu’en a écrit le colonel Paillole (1)

« …. Rivet nous rejoint le 21 juin vers 20 heures à Bazas. Abattu, il décrit l’atmosphère déprimante de Bordeaux où se sont repliés le Président de la République et le gouvernement

….- N’attendez pas plus de quarante-huit heures ici. Les conditions d’armistice seront très dures. Je crains que vous soyez dans la zone que va occuper la Wehrmacht. – S’il n’y a aucune possibilité de nous embarquer à Bordeaux pour gagner l’Afrique, nous essaierons Port-Vendres, Marseille ou Toulon. Sinon nous n’aurons pas d’autre solution que de poursuivre clandestinement notre combat.

Le lendemain 22 juin 1940, à 18 heures, l’armistice est signé avec les Allemands. Il sera effectif après la conclusion de l’armistice en cours de discussion avec les Italiens. La clause dissolvant nos services est confirmée. Un silence de mort règne dans notre cantonnement.

Dans un bureau voisin soudain s’élève une voix : … « L’honneur, le bon sens, l’intérêt de la Patrie commandent à tous les Français libres de continuer le combat, là où ils seront et comme ils pourront … » C’est de Gaulle qui de Londres exprime et endurcit notre résolution prise la veille à Bazas : continuer là où nous serons et comme nous pourrons.

– Rejoignez-moi demain au petit séminaire de Bon-Encontre, à la sortie d’Agen vers Moissac, nous enjoint Rivet. …. Nous arrivons au petit séminaire le 23 juin vers 13 heures. …. Le 25 juin 1940, l’armistice est signé avec l’Italie. Pétain parle aux Français : le drame est consommé.

Autour du monument aux morts de Bon-Encontre, nous nous recueillons longuement. De sa voix sourde Rivet nous parle. Il trace le devoir de chacun : lutter contre l’envahisseur. Nous en faisons le serment. … Il faut faire vite. Dans le réfectoire du séminaire de Bon-Encontre, nos visages encore bouleversés par la cérémonie au monument aux morts, traduisent l’humiliation et la révolte.

Rivet reprend la parole. – Notre destin ne s’arrête pas là. Tirée de l’anesthésie par la brutalité du drame, la France perçoit dans sa chute le début d’un règlement de comptes. C’est l’heure du redressement. Un calcul trop savant, l’obsession du schéma (2) ou une étourderie inespérée ont laissé au vaincu du moment une portion de territoire, avec l’Afrique française et un noyau d’armée.

A qui fera-t-on croire que cette armée d’armistice se résignera plus docilement à la honte que la Reichswehr en 1918 ? Nous écoutons en silence ces mots qui traduisent ce que nous ressentons.

Rivet poursuit : – Soyez sûrs que cette armée offrira à la dissidence de nos Services de renseignements et de contre-espionnage la couverture et l’appui qu’en d’autres temps la Reichswehr a donnés au Nachrichtendienst. Ceux qui comme nous peuvent se battre ne doivent pas attendre. Notre action doit se poursuivre, invisible et secrète. Aucune autre attitude n’est concevable.

Quelques semaines plus tard

…. « … Rivet nous rassure : – La position de Weygand est claire : la guerre continue. L’armistice n’est qu’une suspension d’armes. Il m’a dit textuellement :« Quoi qu’il puisse advenir, la ligne de conduite de vos services, comme celle de l’Armée, implique que l’Allemagne doit être traitée en ennemie et l’Angleterre en alliée. »

…. Il (le colonel Schlesser) m’écoute décrire notre retraite et les méthodes offensives de l’Abwehr.

– C’est nous qui devions faire cela ! Nous avons déclaré la guerre sans savoir ni vouloir la faire. Pour aller au secours de la Pologne, nous sommes restés sur place !

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