Le Sahel en guerre : regret et chaos après le départ de l’armée française

Commentaire AASSDN : Il a fallu peu de temps pour que la situation sécuritaire des 3 pays du Sahel se dégrade après le départ des forces françaises.
Une compréhension erronée de la situation politique par nos dirigeants et une opération de désinformation menée contre la France par la Russie – en réponse au soutien apporté par la France à l’Ukraine – ont conduit au départ des 5 000 membres de nos forces armées qui y étaient déployées sur cette zone de près de 3 millions de km2 (plus de 5 fois la France) après y avoir perdu 58 des leurs.

La situation actuelle au Sahel risque de se dégrader encore davantage en raison de l’incapacité de la Russie à combattre efficacement les mouvements d’opposition islamistes ou soutenus par eux, et des nouveaux dirigeants  à trouver une solution aux volontés autonomistes de la zone nord.

La France doit regarder l’Afrique sans préjugé idéologique et repenser sa stratégie générale au Sahel. Cela passe sans doute par une redéfinition de ses priorités en fonction de ses intérêts stratégiques de long terme.

Militairement en perdition, le Mali, le Niger et le Burkina Faso commencent à regretter d’avoir exigé le départ de l’armée française…

Au Mali, au Niger et au Burkina Faso, l’on est désormais loin de l’enthousiasme des manifestations « spontanées » durant lesquelles, dans l’oubli de ce que l’armée française avait fait pour ces pays, le drapeau français était brûlé et le drapeau russe brandi. Certains reconnaissent même, et de plus en plus ouvertement, qu’à l’époque de Barkhane, les GAT (Groupes armés terroristes) ne faisaient pas la loi. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Depuis le départ des forces françaises consécutif aux putschs militaires au Mali (2020 et 2021), au Burkina Faso (deux en 2022) et au Niger (2023), en dépit de l’intervention russe, les attaques et les embuscades contre les forces de sécurité sont désormais quotidiennes. Au Burkina Faso et au Mali, les armées locales étant en perdition, la situation est même hors contrôle.

Au Mali, les paramilitaires russes de l’Africa Corps – anciennement Groupe Wagner -, accueillis hier en libérateurs, n’ont jusqu’à présent fait la preuve que de leur piètre valeur militaire. Ils ont même subi une humiliante et sanglante défaite les 25-27 juillet 2024 à Tinzaouaten, près de la frontière algérienne où, face aux Touareg, ils ont en effet laissé sur le terrain au moins 50 morts, deux prisonniers, ainsi que tout leur équipement (véhicules, armes, moyens de transmission etc.). Quant à l’armée malienne, les FAMA, ses pertes se comptèrent en plusieurs dizaines de morts. De plus, les mercenaires russes qui ne sont donc pas, pour le moment du moins, le joker de la junte malienne, sont régulièrement accusés de massacrer les populations, comme à Moura,  au mois de mars 2022, où 500 civils furent tués.

Le plus inquiétant pour « l’Alliance des États du Sahel » regroupant les juntes militaires du Mali, du Niger et du Burkina Faso, est que l’armée malienne et ses encadreurs russes se voient peu à peu quasiment encerclés dans Bamako. Se profile en effet le scénario catastrophe d’une conquête de la capitale par le chef touareg ifora Iyad Ag Ghali. L’homme avec lequel, et comme je n’ai cessé de le dire depuis 2013, il était nécessaire de discuter puisque, et qu’on le veuille ou non, il est à la fois la cause et la solution du problème du nord du Mali. La question de la région des « Trois frontières » est différente car ce ne sont pas les Touareg qui y sont à la manœuvre, mais les Peul. Toujours cette question ethnique engerbant toutes les autres, mais que les décideurs français ont obstinément refusé de prendre en compte car, selon les « africanistes » du CNRS et de Science Po qui les ont « formatés », les ethnies africaines sont des fantasmes « coloniaux » !!!

Le Mali va-t-il donc sombrer ? Les évènements récents pourraient le laisser penser. En effet, le 17 septembre 2024, la capitale Bamako a subi une double attaque coordonnée qui a permis au Gsim (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans), une coalition dirigée par Iyad Ag Ghali, de prendre d’assaut deux sites éloignés l’un de l’autre d’une dizaine de kilomètres, à savoir l’école de gendarmerie et l’aéroport. Si aucun bilan officiel n’a été donné par les autorités maliennes, le nombre des victimes dépasse probablement la centaine. Plusieurs mercenaires russes ont également perdu la vie, eux dont la mission primordiale était pourtant de sécuriser Bamako et son aéroport…

En réalité, le Gsim et ses alliés sont en train d’encercler peu à peu la capitale malienne, dans un double mouvement d’étranglement. Au nord, ils étendent leur tache d’huile en repoussant peu-à-peu les FAMA, détruisant systématiquement leurs positions militaires et effaçant ainsi la très fragile « légitimité » de la junte au pouvoir. Quant à l’assaut sur Bamako, il pourrait se faire à partir de la Guinée, l’armée malienne ayant récemment perdu plusieurs positions stratégiques sur la route y menant après avoir retraité en panique, abandonnant tout son armement aux assaillants.

Bernard LUGAN
Afrique réelle
https://bernardlugan.blogspot.com/