L’autonomie de la Corse, archétype de la fausse bonne idée
Par le général (2S) Michel Franceschi, natif et résident de l’île.
L’autonomie de la Corse est à l’ordre du jour mouvementé du gouvernement, sans que l’on se soit assuré au préalable de l’onction de la communauté insulaire qu’impose cette mutation institutionnelle. Ce projet s’apparente ainsi à une privatisation politique de la Corse, au profit d’intérêts particuliers à l’affût. A cet égard, deux associations insulaires, confortées par la magistrature judiciaire, ont eu le courage de brandir le spectre d’une maffia insulaire menaçant la démocratie locale. Non, la Corse n’a nullement vocation à devenir une république bananière !
La question corse est en fait une cause nationale car toutes les régions aspirent aujourd’hui à des degrés divers à l’exercice de plus larges responsabilités locales. La solution globale du problème réside dans un indispensable aggiornamento de l’architecture administrative du pays, fondé sur une pleine application du principe de subsidiarité.
Grand chantier à vocation prioritaire, cette vigoureuse relance de la décentralisation du pays permettra l’épanouissement des particularismes régionaux sans empiétement sur la pouvoir régalien, ni mise en danger de la vitale unité de la France, que ruinerait la perspective d’une décentralisation à la carte. D’autres régions ne frappent-elles pas déjà à la porte ? Non, la France n’a pas vocation à devenir une auberge espagnole ! Les nouvelles compétences régionales ainsi accordées seraient comparables à celles du statut actuel de la Corse, remettant ainsi le pays sur la voie du rétablissement de l’unité constitutionnelle malmenée.
Fondamentalement, l’originalité insulaire de la Corse n’est qu’une donnée géographique sans prédétermination de son statut politique qui ne dépend que du seul libre choix de sa population. Toute comparaison tentante avec d’autres îles méditerranéennes est historiquement irrecevable. La Corse est devenue française à part entière par décret de l’Assemblée Constituante du 30 novembre 1789, adopté à l’unanimité et dans l’enthousiasme à la demande des députés corses. Cette francité plus que bicentenaire de l’île a reçu une sublime confirmation avec le serment de Bastia de 1939, prêté par les Corses en réponse aux ambitions annexionnistes de Mussolini. On peut toujours le lire sur une plaque de marbre sur le boulevard Paoli à Bastia: « Face au monde, de toute notre âme, sur nos gloires, sur nos tombes, sur nos berceaux, nous jurons de vivre et de mourir Français ». Français à part entière s’entend! Aussi, avant d’envisager tout changement institutionnel, il importe de s’assurer de la validité actuelle du serment de Bastia par une consultation directe de la communauté insulaire d’aujourd’hui, à placer devant ses responsabilités et non devant un fait accompli.
N’éludons pas le côté gribouille de l’autonomie. Le droit à la différence appelle inéluctablement une différence des droits. Avec l’autonomie, la solidarité nationale dont la Corse a un besoin vital viendrait à s’effriter sérieusement, voire à disparaître. Habitants de la plus pauvre région de France, les Insulaires couperaient ainsi eux-mêmes la branche sur laquelle ils sont assis. En tout état de cause, l’insularité de la Corse, de surcroît montagne dans la mer, engendre un handicap multiformes, notamment économique, que ne compense pas sa beauté naturelle. Cette pénalisante inégalité appelle un pacte de solidarité nationale traitant tous les aspects de la question et pas seulement une continuité territoriale à l’enveloppe financière manifestement insuffisante. Il appartiendra en fin de compte au Parlement d’en décider. Il faut espérer que dans sa sagesse il rejettera ce projet, funeste non seulement pour la Corse mais aussi pour la France entière.