IG FARBEN L’espionnage economique et commercial : les “Zefis”

Dans les archives américaines, un document inédit, daté du 26 juillet 1946 a permis, grâce à Bernard Towell, alias ” Holland “, de la branche X-2 (contre-espionnage), d’établir, à l’intention du Département d’État, la liste du réseau d’espionnage économique mondial organisé par IG-Farben avant la guerre, réseau qui a fonctionné jusqu’en 1945, et peut-être au-delà (dossier L4-9567).

Quatre départements de l’IG-Farben camouflaient dans leur personnel des ” Zéfis “, appellation donnée à des hommes de confiance postés dans tous les bureaux étrangers de la firme, uniquement chargés d’espionnage économique et commercial.

C’est Hermann Schmitz, homme de confiance du Haut État-major allemand qui, dès 1928, a entrepris cette implantation. Ami intime de Martin Bormann jusqu’en 1945, il chargea son associé à la direction de l’IG-Farben, Max Ilgner, de remplir son rôle de gestionnaire du réseau en 1940, tandis que lui-même s’occupait spécifiquement de le greffer sur l’organisation secrète de Bormann, à partir de 1943.

Max Ilgner avait pour adjoints Walter Bachem, Wilhelm Helmerking et Emil de Haas (spécialement chargé de l’implantation en Chine) qui était secrétaire de la Karl Schurz Association, basée aux États-Unis.

Cette association, en apparence américaine, créa ensuite une filiale en Allemagne. Le parti nazi ne la contrôlait pas, mais l’infiltra à partir de 1936.

Les renseignements des Zéfis étaient transmis par courriers spéciaux à l’organisme de ” Vowi ” (initiales de ” Économie du Peuple “) contrôlé par Hermann Schmitz, qui se chargeait de les répercuter aux bureaux des Ministère des Affaires Étrangères et à l’organisation à l’étranger du parti nazi.

Les notes les plus confidentielles étaient réservées à H. Schacht, le grand financier du Reich jusqu’en hiver 1939 (remplacé ensuite par W. Funk) et à Martin Bormann.

Tout Zéfi itinérant devait rendre compte de ses contacts, conversation et remarques, etc… Les listes en notre possession, valables jusqu’en 1945, couvrent une vingtaine de pays sur tous les continents.

En France, un certain W. P… était un Zéfi. Son frère Mario exerçait en Italie en tant que journaliste. En Suisse, M. F… ; en Inde, K… et Karl K… ; en Norvège, F…, puis F…, etc… Aux États-Unis, c’est le groupe Chemnyko, sous la supervision de Walter Duisberg (dont l’auteur a connu la famille après la guerre en Allemagne) et de Rudold Ilgner, frère de Max, qui manipulait plusieurs Zéfis, ou hommes de confiance. Rudolf avait réussi à se faire naturaliser américain à la veille de la guerre de 1939.

Max Ilgner, arrêté en 1945, a été interrogé par Holland (Towell) et a dénoncé sans trop de pressions, l’industriel B… qui, près de Berlin, avait camouflé chez lui d’importants dossiers, puis un certain H…, directeur de l’Économie nationale, qui cachait chez lui en Haute-Bavière, d’autres documents.

L’enquête a conduit ensuite à des dossiers dissimulés dans la mine ” Theodor “, à Dillingen puis à Mademoiselle F…, à Würzburg-Neue Velt, Leulfresserweg.

Ces documents ont été mis sous le coude parce qu’Ilgner révélait en 1945 que des transactions illégales, menées grâce aux Zéfis, étaient passées par la National City Bank et l’Internationale Acceptance Bank, où Paul Warburg avait son mot à dire.

A la veille de la capitulation de l’Allemagne, Ilgner et Schmitz ont fait déposer sur des comptes secrets de quoi payer trois mois de salaires à tous les Zéfis, qu’ils fussent revenus en Allemagne ou encore en poste à l’étranger. Ce budget, d’une valeur de 600 millions de marks en 1944, était réparti dans seize banques. Cette note est tirée de l’annexe d’un ouvrage à paraître de Pierre de Villemarest qui, dans ses archives, possède la liste complète et nominative des ” Zéfis ” à l’échelle mondiale, datée du printemps 1945, juste avant la défaite du Reich.

On en déduit que l’inventeur de l’espionnage économique systématique, à ce degré, est bien Hermann Schmitz qui possédait alors autant d’actions de la Standard Oil of New Jersey que David Rockefeller, son patron. Mort en 1969 à 79 ans, Schmitz avait comparu en 1948 devant les tribunaux de Nuremberg, qui l’avaient condamné à 4 ans de prison ; mais il fut libéré quelques mois après. Nombre de ses amis et associés étaient conseillers d’Adenauer …

L’organisation secrète de Bormann dont il est question dans cette note – annexe, s’appelait ” Hacke “, et a fonctionné jusqu’en 1948.