A la mémoire du Colonel d’Artillerie René TRAMIER…

Mon destin a croisé celui du Colonel Tramier. Commandant la Subdivision Militaire d’Annecy, rue de l’Intendance, en janvier 1944, où après diverses péripéties, sous couvert d’un emploi de planton, j’attendais avec son accord le moment opportun de rejoindre le maquis des Glières, alors en cours de structuration.

Ce projet devait être irrémédiablement compromis le 28 janvier 1944.

A cette date, le bâtiment de la Subdivision Militaire était inopinément investi, à l’aube, part la Wehrmacht, occupante de la caserne du 27e BCA voisine du bâtiment de l’Intendance.

Je fus moi-même arrêté ce jour-là sous l’inculpation d’attentat contre les troupes d’occupation. Le Colonel Tramier fut arrêté le 7 février 1944 par la Gestapo.

C’est grâce à son intervention que je dois d’avoir eu la vie sauve. Lui­même est mort en déportation.

C’est à sa mémoire que je souhaite rendre hommage en retraçant sa car­rière militaire que j’ai pu reconstituer grâce au Service Historique de l’Armée de terre.

R.G. GRIVEL-DELILLAZ
Membre de l’ASSDN

Biographie

Né le 22 janvier 1894 à Briançon, René, Emile, Victor Tramier s’engage le 12 avril 1912 pour trois ans, au titre du 48e Régiment d’Artillerie de Campagne.

C’est avec son Régiment qu’il prend part à la guerre contre l’Allemagne, qui est déclarée le 4 août 1914.

Il était alors Maréchal des Logis.

Engagé sur tous les fronts, il y fait la preuve des plus belles qualités ” de cou­rage et d’énergie “, qualités qui lui valurent sa nomination au grade de Sous­Lieutenant le 3 février 1917, ainsi que trois citations, en 1915, 1916 et 1918

Voici le texte de la dernière de ces citations, datée du 15 juillet 1918

” Excellent officier, modèle de bravoure et de calme. Dans la nuit du 14 au 15 juillet 1918, sa batterie étant violemment bombardée, a su, par son attitude et son courage, maintenir tout son personnel aux postes de combat, assurant ainsi la continuité parfaite du tir “.

Nommé Lieutenant le 3 février 1919, il est affecté à cette date au 32e RA, puis, détaché comme instructeur à l’École d’Application de l’Artillerie, du le7 octobre 1923 au 2 octobre 1926, date à laquelle il est muté au 19e RAD.

Nommé Capitaine le 25 septembre 1927, il est promu Chef d’Escadron le 24 mars 1936 et affecté au 93e RA.

Le 2 septembre 1939 (à la veille de la déclaration de guerre), il prend le com­mandement du Se groupe du 293e RAM.

Le 9 octobre 1939, il est mis à la disposition du Général, commandant l’Inspection Générale de l’Artillerie, pour assurer les cours d’artillerie au camp de Mailly.

Le 14 février 1940, il rejoint le 10 le RAL. Affecté dans un premier temps au les groupe, il prend le commandement du Régiment le 14 mars 1940.

Le texte de la citation à l’ordre de l’Armée en date du 9 juin 1941, signée par le Général Huntziger, Commandant en Chef des Forces Terrestres, Secrétaire d’État à la Guerre, rend témoignage du comportement exemplaire du Chef d’Escadron René Tramier, à la tête de son Régiment jusqu’au 25 juin 1940, date de la signature de l’Armistice

” Officier supérieur, courageux et énergique. A obtenu de son régiment un rendement remarquable dans la région des boucles de l’Escaut en mai 1940, puis sur la Somme et sur la Nonette en juin. S’est dépensé en particulier sans comp­ter, au cours de la bataille de la Somme, contribuant largement, grâce à l’esprit de sacrifice de son 2e groupe, à arrêter pendant 48 heures la progression de l’en­nemi, lui détruisant de nombreux engins blindés. Pris sous le feu de l’aviation de bombardement et encerclé par des chars ennemis, dans son poste de commande­ment de Fresnay-les-Roye, pendant toute la journée du 5 juin, a continué à diri­ger par radio, avec maîtrise, l’action de ses groupes, ne se repliant que sur ordre, au cours de la nuit du 5 au 6 juin. Engagé à nouveau à plusieurs reprises, pendant la retraite, dans des circonstances périlleuses, a parfaitement rempli les missions qui lui étaient confiées. A réussi à ramener au complet le matériel de deux de ses groupes “.

Il était titulaire de la Croix de Guerre depuis le 29 juin 1940.

Le 10 juin 1940, il est affecté à l’État-major du département de la Corrèze, à Brive.

Le 15 novembre 1940, l’Armée d’Armistice est créée, ” forte en métropole de 350 000 hommes dont 12 640 artilleurs servant presque uniquement le canon de 75, modèle 1897 ” (source Henri Amouroux, dans son ouvrage La grande his­toire des Français sous l’Occupation).

Promu au grade de Lieutenant-Colonel le 2 avril 1941, René Tramier est affecté au 24e RA à Tarbes.

Rayé des contrôles du Régiment le 2 juin 1941, il bénéficie d’une permission renouvelable du ler décembre 1942 au 28 février 1943.

 

Placé en congé d’armistice à la date du ler mars 1943, il est promu au grade de Colonel le 28 septembre 1943.

Rappelé à l’activité le ler octobre 1943, il est nommé au commandement de la Subdivision Militaire d’Annecy.

C’est dans ce poste qu’il est arrêté, ainsi que son Chef d’État-major, le Commandant Pierre Rolandey, le 28 janvier 1944, lors de leur prise de service, dans les locaux de la Subdivision Militaire, rue de l’Intendance.

Tous deux sont relâchés, sous la condition d’avoir à se présenter au siège de la Gestapo annécienne le 7 février 1944. C’est à cette date qu’ils furent mis en état d’arrestation.

Dès lors, leur destin était définitivement scellé.

Ce fut en effet, pour eux, le Fort Montluc à Lyon, la prison de Fresnes, les camps de Buchenwald, Dora et. Ellrich (le bagne des bagnes), où mourut le Colonel Tramier le 7 janvier 1945.

Quant au Commandant Rolandey, il fait partie d’un convoi qui, devant l’avance des armées alliées, évacue les malades du camp d’Ellrich, à destination du camp de Nordhausen.

On apprendra, lors du procès de Nuremberg, que les ” SS ” avaient achevé, avant d’arriver au camp de Nordhausen, les déportés du convoi les plus faibles.

On pense que c’est ainsi qu’est mort Pierre Rolandey, dysentérique, parvenu au bout de ses forces, le 5 mars 1945.

J’ai su par la suite, par son fils, que le Commandant Rolandey était membre d’un réseau de renseignements de l’AS (le réseau Bruno-Kléber) et qu’il avait été victime d’une dénonciation, ce qui avait motivé l’intervention des troupes alle­mandes, le 28 janvier 1944.

Je suppose que le Colonel Tramier, qui était son supérieur hiérarchique, n’était pas sans connaître les activités de son subordonné, activités auxquelles sans doute lui-même était mêlé, comme d’ailleurs l’ensemble du personnel de la Subdivision, ce qui, aux yeux des Allemands, étant amplement justifié pour moti­ver également son arrestation.

Tel fut le destin du Colonel d’Artillerie René Tramier, engagé pour trois ans, en 1912, à l’âge de 18 ans au 48e RAC, héros des deux derniers conflits mon­diaux, qui ont ensanglanté le XXe siècle. Colonel en 1943, il meurt en déporta­tion le 7 janvier 1945, à l’âge de 51 ans.

Titulaire des Croix de Guerre 14/18 et 39/45, il avait été fait Chevalier de la Légion d’honneur le 29 décembre 1932 et promu au grade d’Officier, le 15 mai 1944.

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