Histoire : L’Algérie du président Tebboune

AASSDN : Désinformation
Libre opinion de Bernard LUGAN
Mot-clef : Histoire France-Algérie
Dans la guerre mémorielle qu’il mène contre la France, le « Système » algérien aux abois vient de franchir un niveau supplémentaire dans le mensonge. Le président Abdelmajid Tebboune a en effet osé déclarer publiquement dans les médias d’Etat que, de 1830 à 1962, la France avait tué 5 millions d’Algériens, soit 3,5 millions avant 1954, et 1,5 million de 1954 à 1962, durant la guerre d’indépendance. Avant de réfuter par le détail ces propos aussi mensongers qu’irresponsables, il est nécessaire de rappeler deux choses au président Tebboune :
– En 1830, quand la France débarqua à Alger, la colonie turque était un désert humain à peine peuplé d’un peu plus d’un million d’habitants, chiffre s’expliquant par la totale absence de médecine, d’où l’effarante mortalité, notamment infantile et post-natale.
– En 1961, les Algériens étaient 11 628 883, soit dix fois plus…
Dans ces conditions, où le président Tebboune est-il allé chercher le chiffre de cinq millions d’Algériens tués par la France ? Dans cette mise au point, la réfutation chiffrée des propos insensés du président Tebboune se fera en deux parties, à savoir la période 1830-1954, et la période 1954-1962.
1) La population algérienne de 1830 à 1954
L’Algérie turque était un désert humain en raison de l’inexistence des mesures d’hygiène et de l’absence totale de médecine. Les médecins y étant inconnus, les « soins » y étaient donnés par les soigneurs des bains maures. Quant aux accouchements, ils étaient réalisés par des matrones, les gablat.
Dès le mois d’août 1830, le Service de santé des Armées ouvrit ses premiers centres destinés à la population civile. Puis, en 1853 furent créés les Médecins de colonisation qui, dès les années 1860, œuvrèrent dans 60 circonscriptions. Ces dernières atteignirent le nombre de 112 en 1940, ce qui fit qu’à partir de cette année, 64% de la population eut accès à un médecin et à des vaccinations gratuites, le tout payé par la France.
Ces médecins éradiquèrent le typhus, firent reculer le paludisme, combattirent la syphilis le terrible mrid el kebir, et le trachome. Ils vaccinèrent contre la tuberculose, la rougeole, la coqueluche puis la poliomyélite. En 1962 existait un hôpital universitaire de 2 000 lits à Alger, trois grands hôpitaux de chefs-lieux à Alger, Oran et Constantine, 14 hôpitaux spécialisés et 112 hôpitaux polyvalents, soit le chiffre exceptionnel d’un lit pour 300 habitants. Résultat de cette colossale œuvre sanitaire, la population algérienne de souche passa d’un peu plus d’1 million d’âmes en 1830, à 11 628 883 en 1961. Nous sommes donc loin des fantasmes génocidaires du président Tebboune…
Les principales étapes de cette explosion démographique due à la France ont bien été identifiées à la progression du maillage sanitaire. Ainsi, en 1851 le premier recensement donne 2.4 millions habitants. Celui de 1880 entre 3,5 et 3,8 millions d’habitants, une progression d’autant plus spectaculaire que la décennie 1866‑1876 connut une succession d’épidémies diverses, de sécheresses et d’invasions de sauterelles détruisant les récoltes et provoquant la famine, le tout entraînant une surmortalité importante.
Vingt ans plus tard, en 1900, en dépit de la décennie noire des années 1866-1876, la population musulmane dépassa les 4 millions, ce qui faisait qu’elle avait doublé depuis le recensement de 1851. Puis, ce chiffre explosa littéralement puisqu’en 1961, l’on comptait quasiment 11,7 millions d’Algériens de souche, plus de dix fois plus qu’en 1830…
2) 1954-1962 ou le mythe du 1,5 million de morts
Passé maître dans le brouillard des chiffres, le régime algérien est ancré sur une affirmation aussi artificielle que celle des 3,5 millions de morts causés par la France entre 1830 et 1954. C’est celui du bilan de la guerre de 1954-1962 qui aurait fait 1,5 million de morts, soit plus d’un dixième de la population algérienne de souche.
Disons immédiatement que dans ses propos, le président Tebboune mélange deux mots, « moudjahid », qui désigne un combattant ayant participé directement à la guerre d’indépendance de 1954-1962, et « chahid » (martyr), un terme qui inclut toutes les victimes, combattantes ou civiles. Avant de nous lancer dans l’indécente estimation macabre imposée ces chiffres, il est utile de préciser que cette inflation du nombre des morts s’explique parce que la « légitimité » du « Système » repose sur sa propre version de la guerre d’indépendance. Or, celle-ci étant ancrée sur le mythe d’un peuple unanimement dressé contre le colonisateur, il fallait donc faire coïncider ce postulat idéologique à la démographie.
Le chiffre officiel de 1,5 million avancé par l’ONM (Office National des Moudjahidine) et le président Tebboune ne résiste pas à la critique historique. En effet, en 1961, les Algériens de souche étaient 11 969 451, dont 50% de femmes, soit environ 5 984 725 mâles, dont au minimum 50% de mineurs, ce qui donnerait une population mâle adulte d’environ 3 millions. Pour que le chiffre de 1,5 million de morts ait un début de vérification, il faudrait donc que ces 3 millions dans leur totalité aient pris les armes contre la France …et que 50% d’entre eux aient trouvé la mort. Des chiffres qui feraient passer les combats de Verdun ou de Stalingrad pour des promenades de santé…
Intéressons-nous au nombre de moudjahidines au moment du cessez-le-feu du mois de mars 1962, ce qui va permettre de mesure l’énormité du mensonge algérien. Pour le connaître, nous disposons des sources algériennes et des sources françaises.
La source algérienne la plus fiable est celle de Ben Youcef Benkhedda qui fut le dernier président du GPRA (Gouvernement provisoire de la république algérienne). Dans son livre paru en 1997 (L’Algérie à l’indépendance, la crise de 1962), il donne le chiffre de 65.000 combattants à la date du cessez-le-feu de mars 1962, à savoir :
– Les maquis de l’intérieur : 35 000 combattants, dont 7 000 pour la wilaya I, 5 000 pour la II, 6 000 pour la III, 12 000 pour la IV, 4 000 pour la V et 1 000 pour la VI.
– L’ALN, l’armée des frontières, réfugiée en Tunisie et au Maroc, un peu plus de 30 000 hommes.
Les sources françaises sont très proches de celles du GPRA puisqu’elles donnent le chiffre d’environ 50.000 combattants. Selon le 2° Bureau français, le nombre de maquisards de l’intérieur était en effet de 20 000 en 1958 et au mois de mars 1962, à la signature des accords d’Évian, les combattants nationalistes de l’intérieur étaient estimés à 15 200. Quant à ceux et ceux de l’extérieur, à savoir l’ALN, ils étaient de 32 000 dont 22 000 en Tunisie et 10 000 au Maroc.
Le mythe d’un peuple unanimement dressé contre le colonisateur connaît donc de sérieuses lézardes car nous sommes loin des 3 millions de combattants dressés contre la France. D’autant plus que les Algériens servant dans l’armée française, semblent avoir été plus nombreux que les moudjahidines…
En effet, au mois de janvier 1961, alors que le processus menant à l’indépendance était clairement engagé, 307 146 Algériens servaient alors dans l’armée française, soit 10% de tous les Algériens mâles adultes, contre environ 65 000 moudjahidines, autrement dit moins de 3% de toute la population mâle algérienne.
Or, le chiffre de 307 146 est incontestable car l’historien dispose des registres précis concernant la situation exacte de chacun de ces hommes (matricule, pensions, blessures, temps de service, affectations, armes perçues etc.), Nous connaissons donc bien le profil de ces Algériens qui combattaient dans ou aux côtés de l’armée française, à savoir :
– 60 432 appelés pour le service militaire
– 27 714 engagés volontaires dans la « Régulière » (tirailleurs, spahis, parachutistes etc.)
– 213 700 harkis dont 63.000 directement intégrés au sein des unités combattantes.
– 700 officiers dont 250 appelés
– 4 600 sous-officiers
Même et à supposer que les 60 432 appelés étaient des « malgré-nous », ce qui n’était semble-t-il pas le cas puisque les désertions n’affectèrent qu’un faible pourcentage de ces hommes, il resterait encore 240 000 volontaires, soit, dans tous les cas, au moins trois fois plus que les 65 000 moudjahidines.
Les chiffres détaillés des pertes permettent également de montrer que l’ONM et le président Tebboune racontent n’importe quoi. Pour mémoire, il est nécessaire de bien préciser que les combattants indépendantistes tués par l’armée française faisaient l’objet d’un décompte précis et d’une recherche en identification très régulièrement effectuée par la gendarmerie, ce qui permet de donner des chiffres précis, à savoir 143 500 morts pour l’ALN et 24 614 pour les pertes françaises – dont 7 917 par accident et 1114 par maladie-, soit 15 583 au combat.
Si nous additionnons les 65 000 maquisards de 1961 et les 143 500 combattants indépendantistes morts au combat, nous aboutissons à 208 500 combattants pour un « réservoir » potentiel de 3 millions d’hommes, loin donc d’un peuple unanimement levé contre la France.
D’ailleurs, en 2008, Noureddine Aït Hamouda, fils du colonel Amirouche Aït Hamouda, chef emblématique du maquis kabyle de la willaya III tué au combat le 29 mars 1959, a réduit à néant le mythe du 1,5 million de morts, un chiffre totalement fantaisiste selon lui, mais qui permet de justifier le nombre exponentiel des ayants droit, notamment celui des veuves et des orphelins. Selon Noureddine Aït Hamouda, les 3/4 des porteurs de la carte de moudjahidine et d’ayants droit, sont en effet des faux et des imposteurs. Quant à l’ancien ministre algérien Abdeslam Ali Rachidi, il ne craignit pas de déclarer que « tout le monde sait que 90% des anciens combattants, les moudjahidines, sont des faux » (El Watan, 12 décembre 2015).
Pour la réfutation des mensonges de la propagande algérienne, on lira mon livre « Algérie, l’histoire à l’endroit. Les 10 grandes controverses de l’histoire »
Bernard LUGAN
L’Afrique réelle