Article paru dans le Bulletin N° 3 – octobre 1954

 par le Général Louis RIVET,Président d’Honneur, fondateur

Un jour d’après-guerre, le vieux Chef d’un vieux S.R. promenait ses songes dans les débris du passé. Il en fut tiré par des rumeurs étranges où il perçut nettement qu’on mettait en cause ce que le S.R. et le C.E. avaient fait. Il se fâcha, et rédigea d’une traite une réponse vengeresse à l’imposture.
A peine eut-il terminé qu’il en éprouva le regret ; il avait dépassé les bornes où s’arrête ce que l’on peut dire, et où commence ce que l’on doit taire. Il remit son arme au fourreau et rangea son factum, non sans avoir conclu qu’il était loin d’avoir tout dit. Et cette conclusion trahissait le débat intérieur qui arrêtait son élan. La voici dans sa brièveté, sibylline et feutrée, donnant très peu et retenant beaucoup ….

“Périlleuse tentative que de vouloir parler ou écrire aux frontières de nos secrets nationaux.
Et pourtant, il fallait bien le (1) placer sous l’angle du réel. Depuis trop longtemps on en discutait sur le mail, à tort et à travers, au point qu’un certain jour des Barbares, qui en avaient ouï parler, entreprirent de le dénuder, de le disséquer, in anima vili, comme des carabins. C’est qu’ils oubliaient que des mains pures l’avaient, il y a longtemps, tiré de la chair française et construit peu à peu, depuis lors, à la mesure de nos besoins.
Les besoins étaient grands à l’aube de ce siècle, quand les défis perçaient les lointains rougeoyants, au même point cardinal. Qui pouvait nier qu’on se battrait encore plus âprement, jusqu’à épuisement? Mais on ne se battrait plus dans la nuit. Les anciens l’avaient juré, le soir même où s’écroula l’Empire et commença la remontée. Serment sacré, imprescriptible, vieux aujourd’hui de trois générations.

Et vinrent les tragédies. Deux fois le ciel s’embrasa. Deux fois, dès les préliminaires, la France connut son agresseur. Pouvait-on éviter qu’au deuxième coup la France chancelât ? Qu’à l’arrière on s’interroge.
Mais le lecteur est frustré, nous le sentons bien. Car il manque au récit l’acte dissimulé, pétri d’angoisse humaine et de sourdes fiertés, semé d’accidents et parfois d’aventures, par quoi s’accomplit l’exaltante mission. Mais l’artisan viril d’une pure oeuvre d’art livra-t-il jamais aux curiosités de l’homme le secret de son effort ?

Le vrai de l’éternelle guerre du S.R. ne se raconte pas.

Zélateurs ou détracteurs, s’il en est, croyez-nous, ne tentez pas de pénétrer dans l’enceinte; on n’y fait que peiner pour le bien de la France, “sans espoir de duchés ni de dotations”. Les morts ? Ici, chapeau bas. Nous n’en parlerons pas. Avides de silence, ils ont leur ciel à eux, serein et reposant. En un point seulement, ils requièrent le souvenir des hommes : comme Maître MOSER en son codicille, les pères ont exigé des fils qu’ils viennent sur leur tombe pour dire ;”Nous sommes à notre Poste, aux confins de la France, nous veillons”. Et c’est tout.

Serviteurs effacés ? Obscurs chapelains de la gloire ? Si l’on veut, Héros ? non (2). Ils eurent sur le choix des mots des exigences hautaines. C’est piété des vivants que de les respecter,
Suivez-nous donc bien, lecteur, toute déception surmontée où vous plongèrent nos réticences. Comprenez bien qu’à visiter de fond en comble ces ruches enténébrées où chacun tient son rôle, l’exécutant comme l’animateur, où l’on ruse en français mais droitement l’on pense, où…

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