Par le Colonel ALLEMAND
( Conférence faite le 18 mai 1985 à Compiègne )
LES RESULTATS
I/, Au point de vue S.R.
Dans ce domaine, les résultats sont fonction de 4 opérations :
1 – rechercher le renseignement
2 – le trouver
3 – le transmettre
4- y faire croire (par le commandement), cette dernière opération, essentiellement psychologique, étant parfois la plus difficile.
Il n’est pas étonnant qu’il y ait eu des « loupés », voire des « bavures » provenant du « ratage » d’une de ces opérations.
– Ainsi l’offensive allemande du chemin des Dames de mai 1918, détectée par deux agents. Le premier, la connaissant depuis près d’une semaine, mais n’en appréciant pas toute l’importance, ne se pressa pas pour transmettre l’information. Elle ne fut livrée à l’officier traitant que la veille au soir. Le second, un Alsacien (très « bleu, blanc, rouge » d’après son officier traitant, le Commandant Andlauer) avait été incorporé dans l’armée allemande en 1914. Blessé, il fut versé au service des alcools du G.Q.G., place idéale pour renseigner, notamment, sur les intentions de l’ennemi ; il avait comme agent de liaison sa maîtresse qui apportait les renseignements à un pharmacien de BALE, rue Meyer, boîte aux lettres du poste S.R. de BELFORT. Or, quand notre agent eut connaissance du renseignement relatif au chemin des Dames, sa « Dame » recevait son mari arrivé en permission. Malheureux hasard… grandeurs… et servitudes d’un S.R.
– Notons, à propos de VERDUN, que Ladoux, dès janvier 1916 harcela, littéralement, le commandement au sujet des concentrations allemandes qui avaient été repérées au nord et à l’est de cette place forte ; en vain. Il en avisa le Colonel Driant qui toucha le gouvernement. Ladoux, sans relâche, en parlait au P.C. de Joffre à Chantilly où, régulièrement, il lui était répondu : « Laissez tomber cette histoire ! vos papiers, à ce sujet, sont mis régulièrement au panier. »
– Réaction analogue au sujet d’un renseignement concernant l’attaque allemande devant aboutir au désastre de Caporetto. Ladoux avait eu ce renseignement d’une informatrice italienne épouse d’un banquier allemand : il en informa le G.Q.G. qui croyait qu’il s’agissait de concentrations contre 1′ armée d’Orient. Il en avisa le Ministre Painleve, puis, de guerre lasse, en saisit l’attaché militaire italien à Paris qui parvint à toucher le généralissime italien Cadorna ; celui-ci déclara qu’une telle entreprise était « hors de la logique ». On connaît la suite…
– Rappelons l’histoire du « Vengeur » annonçant le projet d’invasion allemande de la Belgique. En 1914, notre haut commandement ignorait probablement ce renseignement parce que non « passé en consigne », et aussi parce que « manquant de logique »…
Dans l’ensemble, le bilan S.R. fut positif. En 1914, bien qu’on ait accusé le S.R. français d’avoir commis des erreurs sur l’appréciation quantitative globale de l’armée allemande, il avait dénombré les grandes unités allemandes et dressé un ordre de bataille sérieux.
Par la suite, il continua à renseigner, surtout, sur les mouvements des grandes unités et l’évolution du matériel ennemi ; son honneur y était engagé. Quatre ans durant, il tailla des croupières à l’adversaire mettant à son actif des succès importants dont nous donnons ci-après quelques exemples :
– Au moment critique de la Marne, le S.R. apprend le prélèvement de 2 corps d’armée allemands en Alsace décidé par le Haut Commandement adverse en vue de leur transfert sur le front de l’…