Par le colonel Paul Paillole

Pour répondre à la question d’Olalainty et donner quelques explications sur les raisons de notre présence à Bordeaux, je voudrais évoquer divers aspects de nos activités dans ce S.O. de la France occupée.

On peut considérer trois phases — juillet 1940 à décembre 1940 : notre action dans cette phase la plus critique du conflit; — décembre 1940 à fin 1943 : c’est le développement de nos moyens de défense; — fin 1943 à août 1944 : c’est la préparation de la libération du territoire.

La première phase est de loin la plus dramatique et la plus incertaine sur l’issue de la guerre. La Grande-Bretagne supporte seule, tout le poids de la guerre. Deux terribles menaces pèsent sur elle : — l’une immédiate, le débarquement de la Wehrmacht en Angleterre; — l’autre à court terme, l’asphyxie de l’Empire par la saisie de ses voies de communication, l’occupation de Gibraltar et de Suez.

A cet instant décisif nos Services Spéciaux sont les seuls en mesure d’aider l’I.S. dans la recherche et la connaissance des projets de l’ennemi. Depuis des années nous l’observons, nous le connaissons. Nos techniciens sont rompus dans l’art de s’introduire chez lui. Juillet 1940 : nous venons de ressaisir nos moyens de recherche dispersés par la débâcle de juin. Nos liaisons avec l’I.S. sont rétablies.

Depuis 1937 nos services installés à Toulouse et Bayonne couvrent les Pyrénées et l’Espagne. Desjardins et Germain pour le S.R., d’Hoffelize pour le C.E. Lorsque l’Abwehr s’installe à Bordeaux il est déjà pénétré.

Son chef Rumpe est une vieille connaissance. Ses principaux informateurs sont nos agents. Rigaud, ici présent, peut en témoigner. Le Grand Patron de Rumpe, l’Amiral Canaris, est lui aussi sous notre surveillance constante. Or c’est lui qui est chargé à partir de juillet 1940 de négocier avec l’Espagne l’attaque de Gibraltar. C’est un vieil ami de Franco.

C’est si vrai qu’après l’exécution de Canaris en 1945, le Caudillo versera une pension à sa veuve. C’est un jeu de suivre ses déplacements et d’informer Londres. L’ordre de bataille de la 7° Armée allemande stationnée dans le Sud-ouest est tenu à jour et nous observons au Valdahon l’entraînement du Corps prévu pour attaquer Gibraltar.

Le 17 septembre 1940, la Luftwaffe vaincue par la R.A.F., Hitler renonce au débarquement en Angleterre. Il se tourne résolument vers Gibraltar. De nouveau, Canaris file à Madrid, prépare une entrevue du Führer et de Franco. Elle a lieu à Hendaye le 23 octobre, la veille de l’entrevue de Montoire avec Pétain.

Franco réclame des garanties de ravitaillement et des promesses de territoires en A.F.N. Hitler est réticent. On se quitte amis sans engagements réciproques. Pourtant le Führer entend poursuivre son plan. Le 12 novembre 1940, il fixe au 15 décembre 1940 l’assaut de Gibraltar. Canaris revient à Madrid via Bordeaux où nous le prenons en chasse. Franco demeure réticent. Hitler veut passer outre mais le chef de l’Abwehr l’en dissuade. Le 10 décembre 1940 il renonce à l’aventure espagnole. C’est le deuxième tournant du conflit. Nous pouvons l’annoncer aux Anglais pour leur plus grand soulagement, en même temps que le reflux vers l’Est des meilleures unités de la Wehrmacht.  

 

Me voici au deuxième aspect de nos missions. Elles seront essentiellement défensives. A côté de l’Abwehr et pour le supplanter, nous voyons s’installer à Bordeaux, à la tête de la Section IV du S.I.P.O./S.D. (Gestapo) le S.S. Dohse, l’homologue de Barbie.

Il s’agit pour l’Allemand de juguler toute velléité de résistances, de surveiller la frontière franco-espagnole, la côte Atlantique, et d’implanter en Franc…

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