Nous continuons ci-dessous la publication des mémoires de notre cama­rade Elly Rous alias Serra, chef de la mission Baden-Savoie, dont le dernier épisode a paru dans le B.L. 115.

par Elly ROUS

Plus d’une semaine venait de s’écouler depuis le départ de Jean vers l’Ardèche en vue de rencontrer JOJO (1) ou un membre de son équipe et le retour du Percepteur après sa mission à Lannemezan. Mon travail était à présent presque à jour. J’avais eu le temps de mettre mes papiers en ordre, de préparer de nouveaux télégrammes et le courrier de Barcelone et d’Alger. J’avais pris connaissance des documents de la Calle Montaner qui m’avaient été apportés chez Joucla par l’envoyée de Martin, une jeune femme qui était passée en mon absence à la Perception. Très préoccupée et très pressée, elle n’était restée à Pamiers que quelques minutes et n’avait même pas voulu accepter quoi que ce soit à boire ou à manger tellement il lui tardait de reprendre le train de Toulouse. Toujours très discret, mon ami ne lui avait posé aucune question et avait seulement appris que Cid nous donnerait par radio les détails et la date précise du prochain courrier. Je regrettais un peu de ne pas avoir rencontré cet agent de liaison que je ne connaissais pas personnellement, mais je me trouvais au moment de son passage en visite chez Mme Guichard qui devait me procurer par l’intermédiaire de sa soeur, quelques tuyaux sur Bordeaux susceptibles de m’intéresser pour mon prochain voyage.

 

Quelques chaudes journées d’été se succédaient à présent dans l’Ariège, mais en dépit du calme apparent et trompeur qu’elles apportaient, les rayons de soleil qui en d’autres circonstances n’auraient pas manqué de créer une atmosphère de joyeuses vacances ne parvenaient pas à dissiper une sensation intense de malaise et de peur qui venait s’ajouter à une immense lassitude et qui, un peu à la manière d’une odeur pernicieuse invisible mais tenace, s’infiltrait insensiblement dans les esprits de tous ceux qui n’avaient pas cessé de croire à la Victoire.

 

LE DILEMME D’UN CHEF DE MISSION

Je savais que pour moi chaque heure qui s’écoulait allait me plonger dans une situation de plus en plus critique qui me poserait des problèmes dont il serait indispensable de concilier les solutions souvent bien contradictoires. Fallait-il, si nous en avions encore la possibilité, intensifier notre activité pour transmettre les informations de plus en plus nombreuses qui nous parvenaient de toutes parts de nos propres agents et de réseaux amis, ou devant l’accroissement considérable des arrestations, la multiplicité des obstacles, le durcissement des services de répression ennemis bien décidés à neutraliser les Français par la terreur, nous contenter, comme nous le conseillait Alger, de survivre et de nous cacher en attendant des jours plus favorables.

 

Un grand coup avait été porté aux TR Anciens et Jeunes dont les actions, compte tenu des circonstances, s’entremêlaient de plus en plus. Après l’affaire du Montparnasse, les Allemands non seulement connaissaient bien notre existence, mais possédaient des renseignements très précis sur nos activités. Il est évident que « ça sentait partout le roussi », mais tout compte fait et au point où nous en étions, il était sans doute préférable de poursuivre notre mission, étant bien entendu qu’il s’agissait désormais pour nous de « gagner un match contre la montre ».

 

Plusieurs arguments de poids venaient d’ailleurs renforcer dans mon esprit cette prise de position. J’étais persuadé en effet que mon réseau demeurait toujours bien structuré …

image_pdfimage_print
Recevoir les actualités par email