Par le Colonel Paul PAILLOLE

J’ai sorti du profond de mes archives intimes cette lettre du 28 septembre 1946 du Général Sir Stewart Menzies, Chef de l’I.S. (M.I. 6) de 1938 à 1953.  

 

Mon cher Ami,

Excusez-moi je vous en prie, du délai de répondre à votre lettre.

Mais je vous assure que j’étais vraiment touché par vos sentiments. Je suis naturellement très heureux que vous portiez un insigne qui montre le bon travail que nous avons fait ensemble. La liaison entre les deux Services Spéciaux était vraiment parfaite et en conséquence les résultats très très satisfaisants.

Je vous assure que mon espoir sera toujours de vous revoir. Les liens étaient tellement bien basés qu’ils ne peuvent pas être rompus par des questions de services.

J’espère que vous êtes en bonne santé. Moi, j’avoue que je suis un peu fatigué. Mais un de ces jours, j’attends mes vraies vacances !! Avec toutes mes félicitations pour votre décoration, je vous envoie tous mes meilleurs vœux pour votre avenir.

28/09/46 MENZIES

 

Sir Stewart répondait à mes remerciements pour son intervention auprès du roi George VI qui venait de m’octroyer une haute distinction honorifique. On retiendra dans cette lettre la référence au travail avec l’ensemble des services de notre vieille maison: … “La liaison entre les deux Services Spéciaux était vraiment parfaite et en conséquence les résultats très très satisfaisants “.

Après les grandioses manifestations qui ont marqué le Cinquantième Anniversaire des Débarquements et de la Libération de la France, j’ai l’impression en cette fin de 1995, que le Cinquantième Anniversaire de la Victoire s’enfonce dans une indifférence qui annonce l’oubli.

Faute d’avoir lu, vu, entendu des évocations objectives de la part prise par nos Anciens Services dans l’évolution heureuse de ce 2° conflit mondial, déçu par l’épaisseur de ce silence et la persistance de contrevérités, je me suis résolu à faire appel au plus qualifié des chefs alliés des Services Spéciaux pour authentifier ce ” bon travail que nous avons fait ensemble “.

Il sera difficile de nier désormais la réalité de ce combat mené en commun et en secret de 1935 à 1945.

Cette réalité, ce secret, notre professionnalisme nous a imposé longtemps de les protéger, laissant la place aux ambiguïtés et aux supputations fantaisistes ou malveillantes.

C’est ainsi qu’en 1995, radios et télévisions publiques se sont fait les complices de cette désinformation. Sous les titres pompeux des ” Dossiers de l’Histoire ” et racoleur ” des secrets des Services Secrets ” nos oreilles et nos yeux n’ont entendu et vu que galimatias et propos débiles recueillis sans méthode ni compétence par des journalistes plus proches de James Bond que de la vérité.

Je reconnais qu’en prenant la précaution de diffuser ces mauvais ragots aux heures où seuls les insomniaques résistent à la médiocrité, les responsables des chaînes publiques pourront prétendre aux circonstances atténuantes s’ils devaient rendre des comptes. Mais qui donc oserait cette aventure ? Ainsi va le cheminement chaotique de l’Histoire des Services Spéciaux, réservoir sans fond pour la science comme pour l’imaginaire.

Cinquante ans après la tourmente, celle des Services Spéciaux Français n’a pas trouvé de plus juste expression que dans la simplicité de ce message d’amitié du plus puissant de leurs partenaires.

 

 

 

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