par Paul ESMIOL

Dans le B. L. 11° 78, nous avons annoncé la publication des souvenirs de notre Camarade, M. Paul ESMIOL, ancien du C. E. en 1914-1918. Cette « Sacrée Vérité » que nous nous efforçons de défendre ne se limite pas à la période de 1935 à 1945. La Guerre Secrète menée par nos grands anciens, pendant et après la Première Guerre Mondiale, n’est surtout connue que par quelques ouvrages très discutables ou bien par les mémoires de telle « grande espionne » à l’imagination débridée. Nous avons déjà eu l’occasion, il y a quelques années, de publier dans ce Bulletin une partie, hélas trop courte!  des souvenirs du regretté Abbé VORAGE, ancien du S. R. Avec M. Paul ESMIOL c’est, vu par un exécutant, un passionnant fragment de l’activité du C. E., que nous présentons à nos lecteurs.

MOBILISATION

Au début de 1914, je vins m’établir à Genève où j’avais trouvé une situation d’employé de commerce dans une grande maison de confections. Le salaire étant le double de ce que je gagnais en France, je n’avais pas hésité à venir travailler en Suisse. Considérant que j’étais marié et père de famille, j’étais très satisfait d’avoir un emploi mieux rétribué.

Au mois d’Août, l’Allemagne déclara la guerre à la France. Ce fut la mobilisation générale en France.
Tous les Français habitant à l’étranger et la plupart des Français habitant Genève regagnaient leur centre de mobilisation, avec la même ardeur que l’ensemble des mobilisés en France. Un grand vent de patriotisme soufflait sur le pays à cette époque. Dans ma famille, deux frères et deux beaux­-frères durent rejoindre leur unité, abandonnant tout, famille et situation.
C’était le grand malheur qui menaçait tous les foyers français.

Quant à moi, j’étais réformé au moment de ma conscription, je ne fis jamais de service militaire.
Dans le mois qui suivit la mobilisation générale, tous les réformés français, en âge d’être mobilisés, durent passer une nouvelle visite médicale. Un grand nombre furent récupérés et déclarés bons pour le service militaire.
J’attendais mon tour, quand les médecins militaires, après m’avoir longuement examiné, me maintinrent en situation de réforme, me déclarant prétuberculeux.
Mon sort était désormais réglé. Je continuais mon travail avec encore plus d’ardeur, car deux autres employés d’origine française comme moi, avaient dû quitter la maison pour rejoindre leur régiment.

A Genève, pays très francophile, on commençait à parler des agents allemands, qui, depuis la Suisse, dirigeaient leurs opérations d’espionnage en France.
Depuis quelques temps, on pouvait lire dans les quotidiens de Genève (« la Suisse » et la « Tribune de Genève ») que des espions boches avaient été arrêtés à la frontière franco-suisse. Je me demandais si je ne pourrais pas être utile à mon pays en rentrant en rapport avec le service de contre­-espionnage français, pour l’aider à découvrir des agents ennemis travaillant à Genève.
Le même soir, rentrant à la maison, j’en fis part à ma femme qui était aussi patriote que moi. Elle m’encouragea dans cette décision,

Je me sentais de plus en plus obligé de faire quelque chose, mais il m’était difficile d’aller trouver les services de contre-espionnage français, où je n’avais aucune connaissance, ni recommandation. Je ne voulais pas venir les mains vides.
Je devais attendre que le hasard me fasse découvrir une piste quelconque, pour ne pas être éconduit par ce service méfiant et secret. En France, on avait déjà pris certaines dispositions pour limiter l’espionnage allemand. On lisait dans les wagons, les autobus, le métro : « Taisez-vous. Méfiez-vous, les oreilles e…

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