Paru dans le n° 483 d’ÉSOPE de janvier 1984

par le Colonel Michel GARDER

Le 27 décembre 1979, profitant de la « trêve des confiseurs », le Bureau Politique présidé par le Maréchal BREJNEV faisait envahir l’Afghanistan par un corps expéditionnaire comprenant une division aéroportée et six divisions de fusiliers mécanisés, le direction de l’opération étant confiée au Général-Lieutenant des Troupes de Sécurité, PAPOUTINE.

 

Une fois de plus, surpris et humiliés, les Américains et leurs alliés en étaient réduits à exprimer leur réprobation sans même pouvoir s’entendre sur un plan cohérent de sanctions collectives à l’encontre des agresseurs soviétiques.

 

A l’embargo sur la vente des céréales décidé par le Président CARTER allaient répondre de honteuses livraisons de blé à l’U.R.S.S. en provenance du Canada, d’Argentine et même de France.

Le boycott des Jeux Olympiques de Moscou en 1980 ne devait pas être plus respecté par tous les alliés des États-unis.

 

Ceci dit, au manque de fermeté des responsables politiques occidentaux devait correspondre un extraordinaire étalage d’inepties émanant des milieux dits « autorisés » en matière de soviétologie.

 

Selon la plupart de ces augures il s’agissait d’une poussée en direction des mers chaudes – les Soviétiques ne faisant que se conformer à la volonté posthume de Pierre le Grand. Ignorant la géographie et raisonnant sur des cartes du Petit Lamasse Illustré, certains stratèges en chambre voyaient déjà les pointes blindées soviétiques déboulant à travers le territoire iranien pour venir contrôler de Détroit d’Ormuz. De toutes façons l’ensemble des spécialistes s’accordait pour prédire une guerre courte sous prétexte que l’Armée Soviétique – que d’aucuns s’obstinaient à qualifier de Rouge (1) était beaucoup plus à même de mater des partisans que ses homologues occidentales.

 

L’auteur de ces lignes avait commis l’imprudence d’insinuer que les Soviétiques s’étaient embarqués dans une aventure sinon périlleuse, du moins comportant d’énormes risques d’enlisement, avait vu son prestige fâcheusement compris.

 

Plus de quatre années se sont écoulées depuis. La guerre en Afghanistan dépasse déjà de plus de deux mois la durée totale de l’affrontement germano-soviétique (22 juin 1941-8 mai 1945).

L’enlisement du corps expéditionnaire est tellement évident que même le Secrétaire américain à la Défense, Caspar WEINBERGER – que sa fonction prédispose à surestimer les forces armées soviétiques, a cru bon de déclarer que l’U.R.S.S. « accumule les erreurs et les échecs militaires en Afghanistan » (2).

 

Aussi, en ce début de cinquième année « d’erreurs et d’échecs militaires » soviétiques, il nous paraît intéressant de rappeler la genèse, les phases préparatoires, les modalités de l’intervention et le déroulement de cette guerre coloniale que la meilleure armée du monde ne parvient pas à gagner.

 

L’ANCIEN « ALLIÉ OBJECTIF » DE LENINE

Au début des années vingt, LENINE aimait invoquer le rôle d’ « allié objectif » du Komintern joué par l’émir afghan dans la mesure où ce « féodal » – donc « subjectivement » un ennemi de la révolution, combattait les Anglais. Tout au long de la guerre « des Basmatchis » – autrement dit de l’insurrection des « indigènes » de Turkestan russe que le pouvoir bolcheviste s’efforçait de réorganiser en trois républiques : le Turkménistan, l’Ouzbekistan et le Tadjikistan, Moscou avait entretenu une représentation diplomatique impor­tante à Kaboul et obtenu une certaine neutr…

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