Depuis sa création, fin 1953, notre Association a connu une lente mutation transformant un rassemblement spontané de femmes et d’hommes ayant en commun l’amour de la Patrie, les preuves concrètes de cet amour et leur attachement aux Services Spéciaux et à leurs anciens chefs en une grande famille unie par des liens ineffables.
De ce fait, au sein du monde des Anciens Combattants, l’A.A.S.S.D.N. occupe une place à part grâce à une âme collective exprimant la totalité des vivants et des morts réunis à jamais dans un même idéal.
Le miracle ne s’est évidemment pas réalisé en un jour. Pour en être digne notre Amicale a dû passer — à l’instar de la France elle-même, par une série d’épreuves telles que la fin douloureuse de la guerre d’Indochine, le drame algérien, le trait tiré sur notre Empire, le repli sur l’Hexagone.
De part sa nature même l’Amicale s’est trouvée à la fois plus sensible aux blessures infligées par les épreuves et plus apte à les supporter que la plupart des autres composantes de la collectivité nationale — le passé de ses membres étant une quintessence de patriotisme, d’abnégation et de foi dans les destinées du pays. Ajoutons que nous avons eu la chance d’être animés et représentés par un chef digne de ce nom en vue d’une mission exaltante : défendre la mémoire de nos glorieux morts en servant la cause de la Vérité Historique.
Et c’est ainsi qu’aux années d’incertitude devaient succéder les années marquées par un feu d’artifice de mises au point et d’oeuvres historiques originales rétablissant en France et à l’étranger le rôle véritable joué par nos Services avant, pendant et après la Deuxième Guerre Mondiale (1).
Ce feu d’artifice n’a pas été uniquement le fait de quelques historiens improvisés issus de nos rangs. Chaque membre de l’Amicale, grâce à son témoignage écrit ou oral, s’est vu obligé d’apporter sa pierre à l’édifice de cette Sacrée Vérité. Le bouquet final de ce feu d’artifice a été « Notre Espion Chez Hitler du Colonel PAILLOLE; « Les Renards de l’Ombre » du regretté Elly ROUS et, en voie d’exploitation, le travail de fond du non moins regretté MORANGE.
Il restait à l’Amicale d’assurer sa survie en recrutant une relève de jeunes camarades dignes de recevoir le flambeau de la génération des survivants du 2 bis, de la S.T. et des Réseaux S.R. (Kléber, Gallia, Marco, etc.), S.R. Air, SSM.T.R. S.A. L’opération est actuellement en cours. L’avenir étant assuré, nous entrons désormais dans l’ère de la Sérénité — non pas cependant celle de l’autosatisfaction béate, mais celle de la conscience du labeur accompli — celle du « Nunc dimittis ! » du Témoin de la Promesse réalisée.
Ce dernier Congrès dont la réussite est attestée par le compte rendu figurant dans le présent Bulletin a été celui de la Sérénité. Et c’est sous son signe que nous voudrions répondre à la question que se pose notre Président National dans l’émouvant nécrologue qu’il consacre à son ami d’enfance, à son « frère », le Professeur Maurice RECORDIER, ce grand Patron, ce grand Français qui vient de nous quitter.
Non, mon Colonel, ne regrettez pas cette occasion effectivement unique, ou du moins contentez-vous de la souligner comme vous le faites. Chacun des protagonistes du drame, Jean MOULIN, FRENAY et vous-même avait alors sa propre vision du Devoir et même si ce que nous croyons sincèrement, la vôtre était la vraie, vous n’étiez pas en état de la faire triompher.
Au soir d’une vie bien remplie les regrets sont quand même plus faciles à supporter que les remords et donnent à la Sérénité son halo de Sagesse. C’est en somme le tribut qu’il nous faut payer à cette Sacrée Vérité. (1) En particulier les ouvrages du Général NAVARRE, le Général BEZY, de Michel THORAVAL, de Michel GARDER et du Colonel PAILLOLE