Conderence du colonel M Garder 1980- des minarets de Kaboul a Gdansk.
L’année 1980 avait débuté dans l’angoisse du fait de l’invasion de l’Afghanistan et s’est achevée dans le soulagement à cause du sursis accordé par le Kremlin à la Pologne. D’ailleurs peu de temps avant Noël, le camarade Boris PONOMAREV, secrétaire du P.C. soviétique chargé de superviser les partis communistes des pays capitalistes, est venu en France nous rassurer sur les intentions de Moscou, et, profitant d’une page du Monde (1), nous vanta les vertus pacificatrices de la stratégie totale soviétique. « Jamais, en aucune circonstance, la politique extérieure soviétique ne vise à torpiller la détente. Cela est entièrement valable quant à l’aide de l’U.R.S.S. à l’Afghanistan. En répondant à la demande du gouvernement afghan, en apportant son aide à ce pays victime de l’agression, l’Union Soviétique a agi en pleine conformité avec la charte de l’O.N.U. On peut donc se demander depuis quand il est admis qu’une agression n’aggrave pas la situation, tandis que la riposte à cette agression l’aggrave ?» (1).
Les agresseurs, en l’occurrence, étaient bien entendu, les Américains qui avaient assisté sans réagir à l’assassinat de leur ambassadeur à Kaboul et qui, par la suite avaient attendu six mois pour tenter vainement une opération aéroportée pour libérer leurs diplomates retenus en otages par les Iraniens !
La vérité historique et les vraies responsabilités étant ainsi rétablies par notre haut dignitaire de la Nomenklatura moscovite, ce dernier nous a invités à méditer une phrase particulièrement profonde de son souverain, le maréchal Leonid BREJNEV, extraite de son immortel ouvrage « Pages d’une vie » : « il est très important que (…) la coopération soviéto-française reste un facteur dynamique et agissant de la détente et de la sécurité dans le monde, que nos pays et peuples se montrent des partenaires liés par la confiance mutuelle » (1).
Quand on se souvient que « la détente » n’est qu’une des formes de la « coexistence pacifique » et que celle-ci veut dire pour le Kremlin « la poursuite de la lutte par tous les moyens, à l’exclusion d’un, recours direct à la force », la phrase du maréchal-président ne prête à aucune équivoque.
La France se trouve impérativement conviée à seconder l’Union Soviétique dans la lutte contre ses propres alliés et cela en vue de « sauver la détente ». C’est d’ailleurs certainement pour « sauver la détente » qu’au même moment armés et conseillés par les Soviétiques, les Libyens du colonel KHADAFI intervenaient de façon décisive au Tchad et qu’en Érythrée les troupes éthiopiennes du grand ami de Moscou, le colonel MENGISTU, réglaient leur compte aux nationalistes locaux en attendant, soit de s’attaquer à la Somalie, coupable d’avoir rompu avec l’U.R.S.S., soit de se lancer en liaison avec la Libye dans d’autres aventures en Afrique où les objectifs à déstabiliser ne manquent pas.
Il serait temps que les responsables occidentaux cessent une fois pour toutes d’utiliser ce mot de « détente » qui pour les Soviétiques s’identifie au conflit mondial qu’ils mènent et qui pour nous devrait uniquement – selon la boutade de feu Alexandre SANGUINETTI – signifier une pièce du fusil.
Cette vérité essentielle étant rappelée, nous constatons une fois de plus qu’à la fin de 1980 c’était encore sur le continent africain que s’exerçait, et cela depuis 1976, l’effort principal de la stratégie totale soviétique. Pendant ce temps face aux deux groupements adverses dont l’oligarchie moscovite voudrait empêcher la réunion définitive, à savoir l’alliance atlantique d’une part et le binôme Chine-Japon d’autre part, on en était toujours au dilemme de l’âne de Buridan.
Il reste à savoir, en ce début de 1981, s’il en sera de même au cours d’une année qui nous paraît, quant à nous, peut-être encore plus menaçante que celle que nous venons d’enterrer.
L’INTERACTION DES DEUX THEÂTRES
Certes, il n’est absolument pas question pour nous de jouer, en l’occurrence, les oracles même si connaissant les règles de la stratégie totale soviétique et la façon de raisonner de ceux qui l’élaborent et la mettent en oeuvre, nous persistons à croire que les secrets de l’oligarchie bolcheviste sont loin d’être impénétrables. La stratégie totale soviétique n’étant qu’une application pratique de la dialectique lénino-marxiste, c’est en nous pliant aux règles de cette méthode que nous allons procéder à un examen sommaire de la situation générale, vue du Kremlin, et tenter ensuite d’en déduire les conséquences qui pourraient s’imposer aux responsables moscovites.
A ce propos il est bon de se rappeler que pour ces derniers le conflit en cours comporte deux théâtres d’action, pour ne pas dire de guerre : le théâtre intérieur – c’est-à-dire l’Empire Soviétique lui-même et le théâtre extérieur – autrement dit le reste du monde. Le premier nommé qui englobe l’U.R.S.S., les démocraties populaires attenantes et les bastions isolés (Vietnam, Éthiopie, Mozambique, Angola, Cuba) est bien entendu le plus important puisqu’il conditionne le maintien au pouvoir de l’oligarchie et le renforcement des moyens nécessaires à la conduite des opérations sur le théâtre extérieur.
STALINE l’avait d’ailleurs souligné dans son fameux énoncé des cinq principes conditionnant la victoire dans n’importe quelle guerre en citant en premier « la sécurité des arrières » et ensuite « le moral des populations et de la troupe ».
Cette primauté du théâtre intérieur n’empêche pas que les résultats obtenus sur le théâtre extérieur conditionnent aussi dans une certaine mesure l’évolution de la situation intérieure. C’est ainsi que des succès spectaculaires remportés à l’extérieur renforcent le pouvoir totalitaire et que le maniement adroit du mot détente permet d’obtenir des pays capitalistes la technologie, les fonds ou bien le blé dont l’Empire a un besoin vital. Il faut ajouter à cela que jusque-là « l’Adversaire Capitaliste » – sauf peut-être dans une certaine mesure l’administration NIXON de 1969 à 1973 – s’est montré idéalement compréhensif facilitant au maximum le jeu de la stratégie totale soviétique et l’interaction des deux théâtres.
A l’intérieur l’oligarchie pouvait faire emprisonner et déporter des millions d’individus sans se faire taxer de totalitaire. Tout au plus quelques téméraires la mettaient sur le même pied que de minables dictatures sud-américaines. Alors que le Kremlin disposait dans la plupart des pays capitalistes d’organisations officielles politiques et syndicales quasi totalement intégrées au jeu de sa stratégie totale, les Occidentaux se voyaient accusés d’entretenir la subversion dans l’Empire Soviétique par l’intermédiaire de dissidents sans aucun lien avec leurs services spéciaux.
Ainsi le pouvoir totalitaire faisait-il coup double d’une part en déconsidérant sur le théâtre intérieur les dissidents grâce à l’étiquette infamante d’agents de l’étranger et en jouant sur le théâtre extérieur sur le complexe de culpabilité des hommes d’État occidentaux soucieux d’éviter toute ingérence dans les affaires intérieures de l’U.R.S.S. Certes, le président CARTER a eu parfois quelques velléités de condamner publiquement les atteintes aux droits de l’homme dans les pays de l’Est, mais même après sa vive réaction dans l’affaire afghane, on ne peut pas parler d’une véritable manœuvre acculant les stratèges du Kremlin à la défensive. Le boycott des Jeux Olympiques, non appliqué par une partie des alliés des États-unis, et l’embargo sur les céréales – tourné par Moscou avec la complicité cupide de certains États capitalistes – devaient marquer les limites de la contre-offensive américaine.
Avec des « arrières sûrs » et une propagande sans faiblesse se substituant au « moral des populations et de la troupe », la stratégie totale moscovite pouvait intensifier ses actions sur le théâtre extérieur, et cela en dépit de la mésaventure afghane.
Les événements de Pologne et la victoire électorale de Ronald REAGAN aux États-unis allaient, en fin d’année 1980, modifier les données du problème en affectant à la fois le théâtre intérieur et le théâtre extérieur.
DES MINARETS DE KABOUL AU CALCAIRE DE GDANSK
Contrairement à une idée fausse quasi généralement admise en Occident, l’affaire afghane, vue de Moscou, relevait du théâtre intérieur et, d’ailleurs, l’opération militaire, lancée sur Kaboul en décembre 1979, était calquée sur le modèle tchécoslovaque de 1968. Aussi le fait même que plus d’un an après un pays intégré à l’Empire se trouve encore en rébellion contre celui-ci constitue un échec grave pour l’oligarchie moscovite. Que des Kremlinologues occidentaux soient parvenus finalement à des conclusions différentes en estimant que l’U.R.S.S. avait gagné en Afghanistan ne change rien à une réalité fort différente. Sans la moindre intervention des Occidentaux, la majeure partie de la population d’une colonie asiatique de l’U.R.S.S. en voie d’intégration refuse, au nom de sa foi en Dieu, le pouvoir totalitaire lénino-marxiste. Il avait fallu naguère douze années pour imposer ce pouvoir aux Turkmènes, aux Ouzbeks, aux Tadjiks et autres Kazakhs qui avaient fait partie de l’Empire russe avant la révolution de 1917 ; il est difficile de dire combien de temps durera la guerre coloniale d’Afghanistan, laquelle n’en est encore qu’à ses débuts.
De plus, entre 1922 et 1934, l’armée rouge des ouvriers et paysans, tel était le nom officiel à l’époque de ce qui n’est plus depuis 1946 que l’armée soviétique, représentait encore l’espoir d’un renouveau de la société humaine. Désormais il en va tout autrement et les Afghans montrent à la face du monde qu’ils ne veulent pas de la pseudo-religion lénino-marxiste imposée de force par les « chouravis » (2).
Toutefois ce refus du totalitarisme idolocratique par un ensemble de tribus musulmanes constituant à peine une nation, est beaucoup moins grave pour le Kremlin que le rejet de ce totalitarisme par la nation polonaise à l’issue d’une résurrection quasi miraculeuse à laquelle nous venons d’assister entre juillet et décembre 1980. Dans ce dernier cas il ne s’agissait pas – contrairement aux mensonges de la propagande soviétique, d’une tentative contre-révolutionnaire, mais bien d’une révolution au sens réel du terme – autrement dit d’une conversion de 180° débouchant sur l’émergence d’une société civile nouvelle, laquelle, sous le beau nom de solidarité, remettait totalement en cause le totalitarisme moscovite et son succédané polonais.
A l’ancien duopole Parti-Eglise, se substituait le binôme Solidarité + Église qui réduisait à un rôle de plus en plus honorifique un Parti vidé de sa substance et confiné dans des tâches administratives.
C’était, à un an de distance, la conséquence en quelque sorte de l’aventure afghane. Fin décembre 1979, du haut des minarets de Kaboul, des muezzins afghans avaient lancé le « Allah Akbar » (3)invitant les fidèles à la guerre sainte. Le 16 décembre 1980, un million de Polonais massés face aux Trois ancres crucifiées sur le calvaire de Gdansk leur faisaient écho en alternant l’hymne à la Vierge Marie, « Reine de Pologne » et le chant national.
Ce cri de guerre et ces hymnes interpellaient les oligarques moscovites en leur rappelant les limites et la fragilité de leur pouvoir. Cependant si à la rigueur en Afghanistan ils pouvaient encore espérer, selon nous à tort, que le temps devrait travailler en leur faveur, en Pologne ils se trouvaient subitement confrontés à un dilemme dramatique. Demeurer passif signifiait immanquablement pour le pouvoir totalitaire le début de la fin ; intervenir militairement en Pologne risquait de déboucher sur une aventure aux conséquences incalculables.
Or ce dilemme coïncidait avec l’arrivée au pouvoir aux États-unis d’une administration décidée à redonner à Washington les moyens d’imposer au monde la « Pax Americana » que le Président NIXON avait failli réaliser en 1973 avant de disparaître dans la trappe de l’histoire en 1974.
Aussi au Kremlin l’année nouvelle a-t-elle débuté bien moins glorieusement que la précédente.
LES PERSPECTIVES D’UNE REPRISE DE L’INITIATIVE PAR LES ÉTATS-UNIS
A en croire bon nombre de spécialistes français des relations internationales « on ne serait nullement fâché au Kremlin d’avoir désormais à Washington des interlocuteurs durs en affaires mais sérieux ». Si tel est effectivement le cas, ce dont nous doutons fort, les stratèges moscovites ne manqueront pas de déchanter très vite. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion dans le numéro précédent d’ÉSOPE d’exposer nos prévisions quant aux grandes lignes de la politique étrangère, pour ne pas dire de la stratégie totale, de l’administration REAGAN. Des contacts récents avec des personnes très proches de cette administration nous ont permis de vérifier et de confirmer nos hypothèses.
La nouvelle stratégie totale américaine visera en particulier à reprendre l’initiative partout en Europe, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique Latine. C’est ainsi, en particulier, que le Kremlin serait fermement averti que les États-unis ne pourraient pas demeurer passifs devant un coup de force en Pologne, que les liens américano-pakistanais étant renforcés la résistance afghane pourrait bénéficier d’une aide militaire, financière et technique importante tant américaine, qu’égyptienne ou chinoise, que dans le Golfe Persique la situation pourrait se modifier et que l’aventure africaine de l’U.R.S.S., même par Libyens et Cubains interposés, pourrait s’achever sur un fiasco.
Bien sûr, dans le cas de la Pologne, Moscou pourrait passer outre, mais à quel prix ? Même si les Occidentaux ne voudraient pas « mourir pour Gdansk », une administration américaine décidée et sûre d’elle-même, pourrait, en reprenant en main tous ses alliés, imposer à l’U.R.S.S. des sanctions économiques autrement graves que celles prises par le président CARTER en 1980. De plus, et contrairement aux Hongrois et aux Tchèques, les Polonais, y compris ceux des forces armées, ne manqueront pas de se défendre avec acharnement et, après avoir perdu la première manche, de résister plus ou moins passivement aux occupants soviétiques. Enfin, il y a de très fortes chances que dans une telle éventualité l’Union Soviétique sera forcée d’étendre sa manoeuvre aux Balkans afin d’y mettre un terme à la semi indépendance de la Roumanie, de la Yougoslavie et de l’Albanie. Ce serait alors le début d’un engrenage pouvant en fin de compte déboucher sur la guerre générale.
En ce qui concerne l’Asie du Sud, il nous paraît évident que la nouvelle administration américaine s’efforcera de rectifier les erreurs de la précédente en renouant des relations plus confiantes avec le Pakistan et en prenant ouvertement à son compte le soutien à la résistance afghane. Dès lors la guerre coloniale d’Afghanistan pourrait prendre une tournure nouvelle, le Haut Commandement soviétique se voyant contraint d’envoyer de plus en plus de troupes et de s’adapter à un ennemi équipé de moyens modernes anti-chars et anti-aériens.
Dans la région du Golfe Persique et au Moyen-Orient, nous pourrions assister – à la condition que les États-unis se donnent la peine d’utiliser tous les atouts dont ils disposent dans ce régions – à des changements spectaculaires, en particulier en Iran où le régime actuel n’est certainement pas éternel et en Syrie où la situation intérieure pourrait se dégrader totalement. Toutefois c’est en Afrique que l’on devrait s’attendre à des renversements de situation les plus spectaculaires. Il suffirait pour cela que Washington laisse les mains libres – et en même temps ne ménage pas son aide – aux pays tels que l’Égypte, le Soudan et le Maroc pour mettre un terme aux aventures du colonel KHADAFI, et soutienne en Angola, au Mozambique et, éventuellement, en Érythrée les mouvements de résistance locaux. Si de plus les États-unis coordonnent leurs actions avec celles de la France et de la Grande-Bretagne et trouvent une langue commune avec l’Afrique du Sud, l’épopée africaine de l’U.R.S.S. se trouvera sérieusement compromise.
L’INCONNUE CHINOISE
Dans l’immédiat on s’interroge ici et là sur l’issue de la nouvelle phase de la lutte pour le pouvoir qui doit connaître son dénouement lors d’un prochain congrès du Parti Communiste Chinois. Dans l’ensemble la majorité des observateurs s’accordent pour créditer M. Deng XIAOPING d’une victoire aux points tout en estimant que les tâches qui attendent son équipe dans un proche avenir sont des plus redoutables. Toutefois il nous semble que l’on a tendance, en Occident, à minimiser les risques d’une nouvelle guerre sinovietnamienne. Celle-ci pourrait même bien éclater avant le congrès du P.C. chinois, ne serait-ce que pour devancer celui du P.C. soviétique en plaçant les stratèges du Kremlin dans une position plus que difficile.
Cependant même si cet affrontement n’a pas lieu dans un avenir immédiat, l’épreuve de force entre la Chine et le Vietnam ne peut manquer de se poursuivre obligeant l’Union Soviétique d’intensifier son aide à Hanoi.
Par ailleurs, comme il faut s’attendre dans cette partie du monde à un renforcement des liens américano-chinois d’une part et sino-nippons d’autre part en vue de s’opposer à « l’hégémonisme soviétique », il en résultera une raison de plus pour que Moscou révise son plan stratégique actuel et reporte sa direction principale d’effort du continent africain sur l’Asie.
LE VINGT-SIXIEME CONGRÈS DU PARTI COMMUNISTE SOVIÉTIQUE
Cette révision pourrait, peut-être, s’effectuer à l’occasion du XXVIe Congrès du Parti Communiste convoqué pour le 23 février 1981. En principe ce Congrès ne devrait pas réserver de grandes surprises au sein de l’oligarchie où un certain équilibre paraît avoir été atteint. Toutefois face aux conséquences sur le théâtre intérieur, des événements de Pologne et d’Afghanistan, les perspectives des rapports avec la nouvelle administration américaine en particulier dans le domaine de l’économie et enfin l’évolution de la situation en Extrême-Orient, il est fort possible que l’équipe de Leonid BREJNEV – autrement dit celle des anciens de Dniepropetrovsk – opte pour une alliance tactique avec la faction des Asiatiques (Kounaev, Aliev, Rachidov). Nous pourrions assister alors à une opération similaire, mais en sens inverse, à celle qui s’est déroulée fins 1975 -début 1976 au moment où sur les instances de Fidel CASTRO un accord s’est réalisé entre l’équipe de BREJNEV – que certains désignent sous le nom de « conservateurs russes » et celle des champions de l’internationalisme prolétarien – en vue d’un effort sur le continent africain. Alors on avait remarqué l’apparition en tenue de maréchal au XXVe Congrès du P.C. soviétique en février 1976 du leader cubain, dont les troupes devaient jouer un rôle de premier plan en Angola, au Mozambique et en Éthiopie. Il n’est pas exclu que cette fois la vedette appartienne aux délégations des Partis frères d’Asie – et en particulier les Partis vietnamien, laotien, cambodgien, indien – et bien entendu afghan.
Toutefois l’évolution de la situation en Pologne pourrait, au cas où le pouvoir lénino-marxiste serait totalement débordé par la société civile, inverser les relations au sein de l’oligarchie et faire apparaître une nouvelle majorité favorable à une riposte brutale au défi de Gdansk.
De toute façon nous pensons que si cette dernière éventualité aux conséquences incalculables ne se produisait pas, le danger d’une explosion générale n’en disparaîtra pas pour autant. Même si l’oligarchie bolcheviste accepte, comme un moindre mal, l’expérience polonaise, il lui faudra faire face à la conjonction de la guerre coloniale d’Afghanistan, de l’évolution de la situation dans le Golfe Persique et de l’antagonisme sino-vietnamien, sans parler de la nécessité de faire revenir l’Inde dans la mouvance soviétique. Et c’est ainsi qu’après avoir révisé sa stratégie totale d’ici le printemps de 1981, l’Union Soviétique pourrait être amenée à se heurter une fois de plus de front avec la Chine et cela à une plus grande échelle qu’en 1969.
SAUVER LA PAIX ?
On ne répétera jamais assez que ce qui est en danger, ce n’est pas une mythique détente mais la paix mondiale et que l’oligarchie moscovite porte en l’occurrence, contrairement aux affirmations de Boris PONOMAREV, « une responsabilité écrasante ». Certes le Kremlin n’est pas à l’origine de phénomènes tels que le régime Khomeyniste en Iran ou bien des rêves de grandeur du colonel KHADAFI, mais il serait intéressant de savoir ce que la diplomatie soviétique a fait pour contrer les aspects dangereux de ceux-ci.
Dans le cas de l’inqualifiable prise en otage des diplomates américains par les « étudiants révolutionnaires » iraniens, Moscou a approuvé au fond cette atteinte au droit international alors qu’il était loisible au président BREJNEV de se ranger, pour une fois, du côté des peuples civilisés. Quant à l’épopée libyenne celle-ci n’a été rendue possible que grâce à l’armement et aux conseillers militaires soviétiques et allemands communistes.
On sait par ailleurs que le K.G.B. contrôle plus ou moins directement le mouvement terroriste international et que la vision conflictionnelle du monde qui caractérise la Nomenklatura moscovite est absolument incomparable avec la notion même de paix. Cette paix, seul un Occident uni, fort, courageux et sans illusion peut l’imposer aux stratèges bolchevistes. Espérons que la nouvelle administration américaine sera en état de réaliser l’unité du camp occidental et que celui-ci, et en particulier l’Europe, saura avoir le sursaut nécessaire pour dissuader l’Empire Soviétique et éviter la catastrophe.