J’ai déjà dit dans les précédents BULLETINS, et notamment dans notre premier numéro (1) pourquoi j’avais la hantise des liaisons directes entre le Service métropolitain et mon P.C. d’ALGER. J’avais quitté la France inquiet de la rupture quasi-totale de nos contacts radios entre l’A.F.N. et nos postes de FRANCE. A quoi pouvaient servir l’effort de si longs mois, le sacrifice de tant des nôtres, si au milieu de l’épreuve, le SSM/TR restait sourd et muet ?

Comment assurer la sécurité des Armées de la Libération sans pouvoir bénéficier du travail de nos Services clandestins de C.E. ?

Parvenu à LONDRES le 24 Décembre 1942, je m’ouvrais de mon inquiétude à mes amis de l’I.S.; Bill DUNDERDALE, ” l’Oncle TOM “, avec l’amabilité et le tact qui les caractérisaient, m’offrirent leurs mo­yens, tout leur appui.

… “Nous vous enverrons plus tard la facture…, et nous avons votre homme !”

Quelques jours plus tard, j’avais en face de moi Michel THORAVAL, un adolescent blond, mince, timide, aux yeux étonnants de vivacité et d’intelligence.

Il ne savait pas grand chose de notre technique du renseignement, mais il avait des qualités supérieures; son courage, sa volonté, sa foi, son en­thousiasme. Son apparente jeunesse était sa meilleure protection, son ignorance du SERVICE, la garantie de sa discrétion et de son mépris de la routine.

Je lui situais le problème à résoudre – raccrocher au plus vite le SSM/TR à la “FRANCE LIBRE” – sans intermédiaire..” en toute souveraineté”.. lui porter les moyens de vivre et d’oeuvrer pour la Délivrance.

Sans hésiter, il m’affirma qu’il avait compris, qu’il réussirait.

Sa simplicité, sa lucidité, m’assuraient qu’il ne “bluffait” pas.

Pourtant, j’hésitai encore. Il était si jeune …

– “Monsieur – me dit-il, ayant deviné ma réserve – rien ne m’empêchera de servir la France, et je serai si heureux, si fier de faire mon Devoir sous les ordres d’officiers français, dans un Service aussi prestigieux que le vôtre”.

Il implorait mon regard. J’acceptai.

Jamais, sans doute, mon intuition ne m’a mieux servi.

Avec une maîtrise étonnante, Michel THORAVAL accomplit sa mission.

Ses missions.

Ce sont elles qu’il nous conte aujourd’hui:

Son récit est aussi simple que lui. A chaque ligne comme à chacun de ses gestes, perce sa modestie, son dévouement, son ardeur patriotique.

C’est une leçon d’énergie et de discipline. C’est la preuve que l’audace au service de l’intelligence se joue des obstacles et reste dans les heures de crise le meilleur facteur de la réussite.

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Par Michel THORAVAL

L’ARRIVÉE en ANGLETERRE

Bon accueil mais . . . après ” criblage “

Après l’armistice franco-allemand de Juin 1940, le premier contact avec l’Angleterre d’un évadé de France, était un château; plus exactement une prison aimable, courtoise :”PATRIOTIC SCHOOL”.

C’était, gardé par une compagnie britannique, un château situé au milieu d’un grand parc bordé par une route où nous avions comme seule distraction, le plaisir devoir passer quelques “Bus”. En y arrivant, nous étions dirigés vers de grands dortoirs où nous vivions une vie semblable à celles des casernes françaises. Par contre, la nourriture, quoique britannique, y était bonne.

A la suite de multiples interrogatoires, on nous y laissait libres de choisir, soit un avancement rapide, en rejoignant la jeune armée de la FRANCE LIBRE, soit le combat anonyme, mais plus immédiat, au sein de l’Organisme puissant et rodé des Services Spéciaux Britanniques.

Ces interrogatoires, dirigés par des Officiers anglais parlant parfaitement notre langue, portaient surtout sur les contacts que nous avions eu en France occupée avec les différents organismes de Résistance. Nous devions, entre autre, préciser les noms et adresses des personnes que nous avions rencontrées au sein de ces organismes.

Les Britanniques cherchaient ainsi non seulement à se faire une opinion sur les évadés mais aussi à recouper à l’aide des multiples interrogatoires les différents renseignements qu’ils possédaient sur la résistance française. Cela les aidait également à détecter les agents ennemis qui pouvaient essayer de s’introduire, sous un prétexte patriotique, en territoire britannique.

Les journées, en dehors de ces interrogatoires fastidieux, se passaient dans le calme et nous pouvions consacrer une part de notre temps à la détente physique. J’ai ainsi le souvenir de 2 ou 3 matches de football disputés entre les “Invités” français et les éléments de la Cie Britannique qui les gardaient.

Pour moi, arrivé au cours du printemps 1942 en Angleterre, ces interrogatoires eurent au moins un résultat bénéfique. A la suite des renseignements que j’avais donnés, les dirigeants britanniques de l’organisation de Résistance à laquelle j’avais appartenu en France depuis l’Armistice, purent me joindre.

Alors que j’étais venu pour combattre dans les rangs de la FRANCE LIBRE, ils me proposèrent de continuer à servir dans les rangs de l’I.S. dont dépendait mon réseau. J’avais quitté la France avec la volonté de combattre rapidement. Il me sembla que l’occasion m’en serait donnée ainsi plus vite et plus sûrement.

Après quelques jours d’hésitation et de réflexion, je fis savoir que j’acceptais. J’allais pouvoir enfin quitter “PATRIOTIC SCHOOL”

Le lendemain, un chauffeur vint me chercher. Il m’emmena dans un immeuble situé dans les environs de Victoria Street où je fus accueilli par une manière de géant : “l’Oncle TOM”. Il s’exprimait bien en français avec un fort accent irlandais. Sa première préoccupation fut de me transformer en un civil décent.

Le complet que je portais avait supporté les différentes épreuves que constituaient le passage de la frontière des Pyrénées, le long séjour dans 5 prisons espagnoles, le transit à Madrid, puis à Gibraltar, les 5 jours de traversée pour arriver en Ecosse, le voyage jusqu’à Londres. Je n’étais plus présentable.

“L’Oncle TOM” me donna de l’argent et les points de textiles sans lesquels il était absolument impossible à cette époque de s’habiller en Angleterre. J’allais dans un grand magasin et quelques instants après j’étais un gentleman.

Ce côté matériel réglé, je pus me consacrer à des études techniques en usage dans les Services Spéciaux.

ELEVE PARACHUTISTE

Il était prévu, en effet, qu’après les stages nécessaires, il me serait confié une mission sur les côtes sud de la France avec un débarquement par sous-marin ou par avion. Cette dernière éventualité m’obligea à faire mes classes de parachutiste dans un camp qui ne me laissa que des bons souvenirs.

A Ringway, nous étions un petit nombre d’élèves parachutistes dont en particulier une jeune femme radio qui devait, par la suite, être parachutée en France. Nous étions guidés par un Officier Franco-anglais servant un peu de nurse et par un capitaine instructeur ne connaissant que quelques mots de français. Tous les deux étaient secondés par d’élégantes A.T.S. peu farouches.Nous étions logés par chambre individuelle. L’entraînement sportif était intense. Je reçus le baptême de l’air puis ce fut mon premier saut en parachute qui s’accompagna d’une peur intense. Je dois dire que les risques passés, ce saut me procura une fierté que je n’arrivais pas à dissimuler.

A la fin de ce stage qui avait duré huit à dix jours, je revins à Londres préparer ma mission et fixer la date possible de mon départ.J’étais prêt. Du moins, je le pensais, et l’Aventure pouvait commencer.les Britanniques étudièrent mon point de débarquement, les premiers contacts que je pourrais avoir en France sur la côte sud. Ils m’enseignèrent les différentes manières de m’installer pour envoyer les messages radio, la façon d’utiliser les codes, etc. Hélas ! malgré mon impatience et ma bonne volonté, ma mission n’arrivait pas à prendre corps. Elle était sans cesse retardée. J’en profitais pour compléter ma formation technique et mes connaissances en matière de recherches du Renseignement.La patience n’étant pas ma qualité dominante, je commençais à piaffer sérieusement quand un matin apparut le sauveur.

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