Géopolitique : Au-delà des postures, une volonté d’apaisement sino-américaine

Le 25 juin, à l’issue du sommet de l’OTAN à La Haye, D. Trump fort de la puissance des frappes américaines contre les installations nucléaires de la République Islamique d’Iran insultait avec une rare vulgarité le New-York Times qui osait douter de l’efficacité des bombardements massifs par les B-2.

Au passage, tout aussi trivial, il menaçait le premier ministre espagnol Pedro Sánchez de lui faire « payer » son rejet des injonctions de la Maison Blanche de porter son budget défense à 5% du PIB, 26 juin.

Au même moment, Pékin accueillait à Qingdao, le ministre de la Défense iranien Aziz Nasirzadeh. Dans le contexte général de la rivalité stratégique sino-américaine, l’invitation tombait à point nommé pour désavouer en paroles et en actes la stratégie de Washington au Moyen-Orient.

La présence d’un haut dignitaire de la défense iranien à Qingdao, base navale emblématique, siège du Commandement de la Flotte du Nord, où la marine chinoise moderne avait, en 2019, organisé les vastes cérémonies de son 70e anniversaire (lire : 70e anniversaire de la marine à Qingdao. L’Inde et le Japon en vedette. L’US Navy absente. Incident avec une frégate française), s’inscrivait dans le cadre de la réunion des ministres de la défense de l’Organisation de Coopération de Shanghai.

Avec le Chinois Dong Jun, hôte de l’événement, l’Iranien était entouré, entre autres, du Kazakh Dauren Kossanov, du Khirgiz Ruslan Mukambetov, du Pakistanais, Khawaja Muhammd Asif, de l’Indien Rajnath Singh, du biélorusse Viktor Khrenin et du Russe Andreï Belooussov.

Le 26 juin, le discours du ministre chinois a donné le ton, étroitement aligné sur le nouveau narratif de l’appareil et de Moscou depuis que Donald Trump bouscule le monde par ses brutalités douanières et ses contrepieds stratégiques.

Mais chacun a pu noter que la force de la rivalité stratégique sino-américaine avait effacé l’éléphant dans la pièce des transgressions nucléaires militaires de Téhéran dont le régime est animé de la mystique de destruction d’Israël.

La Chine et ses alliés russe et iranien dans le rôle vertueux de garants de la stabilité planétaire.

Avec le Chinois Dong Jun, hôte de l’événement, l’Iranien était entouré, entre autres, du Kazakh Dauren Kossanov, du Khirgiz Ruslan Mukambetov, du Pakistanais, Khawaja Muhammd Asif, de l’Indien Rajnath Singh, du biélorusse le Viktor Khrenin et du Russe Andreï Belooussov.

Les pays réunis à Qingdao, sous l’égide de Pékin, devaient se voir ensemble, dit Dong Jun, comme un contrepoids à un monde devenu chaotique 混乱 et instable 不稳定, où se développent, allant jusqu’à menacer l’ordre du monde, l’unilatéralisme 单边主义, le protectionnisme 保护主义, la tentation hégémonique 霸权, et un style brutal de relations internationales par l’intimidation 恐吓行为.

Selon Xinhua le ministre iranien Nasirzadeh a exprimé « sa gratitude à la Chine pour sa compréhension et son soutien à la position légitime de l’Iran » et espéré que la Chine « continuera à défendre la justice et à jouer un rôle encore plus important dans le maintien du cessez-le-feu actuel et l’apaisement des tensions régionales ».

Sans surprise Pékin et l’OCS ont condamné l’attaque menée le 13 juin par Israël contre l’Iran, dont l’un des effets fut l’élimination de plusieurs hauts responsables militaires iraniens, prélude aux bombardements américains.

Enfin, après avoir soutenu le cessez-le-feu, le groupe a vertement critiqué l’intervention de Washington qu’il a, de manière insolite et sans élaborer, peut-être par allusion au statut d’État du seuil d’Israël, qualifié de « coup dur porté au régime international de non-prolifération nucléaire ».

Alors que les discours des ministres de la défense glosaient sur l’affaiblissement des élans de mondialisation, en marge de la réunion, le russe Andreï Belooussov et le Chinois Dong Jun se sont félicités de la richesse de leurs relations bilatérales « dans tous les domaines ».

Les deux n’ont pas directement fait allusion à la « guerre des douze jours » entre l’Iran, Israël et les États-Unis mais, oubliant leur propre stratégie unilatérale d’expression de la force, Pékin en mer de Chine du sud et contre Taiwan, Moscou en Ukraine que la Russie détruit systématiquement à coups de missiles, ils se sont présentés comme une alternative de sécurité globale.

En même temps, tous les participants ont, selon Xinhua, exprimé « une forte volonté de consolider et de développer la collaboration militaire ».

Les contradictions du rapprochement avec Téhéran et les exigences pragmatiques de la quête d’énergie.

Le 27 juin, trois jours apprès le cessez-le-feu imposé par D. Trump, Wang Wentao, ministre chinois du Commerce, membre du Comité Central, exprimait de la manière la plus claire la volonté de Pékin d’apaiser les relations sino-américaines. Il a pris la parole au milieu des risques déflagrants de la situation au Moyen Orient dont une escalade menacerait directement les intérêts énergétiques chinois. La déclaration suivait la promesse de l’appareil de livrer des Terres aux Etats-Unis.

Dans une ambiance générale où souffle le vent dominant de la puissance des rapports de force, on ne peut pas exclure que le retour au pragmatisme dont il est prudent de considérer qu’il pourrait n’être que temporaire, a directement été influencé par la violence des attaques conjointes de Tel Aviv et Washington contre Téhéran.

C’est un fait que ces dernières années, Pékin, exprimant depuis longtemps son opposition aux sanctions américaines contre l’Iran et critiquant le retrait américain de l’accord nucléaire iranien de 2015, est, au point d’organiser des exercices navals conjoints, devenu le soutien diplomatique et économique majeur de l’Iran.

(Lire nos articles de novembre 2014 Les arrières pensées de la relation entre la Chine et l’Iran et de juillet 2020 : La Chine peut-elle contourner l’Amérique par l’Iran ?).

Par ailleurs, malgré les sanctions, la Chine (elle-même a cependant pris soin de diversifier ses sources – seulement 13,7% de ses achats de pétrole viennent d’Iran -), reste, à hauteur de 90% du total des exportations de Téhéran, de très loin et par des voies détournées, le plus gros acheteur d’énergie de l’Iran.

[NDLR : Globalement le pétrole importé par la Chine vient à 19% de la Russie (1er fournisseur depuis 2022), d’Arabie Saoudite (16%), du Sultanat d’Oman, (13%), d’Irak, de Malaisie, d’Angola, du Koweit, des États-Unis, d’Iran et du Venezuela].

Enfin, l’image montrant que plus de 40% des importations chinoises viennent du Moyen-Orient dessine une vulnérabilité stratégique de Pékin directement liée au conflit en cours et à la vulnérabilité du transit par le détroit d’Ormuz que l’Iran a menacé à plusieurs reprises de fermer en réponse aux frappes militaires israéliennes.

Autrement dit la Direction politique chinoise qui, par opposition stratégique à l’Amérique, affiche son soutien sans faille à Téhéran, a tout intérêt à une désescalade rapide.

Les premiers signes concrets d’un apaisement sino-américain conjointement souhaité par Pékin et Washington, se sont manifestés, le 27 juin. La Direction politique a en effet fait savoir qu’elle approuverait l’exportation de minéraux de terres rares vers les États-Unis.

La déclaration eut lieu quelques heures à peine après une mise au point de la Maison Blanche affirmant que les deux parties étaient parvenues à un accord. S’il était confirmé l’accord constituerait une avancée majeure après des semaines de négociations sur l’accès des États-Unis à ces matériaux clés.

En tous cas, l’intention d’apaisement transparaissait clairement le 27 juin dans la déclaration du ministre du commerce Wang Wentao 王文涛, 61 ans.

En poste depuis 2020, cet ancien nº1 du Pari à Jinan et gouverneur du Heilongjiang, proche de Xi Jinping et membre du Comité Central depuis 2022 « espérait que les deux parties pourraient continuellement améliorer le consensus, réduire les malentendus, renforcer la coopération et promouvoir conjointement le développement sain, stable et durable des relations économiques et commerciales sino-américaines ». On ne saurait mieux dire.

Editorial de François DANJOU
30 juin 2025
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