Commande : C’est officiel, l’Inde commande des Rafale à la France

Après une longue période d’incertitude, l’Inde confirme officiellement l’achat de 26 avions Rafale Marine au standard F4. Cette acquisition vise à moderniser sa flotte aéronavale tout en renforçant ses capacités de défense stratégique.

Une commande stratégique pour l’Inde

Le gouvernement indien vient enfin d’entériner l’achat de 26 avions de combat Rafale Marine auprès de Dassault Aviation. Ce contrat, estimé à environ 6,6 milliards d’euros (environ 630 milliards de roupies), marque une étape clé dans l’évolution militaire du pays. Parmi ces appareils, 22 seront spécialement conçus pour opérer depuis des porte-avions, tandis que 4 autres seront des biplaces terrestres destinés à la formation opérationnelle avancée. Cette distinction est importante, car ces derniers appareils permettront aux pilotes indiens de s’entraîner dans des conditions optimales et au plus haut standard technologique disponible, le standard F4.

Ces avions Rafale Marine F4 remplaceront progressivement les MiG-29K d’origine russe actuellement utilisés par l’Indian Navy, devenus obsolètes et coûteux à maintenir. Ce changement majeur s’inscrit dans une volonté affirmée de moderniser l’arsenal indien en faveur d’équipements plus performants, fiables et adaptés aux défis géostratégiques contemporains.

Technologies avancées et partenariat industriel renforcé

Les Rafale Marine F4 destinés à l’Inde possèdent des capacités améliorées par rapport aux versions précédentes. Ils offrent une avionique de pointe, un radar AESA performant et un système d’armes adapté aux besoins spécifiques de la marine indienne. Toutefois, contrairement aux appareils français, ils ne seront pas équipés du missile nucléaire ASMP-A. Le premier exemplaire sera officiellement remis à l’Inde en mai 2028, avec un calendrier de livraison établi sur plusieurs années pour permettre une intégration harmonieuse dans les forces armées.

Ce contrat dépasse la simple livraison d’appareils, puisqu’il inclut également une importante composante de formation et d’assistance technique. Dassault Aviation, en collaboration avec ses partenaires industriels français tels que Safran et Thales, assurera la formation des pilotes et techniciens indiens. De plus, ce partenariat comprend une mise à niveau technologique des Rafale déjà présents dans l’Indian Air Force, permettant d’uniformiser l’ensemble des appareils indiens au standard F4.

Jean-Baptiste LE ROUX
10 Avril 2025
Site : Enderi

Source et Légende de la photo : Le Rafale vient officiellement d’être commandé par l’Inde. Wikipedia




Vidéo. Europe de la défense et coopération européenne : Audition d’Eric Trappier à l’Assemblée nationale.

Mercredi 9 avril, la commission de la défense a auditionné Monsieur Éric Trappier, président directeur général de Dassault Aviation, sur l’Europe de la défense et les coopérations européennes.

Les auditions de l’Assemblée nationale permettent notamment l’information et le contrôle de l’action du Gouvernement par les députés et elles peuvent aussi avoir pour objet de préparer un projet de loi. Elles consistent à entendre une personne devant une commission afin d’avoir un éclairage, un point de vue sur un sujet précis. Ces personnes auditionnées peuvent être des membres du Gouvernement, des commissaires européens, des chercheurs, des représentants des milieux socioprofessionnels…

Source : Compte YouTube de l’Assemblée nationale

Date de mise en ligne : 12/04/2025
Durée : 01:31:31
Date de l’audition : 09/04/2025
Compte YouTube : Assemblée nationale




Vidéo. Trump au pied du mur des BRICS

Composé de puissances aux profils variés, ce bloc cherche à proposer une alternative à l’ordre mondial dominé par l’Occident, en mettant en avant une logique multipolaire.

Date de mise en ligne : 18/04/2025
Durée : 00:34:47
Compte YouTube : Open Box TV

Quid des relations entre les États-Unis et les BRICS depuis les prises de parole du président Trump et ses postures de fermeté, visant à limiter l’influence croissante de ces dernières ?

00 :00 : Introduction
02 :15 : Le Sud global
04 :20 : Des valeurs dîtes « universelles »
07 :40 : Violation du droit internationnal
10 :48 : Composition des BRICS
13 :00 : De nouvelles normes économiques et politiques
14 :50 : Retour sur la mondialisation
16 :10 : Un effet d’annonce des BRICS
19 :40 : Couple de pays antagonistes
23 :05 : Essor des pays intermédiaires
25 :00 : Manaces du président Donald Trump
26 :00 : Une organisation rivale de celle prévue par les Etats- Unis
31 :25 : Union européenne : le paradoxe de la défense européenne
34 :00 : Conclusion




Décryptage : L’Europe face aux nouvelles logiques d’empire

L’Europe a vécu en première ligne un vingtième siècle qui fut d’abord celui de la fin tumultueuse des Empires – coloniaux, soviétique, austro-hongrois, ottoman, Reich allemand etc.. – et elle se défie aujourd’hui, trop sans doute, des rapports de force, au risque de se transformer en cette Europe « déplorante » qui ne peut, à longueur de communiqués, que constater et regretter les écarts de ceux qui ne respectent pas le jus gentium ou les règles communes aux nations civilisées.

A partir de 1989, la chute du mur de Berlin avait vu fleurir nombre de concepts qualifiant ce que l’on croyait à l’époque percevoir comme définissant la nouvelle architecture du monde : multipolaire, apolaire, fin de l’histoire, choc des civilisations entre l’Occident et le monde arabo-musulman. Aujourd’hui, Washington rejoue, avec Trump 47e président, une variante de la guerre froide avec la Chine – course aux armements, frictions militaires, guerre économique et containment inclus. Prévaut de ce fait l’impression, en cette année 2025, que derrière le paravent d’une pandémie qui avait monopolisé les attentions, s’est épanoui de façon sournoise et décomplexée un cynisme – que l’on se hasarde à qualifier de régressif – propre à justifier les entreprises les plus périlleuses.

Un contexte international « régressif »

Il est des correspondances, notamment celles qui associent évolutions politiques nationales et internationales, qu’on hésite – en dehors des schémas classiques de l’impact des démagogies électorales sur les politiques étrangères – à évoquer. Il arrive pourtant que certaines coïncidences s’imposent. La revue Le Débat, née en 1980, a disparu en 2020 et, dans sa dernière livraison, Pierre Nora nous a livré une série d’explications pertinentes de cet effacement discret d’un outil de décryptage de la « complexité généralisée » du monde.

[…]

***

Pour lire l’article “L’Europe face aux nouvelles logiques d’empire” écrit par Alain MEININGER et extrait du Bulletin de l’Amicale des Anciens des services spéciaux de la défense national n° 270 de mars 2025, cliquez ICI




Espace. Spatial Militaire français : Attention au déclassement

La France veut se doter d’une stratégie spatiale nationale. Il y a urgence tant le pays risque le déclassement

François Bayrou a annoncé jeudi 6 mars le lancement d’une mission gouvernementale afin d’établir d’ici à juin une « stratégie spatiale nationale » devant permettre à la France de «rester une puissance de premier rang mondial ».

Cette mission n’est pas inutile, tant le secteur spatial français a souffert des deux révolutions spatiales portées par SpaceX : les lanceurs, dits réutilisables, et la constellation télécom en orbite basse Starlink. La viabilité économique du programme Ariane 6 est désormais fortement remise en cause à moyen terme et malgré les 18 lancements commerciaux signés avec Amazon, Arianespace reste une société commerciale déficitaire. Les autres pays européens n’ont pas souhaité contribuer à la viabilité du lanceur européen et l’Allemagne développe même un lanceur concurrent d’Ariane 6.

Le Commandement de l’Espace pousse vers un changement de stratégie, mais il se heurte au conservatisme de la DGA et des industriels TAS et ADS.

Outre le développement du programme Ariane 6, la France a beaucoup investi dans l’accès à l’Espace : 5 programmes de micro-lanceurs (dont la viabilité technologique et commerciale reste hypothétique), 2 démonstrateurs de lanceurs réutilisables et 5 nouveaux pas de tirs en Guyane. L’urgence est désormais clairement de passer de systèmes à deux ou trois satellites – télécoms, observation ou écoute- à des systèmes de constellations de plusieurs dizaines de satellites. Les grandes puissances spatiales militaires (USA, Chine, Russie) possèdent toutes des constellations qui leur assurent une revisite importante des zones d’intérêt pour les satellites de renseignement et une couverture beaucoup plus large pour les satellites de télécom.
Par ailleurs, nos satellites militaires sont aujourd’hui de « big juicy target » et la perte de l’un d’entre eux a des conséquences majeures. Les constellations permettent donc d’assurer la redondance du service, une meilleure revisite et complexifient les actes hostiles. Le Commandement de l’Espace pousse vers ce changement de stratégie, mais il se heurte au conservatisme de la DGA et des industriels TAS et ADS. L’État devrait pour le moins exiger, en contrepartie, qu’ils aient la capacité de répondre aux nouveaux besoins des forces, et ce à des prix raisonnables.

L’augmentation du nombre de satellites de renseignement optique et écoute doit s’accompagner d’une montée en puissance de notre capacité d’analyse et de valorisation de la donnée, une donnée acquise et non traitée est une donnée perdue. Cet effort sur l’analyse des données spatiales permettra d’accentuer notre effort vers des zones géographiques aujourd’hui moins prioritaires, comme le Pacifique, où nos intérêts sont primordiaux. Il faut encourager des sociétés de surveillance de l’espace (SSA) à y implanter des capteurs radars et optiques pour surveiller les parties d’orbites invisibles depuis la métropole. Aujourd’hui les satellites militaires et civils français et européens dépendent des données américaines pour assurer leur sécurité en orbite. Paradoxalement la France dépense énormément pour garantir sa souveraineté d’accès à l’Espace, mais peu d’argent pour assurer sa souveraineté en surveillance de l’Espace.

Augmenter nos capacités de renseignement de façon massive pour obtenir une utilisation tactique et opérationnelle des données spatiales, assurer la redondance de nos communications par la mise en orbite de constellations télécoms en orbite basse et assurer l’autonomie de la surveillance de l’Espace va nécessiter d’engager de gros budgets militaires.

Le spatial militaire français a été pendant des années une grande réussite, mais aujourd’hui, il doit se réinventer, car il risque sinon le déclassement par les autres puissances militaires spatiales.

Ces engagements devront tout d’abord être compensés par des économies sur d’autres domaines moins essentiels du spatial militaire. Les déclarations du Président Macron visant un budget de la défense jusqu’à 5% du PIB relevant encore du vœu pieux, la prudence doit donc nous pousser à proposer une stratégie pour le spatial de défense dans une enveloppe seulement légèrement supérieure à l’actuelle. Des économies sont possibles en arrêtant les développements peu pertinents ou peu prometteurs, comme ceux d’action dans l’Espace, les missions d’observation hyperspectrale ou tout simplement en utilisant davantage les talents des agents de l’État du CNES plutôt que de payer des ingénieurs de TAS ou ADS !

Le spatial militaire français a été pendant des années une grande réussite, mais aujourd’hui, il doit se réinventer, car il risque sinon le déclassement par les autres puissances militaires spatiales. À cet égard, la priorité à accorder au lancement de constellations spatiales est une nécessité tant pour le renseignement que pour les communications de nos forces déployées sur les futurs champs d’opérations.

Les missions spatiales pour 2030-2035 se décident aujourd’hui, il faut aujourd’hui des actes forts et courageux, pour reprendre la devise du Commandement de l’Espace : Res non verba !

André ROUGE
au nom du groupe Défense des Horaces.
Revue Conflits
27 mars 2025

Pour lire l’article “Loi de programmation militaire (Lpm) : entre La construction budgétaire et L’exécution budgétaire” écrit par Jacques HELIOT et extrait du Bulletin de l’Amicale des Anciens des services spéciaux de la défense national n° 270 de mars 2025, cliquez ICI




Conflit : Sept Drones Reaper abattus au Yémen

AASSDN information   

Les rebelles houthis ont abattu sept drones Reaper américains ces dernières semaines. (Extrait)
Au Yémen, les rebelles houthis ont abattu sept drones Reaper américains (30 M$ pièce) en moins de six semaines, soit une perte d’appareils estimée à plus de 200 millions de dollars.

Ce qui constitue le coût le plus important pour le Pentagone de la campagne militaire contre les militants soutenus par l’Iran.

Selon des responsables de la Défense, trois des drones ont été abattus la semaine dernière, – le 31 mars et les 3, 9, 13, 18, 19 et 22 avril -, ce qui suggère que le ciblage des drones survolant le Yémen par les militants s’est amélioré. Les drones effectuaient des missions d’attaque ou de surveillance et se sont écrasés dans l’eau et sur terre, ont déclaré les responsables, qui ont requis l’anonymat pour discuter des opérations militaires.(…)

De novembre 2023 à janvier dernier, les Houthis ont ciblé plus de 100 navires marchands avec des missiles et des drones, coulant deux d’entre eux et tuant quatre marins civils. Cela a considérablement réduit le flux commercial dans le corridor de la mer Rouge, qui voit généralement transiter 1 000 milliards de dollars de marchandises chaque année.

Lolita C. BALDOR
Chroniqueuse à l’Associated Press
Military Times (extraits)
26 avril 2025

Légende photo : Le drone Reaper en appui de la Task Force Takuba
Source photo : Ministère de Armées




Economie : L’Europe face à la réalité de la prédation économique

Information AASSDN

L’Europe est aujourd’hui la proie d’États prédateurs en quête d’autonomie stratégique, de domination géopolitique et de suprématie économique. Cette prédation se manifeste notamment par la prise de contrôle d’infrastructures critiques ou de fleurons industriels ou technologiques. Depuis quand assiste-t-on à ce type de prédation en Europe ?

F.-X. Carayon  : La prédation économique est un phénomène ancien qui est intimement lié au mouvement de la mondialisation. Cela s’est accéléré en parallèle de l’augmentation des échanges économiques au cours des années 1980-1990. La particularité de la dernière vague d’investissements internationaux que j’analyse dans mon ouvrage est que ces investissements sont effectués par des acteurs publics. Il ne s’agit plus d’achats d’entreprises privées par des entreprises privées mais de rachats d’actifs ou d’entreprises européennes privées par des investisseurs publics étrangers, à savoir des fonds souverains et des entreprises publiques. Or, l’origine publique de ces investissements peut entrainer les conséquences politiques que vous avez mentionnées.

Vous expliquez que les entreprises publiques et les fonds souverains sont donc les deux principaux outils de cette prédation. Pourquoi et comment cela se traduit-il ?

Auparavant, les fonds souverains constituaient les outils classiques des pays bénéficiant d’une rente énergétique, notamment au Moyen-Orient. C’était un moyen de créer une épargne intergénérationnelle ou de lisser les fluctuations de revenus lors de l’évolution du cours des matières premières. En parallèle, les entreprises publiques ont longtemps joué leur rôle qui était simplement d’opérer des services publics. Puis, peu à peu, ces deux acteurs ont été perçus par les puissances émergentes du monde en développement — la Chine, la Corée du Sud, la Malaisie, Singapour, les pays du Moyen-Orient, etc. — comme des vecteurs au service des objectifs industriels et géostratégiques de leur pays. La proximité de ces deux acteurs avec le gouvernement favorisait un alignement naturel avec les intérêts publics. Le gouvernement avait donc le moyen de s’assurer que ces investissements étaient en capacité de satisfaire leurs intérêts.

Pour prendre un exemple, la Chine — que l’on peut considérer comme l’État prédateur par excellence — a déployé une stratégie d’investissement massif dans les semi-conducteurs dans les années 2010. En 2014, Pékin a créé un fonds souverain dédié juste après avoir établi une feuille de route. Puis la Chine s’est lancée dans le rachat d’entreprises de tailles significatives aux États-Unis en 2016 et 2017, jusqu’à ce que le dispositif américain du CFIUS (Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis) commence à s’alerter. Ce fut le cas également en France lorsque l’entreprise d’État chinoise Tsinghua Unigroup a racheté en 2018 l’entreprise Linxens, fabricant de composants pour cartes à puces, pour 2,2 milliards d’euros (1). Cet exemple se situe à mi-chemin entre les prédations de nature géostratégique et celles plus économiques qui contribuent à la prospérité nationale.

Les prédations géostratégiques ciblent tout particulièrement les infrastructures critiques. On pensera notamment aux 14 ports européens qui sont passés sous contrôle chinois et qui ne constituent pas des investissements seulement financiers mais aussi stratégiques et opérationnels. On peut aussi mentionner le cas des réseaux électriques et gaziers européens qui sont passés en partie sous contrôle chinois (2), notamment en Italie, au Portugal, en Grèce et au Royaume-Uni. Outre le cas chinois, celui de Singapour est également intéressant car, dans le domaine maritime, la cité-État s’est emparée d’un certain nombre d’actifs à travers le monde, y compris en Europe, comme en Belgique, aux Pays-Bas ou en Italie.

Cette menace géostratégique peut aussi se développer lorsqu’un État prédateur a pris trop d’importance dans un secteur donné. Ainsi, par le jeu des investissements, il acquiert une capacité de menace, qui n’est pas un outil sans faille, mais qui contribue à peser dans les rapports stratégiques entre États.

Outre la Chine, quels sont les autres principaux États prédateurs vis-à-vis de l’Europe ?

On peut avoir tendance à regarder surtout du côté américain ou chinois et à isoler ce phénomène de capitalisme d’État conquérant. Mais le modèle chinois est en train d’essaimer à travers le monde, d’autres États le pratiquent également. On peut revenir sur le cas de Singapour, considéré comme l’un des États les plus libéraux au monde, qui réplique la stratégie de Pékin grâce à ses deux grands fonds souverains, GIC et Temasek (3), qui investissent de façon tout à fait traditionnelle en prenant des participations financières minoritaires dans un grand nombre d’entreprises mais qui, en parallèle, commencent à multiplier les investissements stratégiques dans les secteurs les plus importants pour Singapour, à savoir le maritime, la logistique et les nouvelles énergies. Ce modèle se diffuse également en Corée du Sud, un peu moins en Inde, et bien évidemment dans les pays du golfe Arabo-Persique.

Est-ce que des États européens sont plus ciblés que d’autres ?

C’est assez triste à dire, mais la France ne fait pas nécessairement partie des pays les plus ciblés en raison du fait que son industrie est déjà fortement affaiblie. L’Allemagne est donc au contraire une cible de choix pour nombre d’investisseurs étrangers qui convoitent sa puissance industrielle. Le rachat du constructeur de robots industriels Kuka par le chinois Midea en 2016 a sonné comme un réveil pour l’Allemagne (4). Mais cette dernière continue néanmoins à avoir du mal à protéger ses fleurons industriels avec la perte de nombreuses ETI (entreprises de taille intermédiaire) régionales. À la fin des années 2000 et début 2010, l’Allemagne a d’ailleurs perdu la plupart de ses technologies de pointe dans le secteur des énergies renouvelables qui ont été ravies par des concurrents essentiellement chinois.

Quels sont les secteurs les plus ciblés et quels en sont les risques ?

Ce sont bien évidemment les secteurs stratégiques qui sont les plus ciblés, sachant que la liste de ces secteurs ne fait que s’allonger : robotique, numérique, technologies de l’information, biotechnologies… Paradoxalement, depuis la Covid-19, alors que ces derniers devraient être mieux protégés, de nombreux investissements ont continué d’être réalisés dans le domaine des biotechnologies par des Chinois, des Sud-Coréens, des Taïwanais ou des Japonais. Malgré l’importance de ce secteur, les entreprises de biotechnologie européenne ont un accès difficile aux financements issus des fonds capitalistiques européens (5).

On peut constater que le phénomène ne s’enraie pas, même après un choc aussi important que celui de la pandémie qui nous a pourtant démontré que notre dépendance à l’égard de l’étranger constituait une réelle fragilité.

Un rapport intéressant de la Commission européenne avait été commandé (6), sous la pression des États membres. Il devait faire le point sur l’influence des investisseurs étrangers au sein des économies européennes. Ce rapport a été plus ou moins mis sous le tapis en raison du constat inquiétant qu’il dressait. Il montrait notamment qu’une partie importante des secteurs stratégiques était détenue par des investisseurs étrangers. Ce rapport montrait ainsi que les secteurs stratégiques étaient deux à trois fois plus ciblés que les secteurs classiques. Il dessinait une trajectoire inquiétante montrant qu’entre 2013 et 2017, le nombre d’entreprises passées sous actionnariat étranger, notamment dans les secteurs stratégiques, était en croissance extrêmement forte. La question était de savoir si cette tendance continuait ou si le renforcement de nos dispositifs de protection avait pu infléchir cette trajectoire. Mais il n’y a pas eu de suite à ce rapport qui constitue un aveu d’échec de la Commission européenne sur ce sujet.

Quelle est concrètement l’ampleur de la désindustrialisation ou l’état de l’influence sur les pouvoirs publics européens générées par cette prédation ?

Il est important de réaliser que les investissements étrangers ne sont pas la raison de notre désindustrialisation. Ils viennent d’abord profiter d’un affaiblissement structurel de notre industrie et de notre tissu économique au sens large. C’est parce qu’un grand nombre d’acteurs économiques sont en difficulté que ces investisseurs étrangers sont en capacité de les acquérir. Et c’est parce que notre écosystème financier n’est pas suffisamment développé et robuste qu’il ne peut pas non plus venir en contrepoids pour proposer des alternatives d’investissement.

En France, le cadre fiscal et administratif a généré un désavantage compétitif certain. Mais avec un peu de recul, on réalise que dans le reste de l’Europe occidentale la désindustrialisation va moins vite mais progresse néanmoins. Il y a donc un problème structurel européen qui a trait à notre capacité d’innovation, notre capacité d’éducation et de formation et qui ne semble plus suffisant (7) pour préparer l’avenir et lutter à armes égales face à des nations comme l’Inde (8).

Est-ce que l’Europe a pris conscience de ce danger ?

L’Union européenne (UE) en a pris conscience en partie et s’est dotée d’un dispositif de filtrage (9), qui n’en est pas vraiment un, mais plutôt un outil de coopération entre les États membres et qui permet de partager l’information. Pour l’essentiel, il n’est pas en capacité de bloquer des investissements étrangers en Europe. À ce stade, il s’agit plutôt d’un dispositif cosmétique que d’un outil véritablement efficace.

Du côté des États européens, ces derniers commencent à réagir et les dispositifs de filtrage se musclent dans chaque pays. Il y a cinq ans, seul un quart des pays européens avait un tel dispositif, alors qu’aujourd’hui cela concerne les deux tiers des États membres. Malheureusement, les moyens mis en œuvre ne sont pas à la hauteur. À titre de comparaison, le budget du CFIUS américain est environ trente fois supérieur à son équivalent français. Si l’on compare le nombre de dossiers filtrés par les pouvoirs publics allemands, italiens ou espagnols, ils sont environ cinq à sept fois inférieurs au nombre de dossiers traités par les Canadiens ou les Australiens.

Alors que les problèmes de souveraineté ne se vivent pas de la même façon d’un État à l’autre et qu’il faut bien accepter que nous sommes dans un contexte de guerre économique permanente, y compris au sein même de l’Europe, que peut faire l’UE ou chacun des États membres pour se prémunir face à cette prédation économique ?

Instinctivement, on aimerait que les dispositifs de filtrage se concentrent sur les pays qui nous apparaissent les plus menaçants, comme la Chine ou les États-Unis. Mais effectivement, un certain nombre de menaces émanent de nos voisins les plus proches, comme l’Allemagne. Il s’agit donc de faire un véritable choix politique. Est-ce qu’il faut pousser le fédéralisme à un niveau plus avancé pour permettre de transférer la capacité de filtrage au niveau communautaire ? Mais si nous considérons que les intérêts continuent d’être divergents, ce qui est le cas en pratique, il faut peut-être en tirer des leçons pragmatiques et savoir se protéger de la même manière contre les investissements allemands ou chinois. Sur cette question, il faut avant tout faire preuve de pragmatisme et se dire que tant que nos partenaires se positionneront en concurrents agressifs — comme a notamment pu se comporter l’Allemagne à l’égard de la France ces dernières années dans le nucléaire (10) —, alors il va falloir les traiter à la fois comme des partenaires et des menaces.

Bernard CARAYON
Propos recueillis par Thomas DELAGE
le 8 octobre 2024
dans le cadre des Rencontres stratégiques de la Méditerranée

(1) Frédéric Schaeffer, Raphaël Balenieri, « Semi-conducteurs : un groupe chinois rachète Linxens », Les Échos, 26 juillet 2018 (https://​rebrand​.ly/​j​d​u​q​mpk).

(2) Clémence Pèlegrin, Hugo Marciot, « La Chine aux portes du réseau électrique européen », Groupe d’études géopolitiques, septembre 2021 (https://​rebrand​.ly/​o​0​o​p​t6r).

(3) Nessim Aït-Kacimi, « Proche des 300 milliards d’euros, le fonds singapourien Temasek renoue avec la croissance », Les Echos, 10 juillet 2024 (https://​rebrand​.ly/​n​0​h​u​n5o).

(4) Alexandre Souchet, « Guerre de l’information autour de la prise de contrôle de l’entreprise allemande Kuka Robotique », École de guerre économique, 24 février 2020 (https://​rebrand​.ly/​a​l​r​5​gzi).

(5) Coface, « Biotechnologies : une Europe à la peine face au duel sino-américain », 27 mai 2024 (https://​rebrand​.ly/​e​2​r​e​m8m).

(6) Commission européenne, « Rapport sur les investissements directs étrangers : augmentation continue de la propriété étrangère d’entreprises européennes dans des secteurs clés », 13 mars 2019 (https://​rebrand​.ly/​2​y​f​r​283).

(7) En 2024, la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) affiche 46 500 nouveaux diplômés en 2022-2023, alors que les entreprises en réclament 20 000 de plus : Jeanne Bigot, « Le nombre d’ingénieurs diplômés en France reste insuffisant face aux besoins des entreprises », L’Usine Nouvelle, 17 juin 2024 (https://​rebrand​.ly/​5​3​u​9​bkn).

(8) Geetha Ganapathy-Doré, « L’Inde, une puissance scientifique et technologique depuis plus longtemps qu’on le croit », Université Sorbonne Paris Nord, article republié à partir de The Conversation, 5 juin 2024 (https://​rebrand​.ly/​l​l​a​q​9cm).

(9) Marie Guitton, « Filtrage des investissements étrangers : à quoi sert le “système d’alerte” de l’UE ? », Toute l’Europe, 11 février 2022 (https://​rebrand​.ly/​s​u​b​1​vrn).

(10) École de guerre économique, « Ingérence des fondations politiques allemandes & sabotage de la filière nucléaire française », rapport d’alerte, juin 2023 (https://​rebrand​.ly/​o​y​u​7​e3n).




USA : Limogeage à la tête de la NSA et du Cyber Command américain

Le président Donald Trump a limogé brutalement le directeur de l’Agence de sécurité nationale (NSA), selon des responsables américains et des membres du Congrès. Cependant, la Maison Blanche et le Pentagone n’ont fourni aucune explication.

De hauts responsables militaires ont été informés jeudi du limogeage du général d’armée aérienne Tim Haugh, qui supervisait également le Cyber Command du Pentagone, ont indiqué les responsables. Ils n’ont reçu aucun préavis concernant la décision de limoger un général d’armée fort de 33 ans de carrière dans le renseignement et les cyber opérations, selon les responsables, qui ont requis l’anonymat pour discuter des décisions relatives au personnel. (…)

Lolita C. BALDOR et Lisa MASCARO
Chroniqueuses de l’Associated Press
Military Time
Vendredi 04 avril 2025




Histoire. Le coup fatal de l’attaque japonaise du 9 mars 1945 : la fin de l’Indochine française

Dans un contexte de repli face aux Alliés, le Japon décide, le 9 mars 1945, d’évincer brutalement les forces françaises encore présentes en Indochine. Cette offensive marque un tournant décisif dans l’histoire de la colonisation française en Asie du Sud-Est. Entre massacres, internements et bouleversements géopolitiques, cet événement précipite la fin de la domination coloniale française et ouvre la voie à la montée du nationalisme vietnamien.

La France évincée

Les Japonais, en guerre contre la Chine, ont profité de la défaite de la France face à Hitler pour occuper l’Indochine française. Le 25 septembre 1940, ils soumettent les troupes françaises d’Indochine mais laissent en place l’administration coloniale et le gouverneur général nommé par le gouvernement de Vichy, l’amiral Jean Decoux.

Celui-ci maintient vaille que vaille la présence française dans cette colonie du bout du monde et préserve la sécurité de ses habitants, cependant que l’occupant met l’Indochine en coupe réglée et exploite le caoutchouc naturel (15% des exportations mondiales en 1939).

Vers le chaos

Cinq ans plus tard, repoussés de partout par la contre-offensive américaine, les Japonais craignent que des Français venus de la métropole ne tentent de les chasser aussi du réduit indochinois.

C’est ainsi que le 9 mars 1945, ils attaquent avec brutalité les garnisons françaises encore présentes sur place. On ne compte pas moins de 2 650 morts parmi les Français, dont le général Émile Lemonnier commandant de la 13e  brigade de Lang Son. Le général a refusé à deux reprises de signer une capitulation sans conditions. Il est décapité au sabre le 10 mars (à Paris, l’avenue située entre le Louvre et les Tuileries honore sa mémoire).

3 000 prisonniers rejoignent les camps de la mort, dont celui de Hoa-Binh. Parmi les 19 000 civils français, 3 000 sont aussi internés et parfois torturés. Les autres sont astreints à résidence forcée sous la férule de la Kempeitai (la police politique de l’armée impériale nippone).

Cependant, le leader communiste-nationaliste Hô Chi Minh dénonce la tutelle japonaise le 10 août 1945 et proclame l’indépendance de la République démocratique du Viêt-Nam (.

Dans le même temps, comme pour ajouter à la confusion qui règne sur le terrain, les Alliés réunis à Potsdam projettent de couper en deux la péninsule indochinoise suivant le 16e parallèle. Le maintien de l’ordre reviendrait au nord de cette ligne aux Chinois nationalistes de Tchang Kai-chek, au sud aux Britanniques !

Une tentative de reconquête

Le général Charles de Gaulle, qui dirige le gouvernement provisoire de la République française, met tout en œuvre pour restaurer la souveraineté de la France sur ses colonies d’outre-mer. Il veut effacer le souvenir de la défaite de 1940 et restaurer en tous lieux la grandeur de son pays. Il veut aussi couper court à d’autres tentatives indépendantistes au sein de l’Empire colonial.

Dès le 24 mars 1945, il déclare son intention de constituer en Indochine une fédération de colonies et de protectorats qui comprendrait les trois provinces du Viêt-Nam (les trois Ky : Tonkin, Annam et Cochinchine) ainsi que le Cambodge et le Laos.

Des soldats français sous les ordres du lieutenant-colonel Jacques Massu s’emparent le 23 septembre de Saigon, capitale de la Cochinchine (le Viêt-Nam du sud). Leur entreprise est facilitée par la capitulation officielle du Japon trois semaines plus tôt.

Quelques jours plus tard arrive un corps expéditionnaire sous les ordres du général Leclerc de Hauteclocque, héros de la Libération nommé par de Gaulle commandant en chef des troupes d’Extrême-Orient, sous les ordres de l’amiral Georges Thierry d’Argenlieu, gouverneur général d’Indochine.

À sa manière audacieuse, Leclerc chasse Japonais et Chinois du Vietnam et du Cambodge. Il fait une entrée triomphale à Hanoï le 18 mars 1946.

Site Hérodote

Source photo : SiteHérodote




Industrie : Naval Group en lice pour équiper le Canada en sous-marins de nouvelle génération

Le groupe français Naval Group a répondu à l’appel d’Ottawa pour le renouvellement de sa flotte sous-marine, avec une proposition basée sur la famille Barracuda. Ce projet, qui pourrait aboutir à la commande de douze sous-marins à propulsion conventionnelle, marque une nouvelle opportunité stratégique pour l’industriel français, déjà engagé sur plusieurs programmes internationaux. La compétition s’annonce intense, dans un contexte de renforcement des capacités navales canadiennes.

Le gouvernement canadien avait annoncé, le 17 septembre dernier, avoir émis auprès des industriels internationaux une demande d’information (Request for Information – RFI) pour l’acquisition d’une flotte pouvant comprendre jusqu’à douze nouveaux sous-marins à propulsion conventionnelle. Les candidats intéressés avaient jusqu’au 18 novembre pour se manifester. Parmi ceux qui se sont positionnés figure Naval Group, ont révélé le 17 février nos confrères de La Tribune. Une information confirmée par les sources de Mer et Marine. 

L’industriel français propose au Canada un sous-marin de la famille Barracuda, qui s’est pour le moment déclinée en deux variantes : une plateforme à propulsion nucléaire (classe Suffren) de 99.5 mètres et 4650 tonnes de déplacement en surface commandée par la France et dont trois exemplaires ont été à ce stade livrés par Naval Group (trois autres le seront d’ici 2030) ; ainsi qu’une version à propulsion diesel-électrique de 82 mètres et 3300 tonnes (classe Orka) dont quatre unités vont être réalisées pour les Pays-Bas, qui doivent réceptionner la tête de série en 2034. C’est aussi sur la base du design développé pour les nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) français que Naval Group avait remporté, en 2016, la compétition internationale lancée par l’Australie pour douze sous-marins conventionnels (classe Attack), Canberra annulant finalement ce contrat en 2021 suite à la signature de l’Alliance AUKUS avec les États-Unis et le Royaume-Uni. 

(…) Lire la suite : https://www.meretmarine.com/fr/defense/naval-group-en-competition-pour-les-futurs-sous-marins-canadiens

Vincent GROIZELEAU
Mer et Marine
25 février 2025