Les «Sussex», ces agents secrets qui ont permis le débarquement en Normandie

Ce sont des hommes de l’ombre dont on entend trop peu parler. Pourtant, ils ont, en grande partie, préparé le terrain au Débarquement du 6 juin 1944. Précurseurs du renseignement et des techniques d’espionnage, les agents Sussex ont fait office « d’éclaireurs », embarqués au cœur d’une des opérations les plus secrètes de la Seconde guerre mondiale.

Absents dans les manuels d’histoire et des cérémonies de commémoration, ces 120 agents étaient parachutés en civil derrière les lignes allemandes en France occupée, sur initiative du général Eisenhower. Par définition, ces agents avaient une fâcheuse habitude d’être trop discrets.






Plan Jedburgh : Les Français premiers acteurs de la Libération en France

Le plan Jedburgh, initié en juillet 1942 par le Special Operations Executive (SOE) et l’Office of Strategic Services (OSS), visait à soutenir la Résistance dans les territoires occupés pour faciliter l’avancée des troupes alliées après le débarquement. Cette collaboration anglo-américaine, enrichie par la participation des résistants français, belges et hollandais, comprenait la formation et le déploiement de 100 équipes d’opérations spéciales. Recrutées et entraînées dans le secret, ces équipes furent parachutées pour mener des missions de sabotage et de soutien aux maquis. Le bilan de cette opération secrète, bien que marqué par des pertes, témoigne de son impact crucial dans la lutte contre l’occupant nazi.

Commentaire AASSDN : Comme chaque année mais plus encore cette année, les médias et la classe politique mettront en avant le rôle essentiel joué par les Alliés dans cette opération qui avait pour objectif de vaincre le nazisme après que Hitler ait déclaré la guerre aux Etats-Unis le 11 décembre 1941 soit 4 jours après Pearl Harbour.
La libération de la France démarra par les 2 débarquements de Normandie essentiellement anglo-saxon et canadien (6 juin 1944) et de Provence (15 août 1944) essentiellement franco-américain. Si ces débarquements furent des succès, ce fut d’abord grâce aux innombrables renseignements très précis et actualisés transmis à Londres (vers la France Libre et l’Intelligence service) pendant des mois sur les troupes allemandes (infrastructures, dispositifs et matériels) par les grands réseaux de Renseignement de la Résistance (Confrérie Notre-Dame et Alliance notamment) mais aussi par des équipes de deux ou trois « commandos » souvent dirigées par des Français, entrainées en Grande Bretagne, puis parachutées en France occupée (Plan Jedburgh et opération Sussex).
L’AASSDN tient particulièrement à rappeler le sacrifice de ces combattants de l’ombre, agissant dans la clandestinité et tenus au secret qui ont accepté de sacrifier leur vie pour la liberté de leur pays.
c’étaient des garçons et des filles de 17 ou 25 ans, des patriotes ardents et de vrais guerriers qui n’ont pas eu la notoriété donnée par Hollywood au « soldat Ryan » et à ceux du « jour le plus long ». Mais faut-il rappeler que le premier mort du débarquement fut un parachutiste français largué en Bretagne.
Enfin et quelles que soient les conflits actuels, n’oublions pas de 2 soldats allemands sur 3 furent tués par l’armée rouge aux côtés de laquelle l’escadrille française Normandie Niémen combattit et se couvrit de gloire. Elle fut la seule unité alliée à combattre sur le front oriental.

Naissance du plan Jedburgh

L’idée du plan Jedburgh est née en juillet 1942 au SOE (Special Operations Executive). L’OSS (Office of Strategic Services), se rapproche de lui dès avant le débarquement en Afrique du Nord pour analyser la possibilité d’envoyer du personnel en zone occupée afin de faciliter la progression des troupes après le débarquement, car le potentiel de la Résistance et l’expérience des réseaux anglais sont des atouts majeurs. Mais le plan stagne. Ainsi, afin de faire réagir le commandement, le SOE monte la manœuvre Spartan du 3 au 11 mars 1943. Les Américains y sont observateurs. L’exercice est si positif qu’un mémorandum est rédigé par les deux services 5 jours après. Il définit le rôle, les moyens de commandement et de contrôle ; un effectif de 70 équipes de 3 hommes dont 1 originaire du pays ; les fonctions au sein des maquis et les moyens de communication. On prévoit de larguer les équipes en uniforme pour leur assurer la protection des conventions en vigueur, cependant les habits civils sont admis.

En avril, le nombre des équipes est porté à 100 dont 30 fournies par les pays envahis (France, Belgique et Hollande) car on prévoit de lourdes pertes

Recrutement et entraînement

La création du Comité National de la Résistance en mai 1943 facilite le rapprochement entre la France et les Alliés. En juillet, la France est invitée à recruter pour le plan. De Gaulle accepte, et le commandant Saint Jacques du bureau central de renseignement et d’action (BCRA), fait le tour des régiments d’Afrique du Nord. Les critères sont bien établis. Il ne s’agit pas seulement de recruter des baroudeurs mais des hommes ayant du cran, intelligents, aptes à jauger une situation politique locale et à s’imposer aux chefs des maquis et aux autorités civiles en place. 

Si les Alliés fournissent leur quota sans difficulté, ce n’est pas le cas de la France. Saint Jacques puise la majorité des effectifs dans les unités non prévues pour la campagne d’Italie. Sa tâche est ardue suite aux réticences des colonels chefs de corps. Le quota n’est atteint qu’en avril 1944 alors que les cours ont débuté début février. Pour assurer la discrétion du plan Jedburgh, les Britanniques créent un nouveau camp d’instruction afin d’être sûrs qu’il reste inconnu de l’ennemi. Le château de Milton Hall, à Peterborough, est réquisitionné. Au lieu de STS (Special Training School), ce centre prend l’appellation de ME 65 (Military Establisment 65).

Bien qu’installés dans un superbe cadre, les rapports entre les nationalités manquent de cordialité. Les Britanniques découvrent leurs cousins d’Amérique différents de ce qu’ils imaginaient et parfois plus étrangers que les Français eux-mêmes. Ces derniers, qui ont vécu 3 années de propagande de Vichy et l’affaire de Mers-El-Kébir, gardent leurs distances à l’égard des Anglais. De plus, ils sont exclus de la direction de l’école que se partagent les Alliés, et font face à des instructeurs qui prétendent leur apprendre à combattre alors qu’ils ont connu la campagne de 40 et celle de Tunisie… C’est en fait la guérilla qu’ils vont apprendre. Les cours  s’enchaînent à un rythme soutenu et abordent tous les sujets utiles aux futures missions :  parachutisme ; armement allié et ennemi ; tir instinctif ; mise en œuvre d’explosifs ; radio et chiffrement  ; organisation de zone de parachutage et guidage d’avion ; marches commandos et close-combat avec le major Sykes.

L’ambiance est morose et la rigidité du directeur du centre, le colonel Spooner, n’arrange rien. En avril, il est remplacé par le Colonel Musgrave. Tout s’améliore. Des permissions sont  accordées. Il crée une osmose entre les stagiaires en formant avant l’heure les « teams » par libre choix des officiers qui choisissent ensuite leur radio. Puis, il organise un concours de dessin destiné à créer un insigne commun à tous. C’est Victor Gough qui gagne en créant les ailes « SF ». En mai et juin, 25 équipes partent pour Alger, le rayon d’action des avions ne pouvant assurer leur largage dans le sud de la France depuis l’Angleterre.

Les missions

A partir du 6 juin, Tempsford et Harrington sont les bases d’envol depuis l’Angleterre. En Algérie, ce sont celles de Maison Blanche et Blida. 

Les missions se regroupent en 5 zones d’actions : la Bretagne ; la vallée de la Loire ; l’axe Châteauroux-Toulouse ; les Alpes et le sud-est ; enfin le nord-est. En juin, le but principal de retarder les renforts allemands vers la Normandie est atteint. Les mois suivants, la mission de protection des flancs des armées de libération progressant depuis la Normandie et la Provence est une réussite.

L’utilisation du potentiel Jedburgh se répartit ainsi : en juin, 13 teams sont largués dans le sud, le centre et  la Bretagne. En juillet, 11 autres suivent vers la Bretagne et le centre-ouest. En août, suite au débarquement de Provence, l’aide aux maquis s’intensifie. 53 teams sont parachutés  vers le sud-ouest et les Alpes. En septembre, 10 teams renforcent l’est. Sur le front Atlantique, 4 autres sont déposés par mer. En novembre, un dernier team est positionné en Alsace face à la menace allemande. Chaque équipe saute avec une douzaine de containers d’armes ce qui permet aux Jedburghs d’instruire les maquis en attendant les parachutages demandés par radio. Le commandement des maquis n’est pas automatique et se fait en fonction des circonstances, mais la supervision reste la règle. 

Le bilan

Au total, 92 équipes Jedburghs sont envoyées en France dont 1 proche de la Belgique. En Hollande, 8 teams sont parachutés, dont 6 en appui à l’opération Market Garden.

285 hommes ont été Jedburghs en France (103 Français, 89 Britanniques, 83 Américains, 8 Hollandais, 1 Belge et 1 Canadien). Les prévisions de 40% de perte n’ont heureusement pas été atteintes. On déplore cependant 19 tués (13 au feu, 4 exécutés après capture et 2 sauts mortels); 25 blessés (18 au feu et 7 au saut); 4 prisonniers.

Bertrand SOUQUET
Historien, fils de Jefdburgh

Stagiaires Jed en salle de formation de télégraphie sans fil (W/T)
Entrainement aux barres parallèles dans la cour de Milton Hall

Team Daniel : Entraînement au stand de tir
Team IVOR : saut nuit du 6 au 7 aout 1944 à Beddes, 6 km de Chateaumeillant, Indre. Balisage par Jed team Hamish.
de G à D : T Sgt lewis GODDARD (US) W/T code name “Oregon “, atterrissage hors DZ, se tue a l’atterrissage, parachute en torche, KIA
Captain Brit John Howard COX, team leader, code name “Monmouth “, atterrissage hors DZ, tombe dans un trou et se fait une entorse
Ltn Fr Robert COLIN code name “Selune“, IF “LE DANTEC”, atterrissage hors DZ, tombe dans un trou, une balle de son pistolet lui traverse la jambe




Exposition “Les plans secrets du Débarquement” de 1944

Le délégué Ile-de-France a représenté l’AASSDN  le 22 mai 2024 à l’Hôtel de Lassay, à l’invitation de Madame Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale à l’inauguration de l’exposition « Les plans secrets du Débarquement », à partir des archives du colonel Passy.  

Parmi les personnalités présentes, madame la Secrétaire d’Etat Patricia Mirallès, chargée des Anciens combattants et de la mémoire, le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des Armées, monsieur Nicolas Lerner directeur général de la Sécurité extérieure ; Monsieur l’ambassadeur Emié était également présent.

Dans son discours d’ouverture, madame Braun-Pivet a tenu à rendre particulièrement hommage aux combattants de l’ombre qui avaient suivi l’appel de général de Gaulle, André Dewavrin qui prit pour nom de guerre celui de « colonel Passy », Maurice Duclos étant « Saint-Jacques », Alexandre Beresnikoff était « Corvisart ». Elle également salué leurs descendants présents à l’exposition.

La DGSE avait accepté de confier, le temps de cette exposition, l’un de ses trésors patrimoniaux : une machine Enigma, unique en son genre, fabriquée par les Français à partir des plans dérobés aux Allemands. Toujours parmi les objets exposés, la chevalière en or du colonel Passy, qui porte les initiales AD : celles de son vrai nom, André Dewarin, qui étaient également celles de son identité fictive, Antoine Dubocq, antiquaire à Neuilly.

Madame Yaël Braun-Pivet a tenu a rappeler qu’elle était petite-fille d’un réfugié originaire de Pologne qui s’engagea dans la Légion étrangère en 1939 pour défendre la France, puis qui rejoignit la Résistance. 

Discours de Madame Yaël Braun-Pivet
Passeport et identités du Commandant Passy
Note du Général de Gaulle au Commandant Passy
Exemplaire de la Machine Enigma
Pain d’explosif TNT



Hommage de l’AASSDN aux morts de Diên Biên Phu

Allocution du président de l’AASSDN prononcé lors dépôt de gerbe au Monument aux morts de Diên Biên Phu à Saint Cyr Coëtquidan le 17 Mai 2024

Mesdames, messieurs, mes chers camarades

Merci au général de Courrèges commandant l’Académie militaire de Saint Cyr Coëtquidan de nous avoir permis de nous retrouver ici aujourd’hui pour ce moment de recueillement.

Le 7 mai 1954, après 55 jours d’une bataille, qui fut pour les unités Parachutistes ce que Camerone est aux Légionnaires et Bazeilles aux Coloniaux, tombait Dien Bien Phu. Cette cuvette où le commandement voulait refaire le succès de Na San contre les troupes du général Giap fut le tombeau de 2 293 des nôtres. Ce triste bilan fut amplifié par les 7 801 morts sur la route puis dans les camps d’internement, soit un ratio d’extermination supérieur à celui des principaux camps de concentration nazis.

Qui peut oublier ce combat pour la gloire et pour l’honneur des bataillons de Bigeard, Tourret, Bréchignac, et tant d’autres qui firent l’impossible pour renverser une situation désespérée dès le départ et ne hissèrent jamais le drapeau blanc. Si le commandement avait écouté les rapports du Groupement de commandos mixtes aéroportés (GCMA) dont les maquis jalonnaient les déplacements des Viets, ils auraient su que Giap amenait par les pistes de jungle les canons de 105 de la victoire. Permettez-moi ici d’avoir une pensée pour le capitaine Hebert et ses partisans thaï du 8è commando du GCMA, le maquis Colibri, qui fut sacrifié pour permettre le début réussi de l’opération Castor et laissèrent leur vie sur un chemin sans croix.

Dans cette bataille qui clôtura le sort de l’Indochine, on n’a pas assez tenu compte des renseignements venus de ceux travaillant sur les arrières ennemis qui permettaient de comprendre ce qui allait se passer. On ne les a pas fait intervenir suffisamment pour insécuriser les routes d’approvisionnement. Enfin on n’a donné que le 27 avril l’ordre aux 1 500 partisans des maquis Malo, Servan et Podeur du capitaine Sassi de se rapprocher suffisamment du camp retranché pour servir de recueil quand il est devenu évident que la seule solution pour échapper à l’inéluctable serait de tenter des sorties. Le 7 mai, la colonne Crèvecoeur venue du Laos était encore à 40 km de la cuvette et Sassi encore à 100 km lors de son repli le 11 mai. Moins d’une centaine d’hommes réussirent à échapper.

C’est la différence avec le débarquement du 6 juin 1944 où les alliés demandèrent aux services spéciaux de se mettre en action pour informer sur l’ennemi et gêner ses opérations.  Du BCRA de Passy au 2è bureau de Paillole et Rivet à ceux de l’intelligence service (IS) anglais, comme Alliance de Marie Madeleine Fourcade et les réseaux Gilbert du colonel Groussard, ou de l’office of strategic services (OSS) américaine comme Roy de l’abbé Lapouge, ou encore les équipes alliées de Sussex, tout le monde apporta sa contribution à la victoire. Ici permettez-moi d’avoir une pensée particulière pour les 10 « merlinettes » chères au général Mermet et les 39 agentes anglaises parachutées en France, de Violette Szabo assassinée près de Limoges à Phyllis Latour qui vient de s’éteindre en octobre 2023.

Chacun se souvient de la phrase à la radio Londres qui déclencha leur action : « Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone ». Depuis Sun Tzu nous savons que le renseignement est une des clés de la victoire mais, au Tonkin, certains l’avaient oublié.

Ceci n’a pas empêché nombre de nos combattants sur cette terre lointaine de rentrer dans l’histoire. Faisant partie de ceux ayant eu la chance d’avoir servi sous les ordres ou travaillé avec des anciens de Diên Biên Phu comme Bigeard, Trapp, Flamen, ou Pouget j’ai appris d’eux que l’on se bat pour une certaine idée de la France, par devoir, pour l’honneur, et avec panache quelles que soient les circonstances.  

Quels que soient les services d’où nous venons, soyons toujours digne d’eux qui nous ont montré le chemin.

Alain JUILLET
Président de l’AASSDN




13 Juin 2024 : conférence sur la souveraineté à Lyon

Au lendemain des élections européennes, quelle est la situation réelle de la France ? Quels sont les atouts que la France doit développer pour éviter la vassalisation, voire l’effondrement dans les prochaines décennies ?

L’objectif de cette conférence est d’aborder le thème de la souveraineté sous ses différents aspects, de faire prendre conscience des enjeux et d’esquisser des pistes de développements pour les décideurs publics, mais aussi des dirigeants d’entreprises et des citoyens.

Cliquez sur le bouton ci-dessus pour vous inscrire




Souveraineté numérique ou autonomie stratégique

Par le Vice-amiral d’escadre (2S) Arnaud COUSTILLIÈRE, Président du Pôle d’Excellence Cyber 

Le thème de la souveraineté numérique est venu sur le devant de la scène française à la suite de plusieurs travaux parlementaires entre 2018 et 2021. Il prend acte du fait que l’espace numérique est devenu un domaine où les enjeux de puissance, tant des nations que des acteurs économiques et politiques, s’expriment sans retenue, transgressent les frontières et permettent une forme d’ingérence et d’extraterritorialité. C’est un terrain d’affrontement où tout semble permis afin d’assoir sa supériorité économique et stratégique, au point qu’il faille y redéfinir la place des États et de leur souveraineté.

Sans vouloir refaire toute l’histoire, plusieurs éléments méritent d’être cités. Internet est venu du monde universitaire avec l’appui de la DARPA. Il a mis en place des normes techniques permettant à des réseaux locaux d’échanger entre eux. Initialement déployé aux États-Unis, il s’est très rapidement répandu : il a balayé en Europe les normes et projets portés par les grands opérateurs historiques de télécommunication. Il est ainsi intéressant de relire le rapport Nora-Minc de décembre 1977 sur « l’Informatisation de la société ». Particulièrement visionnaire, il pose la question de la souveraineté européenne et celle des données et de leur traitement. Mais en dépit de cette analyse, la France et l’Europe ont raté le démarrage du numérique et laissé le champ libre à l’Internet, bientôt « colonisé » par les grandes sociétés informatiques américaines. La voie de l’hégémonie numérique américaine est alors ouverte ; seule la Chine viendra la challenger à partir des années 2010.

La souveraineté numérique « globale » de l’Europe au sens classique du terme n’existe plus. Le numérique poursuit son développement avec une forte dynamique, les innovations s’enchainent. Parti d’une matière technique, il est devenu global avec des enjeux commerciaux, culturels, sociétaux et stratégiques. Les couches techniques et informationnelles se sont rejointes. Les infrastructures continuent à se renforcer. Les autoroutes de transport des données prennent progressivement une valeur stratégique. Les data centers et les techniques du Cloud permettent de mobiliser au moment opportun des puissances de calcul considérables. Les traitements Big Data sont devenus possibles et facilement accessibles. La maitrise des données confère la puissance. L’ère des algorithmes et de l’Intelligence artificielle est arrivée.

La souveraineté devrait s’appuyer sur :

  • un champ « technique » avec une infrastructure et un socle technologique permettant de protéger et garder les données dans un cadre exclusivement européen ;
  • un champ « valorisation » avec des capacités d’analyse et de valorisation des données via des algorithmes « certifiés/vérifiés » pour éviter les biais ;
  • un champ « perception » avec des réseaux sociaux imperméables aux actions d’ingérence et de propagande allant contre les intérêts de la nation.

Cette souveraineté n’est accessible qu’aux États-Unis, à la Chine et à certains grands GAFAM comme Google. Il s’agit donc de définir une voie d’autonomie stratégique qui corresponde à nos intérêts et à choisir ses formes et niveaux de dépendances, un peu comme cela a été fait pour la Dissuasion Nucléaire en son temps face à des grandes puissances bien plus fortes et équipées que notre nation.

Ce débat semble cependant très franco-français à ce stade et pas perçu de la même façon par nos différents partenaires européens. Un premier biais porte sur la notion de « souveraineté ». En France, la vision est politique et porte sur l’ensemble des trois champs décrits par la « Loi pour Sécuriser et Réguler l’Espace Numérique » de fin 2023. Pour d’autres partenaires européens, il s’agit simplement de pouvoir changer de prestataire de Cloud comme l’ont montré les travaux GAIA X sur le Cloud Européen. La vision sur les échanges des données, notamment avec nos partenaires américains, semble plus mature et les initiatives pour équilibrer la relation EU-US davantage partagées. Les conséquences de l’extraterritorialité des lois américaines et chinoises commencent à être mieux appréhendées, comme le montre le débat sur les données de santé des citoyens.

Il va donc falloir convaincre nos partenaires européens du bien-fondé de notre analyse, et ce d’autant que le monde est de plus en plus dangereux. Trois facteurs qui s’amplifient peuvent faire ouvrir les yeux et permettre d’accélérer cette prise de conscience. Le possible retour de Donald Trump pour un nouveau mandat. Les dernières déclarations se résument à « l’Europe devra encore plus payer pour rester le vassal des États-Unis… ». Cette vassalité est admise et acceptée par bon nombre de partenaires européens, voire les grandes sociétés du CAC 40. La guerre économique que les États-Unis mènent à l’Europe n’est pas nouvelle et permet de consolider son hégémonie face à la montée en puissance de la Chine. L’empire numérique fera tout pour garantir sa suprématie.

En 1996, François Mitterrand confiait au journaliste George-Marc Bennamou : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. »

La Chine poursuit son expansion économique et culturelle via la technologie et le développement d’infrastructures mondiales, des ventes à très bas prix et des réseaux sociaux ciblant la jeunesse. Elle se positionne en alternative au modèle occidental tout en verrouillant ses réseaux internes. L’Europe et l’Afrique sont des zones de conquête numérique et économique. La Russie poursuit ses agressions, elle vient troubler fortement l’ordre mondial établi et les règles du droit international. Le numérique est pour elle une capacité de combat, mais aussi un moyen d’ingérence dans les démocraties afin de les déstabiliser et les discréditer.

Dans un tel contexte, il va falloir faire preuve de pédagogie et de force de conviction pour rallier nos partenaires européens et prendre en commun des mesures concrètes et courageuses face aux trois acteurs évoqués. Le numérique est marqué par une forte asymétrie qui permet à un « petit » de challenger ou perturber un « grand », ce qui ouvre depuis quelques années la voie à des ingérences en provenance d’autres nations ou partenaires.




Hommage à Jacques Voyer, un résistant fusillé en 1944 à l’âge de 21 ans

Juin 1940, la France a subi une terrible défaite. Jacques Voyer, âgé de 17 ans, va être l’un des premiers Français à répondre à l’appel lancé par le général de Gaulle. Il va devenir agent secret de la France Libre. Parachuté 2 fois en France occupée, il est capturé en juin 1944 au cours d’une mission de renseignement. Torturé pendant 1 semaine, il est condamné à mort sans avoir parlé puis fusillé près de Chartres. Il meurt pour la France à 21 ans avec le grade de capitaine et titulaire de 4 citations. Il est fait Compagnon de la Libération à titre posthume.



Production : ASAF – Réalisation : Barthélémy Vieillot




Preligens innove en renseignement : imagerie satellitaire IA et Veloce 330, le nouveau drone kamikaze

Commentaire AASSDN : Les 2 articles ci-dessous sont extraits du site www.armees.com. Ils mettent en avant deux PME françaises d’excellence.
– Preligens, est une véritable pépite technologique spécialisée dans l’exploitation optimale des images provenant des satellites d’observation tant optiques que radar par utilisation de l’intelligence artificielle. Cette entreprise avait fait l’objet d’une tentative de rachat par un fond américain de la CIA.
– EOS Technologie poursuit son développement sur le créneau des drones tueurs, capables de voler à 400km/h et de résister aux brouillages les plus intenses.
Ces deux PME se situent au meilleur niveau mondial tant par leur capacité d’innovation que par leur excellence technologique. Il est donc du devoir de l’Etat de soutenir le développement de ces entreprises afin de renforcer l’indépendance stratégique de notre pays.

Une nouvelle IA pour transformer l’imagerie satellitaire radar

L’entreprise française Preligens, reconnue pour son innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle appliquée à l’imagerie satellite, a récemment dévoilé une avancée majeure dans la technologie de surveillance. Les nouveaux détecteurs SAR (Radar à Synthèse d’Ouverture), présentés lors du GEOINT 2024 Symposium en Floride, promettent une surveillance stratégique continue, capable de fonctionner 24 heures sur 24 et par tous les temps.

Veloce 330 : le nouveau « drone kamikaze » français qui vise les blindés

Dans le secteur de la défense, l’innovation continue de redéfinir les capacités militaires sur le plan mondial. EOS Technologie, une entreprise française, vient de franchir une nouvelle étape avec le dévoilement du Veloce 330, un drone conçu pour opérer comme munition téléopérée à grande vitesse, capable de percer le blindage des chars.

Caractéristiques et capacités du Veloce 330

Ce drone, qui a récemment achevé sa troisième phase de tests avec succès, est capable d’atteindre une vitesse de 400 km/h, pouvant couvrir 50 kilomètres en seulement 16 minutes. Doté d’une technologie sophistiquée, le Veloce 330 est décrit comme un mini Shahed 238, en référence au drone iranien connu pour ses capacités offensives. Le développement de cet aéronef répond à un besoin spécifique exprimé par la Direction générale de l’armement (DGA) française pour des solutions efficaces, peu coûteuses et rapidement déployables.

Avancées technologiques et tactiques

L’une des particularités du Veloce 330 est sa résistance aux brouillages électroniques, le rendant capable de mener à bien ses missions même en présence de contre-mesures avancées. Il est équipé pour réaliser des missions de reconnaissance et d’observation en plus de ses capacités offensives. Cet engin est également conçu pour retourner à sa base en effectuant un atterrissage vertical après l’accomplissement de sa mission, ce qui illustre une avancée notable en termes de réutilisabilité et de polyvalence des drones militaires.

Le Veloce 330 marque une étape importante dans l’évolution des munitions téléopérées, offrant à la France une capacité nouvelle et stratégique dans le domaine de la défense. Avec ses innovations en matière de design aérodynamique et de technologie anti-brouillage, ce drone est prêt à jouer un rôle crucial dans les opérations militaires futures, tout en restant sous un coût unitaire fixé à 200 000 euros. Cet appareil est non seulement un exemple frappant de l’expertise française en matière de défense, mais aussi un acteur potentiel dans la redéfinition de la guerre moderne.




Protéger les avis juridiques de nos entreprises, un enjeu de souveraineté pour la France

La loi d’espionnage FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act) qui autorise les services de renseignement américains à intercepter puis exploiter, sans recours à un juge, les communications des non-américains dans le monde, vient d’être prolongée par un vote du Congrès.

Commentaire AASSDN : Bernard Carayon a été le père du rapport de 2002 qui a relancé en France l’intelligence économique. Depuis il se bat pour ouvrir les yeux de nos concitoyens et de nos politiques face aux méthodes utilisées par nombre de nos concurrents internationaux souvent issus de pays alliés.  Son article rappelle que nos amis américains ont des lois extraterritoriales  leur permettant d’espionner tout ce qui n’est pas américain et de poursuivre devant leurs tribunaux  des entreprises étrangères. Ceci leur permet d’éliminer leurs concurrents ou de leur imposer de très lourdes amendes dans des procès. Quand va t’on se décider aux niveaux français et européen à mettre en place des lois équivalentes pour que le combat concurrentiel se fasse à armes égales ? 

Google, IBM, Amazon, Microsoft et « tout fournisseur de services de communication électronique », continueront, dans l’indifférence européenne, d’être au service, à leur grand dam, d’une stratégie globale captant secrets d’État, secrets des affaires et secrets de la vie privée.

Par un utile hasard, l’Assemblée nationale va débattre dans quelques jours d’un texte instaurant le legal privilege à la française, destiné à garantir la confidentialité des consultations des juristes en entreprise. Comme d’habitude, la France est en retard sur les sujets de guerre économique : elle reste un des rares pays de l’OCDE à ne pas protéger ces avis, vulnérables aux procédures judiciaires extraterritoriales, aujourd’hui américaines, demain chinoises.

La France, amateur des sabres de bois, n’a déjà pas emprunté en 2018 la voie pénale mais la voie civile pour sanctionner le vol des secrets d’entreprise, alors que la prison, comme chacun peut le comprendre, est plus dissuasive que l’amende.

Aussi, pour les autorités judiciaires et les administrations étrangères, la France est depuis toujours un joli terrain de chasse : les sanctions financières frappant nos entreprises, à l’instar de BNP-Paribas, Alstom, Crédit Agricole ou Société Générale, commerçant en dollars ou usant de serveurs informatiques américains, ont été d’une lourdeur singulière.

Or les risques de sanctions économiques unilatérales s’amplifient partout, les diplomaties et les outils juridiques se durcissent, les formes d’intrusion informatique se sophistiquent.

De nombreux rapports parlementaires ont, depuis vingt ans, sonné le tocsin et rappelé la nécessité de lutter « à armes égales ». (Rapport de Bernard Carayon au Premier ministre « À armes égales », 2005, publié à la Documentation française).

Pourtant, ce texte – complétant le secret professionnel des avocats –, qui confère aux entreprises françaises le même niveau de protection dont bénéficient leurs plus agressives concurrentes, est contesté… par des autorités administratives craignant une paralysie de leurs enquêtes. Un risque infondé : chez nos concurrents, jamais le recueil matériel des preuves et le succès des enquêtes pénales n’ont été entravés. Quant aux avocats, légitimement attachés à leur indépendance, qui redoutaient que cette réforme instaure des « avocats-bis » en entreprise, ils peuvent être satisfaits : il n’en est pas question.

Alors que la concurrence des entreprises extra-européennes, gorgées de subventions publiques, protégées et accompagnées sur les marchés mondiaux par leurs appareils d’État, n’a jamais – ou presque – été sanctionnée par les autorités européennes, l’enjeu est bien de se doter – enfin ! – d’un outil préservant dans le domaine juridique les conditions d’une concurrence plus équilibrée.

C’est un petit pas pour la France, mais important pour nos entreprises, si la représentation nationale veut bien surmonter, au-delà des clivages partisans, la réticence des corporations, vaincre l’esprit de naïveté qui prévaut depuis si longtemps dans notre pays, et apporter une pierre à la reconstruction de nos souverainetés.

Tribune parue dans le FIGARO VOX, le 26/04/2024 Protéger les avis juridiques de nos entreprises, un enjeu de souveraineté pour la France (lefigaro.fr)




1944 : De jeunes héros de l’ombre morts pour libérer la France

A l’occasion de la commémoration du 80e anniversaire des combats pour la Libération de la France, l’AASSDN vous propose de visionner deux petits films d’une dizaine de minutes retraçant l’engagement de jeunes français dans les services Spéciaux (SR et BCRA), qui agissaient depuis 1940 en lien avec les réseaux de Résistance.

Jacques Voyer (BCRA)



Paulette Duhalde (SR)



Films réalisés par l’ASAF (production) en partenariat avec l’AASSDN (scénarios)