Sécurité en Guyane : Parler vrai, agir juste

L’annonce de la création d’un quartier de haute sécurité à Saint-Laurent-du-Maroni a suscité de nombreuses réactions. Et je les entends.

Mais ma responsabilité, en tant qu’élue de La Réunion et présidente de la Délégation Outre-mer de Renaissance, est de poser les faits avec clarté.

Ce projet n’est ni improvisé, ni tombé du ciel. Il a été initié en 2017, dans le cadre des accords de Guyane, pour répondre à une urgence pénitentiaire : la surpopulation dramatique du centre de Rémire-Montjoly. La future prison de 500 places, prévue pour 2028, en fait partie.

Aujourd’hui, le ministre de la Justice souhaite y adjoindre un quartier de haute sécurité de 60 places, spécifiquement destiné à isoler les têtes de réseau du narcotrafic opérant en Guyane et aux Antilles. Pourquoi ici ? Parce que la réalité géographique impose la lucidité.
La Guyane est un territoire français et européen au cœur de l’Amérique du Sud, frontalier avec le Suriname et le Brésil.
Saint-Laurent-du-Maroni est devenu un carrefour stratégique du trafic de cocaïne, avec des filières organisées de mules. Cette zone n’est pas neutre. Elle est ciblée.

Et pourtant, je comprends l’émotion. Je la respecte.
Saint-Laurent-du-Maroni fut la porte du bagne. Ce n’est pas un simple site. C’est un lieu de mémoire.
Mais dire que ce projet est un « retour du bagne », c’est nier son origine, son objectif, et la vérité.

Il n’est pas question de transférer des détenus de l’Hexagone, ni de transformer la Guyane en exil carcéral. Il s’agit d’assurer une sécurité républicaine à la hauteur des enjeux, comme dans n’importe quel autre département français.

La sécurité ne doit pas être un privilège.

Elle doit s’accompagner d’éducation, de développement économique, de respect des mémoires.

En tant que femme politique ultramarine, je le dis avec force : la Guyane a droit à la sécurité, comme elle a droit à la dignité. L’un ne doit jamais effacer l’autre.

Ramata TOURE*
Opinion internationale

*Élue à Sainte-Suzanne (La Réunion), présidente de la Délégation Outre-mer du Conseil National Renaissance




SADAT : société militaire privée au service de l’expansion internationale de la Turquie

Apparue tardivement sur le marché mondial des sociétés militaires privées (SMP), la société turque SADAT n’en reste pas moins l’une des plus actives par le monde, agissant dans une zone s’étendant de la Libye à l’Afghanistan en passant par les Balkans et le Caucase. Véritable outil au service de la politique étrangère et de défense de la Turquie, elle se distingue par sa ligne idéologique et son mode de fonctionnement.

Commentaires AASSDN : S’appuyant sur une situation géographique très particulière (contrôle des détroits de la mer Noire, charnière entre Europe et Asie, population dynamique de près de 100 M h), la Turquie fait preuve d’une  une volonté d’expansion tant vers l’est centrasiatique que vers l’ouest sud méditerranéen

SADAT (1) fonde ouvertement son existence sur la nécessité de promouvoir l’islam, de protéger les minorités turques éparpillées sur différents territoires et de soutenir les alliés civilisationnels de la Turquie tels que l’Azerbaïdjan. De surcroît, en coordination avec l’Organisation nationale du renseignement (MIT), service compétent tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays, la SADAT, sans s’impliquer dans des combats comme en Libye ou dans le Haut-Karabakh, y superviserait néanmoins le déploiement de milliers de combattants.
Ce faisant, elle se différencie de sociétés telles que Wagner en Russie, dont l’implication dans des conflits récents est directe. Enfin, la SADAT serait également utilisée par le pouvoir turc comme un dispositif sécuritaire voué à assurer la pérennité du régime du président Erdogan par des moyens répressifs à l’intérieur de la société turque.

LA GENÈSE DE LA SADAT

La SADAT a été fondée en 2012 par un personnage clé du pouvoir turc : Adnan Tanriverdi, qui a placé son fils Melih Tanriverdi, à la tête de la société.

Né en 1944, Tanriverdi père est un officier général des forces terrestres turques devenu un des soutiens indéfectibles de Recep Tayyip Erdogan dès le début de sa carrière politique, lorsque celui-ci fut élu maire d’Istanbul en 1994. Écarté de l’armée en raison de ses convictions islamistes, le général connut jusqu’en 2002 des difficultés face à la prééminence des kémalistes et des laïcs dans la société et dans l’appareil d’État turcs. À partir de l’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP), lors des élections législatives de 2002, Tanriverdi s’est attelé à l’immense tâche consistant à « dékémaliser » les institutions turques – notamment l’armée et les services de renseignement – et à y réhabiliter les islamistes. Convaincu de l’utilité et de l’efficacité des sociétés militaires privées, mais freiné par la législation turque qui cantonne pour l’heure de telles sociétés à des activités de conseil (2), le général Tanriverdi a su contourner cet obstacle. Tout d’abord, la SADAT ne déploie pas ses personnels sur les théâtres de guerre. Par ailleurs, elle fait financer les mercenaires acheminés sur certains théâtres d’opérations extérieures par une puissance étrangère, en l’occurrence le Qatar, en particulier en Libye.


UNE SMP AU SERVICE DE LA PROMOTION DE L’ISLAM POLITIQUE CONTRE L’IMPÉRIALISME OCCIDENTAL

La mission de la SADAT – dont le nom rappelle celui donné aux descendants du Prophète Mahomet – consiste, comme le rappelait, en 2018, Alain Rodier, directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (Cf2R), à établir une collaboration dans les domaines de la défense et des industries de défense avec les pays islamiques afin de leur permettre de prendre la place qu’ils méritent au milieu des superpuissances en leur apportant ses services de conseil et d’entraînement (3). Le géopolitologue Alexandre Del Valle soulignait en 2020 que la SADAT ne cachait pas son objectif de création d’une armée internationale de l’islam composée de volontaires du djihad contre les ennemis de l’islam, qui viendrait au secours des musulmans dans le monde entier (4). Elle serait très active à Gaza et apporterait son soutien au Hamas. En Syrie, elle a participé contre le régime de Bachar el-Assad à la formation et à l’entraînement de l’Armée syrienne libre – l’actuelle Armée nationale syrienne – que le général Tanriverdi considérerait comme « le bras armé des Frères musulmans (5) ».

En 2020, la SADAT aurait envoyé ses équipes en Libye en vue de former des milices libyennes et quelque 5 000 combattants syriens issus de l’Armée nationale syrienne venus soutenir les forces du Gouvernement d’union nationale libyen (GNA) de Fayez-al-Sarraj (6). La même année, la SADAT aurait rendu possible le déploiement de combattants en soutien des forces azerbaïdjanaises contre les Arméniens dans le conflit au Nagorno-Karabakh.


LA VOCATION PANTOURANISTE

L’engagement de la SADAT en faveur du régime azerbaïdjanais d’Ilham Aliyev contre l’Arménie au Nagorno-Karabakh témoigne de son orientation panturquiste, tendance également illustrée par le soutien aux minorités turkmènes de Syrie. Celles-ci ont été utilisées par les Turcs lors des opérations Bouclier de l’Euphrate et Rameau d’olivier dans le nord-ouest de la Syrie, pour combattre les combattants kurdes du PYD (Parti de l’union démocratique) proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de Turquie, entité considérée comme terroriste par Ankara.


UNE MONTÉE EN PUISSANCE PRÉVISIBLE

Lors de sa création en 2012, la SADAT ne comptait que 23 officiers et sous-officiers qui avaient été écartés des forces armées en raison de leurs convictions religieuses. En une décennie, désormais gérée par une soixantaine d’officiers, elle s’appuierait sur 150 000 membres. Elle aurait étendu ses opérations dans 22 pays musulmans et assuré l’entraînement et la formation « de milliers de mercenaires islamistes sur plusieurs fronts stratégiques au prétexte de “défendre des minorités musulmanes”, de “protéger des descendants de Turcs ou d’Ottomans” ou de “secourir les Frères musulmans” persécutés comme en Égypte, en Libye, ou même en Europe balkanique (7) ». En Turquie, elle a consolidé son corpus idéologique par le biais du think tank ASSAM (Centre d’études stratégiques des défenseurs de la justice), fondé et présidé par Adnan Tanriverdi. Elle servirait désormais de modèle à d’autres officines s’inscrivant dans son sillon idéologique pour soutenir la politique et la stratégie du président Erdogan sur la scène internationale.


UNE LUTTE IMPITOYABLE CONTRE LES ENNEMIS DU RÉGIME

À la suite de la tentative de putsch du 15 juillet 2016, le général Tanriverdi a été nommé conseiller militaire spécial auprès du président turc. Son rôle aurait été déterminant dans la défense du régime. La SADAT aurait ainsi été employée à éliminer physiquement des opposants lors du putsch manqué et, par la suite, aurait participé à l’organisation de purges massives dans l’administration et notamment à la « dégülenisation » de la société et de la fonction publique, pourchassant les adeptes de la confrérie islamique du prédicateur Fethullah Gülen, aujourd’hui réfugié aux États-Unis, après avoir été accusé par Recep Tayyip Erdogan d’avoir été l’instigateur du putsch de 2016 (8). La SADAT serait à cet égard intervenue clandestinement lors de l’enlèvement d’un neveu du prédicateur Gülen au Kenya, en mai 2021. À l’approche des élections présidentielles turques de 2023, certains analystes s’inquiètent de son éventuel rôle dans la répression de l’opposition. Ainsi, Kemal Kilicdaroglu, chef de l’opposition kémaliste et président du Parti républicain du peuple (CHP), s’est inquiété de l’ingérence possible de la SADAT dans le processus électoral. Il a déploré son mode opératoire violent dont témoignent « des sabotages, des raids, des destructions, des assassinats et des fusillades (9) ». Selon l’ancienne ministre turque de l’Intérieur, Meral Akşener, la SADAT formerait des miliciens progouvernementaux dans deux camps d’entraînement anatoliens à Tokat et Konya (10) . Progressivement, sur le plan intérieur, la SMP turque semble se muer en garde prétorienne du président Erdogan.

La SADAT constitue donc une nouveauté parmi les SMP existantes et pourrait, du fait de son implacable efficacité, inciter certains régimes à l’utiliser comme modèle.

Ana POUVREAU*
Revue Conflits
12 février 2023

* Anna Pouvreau est analyste géopolitique, spécialiste en relations internationales (mondes russe et turc) et en études stratégiques.
Elle est également membre du comité de rédaction de Conflits.

1. SADAT Inc. International Defense Consultancy (Uluslararası Savunma Danışmanlık Şirketi).

2. https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20200102turquie-libye-erdogan-sadat-conseil-militairestrategie-saraj-haftar

3. https://cf2r.org/actualite/turquie-mercenairespresident-erdogan/

4. https://www.valeursactuelles.com/monde/delvalle-societes-de-mercenaires-et-ong-dallahles-milices-privees-turques-au-service-delimperialisme-derdogan

5. Op. cit., Anne Andlauer, RFI.

6. Aron Lund, The Turkish Intervention in Libya, FOI,

Stockholm, mars 2022. 7. https://atlantico.fr/article/rdv/les-milicesislamistes-internationales-de-la-turquie-derdogan-societes-militaires-privees-alexandredel-valle

8. https://blogs.mediapart.fr/jacques-margeret/ blog/311022/sadat-les-ombres-du-sultanerdogan

9. https://www.arabobserver.com/kemalkilicdaroglu-porte-de-graves-accusations-contrela-societe-sadat-proche-du-parti-au-pouvoir/

10. https://www.yenicaggazetesi.com.tr/iyi-partigenel-baskani-meral-aksener-ismail-saymazaacikladi-sadatin-konya-ve-tokatta-kamplari-varfotograflari-gordum-543769h.html




Seabed warfare : les fonds marins, nouvelle frontière des vulnérabilités stratégiques

Les explosions ayant endommagé les gazoducs Nord Stream ont fait sursauter le monde occidental en rendant soudainement très concret le Seabed warfare, c’est-à-dire l’ensemble des opérations se déroulant sur les fonds marins et dont les cibles sont généralement les câbles de communication (fibres optiques dédiées au trafic internet et téléphonique), d’alimentation (câbles électriques) ainsi que les systèmes d’approvisionnement des ressources naturelles (gazoducs ou oléoducs sous-marins).

Commentaire AASSDN : Il est indispensable de remettre dans une perspective historique, les évènements qui se déroulent aujourd’hui. En outre seule une connaissance fine de la géographie permet d’identifier les vulnérabilités et opportunités pour chacun des belligérants.
Mais pour autant il y a loin de la coupe aux lèvres et le temps est long entre la décision et la réalisation. La préparation à la guerre exige notamment anticipation et continuité.

Nous devons tout d’abord reconnaître qu’il ne s’agit en rien d’une nouveauté :
– pendant la guerre du Pacifique de 1879 – 1883, les forces navales chiliennes sectionnèrent le câble principal qui reliait Lima à San Francisco, privant ainsi le Pérou d’une partie de ses télécommunications mondiales et perturbant la couverture médiatique du conflit.
– Les Américains s’en souvinrent et coupèrent à leur tour les câbles reliant Cuba au reste du monde durant la guerre hispano-américaine de 1898.
– En 1914, la première action britannique, quelques heures après le déclenchement de la guerre, fut de couper les cinq câbles télégraphiques sous-marins qui reliaient l’Allemagne au monde extérieur, contraignant le Kaiser à recourir aux communications hertziennes (1).
– Pendant la Seconde Guerre mondiale, les câbles et les stations répétitrices britanniques subirent plusieurs attaques japonaises, au point que la Royal Navy sectionna à son tour le câble reliant Saigon à Hong Kong en juillet 1945.

Tâchons donc d’éviter toute cécité quant aux réalités physiques, toute illusion quant aux capacités de nos compétiteurs, et surtout toute paresse quant aux enseignements de l’histoire : « Avec deux mille ans d’exemples derrière nous, nous n’avons pas d’excuse, quand nous nous battons, si nous nous battons mal (2). »

Cet événement survenu en mer Baltique rappelle une fois de plus la fragilité abyssale de nos voies d’approvisionnement maritimes, que masque de moins en moins l’opulence des rayonnages de nos supermarchés : l’échouement du porte-container Ever Given dans le canal de Suez, la crise du Covid ou l’arrêt des exportations maritimes de blé ukrainien n’étaient que des infimes avant-goûts de ce qui pourrait advenir en cas de fermeture complète d’un détroit stratégique comme Ormuz, Bab-el-Mandeb, Malacca ou Taïwan, dont les conséquences seraient autrement plus salées.

Une « économie de guerre » requiert des arrières solides, ce qui est loin d’être évident lorsque celles-ci dépendent justement de l’élément liquide… Nous redécouvrons que la résilience de nos artères énergétiques, commerciales ou numériques requiert un effort de longue haleine qui s’appuie sur des moyens navals importants et sur des opérateurs maritimes (transport, infrastructures, parapétrolier…) dont la préservation des atouts et le développement des savoir-faire sont cruciaux. Faut-il rappeler qu’un président de la République avait érigé la garantie de nos approvisionnements stratégiques au rang d’« intérêts vitaux » de la France, c’est à-dire susceptibles de déclencher une riposte nucléaire (3) ?

Certes, la stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins publiée par la France trace un chemin volontariste et adroit, mais celui-ci reste long, ardu et semé d’embûches. Au-delà des défis technologiques et financiers, le sursaut doit aussi être intellectuel : nous devons envisager les modes d’action adverses les plus troubles pour surveiller activement et défendre fermement les réseaux maritimes qui irriguent notre économie, sans illusion ni naïveté, et sans nous refuser les capacités à agir de même si cela devenait nécessaire. Il en va de la survie de nos systèmes politiques, économiques et sociaux, aussi sûrement qu’une artère obstruée peut rapidement mener à l’infarctus.

François-Olivier CORMAN
Officier de marine
LA SCÈNE MARITIME

1. Qui étaient elles-mêmes interceptées par la Grande-Bretagne ; c’est ainsi que l’Amirauté intercepta en 1917 le célèbre télégramme Zimmerman qui encouragea le Congrès américain à déclarer la guerre à l’Allemagne.

2. T. E. Lawrence, lettre à Liddell Hart du 26 juillet 1933.

3. Discours du président Jacques Chirac sur la politique de défense de la France,

Brest, 19 janvier 2006




Tension : Le Parlement français face à la guerre

Dans une démocratie confrontée à la guerre, le Parlement français doit conjuguer principes démocratiques et efficacité militaire. Mais quelle place occupe-t-il vraiment face à l’urgence stratégique et présidentielle ?

Le retour de la guerre en Ukraine a favorisé, depuis trois ans, les postures et discours polémologiques au cœur de nos institutions. Voici désormais nos systèmes démocratiques confrontés à des enjeux militaires et stratégiques avec, comme point névralgique, un défi de taille : celui d’assurer la continuité de la vie démocratique dans un contexte dominé par la violence, le tragique et le brouillard stratégique.

En cas de guerre, il revient aux dirigeants d’opérer la difficile conciliation entre état de droit et état de guerre, entre principes démocratiques et efficacité opérationnelle. Ce dilemme trouve une acuité particulière dans le régime de la Ve République, dominé par le Président, garant de la continuité des institutions et donc de la vie démocratique, et par le Parlement, expression de la souveraineté nationale et populaire, et à qui revient de contrôler l’action de l’exécutif.

Or, par définition, la guerre et, accessoirement, l’ennemi (sûrement peu soucieux du respect de l’état de droit) imposent un rythme auquel la vie politique et parlementaire est peu coutumière, davantage façonnée par les lenteurs inhérentes au processus législatif et par les querelles partisanes. Quel est alors le rôle des députés et sénateurs en cas d’engagement de la France dans un conflit majeur ?

Le Parlement est responsable du budget

La Constitution du 4 octobre 1958 confère un rôle central au Président de la République : chef des armées (article 15), titulaire des pouvoirs exceptionnels en cas de crise (article 16), il incarne la clé de voûte de la politique de Défense. À lui reviennent l’orientation stratégique, les nominations militaires, la décision d’engagement de troupes à l’étranger, ou encore la mise en œuvre d’une économie de guerre mobilisant citoyens et appareil industriel.

Dans les faits, le Parlement exerce avant tout une fonction budgétaire : il vote les lois de programmation militaire (LPM), qui déterminent, sur six ans, le niveau et l’affectation des crédits alloués à la défense (413 milliards d’euros pour 2024-2030). La LPM traduit donc dans le budget dans la loi les ambitions, et parfois les sacrifices ou renoncements, du pays dans sa politique de Défense : de la fermeture de casernes à la commande du porte-avions de Nouvelle Génération, de la commande de nouveaux canons Caesar aux investissements dans le spatial militaire.

Le Parlement a donc une responsabilité de premier plan dans le dimensionnement ou la réduction de nos armées et de leurs moyens afin de répondre aux objectifs opérationnels.

Un contrôle théoriquement étendu…

Toutefois, lorsque survient la guerre, la Constitution prévoit l’activation de l’article 35, révisé en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007 – 2012). Il prévoit que :

  • le Parlement autorise toute déclaration de guerre ;
  • il est informé dans les trois jours de toute intervention extérieure, pour un débat sans vote ;
  • au-delà de quatre mois, l’autorisation parlementaire est requise pour prolonger l’opération, avec un pouvoir de décision ultime confié à l’Assemblée nationale.

Il est notable que la notion même de « guerre » a quasiment disparu au profit du concept d’interventions militaires extérieures ou à l’étranger, appelées communément OPEX. La raison principale en est que le Préambule de la Constitution (à valeur constitutionnelle depuis 1971) prohibe toute « guerre dans des vues de conquête » et tout emploi des forces « contre la liberté d’aucun peuple ».

Ce mécanisme de l’article 35 vise à corriger l’ancienne doctrine, fruit d’une interprétation extensive des prérogatives présidentielles en matière de défense (confortée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et la pratique politique), qui laissait à l’exécutif une liberté quasi absolue dans ce domaine « réservé », sans obligation d’information ni de contrôle du Parlement.

En pratique, cette révision de 2008 marque un tournant : depuis lors, les interventions en Afghanistan (2008), Libye (2011), Mali (2013), Centrafrique (2013), Irak (2014) et Syrie (2018) ont toutes donné lieu à des informations au Parlement, parfois suivies de votes qui, en période de fait majoritaire, ont toujours donné lieu à un large consensus, suscitant des critiques évidentes de la part des oppositions.

…mais en réalité limité et critiqué !

Les accusations sont en effet récurrentes à l’encontre des votes de prolongation, régulièrement interprétés comme un blanc-seing sans limites de durée, d’espace ni d’objectifs. Sont ainsi pointés du doigt des débats perçus comme formels et minimalistes, la pauvreté des informations délivrées au Parlement, le difficile accès aux éléments classifiés, tout comme l’invocation du secret-défense qui permet d’éviter le contrôle institutionnel.

Par ailleurs, certaines opérations, ponctuelles et limitées (Kolwezi en 1978, Hamilton en 2018), échappent à toute procédure parlementaire, tout comme celles menées sous mandat onusien (guerre du Golfe, Bosnie, Libye) qui relèvent du cadre multilatéral, marginalisant le débat national. Même les opérations de défense des territoires ultramarins (comme la guerre des Malouines/Falklands en 1982) pourraient, en cas de crise dans les Outre-mer (Nouvelle-Calédonie, par exemple), échapper à la qualification d’OPEX et relever exclusivement du pouvoir exécutif sans pouvoir de contrôle relevant de l’article 35.

Enfin, dans l’hypothèse la plus dramatique — une agression extérieure directe — le recours à l’article 16 réduirait le Parlement à un rôle minimal, sous l’effet des pouvoirs exceptionnels du Président (article appliqué une seule fois par le général de Gaulle du 23 avril au 29 septembre 1961, après la tentative de putsch des généraux en pendant la guerre d’Algérie).

Certains modèles, allemand ou anglo-saxons, prévoient les mêmes mécanismes avec parfois des pouvoirs étendus au bénéfice des commissions permanentes : celles-ci disposent alors de véritables pouvoirs d’enquête, d’accès à l’information classifiée, et peuvent évaluer les objectifs, les coûts, et les issues politiques des opérations, faisant régulièrement rêver les oppositions en hémicycle…

Conclusion

Ainsi, la guerre impose son rythme, ses urgences et parfois ses opacités, et le Parlement en est parfois relégué au rang de spectateur, bien qu’une responsabilité colossale pèse sur ses épaules dans la trajectoire financière de nos Armées, car c’est bien celle-ci qui inscrit dans la durée la vision que la Nation porte sur sa propre sécurité.

Au-delà de ces pouvoirs prévus par la constitution, les parlementaires assument parfois autrement leur responsabilité : c’est ce que nous rappellent les monuments aux morts de la salle des Quatre Colonnes de l’Assemblée nationale, avec le nom des 28 députés morts pour la France au cours des deux guerres mondiales.

Charles HERRBACH
Revue Conflits
21 mai 2025

Source photo : Revue Conflits




Conflit armé longue durée : L’armée israélienne à l’épreuve du temps

L’armée israélienne à l’épreuve du temps :
Enjeux et défis d’un conflit de longue durée

Face à une situation particulièrement complexe et dangereuse pour Israël, vient l’interrogation sur la capacité réelle dont il dispose pour mener un conflit prolongé. Peut-il encore soutenir un effort militaire aussi intense sur plusieurs théâtres d’opérations sans compromettre son modèle stratégique ? Ses forces armées, malgré leur supériorité technologique affichée et leur préparation revendiquée pour les conflits asymétriques, peuvent-elles faire face à une guerre d’usure imposée par un ensemble d’adversaires aux stratégies diversifiées et pas nécessairement coordonnées ?

Le 7 octobre 2023, le Hamas lance depuis Gaza une attaque massive et multidimensionnelle contre Israël — la plus meurtrière qu’il ait connu depuis sa création en 1948, avec environ 1200 morts et 251 personnes capturées. Outre le bilan humain, cet épisode marque également un point de non-retour pour la défense israélienne. Avec 3000 roquettes tirées en une journée, des incursions terrestres inédites (par les airs avec des parapentes motorisés, par la terre en franchissant les barrières de sécurité avec des explosifs et par la mer avec des commandos), une réactivité israélienne jugée a posteriori particulièrement lente, de flagrantes failles dans l’appareil sécuritaire de l’État hébreu ont fait surface. 

Pis encore, Tel Aviv s’est depuis enlisé dans un conflit à plusieurs fronts, menaçant d’une part son modèle stratégique basé sur la supériorité technologique, la dissuasion (nucléaire) et l’anticipation, et d’autre part sa réputation d’armée la plus puissante du Moyen-Orient, suréquipée face à des voisins aux armements considérés comme obsolètes et peu menaçants. Tsahal mène une guerre de haute intensité dans la bande de Gaza, frôlant la destruction complète de cette zone d’un point de vue matériel, avec plus de 30 000 raids aériens et un contrôle terrestre prolongé visant à défaire le Hamas. Israël lutte aussi contre le Hezbollah libanais, tant sur son propre territoire que dans le Sud-Liban, ce dernier ayant tiré des milliers de roquettes et drones-suicides, forçant l’évacuation massive de localités israéliennes. En mer Rouge encore, les Houthis ciblent des navires qu’ils estiment affiliés à Israël et tentent de contrôler les flux maritimes. À l’est enfin, Israël voit l’Iran enfin répliquer par la force armée aux attaques israéliennes sur son territoire, à l’image de l’attaque de drones iraniens dans la nuit du 13 au 14 avril 2024, après les frappes israéliennes du 1er avril sur le consulat iranien de Damas (côté iranien, l’opération est appelée « Promesse honnête », va’deh-yé sâdeq en persan).

Sur le plan interne encore, ces crises et conflits attisent des tensions sociopolitiques déjà lourdes, mêlant contestations du gouvernement Netanyahou, interrogation sur ses objectifs stratégiques réels (récupération des Israéliens détenus par le Hamas ou destruction de ce dernier ?) et critiques de la réforme institutionnelle lancée par ledit gouvernement pour réduire les pouvoirs de contrôle de la Cour suprême. Du fait de ce projet de réforme, c’est non seulement une fracture de la société et de la cohésion nationale qui est engendrée, mais plus concrètement un risque pour la solidité de l’armée israélienne : des milliers de réservistes, notamment dans l’armée de l’air et dans les unités cybernétiques, menacent de ne plus servir. Par ailleurs, la mobilisation massive de plus de 360 000 réservistes — une première depuis la guerre du Kippour, un demi-siècle plus tôt — pressurise l’économie israélienne, qui a vu son PIB reculer de 20 % au quatrième trimestre 2023, sans évoquer la baisse drastique des investissements étrangers.

État de la défense israélienne : un appareil militaire sous pression

Depuis le 7 octobre 2023, la défense israélienne est mise à rude épreuve, contrainte de multiplier les fronts et les opérations. D’inattendues vulnérabilités sont apparues dans son système de sécurité, imposant une réévaluation stratégique, tant la pression continue sur plusieurs fronts : à Gaza et en Cisjordanie, mais aussi en Iran et au Liban. Le budget israélien de défense, l’un des plus élevés au monde avec environ 30 milliards de dollars en 2024 (soit environ 5 % de son PIB), a été rehaussé pour financer l’effort de guerre. C’est une augmentation de quasiment 50 % (environ 55 milliards de shekels, soit 14 milliards de dollars) qui a été décidée en 2024, sans compter 14 autres milliards de dollars d’aide américaine comportant entre autres des livraisons accélérées de munitions et de systèmes d’interception. Malgré ce budget de guerre, c’est environ 250 millions de dollars qui sont quotidiennement consommés par Israël pour ce conflit, éreintant encore plus son économie déjà fragilisée par le ralentissement de sa croissance et la baisse des investissements directs étrangers. L’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant avait d’ailleurs évoqué que le prolongement de la guerre pourrait nécessiter des coupes budgétaires supplémentaires.

L’armée israélienne est par ailleurs autant mobilisée qu’elle subit une tension croissante. Tsahal dispose d’environ 169 500 soldats actifs et 465 000 réservistes, en faisant donc l’une des armées les plus militarisées du monde par rapport à sa population. Après l’attaque du Hamas, Israël a déployé près de 360 000 de ses réservistes, une mobilisation record ajoutant à la pression économique et sociale du pays. Après plus d’un an et demi de conflit enfin, la fatigue morale et physique se fait sentir chez les troupes israéliennes, particulièrement chez les unités sur le front, alors que les délais de rotation sont allongés, réduisant d’autant plus leur moral et leur efficacité opérationnelle. Le Dôme de fer, système israélien de défense antimissile ayant intercepté plus de 90 % des roquettes tirées depuis Gaza, a également été continuellement sollicité par l’intensité des attaques. Face aux frappes avérées et aux menaces balistiques grandissantes, Israël a également déployé la Fronde de David (système d’interception de missiles et roquettes, élaboré en partenariat avec l’entreprise américaine Raytheon) pour intercepter des missiles de plus longue portée, à laquelle se rajoute le système Arrow 3 contre les missiles balistiques iraniens, parachevant sa défense aérienne multicouches. 

La réponse iranienne des 13 et 14 avril 2024, plutôt que de démontrer les capacités d’interception israéliennes, en expose plutôt les carences : avec une sommation iranienne de 48 heures avant l’attaque, l’annulation de tous les vols civils dans l’espace aérien israélien, l’assistance armée des États-Unis, de la France, de la Jordanie et du Royaume-Uni, « seulement » 90 % des drones et missiles ont été interceptés. Les 300 drones et missiles tirés par l’Iran à ce moment ne représentent qu’une partie minime de tout son arsenal, qui pourrait donc lourdement percer la défense israélienne en cas d’attaque massive sans sommation. L’industrie militaire israélienne est par ailleurs au cœur de l’effort de guerre, l’État hébreu étant un acteur incontournable en matière d’armement, avec des entreprises comme Elbit Systems, Israel Aerospace Industries et Rafael, ces dernières ayant augmenté leur production pour répondre à la demande. Cependant, les stocks de certaines munitions — notamment les obus de 155 mm et les missiles intercepteurs — s’amenuisent, aggravant la dépendance aux livraisons américaines et européennes. Si Tsahal reste technologiquement très avancé et possède des alliés occidentaux de poids, l’usure prolongée de son appareil militaire et les multiples fronts ouverts posent avec acuité la question de sa capacité à tenir un conflit de longue durée.

Forces de la défense israélienne : atouts stratégiques et militaires

Tsahal dispose d’indéniables atouts militaires et stratégiques lui permettant de maintenir une haute capacité opérationnelle, malgré le lourd conflit dans lequel il évolue. Son adaptabilité tactique, sa supériorité technologique, le soutien occidental, son renseignement avancé et sa réactivité militaire restent au cœur de sa puissance. Il possède un écosystème de défense en faisant l’une des armées les plus technologiquement avancées au monde, avec une combinaison d’armements de pointe, de cybercapacités (avec son Unité 8200 pour la cyberdéfense et la guerre électronique, qualifiée par Peter Roberts, chercheur au Royal United Services Institute de « meilleure agence de renseignement technique au monde, qui se situe au même niveau que la NSA à tout point de vue, sauf l’échelle ») et de systèmes de surveillance. Israël est usuellement considéré comme faisant partie des trois premières puissances mondiales en cybersécurité, avec la Chine et les États-Unis. Il peut ainsi neutraliser les communications adverses, infiltrer les réseaux ennemis et intercepter des données sensibles. L’objectif qu’il s’est fixé est de compenser sa faible profondeur stratégique (lié à son territoire restreint) par une haute capacité de renseignement et d’anticipation, en théorie. Ses moyens technologiques (SIGINT, écoutes, satellites d’observation Ofek) et son réseau d’espionnage lui octroient des informations capitales sur ses adversaires réels et potentiels. C’est avec de telles capacités de renseignement qu’Israël a pu mener des assassinats de hauts dirigeants du Hamas en 2024, à l’image de Saleh al-Arouri [le 2 janvier] à Beyrouth, Ismaël Haniyeh [le 31 juillet] à Téhéran ou encore Hassan Nasrallah [le 27 septembre], figure historique du Hezbollah libanais, à Beyrouth également.

Pour encore compenser son manque de profondeur stratégique, Tel Aviv peut compter sur la capacité de réaction quasi-immédiate de son armée et de sa réserve (après le 7 octobre 2023, il faut 48 heures pour mobiliser près de 300 000 réservistes) et sur le soutien des États-Unis. Avec le U.S.-Israel Memorandum of Understanding on Security Assistance du 14 septembre 2016, ce sont 38 milliards de dollars qui sont fournis sous forme d’aide militaire pour la période 2019-2028. Outre l’approvisionnement en munitions (obus de 155 mm, missiles pour son Dôme de fer notamment), Israël est entre autres le seul État du Moyen-Orient à posséder des chasseurs F-35 et peut compter sur des centaines de tonnes de matériel militaire expédiés par les États-Unis depuis le 7-Octobre, sans oublier le déploiement de leurs porte-avions en Méditerranée et autour du détroit de Bab el-Mandeb. En ajoutant à cela son expérience accrue des guerres conventionnelles ou non (avec plus de dix conflits majeurs depuis 1948), Tsahal sait combattre sur plusieurs fronts à la fois et en environnement urbain (l’armée israélienne a immédiatement développé des unités spécialisées en guerre souterraine et de nouveaux capteurs pour contrer les tunnels du Hamas). Sa capacité d’adaptation et sa doctrine militaire fournie restent des atouts majeurs en sa faveur.

Faiblesses et vulnérabilités israéliennes : les limites d’un modèle éprouvé

L’armée israélienne, bien que connue et reconnue pour son efficacité opérationnelle et sa technologie avancée, fait face à nombre de vulnérabilités et défaillances, menaçant son efficacité dans un conflit de longue durée. Ces faiblesses peuvent engendrer, outre un affaiblissement de la défense israélienne, un profond risque stratégique. La mobilisation prolongée des réservistes depuis octobre 2023 provoque un épuisement physique et psychologique, auquel se couple un plus que fragile équilibre social. Les crises politiques à répétition, les manifestations de masse, les tensions internes et critiques du modus operandi de Benyamin Netanyahou ainsi que la réforme judiciaire renforcent un sentiment de fracture sociale. 

Outre l’épuisement des soldats et l’érosion de la cohésion nationale, se fait jour une réelle tension sur les stocks de missiles et de munitions guidées, suite aux frappes prolongées sur Gaza et le Sud-Liban. Les difficultés d’approvisionnement rencontrées concernant ces munitions essentielles pour le combat en milieu urbain constituent un facteur pouvant compromettre les futures opérations israéliennes. L’aide américaine envers Israël, à hauteur de 3,8 milliards de dollars, ne semble pas être pour le moment dans le viseur de Donald Trump et de sa politique récente de reconfiguration de l’échiquier international (coupes drastiques de l’aide à l’Ukraine, lourde incitation envers les membres de l’OTAN à rehausser leur budget de défense, retour de la guerre commerciale avec la Chine, etc.). Cependant, des ajustements pourraient survenir à moyen et long terme, et un changement d’administration pourrait avoir un impact si le conflit venait à s’enliser. L’aide militaire américaine constitue donc un facteur stratégique majeur et Israël pourrait se trouver dans une situation vulnérable en cas de cessation ou de diminution de celle-ci. Enfin le conflit multi-fronts dans lequel se trouve Israël (Gaza, Liban, Iran, Yémen) distend ses capacités humaines et matérielles autant que sa faculté de réaction rapide et de stratégie d’ensemble. En cas de prolongation et d’élargissement du conflit, ce sont bien des limitations opérationnelles qui pourraient alors apparaitre, contraignant Israël à prioriser certains fronts.

Israël pourra-t-il tenir un conflit destiné à durer ?

La résilience d’Israël est mise à l’épreuve depuis le 7 octobre 2023. Tsahal démontre certes une puissance militaire redoutable, mais plus dans des conflits courts et intenses que dans des combats persistants aux nombreux épicentres. De sérieuses interrogations sur son endurance stratégique émergent à l’heure où Tel Aviv fait face à ce dilemme : comment maintenir une pression militaire constante tout en évitant l’essoufflement de ses ressources ? Ses bombes guidées JDAM et ses munitions d’artillerie commencent à s’épuiser, son système de défense Dôme de fer se base sur des missiles couteux, le prix unitaire oscillant entre 40 000 et 100 000 dollars et la mobilisation des réservistes et de la société civile s’étiole. Parallèlement, bien que la capacité industrielle israélienne soit avancée, elle ne permet pas une production rapide et en masse de tous les équipements sophistiqués utilisés, à l’image des avions de combat F-35 nécessitant des pièces produites seulement aux États-Unis. 

Cette guerre d’usure avantage en réalité les adversaires d’Israël, quand bien même ceux-ci ont pu connaitre des revers largement médiatisés par Tel Aviv, à l’image de l’assassinat de hauts dirigeants du Hamas et du Hezbollah. La guerre à Gaza s’éternise et le risque d’escalade avec le Liban et même l’Iran est un scénario plus que possible. Le Hamas maintient une capacité opérationnelle, alors qu’il était décrit comme éreinté après les premières représailles israéliennes fin 2023. L’incapacité de l’État hébreu à éradiquer le Hamas d’un point de vue matériel prélude d’autant plus au fait qu’il ne parviendra pas à vaincre le Hamas d’un point de vue moral et idéologique. Le Hezbollah libanais représente pour Israël une menace encore plus sérieuse, avec un arsenal estimé à plus de 150 000 roquettes et missiles, pouvant potentiellement saturer les systèmes de défense israéliens. Le Hezbollah est encore plus préparé que le Hamas à un conflit prolongé, du fait de ses ressources plus fournies, et une opération israélienne à son encontre serait bien plus couteuse pour Tel Aviv que la guerre en cours à Gaza. Enfin, une potentielle guerre directe et d’envergue avec l’Iran semble être un scénario catastrophe, les implications stratégiques et régionales étant difficilement discernables avec précision. 

Le plus grand danger pour Israël semble finalement être l’opinion publique. À l’international d’abord, les opérations israéliennes à Gaza sont régulièrement qualifiées de génocide, tant les actions à Gaza semblent disproportionnées et viser les populations civiles plus que des cibles militaires. La procédure engagée par l’Afrique du Sud contre Israël le 29 décembre 2023 devant la Cour internationale de Justice, cette première alléguant d’une violation par le second de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 (dont Israël est signataire) n’en est que l’illustration la plus saillante. À l’échelle nationale ensuite et surtout, la population israélienne semble chaque jour plus divisée sur la stratégie à mener et sur le soutien, ou non, à Benyamin Netanyahou. Or nombre de conflits récents démontrent à quel point l’opinion publique nationale détermine l’issue d’une guerre. Qu’il s’agisse de la France durant la guerre d’Algérie (1954-1962) ou des États-Unis au Vietnam (1955-1975) ou en Afghanistan (2001-2021), des États largement plus puissants que leurs cobelligérants ont été défaits. Non pas sur le champ de bataille, mais au sein de leurs propres sociétés, celles-ci s’opposant à des conflits perçus comme étant trop longs et couteux d’un point de vue humain et financier. Un tel scénario pourra alors s’imposer à Israël : on peut gagner une guerre stratégiquement, et la perdre politiquement.

Kevan Gafaïti (*)
Aereion 24

(*) Enseignant du département Middle East Studies (Sciences Po Paris) et chercheur du Centre Thucydide de l’Université Paris-Panthéon-Assas.




Equipement : Le fusil laser HELMA-LP testé par la France pour ses forces spéciales

Pas de bruit, pas de lumière, mais de gros dégâts. Voici l’Helma-LP, un fusil laser destiné aux forces spéciales. Il n’est pas conçu pour détruire des drones, mais les équipements de l’ennemi, en plus de le traumatiser.

La guerre du futur, c’est déjà maintenant avec des robots, des légions de drones et des canons laser. Hier, Futura évoquait l’utilisation sur le terrain par les forces ukrainiennes du canon laser Tryzoub pour assurer la défense aérienne, aujourd’hui, c’est une arme individuelle futuriste qu’a dévoilée Cilas, une société française.

C’est elle qui a déjà créé le laser Helma-P testé par la Marine nationale et employé pour neutraliser d’éventuels mini-drones lors des JO 2024. La firme a dévoilé une autre innovation avec son Helma-LP, lors du Sofins 2025, un salon confidentiel dédié aux forces spéciales qui s’est tenu dernièrement près de Bordeaux.

Il s’agit d’une sorte de fusil laser futuriste pour sniper posé sur un trépied. Cilas l’a montré sous la forme d’une vue d’artiste avec un design rappelant le type d’arme que l’on a l’habitude de voir dans les films de science-fiction. Si son prototype dévoilé au Sofins reste éloigné de cette présentation, l’arme reste impressionnante. Elle est dotée d’une poignée et d’une crosse de fusil d’assaut avec un long et large tube enfermant le système laser avec. À la place de la bouche du canon, se trouve une grosse optique.

Il s’agit donc clairement d’une arme laser destinée à un fantassin. De manière générale, l’essentiel des armements laser disponibles a pour objectif de neutraliser la nouvelle menace que sont devenus les drones chargés d’explosifs. Mais ce n’est pas le cas pour le Helma-LP. Pour être utilisable, les cibles doivent être statiques. Pas question d’abattre un drone donc. Pour cela, outre l’emploi du canon laser Helma-LP, les forces françaises expérimentent des solutions plus rustiques, comme des tirs de grenaille au tungstène à partir de fusils à pompe. Radical pour trouer la carlingue et la mécanique des mini-drones.  

L’Helma-LP répond à d’autres usages beaucoup plus inattendus. Il peut s’agir de neutraliser des toiles d’abris, des camouflages, des caméras de surveillance, des ordinateurs, des radios, ou tout le panel de capteurs électroniques de l’adversaire. Il peut, au besoin, les « griller » ou bien les aveugler. Et pourquoi pas faire exploser à distance, une défense constituée de mines ? L’avantage de cette arme pour les forces spéciales, c’est sa capacité à délivrer un effet de surprise. Ainsi, le coup de laser est silencieux et surtout invisible. Cette menace venue de nulle part a de quoi perturber l’ennemi.

Comme il s’agit d’équiper les forces spéciales, on parle de proximité avec l’ennemi. L’arme a donc une portée limitée à 300, voire 500 mètres avec un faisceau d’un diamètre de 2 cm. Étant donné que ce laser est compact, donc peu puissant, il est nécessaire d’insister sur la cible en pointant le laser durant 5 à 15 secondes. Le fusil ne se suffit pas à lui-même.

Au lieu des munitions, le nerf de la guerre de ces lasers à énergie dirigée reste l’énergie. Pour alimenter l’arme, son opérateur porte des batteries — dont on ne sait rien au niveau technique — dans un sac à dos. Ce que Cilas a communiqué en revanche, c’est que leur poids est d’environ 15 kg.

En tout cas, ce pack de batterie serait capable de donner à l’arme une bonne endurance et d’assurer des coups répétitifs. Étant donné la précision nécessaire et le maintien du pointage sur la cible, on comprend mieux pourquoi l’arme se destine à reposer sur un trépied. Il s’agit d’un véritable travail de sniper. L’Helma-P étant adopté par l’armée française, peut-être que ce fusil laser innovant est déjà testé et apprécié par les forces spéciales.

Lors du salon SOFINS 2025, dédié aux forces spéciales françaises et organisé près de Bordeaux, la société française CILAS a dévoilé un prototype de fusil laser baptisé HELMA-LP. Ce système portable, conçu pour des missions de neutralisation discrètes et ciblées, marque une nouvelle étape dans le développement des armes à énergie dirigée. Si son apparence évoque les armes futuristes des films de science-fiction, le HELMA-LP est un système fonctionnel développé pour répondre aux besoins opérationnels spécifiques des forces spéciales dans des environnements complexes et exigeants.

Le système HELMA-LP comprend un fusil laser inspiré de la plateforme AR-15, relié via deux câbles à un sac à dos de 15 kg contenant des batteries rechargeables (Source de l’image : Army Recognition)

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Bien que le HELMA-LP ne soit pas spécifiquement conçu pour contrer les drones comme le HELMA-P, des démonstrations et des tests effectués sur des drones commerciaux comme le DJI Mavic ont montré que même un faisceau laser de faible puissance peut endommager ou aveugler des capteurs optiques sensibles ou faire fondre des objectifs de caméra en plastique. Un effet similaire a été observé avec le système turc Gökberk développé par Aselsan, où une courte exposition à un faisceau laser a neutralisé efficacement des drones légers sans nécessiter une puissance de sortie élevée.

Le déploiement d’armes laser telles que le HELMA-LP s’inscrit dans une tendance mondiale plus large vers le développement des technologies à énergie dirigée, motivée par le besoin croissant de neutraliser rapidement et discrètement des menaces de plus en plus diverses, notamment les drones, les capteurs et les systèmes électroniques. Les États-Unis, pionniers dans ce domaine, ont intégré des systèmes comme le DE M-SHORAD et le HEL (High Energy Laser) à bord de véhicules blindés et de plateformes navales, tandis que la Chine, la Russie, Israël, l’Allemagne et la Turquie ont également réalisé des investissements importants dans le développement d’armes laser sur terre, en mer et dans les airs. Cette course technologique reflète une volonté stratégique d’acquérir des outils défensifs rentables réduisant la dépendance aux munitions conventionnelles tout en permettant des capacités d’engagement silencieuses, instantanées et difficiles à tracer.
D’un point de vue industriel, ces systèmes constituent également des plateformes innovantes pour les entreprises de défense qui cherchent à diversifier leurs portefeuilles face à l’évolution des menaces. Des groupes comme Lockheed Martin, Rheinmetall, Aselsan, Raytheon, Norinco et CILAS en France multiplient les programmes de démonstrateurs pour répondre à des besoins militaires spécifiques tels que la protection de sites, la neutralisation de drones et le soutien aux forces spéciales. Le développement de ces technologies repose non seulement sur la maîtrise de sources laser compactes et durables, mais aussi sur la capacité à stocker et à délivrer efficacement de l’énergie. À ce titre, les armes à énergie dirigée représentent un domaine clé pour l’innovation à double usage, tant dans le secteur militaire que civil, notamment dans des domaines comme les systèmes de batteries et l’ingénierie optique.

Site : Futura Sciences
09 mai 2025




Guerre en Ukraine : La Russie mène le jeu

Excellent article du commandant (à la retraite) Steven Jermy, Royal Navy, récemment publié sur NATO watch. Steven a commandé 4 navires de guerre, le 5e escadron de destroyers et l’Armée de l’air de la Flotte. Il a servi dans la guerre des Malouines, déployé dans les campagnes de Bosnie et du Kosovo, et sa dernière tournée opérationnelle était en Afghanistan en tant que Directeur de la stratégie à l’Ambassade britannique. Il est l’auteur de « Strategy for Action: Using Force Wisely in the 21st Century » et travaille maintenant dans le secteur de l’énergie offshore.

Theodore Roosevelt a déclaré « Parlez avec douceur tout en portant un gros bâton« . Les dirigeants européens font le contraire et sont offensés lorsqu’ils ne sont pas invités aux négociations russo-ukrainiennes. Au lieu de cela, et depuis la ligne de touche, les Européens insistent pour que la Russie accepte des conditions de cessez-le-feu que ni eux ni les Américains n’ont les moyens politiques ou militaires d’imposer. Il n’est donc pas surprenant que les Russes continuent patiemment d’insister sur leurs propres conditions, ni que les Américains se rallient lentement à la position de la Russie. Pourtant, les dirigeants européens se sentent offensés. Pourquoi donc ?

Au niveau le plus fondamental, je crains qu’ils n’aient pas la capacité de calculer l’équilibre des puissances, une compétence pourtant essentielle en temps de guerre. Si nous, Européens, voulons jouer un rôle intelligent dans la conclusion de la guerre en Ukraine, nous devons revenir aux bases de la stratégie et calculer les rapports de force relatifs. Cela nous permettrait de comprendre le véritable levier – ou manque de levier – qu’à l’Occident sur la Russie.

Un excellent point de départ est le travail du professeur John Mearsheimer, en particulier compte tenu de son étonnante prescience sur ce sujet, qui contraste fortement avec les prévisions des commentateurs occidentaux conventionnels. Mearsheimer souligne que la richesse économique et la taille de la population sont des déterminants fondamentaux de la puissance nationale. Toutes choses égales par ailleurs, les grandes populations sont plus puissantes que les petites populations, les plus riches plus puissantes que les plus pauvres.

Mais la richesse économique est régulièrement, et paresseusement, évaluée à l’aide des chiffres du PIB, un moyen particulièrement médiocre de calculer la puissance militaire nationale. L’économie des services compte peu sur le champ de bataille ; dans les affaires militaires, c’est la capacité industrielle qui compte.

Il y a un autre facteur tout aussi fondamental à ajouter à la liste de Mearsheimer, l’énergie. La capacité industrielle, tout comme les opérations militaires, dépend de manière critique d’un approvisionnement fiable en énergie bon marché, de haute qualité et abondante, comme les Européens le constatent à leurs propres frais. En effet, dans la guerre et les opérations militaires, le combat et la logistique sont tous deux extrêmement énergivores.

Ces facteurs fondamentaux étaient visibles pendant la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis, la Russie et la Grande-Bretagne avaient de grands secteurs industriels ; mais aussi des approvisionnements énergétiques fiables, provenant de sources locales et des colonies britanniques pour ce dernier pays. L’échec de l’armée allemande à capturer le pétrole russe et les succès des sous-marins de la marine américaine à gêner les approvisionnements en pétrole indonésien du Japon ont été des facteurs clés de la défaite finale des deux nations de l’Axe.

Nerveusement, l’amiral Isoroku Yamamoto, avant la Seconde Guerre mondiale face aux États-Unis, reconnaissait cette logique : “Quiconque a vu les usines automobiles de Detroit et les champs pétrolifères du Texas sait que le Japon n’a pas la puissance nationale pour une course navale contre l’Amérique.”

La capacité industrielle et l’énergie sont peut-être les fondements de la puissance nationale, mais l’utilité de la puissance militaire est aussi conditionnée géopolitiquement. Dans mon livre « Strategy for action », je fais la distinction entre l’équilibre des puissances nationales et l’équilibre des passions politiques. Cette distinction, rarement faite, explique les défaites au Vietnam et en Afghanistan : les Vietcongs et les Talibans, même plus faibles, se ralliaient beaucoup plus autour de leurs causes et étaient prêts à payer un prix du sang plus élevé que les populations occidentales. La géographie joue également un rôle dans les calculs politiques : les gens se soucient généralement moins des problèmes se passant loin de chez eux.

La distance compte aussi pour des raisons militaires. Plus une campagne est éloignée, plus le défi logistique et les dépenses y afférant sont importants. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Américains, dans un exploit industriel historiquement inégalé, ont construit 2 751 navires de style liberty de 10 000 tonnes pour former l’épine dorsale d’une énorme chaine d’approvisionnement logistique militaire mondial. L’autre facteur géographique important est la nature maritime ou terrestre d’une campagne. Les marines des puissances maritimes ont moins d’utilité dans les campagnes terrestres, et vice versa pour les armées des puissances terrestres. Ce n’est pas une distinction manichéenne, elle est plus nuancée que cela, mais elle est néanmoins importante pour juger de l’utilité de la puissance maritime ou terrestre.

Armés de ce cadre, nous sommes en terrain plus solide pour examiner la guerre en Ukraine avec une rigueur militaro-stratégique plutôt qu’avec la superficialité politique. Évaluons les participants à la guerre par ordre croissant de puissance.

Fondamentalement, l’Ukraine a commencé la guerre en position de faiblesse. Avec le soutien soutenu de l’OTAN depuis 2014, elle avait formé une grande armée, mais sa capacité industrielle était limitée et elle dépendait d’approvisionnements énergétiques externes, y compris du pétrole russe. Sa position fondamentale est maintenant bien pire, après le ciblage délibéré par la Russie de ses infrastructures industrielles et énergétiques.

L’unité géopolitique de la puissance ukrainienne se dissipe également. La passion politique pour la cause, déjà faible dans les régions ethniquement russes, semble maintenant s’éroder parmi les fatigués de la guerre et les victimes des gangs de rabatteurs de l’armée ukrainienne. Les ultranationalistes resteront sans doute fidèles à leur cause, peut-être jusqu’à une fin apocalyptique, mais mis à part eux, il est facile d’envisager un consensus populaire en chute libre quand l’armée russe roulera vers l’ouest.

Certains disent qu’il est évident que les fondements et l’utilité de la puissance sont calculés de cette manière. Mais ce n’est clairement pas le cas pour les dirigeants américains et européens engagés dans la guerre en Ukraine, qui démontrent, par leurs paroles et leurs actes, qu’ils n’ont pas le moindre soupçon d’une telle compréhension.

Mis à part son bellicisme, l’Europe est fondamentalement faible. Pour se rapprocher des niveaux de capacité industrielle de la Guerre froide, les Européens devront doubler leurs dépenses de défense et dépasser 5% du PIB. En 1986, au point culminant de la guerre froide, la Grande-Bretagne dépensait 6% pour sa défense.

De plus, en tant que premier importateur d’hydrocarbures au monde, avec 12,8 millions de barils par jour de pétrole, la situation de l’Europe est caractérisée par une vulnérabilité énergétique aiguë. La cohésion géopolitique limitée de l’Europe est également en jeu. La Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Serbie ont toujours été sceptiques, la position neutre de l’Autriche est restée nuancée, et le soutien politique d’autres pays, comme l’Italie et l’Espagne, s’affaiblit. Alors que les ressources nationales sont redirigées, loin des dépenses en capital constructif ou en biens de société vers une course aux armements impossible à gagner pour soutenir une guerre perdue, il est difficile d’imaginer comment les choses pourraient s’améliorer.

Fondamentalement, les États-Unis sont plus puissants que l’Europe ou l’Ukraine, mais ce n’est pas si important. Industriellement, le monde entier sait qu’ils ont un problème ; la preuve en est que la logique primaire des taxes douanières est la réindustrialisation du pays. Au niveau de l’énergie, c’est un peu mieux mais loin d’être parfait. Bien qu’exportateurs d’hydrocarbures raffinés, les États-Unis restent importateurs nets de pétrole, à hauteur de près de 3 millions de barils par jour.

Plus pertinent, l’Ukraine est loin de la patrie américaine, la base électorale de Trump est généralement contre la guerre et les perspectives de financement du Congrès au-delà de juin sont incertaines. La politique intérieure joue également son rôle. La responsabilité principale du soutien initial des États-Unis à la guerre incombe à l’administration Biden. Mais plus longtemps les Etats-Unis resteront coincés dans la mangrove ukrainienne, plus l’administration Trump risque d’en assumer le blâme.

La Russie, quant à elle, démontre sur le champ de bataille la valeur analytique du calcul de l’équilibre des puissances. Mobilisée industriellement pour son « opération militaire spéciale« , la production russe d’obus de 155 mm est supérieure à celle des États-Unis, des Européens et des Ukrainiens réunis. Le pays est aussi une superpuissance en hydrocarbures, totalement indépendante énergétiquement et qui regarde avec perplexité les Européens accélérant leur suicide industriel en appliquant des sanctions contre l’énergie russe leur revenant comme un boomerang. La cohésion géopolitique de la Russie est également claire. Puissance terrestre majeure, elle opère sur des lignes logistiques intérieures qui sont ses atouts. Politiquement, les Russes pensent mener une guerre existentielle contre un Occident expansionniste. Dès 2008, le télégramme diplomatique « Nyet means Nyet » [Non veut dire non] de Bill Burns expliquait que l’expansion de l’OTAN était considérée comme un problème « névralgique » par tous les Russes et pas seulement par Poutine. Ils défendent donc l’existence de la Russie et les chiffres d’approbation politique de 85% de Poutine reflètent l’engagement de son peuple à la victoire.

Implications : La Russie mène le jeu. Et alors ?

Selon cette analyse, l’équilibre des puissances – sur le champ de bataille et à la table des négociations – favorise largement la Russie. Malgré cela, les dirigeants européens – avec le soutien réduit des Américains – semblent croire que c’est aux perdants de dicter les conditions du cessez-le-feu ou de la reddition. Puis protestent bruyamment quand ni la situation ni Poutine ne veulent les suivre. En temps de guerre, ce sont les vainqueurs qui dictent les conditions, et cette guerre se terminera en grande partie aux conditions de la Russie. Bien que les propagandistes essaieront sans aucun doute de présenter cela comme autre chose qu’une défaite de l’OTAN, cela ne servira à rien, car telle sera la situation sur le terrain.

Mieux vaut reconnaître et accepter cette inévitabilité stratégique, faire preuve d’une certaine humilité politique européenne et commencer, enfin, à travailler de manière constructive avec les Américains et les Russes. Afin que nous puissions, à notre tour, aborder la question immédiate la plus importante pour nous tous. La guerre se terminera-t-elle plus lentement, brutalement et coûteusement, sur le champ de bataille ? Ou plus rapidement, humainement et à moindre coût à la table des négociations ?

Si nous reconnaissons le manque relatif de puissance de l’Occident et acceptons les réalités géopolitiques sur le terrain, nous, Européens, pouvons commencer à faire une différence positive, plutôt que de chercher à nous accrocher à notre récit politique raté et à retarder l’inévitable.

Nos appels continus à la Russie à accepter des conditions que l’Occident est incapable d’imposer devraient cesser. Nous devrions modifier notre position sur les principes fondamentaux de la négociation. La Russie aussi a des intérêts légitimes en matière de sécurité. Pousser l’OTAN aux frontières de la Russie tout en ignorant volontairement leurs intérêts était forcément susceptible de conduire à un conflit. La diplomatie met fin aux guerres ; ce qui signifie que les dirigeants européens commencent à parler personnellement à Poutine et aux ministres des Affaires étrangères Lavrov, et essaient de mieux comprendre de première main ce qu’eux et tous les Russes veulent.

Cette dernière question ne devrait pas être trop difficile car les Russes nous disent ce qu’ils veulent depuis au moins trois ans. Fondamentalement, ils recherchent une solution sécuritaire qui élimine la cause première de la guerre et conduit à une paix à long terme sur le continent européen. Lorsqu’il y aura un large accord sur la manière d’y parvenir, alors – et seulement alors – ils seront prêts à parler d’un cessez-le-feu. Et commencer à mettre fin à la destruction catastrophique des infrastructures ukrainiennes, à la perte de vies russes et ukrainiennes supplémentaires et à la gabegie de fonds européens, alors que beaucoup déjà ont été gaspillés.

En 1965, le général Andres Beaufre déclarait « À la guerre, le perdant mérite de perdre car sa défaite est due à des échecs de réflexion avant ou pendant la campagne. » Je suis d’accord. Cela peut aller à l’encontre de la pensée européenne conventionnelle, mais l’histoire montrera bientôt qu’avec les Américains, nous, Européens, portons une responsabilité substantielle dans cette guerre et dans la défaite de l’OTAN.

Avec une réflexion stratégique compétente, nous aurions pu éviter cette guerre en premier lieu.
Avec une réflexion compétente sur l’équilibre des puissances, nous pourrions – et devrions – maintenant aider à y mettre fin plus rapidement et de manière humaine.

Steven JERMY
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
Publié le mai 21, 2025 par Wayan
Et par Ian Proud – Le 15 mai 2025 – Source The Peace Monger




Ingérence. Elections en Europe : La mauvaise pente des ingérences

Commentaires AASSDN : L’opinion publique européenne prend de plus en plus conscience de la perte de puissance et d’influence de l’UE sur la scène mondiale.
Plusieurs pays et non des moindres, privilégient clairement la défense de leurs intérêts nationaux tant l’UE ne parvient pas à relever les défis actuels : sécurité intérieure, croissance économique, contrôle de l’immigration, prix de l’énergie,…
Enfin la défense de l’Europe semble impossible. En effet, les achats de matériels américains (et non ceux produits en Europe) ne cessent de croitre.

Weekend intéressant en Europe, avec des élections en Pologne, premier tour des présidentielles, au Portugal, législatives anticipées, en Roumanie, finale des présidentielles. Avec un mot en vedette dans la presse : ingérences étrangères.

Certaines sont supposées être vertueuses. En effet, remarquait le Monde diplomatique déjà en janvier dernier « il y a ingérence et ingérence : d’un côté les manipulations odieuses orchestrées par Moscou et Pékin ; de l’autre, les interventions vertueuses des Américains et des Européens pour défendre les valeurs démocratiques » (1). Interventions sous diverses formes devenues banales si non avouées depuis la chute du mur de Berlin mais ouvertement déclarées en Europe cette année comme légitimes. Un exemple ? « Faisons appliquer nos lois en Europe lorsque celles-ci risquant d’être circonvenues et qu’elles peuvent, si on ne les applique pas, conduire à des interférences. On l’a fait en Roumanie, il faudra évidemment le faire si c’est nécessaire en Allemagne ». Cette déclaration est celle de l’ex-commissaire européen Thierry Breton le 9 janvier dernier sur RMC (1).

Notons une nouveauté : jusqu’à la nouvelle administration Trump, « l’Occident » était supposé travailler dans le même sens. Mais, depuis le 20 janvier, et plus précisément depuis le discours du vice-président américain JD Vance à Munich le 14 février, les Etats-Unis trouvent à redire à ces pratiques : « Lorsque nous voyons des tribunaux européens annuler des élections et de hauts responsables menacer d’en annuler d’autres, nous devrions nous demander si nous nous tenons à des normes suffisamment élevées (…). Nous devons faire plus que parler des valeurs démocratiques. Nous devons les vivre » (2). Il s’agissait évidemment d’une critique concernant le premier tour des élections présidentielles du 24 novembre 2024 en Roumanie, dont le second tour prévu le 8 décembre a été annulé par la Cour constitutionnelle roumaine sur des considérations qui n’ont pas été jusqu’ici avérées (3). Annulation qui a été accompagnée de l’ouverture d’une enquête par la Commission européenne.

Qu’est-ce qui est en jeu ?

Parce que, disait déjà Christian Lequesne (4), professeur à Sciences Po, en 2017, « les grandes élections nationales n’abordent que marginalement le thème européen pendant les campagnes » – ce qui est vrai. Tout en remarquant déjà « la vague d’euroscepticisme généralisée dans tous les Etats membres de l’Union européenne » – une vague qui s’est confirmée d’élection en élection, en France mais pas seulement, voir les élections européennes de 2024. Vague peut-être due à « la ‘polycrise’ que connaît l’Union européenne depuis 2008 ». Polycrise très sérieuse, certes, que les politiques au pouvoir et les fonctionnaires de l’UE ne parviennent pas à juguler. « L’industrie européenne, dont les parts du marché mondial ont fondu de 22,5 % à 14 % depuis 2000 quand celles de la Chine s’envolaient de 10 % à 28 %, est menacée de mort » rappelle Nicolas Baverez (5) en détaillant la régression secteur par secteur (acier, chimie, textile, automobile, agriculture, etc.).

Avec, ce qui touche particulièrement les populations au quotidien, partout : « Alors que l’énergie est 4 fois plus chère qu’en Asie et 5 fois plus qu’aux États-Unis, alors que la priorité absolue donnée aux renouvelables vient de provoquer en Espagne et au Portugal un black-out géant qui a plongé dans le noir 60 millions d’Européens, la trajectoire pour 2040 occulte la dimension de la sécurité, récuse la notion de décarbonation qui assure la neutralité entre les technologies et poursuit l’éradication du nucléaire ». Et, très sévère : « Ursula von der Leyen doit aujourd’hui être placée devant ses responsabilités ». Parce que « non seulement l’Union ne prend pas les mesures indispensables pour protéger son potentiel de développement, les conditions de vie de sa population et sa sécurité, mais elle s’enferme dans le déni des réalités et le refus de mettre en cause les principes et les politiques qui ont échoué ».

C’est peut-être cela que les populations contestent, non pas le fait d’être Européens, ils le sont et le savent, mais le système qui leur est uniformément imposé au nom d’une intégration fédérale, qui est en échec – et qui rogne leur liberté de décision. Alors que politiques élus et fonctionnaires de l’UE tentent de préserver leur modèle mondialiste, leur idéologie et leur pouvoir. On peut-être pour ou contre ce modèle, mais en démocratie, il faut accepter d’être contesté, c’est la règle.

Et le malaise s’accroît à chaque élection nationale.

Regardons les résultats du weekend. En Pologne, « l’étonnement domine dans la presse après les résultats du premier tour de la présidentielle polonaise, dimanche 18 mai. Le libéral Rafal Trzaskowski, maire de Varsovie, l’emporte de peu (avec 31,36 % des voix) face au candidat national conservateur Karol Nawrocki (29,54 %). L’extrême droite, elle, totalise plus de 21 % » nous dit Courrier International (6). Le second tour est prévu le 1er juin. Comprenez que les défenseurs du modèle défendu par la Commission européenne sont inquiets.

Au Portugal, se tenaient les troisièmes législatives en trois ans. Le centre droit sortant sort en tête – il n’inquiète pas Bruxelles, pas plus que ne l’inquiètent les socialistes. Mais, nous dit le Monde (7), il n’aura qu’une majorité relative. En effet, « la croissance du parti d’extrême droite Chega (Assez) pourrait cependant rendre le Parlement portugais plus difficile à manœuvrer ». Parce que « Chega a obtenu autant de députés que le Parti socialiste. Il devrait même le devancer, une fois terminé le décompte des résultats des circonscriptions des Portugais de l’étranger, où l’extrême droite était arrivée en tête en 2024 ». Comprenez que Chega défend les intérêts nationaux du pays.

En Roumanie ? « C’est un soulagement pour Bruxelles comme pour bon nombre de capitales européennes. Le maire de Bucarest, Nicușor Dan, a remporté l’élection présidentielle roumaine ce dimanche 18 mai. Le candidat centriste et pro-européen a recueilli près de 54 % des suffrages au second tour, devançant George Simion (46 %), leader de l’Alliance pour l’unité des Roumains (AUR, affilié aux Conservateurs et réformistes européens), une formation nationaliste et eurosceptique » (8). Georges Simion, qui a pris la suite de Calin Georgescu invalidé à la suite du scrutin de novembre 2024, était arrivé en tête avec 41% des suffrages au premier tour (21% à Nicusor Dan).

Que voulaient au fond les électeurs roumains ? Ils n’ont certainement pas un bon souvenir de l’occupation soviétique et Georges Simion a été présenté comme un candidat pro-russe. De plus, leur adhésion à l’UE, fonds européens aidant, a été positive à l’économie du pays – et donc au bien-être de chacun.

Que faut-il penser du résultat ? Interrogé par le Figaro (9), le général Chauvancy (2S), docteur en sciences de l’information, résume, sans nier les ingérences, au contraire : « Je n’ai pas été à l’aise avec cette annulation. Lors du sommet des Européens à Munich en février dernier, JD Vance a déclaré : «Si votre démocratie peut être détruite avec quelques centaines de milliers de dollars de publicité numérique d’un pays étranger, alors c’est qu’elle n’était pas très forte». Il n’a pas tort. Les positions très moralisatrices de l’Union européenne et de la France m’ont un peu surpris aussi. On accablait l’électeur roumain en affirmant qu’il avait été manipulé. Alors qu’ils consultent les réseaux sociaux tout autant que nous ! Même s’il y a de la manipulation, cela sous-entend qu’ils ne seraient pas assez intelligents pour voter par eux-mêmes. L’idée sous-jacente c’est : «vous avez mal voté, on va vous aider à le faire comme il faut». Face à ces réactions, je me suis dit qu’on aurait mieux fait d’appliquer un relatif devoir de réserve ».

Tout en ajoutant : « J’espère que d’ici 2 ou 3 ans, un groupe de chercheur se sera attelé à comprendre ce qu’il s’est vraiment passé en Roumanie, car il y a des zones d’ombre à éclaircir : l’action exacte et précise de la Russie via TikTok même si des éléments précis ont été identifiés comme l’action de nombre d’influenceurs, mais aussi l’action de l’UE et de certains pays dans cette élection en Roumanie ». Certainement. Mais ce qu’en penseront les Roumains eux-mêmes et les conséquences sur la vie politique de leur pays reste incertain.

Ce qui est sûr, c’est que tous les Européens ont suivi cette malheureuse ingérence – la déclaration de Thierry Breton est scandaleuse et contre productive. Elle n’est pas faite pour amoindrir la défiance de chacun quant à l’honnêteté des responsables politiques comme à celle des fonctionnaires de l’UE – qui ne sont pas des élus, sont au service des électeurs et n’ont aucune légitimité à décider pour eux.

Qui a osé l’oublier ? 

Hélène NOUAILLE
La Lettre de Léosthène


Notes :

(1) Le Monde diplomatique, le 20 janvier 2025, dossier « Telex », Au nom des ingérences

https://www.monde-diplomatique.fr/telex/2025-01-ingerences

(2) Discours intégral en français de JD Vance le 14 février 2025 (sur X, ouvert)

(3) « Un candidat d’extrême droite hostile à l’aide à l’Ukraine — qui transite largement à travers le pays — était arrivé en tête. Au lendemain de cette décision, sur la base d’un simple soupçon de manipulations russes par l’intermédiaire de TikTok, la Commission européenne diligentait une enquête sur de potentielles infractions du réseau social chinois. Mais, selon le site d’investigation roumain Snoop, les cent trente influenceurs supposément payés par Moscou auraient en réalité participé à une campagne financée… par le Parti national libéral (PNL) au pouvoir » (Le Monde diplomatique, note 1).

Enquête du SGDSN français publié le 4 février 2025 :

« A ce stade, le commanditaire derrière la campagne pro-Georgescu demeure inconnu, de même que le rôle exact joué par FA Agency et par les entreprises affiliées à Zlodeï dans l’ensemble de la campagne du candidat roumain, hormis leur recrutement d’influenceurs par email »

http://www.sgdsn.gouv.fr/files/files/Publications/20250204_NP_SGDSN_VIGINUM_Rapport_public_Elections_roumanie_risques_france_VFF.pdf

(4) Sciences Po/CERI, avril 2027, Christian Lequesnes, L’enjeu européen dans la campagne présidentielle

https://www.sciencespo.fr/ceri/en/content/l-enjeu-europeen-dans-la-campagne-presidentielle

(5) Le Figaro, le 19 mai 2025, Nicolas Baverez : « L’Union européenne otage de sa bureaucratie »

https://www.lefigaro.fr/vox/economie/nicolas-baverez-l-union-europeenne-otage-de-sa-bureaucratie-20250519

(6) Courrier International, le 19 mai 2025, Présidentielle en Pologne ‘carton jaune’ pour le gouvernement de Donald Tusk

https://www.courrierinternational.com/article/politique-presidentielle-en-pologne-carton-jaune-pour-le-gouvernement-de-donald-tusk_231037

(7) Le Monde, le 19 mai 2025, Sandrine Morel, Au Portugal, le centre droit remporte les élections, la gauche s’effondre au profit de l’extrême droite

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/05/19/au-portugal-le-centre-droit-remporte-les-elections-la-gauche-s-effondre-au-profit-de-l-extreme-droite_6607158_3210.html

(8) Toute l’Europe, le 19 mai 2025, Hugo Palacin, Roumanie : le candidat pro-européen, Nicusor Dan, remporte l’élection présidentielle

https://www.touteleurope.eu/vie-politique-des-etats-membres/roumanie-le-candidat-pro-europeen-nicusor-dan-remporte-l-election-presidentielle

(9) Le Figaro, le 19 mai 2025, Elisabeth Pierson, Présidentielle en Roumanie: «Croyez-vous vraiment que nos dirigeants s’affranchissent de toute action d’influence? »

https://www.lefigaro.fr/international/accusation-d-ingerence-dans-la-presidentielle-en-roumanie-nous-sommes-dans-une-guerre-de-l-information-et-de-l-influence-20250519

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Vidéo. L’armée française : Combien de divisions ?

Dans cette émission, Alain Juillet et Claude Medori reçoivent le Général Jean-Marie Faugère pour analyser les forces et faiblesses de l’armée française à l’aune des déclarations du Président Macron sur le conflit russo-ukrainien. Au-delà de l’état des lieux, nous interrogeons la vision stratégique de la France : comment redéfinir sa puissance dans un contexte de contraintes budgétaires et de menaces diffuses ?

Quelle place pour les forces armées avec une nation qui doute de ses certitudes et de son rôle dans le monde en mutation ?

Date de mise en ligne :  02/05/2025
Durée : 00:44:24
Compte YouTube : Open Box TV

00:00 – Introduction
00:08:30 – Une armée aguerrie mais trop petite
00:12:30 – Budget de défense en France
00:17:00 – La dissuasion nucléaire
00:26:30 – Vers un armement européen ?
00:33:00 – Accord de Minsk 1 et l’accord de Minsk 2 : des accords non respectés par certains alliés
00:35:00 – Volontarisme de façade de la part des Européens
00:39:00 – Difficultés quant à la reconstitution des effectifs
00:42:00 – Définir un cadre pour des lois de programmation futures ?
00:43:20 – Conclusion




Vidéo : “Hitler sur table d’écoute”

Paris, 20 avril 1942, trois opérateurs résistants, sous la direction de l’ingénieur Robert Keller, espionnent en direct la voix d’Adolf Hitler, le Führer lui-même, qu’ils ont placé sur table d’écoute ! Ils espionneront également les plus grands dignitaires du IIIème Reich. Keller réalisa, lors de la Seconde Guerre mondiale, un des faits majeurs de l’action clandestine en Europe occupée. Il a écouté, au profit des Services de renseignement français et britannique et a capté tous les secrets d’état qui couraient sous terre le long des énormes câbles de télécommunication entre Paris et Berlin.

Commentaire AASSDN : Le film de 52′ , “Hitler sur table d’écoute” a été produit pour TV5 en 2018.
Marie Gatard, membre de l’AASSDN, a rédigé  le scenario de ce film évoquant le rôle majeur joué par L’ingénieur Robert Keller qui a été recruté par les Services de renseignements français SR (réseau Kléber) durant la Seconde Guerre mondiale. (Lire le livre : “La pierre qui parle” de Marie Gatard)
Ce patriote, méconnu, ingénieur des PTT, est mort pour la France en déportation au camp de Bergen Belsen. Il avait 46 ans, Il était marié et père de famille.

Date de mise en ligne :  30/04/2025
Durée : 00:51:314
Réalisateur : Laurent BERGERS
Compte YouTube : Boketto Culture – Histoire