Semi-conducteurs : L’Europe peut-elle regagner du terrain ?

Face à sa dépendance à l’Asie et aux États-Unis pour les semi-conducteurs, l’Europe mise sur le Chips Act et des projets comme FAMES pour renforcer sa souveraineté, en capitalisant sur ses atouts en innovation, edge AI, et production spécialisée. Malgré des ambitions élevées, elle se concentre sur le maintien de sa position stratégique et la préparation des technologies clés de demain dans un marché mondial toujours très polarisé.

  • Contre sa dépendance à l’Asie et aux États-Unis sur le marché des semi-conducteurs électroniques, l’Europe a lancé le Chips Act.
  • L’Europe représente un peu moins de 10 % de la production mondiale de semi-conducteurs, grâce à des industriels comme le français STMicroelectronics.
  • Pour maintenir sa position, l’Europe doit investir dans ses points forts : l’innovation technologique, la production, les enjeux environnementaux…
  • L’Europe peut valoriser ses atouts dans l’edge AI, l’intelligence artificielle gérée sur des périphériques tels que les smartphones, objets connectés, etc.
  • Le projet FAMES, porté par la Commission européenne et la France, représente aujourd’hui un investissement de 830 millions d’euros dans le secteur.

625 milliards de dollars : c’est le poids du marché mondial des composants électroniques en 2024. À l’occasion de la pandémie de Covid 21 et de la pénurie de puces qui en avait résulté, l’Europe redécouvrait sa dépendance vis-à-vis de l’Asie et des États-Unis. Pour tenter de limiter cette dépendance, l’Union européenne annonçait en février 2022 le lancement du CHIPS and Science Act, qui visait à stimuler la production européenne. Quelque 3 ans plus tard, comment se porte le secteur en Europe ? Nous faisons le point avec Sébastien Dauvé, directeur du CEA-Leti, qui vient de lancer à Grenoble la ligne-pilote FAMES, financée par l’Union européenne et la France.

Comment se porte le marché de la microélectronique aujourd’hui ?

Sébastien Dauvé. En recul en 2023, le marché est en croissance depuis 2024, mais cette croissance cache une évolution à deux vitesses. Le secteur des semi-conducteurs matures, comme les microcontrôleurs, qui ont fait défaut à l’industrie et au secteur automobile en 2022–2023, s’avère aujourd’hui saturé. En parallèle, nous connaissons une explosion du marché des composants à nœuds très avancés (moins de 5 nm), stimulée par une très forte demande de puces destinées aux data centers et aux applications d’intelligence artificielle : processeurs graphiques (GPU) et mémoire à large bande passante (HBM). Les investissements dans ces domaines défient l’entendement : le taïwanais TSMC a, par exemple, annoncé investir 100 milliards de dollars aux États-Unis pour les quatre ans à venir.

À l’occasion de la pénurie, nous avions redécouvert que le marché des composants électroniques était à la fois très mondialisé et très polarisé, les principaux acteurs se situant en Asie et aux États-Unis. Cette structuration a‑t-elle évolué ?

Les investissements à consentir pour déployer de nouveaux moyens industriels sont tels qu’on ne peut imaginer une évolution majeure à court terme. Il reste donc aujourd’hui encore marqué par une très forte interdépendance au niveau mondial : un composant peut ainsi être conçu sur un continent et produit sur un deuxième, alors que les matières premières sont fournies par un troisième. Les États-Unis, par exemple, excellent dans la conception des circuits intégrés. Le Japon a pris la tête sur la production de wafers (les galettes de semi-conducteurs sur lesquelles sont imprimés les composants électroniques) et les gaz de process, la Chine est incontournable pour l’approvisionnement en terres rares. Taïwan et la Corée du Sud, par le biais des fonderies TSMC et Samsung, dominent la production des puces – TSMC est même le seul à maîtriser les nœuds les plus avancés (2 nm), très innovants et aujourd’hui très demandés.

Dans ce paysage, quelle est la place de l’Europe ?

L’Europe représente un peu moins de 10 % de la production globale de semi-conducteurs, grâce à des industriels comme le français STMicroelectronics, qui se classe autour du 10ème rang mondial. Si elle ne dispose pas de capacité de production des nœuds avancés, elle est plutôt bien positionnée sur la conception et la production des composants dits « More than Moore », constitués de capteurs, d’imageurs, de composants de puissance et télécom, ou encore de microcontrôleurs. Cette classe trouve des applications dans divers secteurs d’activité, comme l’automobile, l’industrie, la défense ou la santé. Le continent dispose aussi de quasi-monopoles dans des domaines spécifiques : le néerlandais ASML est ainsi par exemple le seul acteur à maîtriser la fabrication des équipements de lithographie avancée EUV, essentiels aux fonderies.

Une image contenant Appareils électroniques, Console de mixage, intérieur, musique

Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

L’Europe bénéficie enfin d’une recherche active et d’importantes capacités d’innovation, notamment au travers de ses RTO (Research and Technology Organisations, parmi lesquelles le CEA-Leti, l’Imec belge, le Fraunhofer allemand, le VTT finlandais, etc.), un modèle unique d’organisation, capable de mener une innovation de la recherche la plus en amont jusqu’à la pré-industrialisation.

Le Chips Act ambitionnait de doubler la part de la contribution européenne à la production mondiale d’ici à 2030, en la faisant passer à 20 %. Dans le contexte actuel, cela vous semble-t-il réaliste ?

Nous savions que cet objectif était très ambitieux… Je dirais qu’à court et moyen terme il s’agit plutôt de maintenir notre place sur le marché actuel et de conserver notre souveraineté sur les développements les plus stratégiques lorsque nous en avons les moyens : notamment ceux qui touchent la défense, la cybersécurité mais aussi le calcul quantique, sur lequel l’Europe avance bien. 

La stratégie européenne visait également à accueillir des usines Intel, en Allemagne et en Pologne, mais le géant américain a suspendu le projet en septembre dernier, tout en poursuivant son expansion industrielle aux États-Unis… 

C’est en effet une mauvaise nouvelle pour l’Europe, car nous aurions intérêt à avoir plus d’acteurs installés. En microélectronique, la notion d’écosystème est très importante. Nous avons la chance à Grenoble d’avoir un écosystème qui atteint la taille critique, réunissant toute la chaîne de valeur, de la start-up au grand groupe, et c’est précieux.

Comment maintenir notre place dans un contexte international de plus en plus agressif économiquement et tendant au protectionnisme national ?

Nous devons continuer d’investir sur nos points forts, de l’innovation technologique à la production, mais aussi renforcer les liens entre le semi-conducteur et les domaines applicatifs souverains pour l’Europe (industrie, automobile, santé…) qui ont désormais pris pleine conscience de l’importance des composants.

L’Europe est également en avance sur la prise en considération des enjeux environnementaux et énergétiques : ces deux contraintes constituent des opportunités d’innovation importantes. Le CEA porte par exemple le projet européen GENESIS, réunissant 50 partenaires, qui vise à accélérer l’éco-innovation sur les procédés de fabrication des semi-conducteurs. Nous avons aussi l’ambition de réduire d’un facteur 1000 la consommation des composants d’ici 2032.

Mais surtout, il ne faut pas oublier que le marché de la microélectronique est par nature cyclique : ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas forcément demain.

Quelles évolutions prévoyez-vous ?

Une tendance forte émerge sur laquelle l’Europe pourrait faire valoir ses atouts : l’edge AI, l’intelligence artificielle gérée non pas dans des centres de données, mais sur des périphériques, smartphones, objets connectés, boîtiers industriels… Ces applications embarquées requièrent des électroniques à la fois très peu gourmandes en énergie et capables de réaliser la phase d’inférence, voire la phase d’apprentissage, en local. Or, traditionnellement, les unités dédiées au calcul et celles dédiées à la mémoire sont séparées sur les puces : 80 et 90 % de l’énergie est consommée dans la transmission des données entre les deux. L’edge AI nécessitera donc des innovations en matière d’architecture électronique, sur lesquelles l’Europe a une place à prendre. Elle sera de plus très liée aux capteurs, qui sont une force de l’Europe.

Le CEA-Leti a été sélectionné pour porter l’une des trois lignes pilotes prévues par le Chips Act, FAMES, située à Grenoble. De quels moyens est-elle dotée ?

FAMES nous permet de construire 2 000 m² de salles blanches supplémentaires et d’acquérir une centaine de nouveaux équipements de type industriel, représentant un investissement de 830 millions d’euros, porté à la fois par la Commission européenne et l’État français. Elle est entrée en service opérationnel en ce début d’année. Nous avons parfaitement tenu le calendrier prévu, qui était très serré. C’est important à souligner : lorsqu’on connaît l’Asie, on sait que l’exécution opérationnelle y est redoutable. Preuve est faite que nous sommes capables de faire aussi bien. 

Quels sont les objectifs de FAMES ?

Sa première vocation consistera à préparer les technologies FD-SOI pour des nœuds de 10, voire 7 nm. Cette technologie est aujourd’hui produite par GlobalFoundries et STMicroelectronics, respectivement en 22 et 18 nm. Le marché visé reste modeste à l’échelle mondiale, mais c’est une solution particulièrement intéressante pour les applications embarquées qui recherchent la frugalité. Mais FAMES doit aussi nous permettre de préparer « le coup d’après » pour les industriels européens, en accélérant le développement d’autres technologies jugées clés pour les 5–10 ans à venir : les mémoires embarquées non volatiles, qui joueront un rôle essentiel pour les usages d’IA nomades évoquées plus haut, les composants radiofréquences, qui soutiendront le passage aux applications 6G, ou encore sur l’intégration hétérogène 3D, qui exploitera l’empilement pour intégrer de nouvelles fonctionnalités sur une seule et même puce. Il faut ajouter que nous participerons aux autres lignes pilotes prévues par le Chips Act.

Ces lignes pilote visent à préparer à court, moyen et long terme l’avenir industriel de l’Europe dans le champ des semi-conducteurs. On parle parfois de difficultés à collaborer au niveau européen : c’est loin d’être le cas dans le domaine de la microélectronique. Nous travaillons en étroite collaboration, tirant le meilleur parti de nos complémentarités, afin de répondre efficacement à l’urgence stratégique à laquelle nous faisons face.

Sébastien DAUVE
PDG du CEA-Leti
Propos recueillis par Anne ORLIAC
Site internet de l’école Polytechnique
02 avril 2025




Mémoire : Rémi ROBELIN et ses 6 000 gardes

Acteur de la Résistance à Vichy, le colonel Rémi Robelin y préparait le ralliement à la Résistance de toutes les unités de la Garde sous son commandement.

Silhouette élancée, cheveux drus, Rémi Robelin était un saint cyrien brillant (promotion 1925). D’abord chez les tirailleurs algériens, à Blida, puis en 1931 à l’École des officiers de Gendarmerie à Versailles, il avait choisi la Garde républicaine en 1932, alors lieutenant. Dès les troubles du 6 février 1934 devait se manifester son exceptionnel courage. 40 000 personnes place de la Concorde (des activistes de droite), la police tirant sur la foule, l’émeute (17 morts, 1 435 blessés). Le lendemain, lors de l’affrontement des camelots du roi et des communistes, Robelin fut blessé à la mâchoire.

En 1935, il entra sur concours à l’École supérieure de guerre, rareté chez les gendarmes, et fut promu capitaine l’année suivante.
[…] 
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L’article est extrait de la rubrique “Mémoire vivante” du numéro de mars de la revue “Services spéciaux”

Nom de la revue : “Services spéciaux”
Période : Mars 2025 | Numéro : 270 | Pages : 10
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Prix : 6 € – frais d’envoi 4 € pour la Métropole.

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Souveraineté industrielle : Cicor en position de racheter Eolane, pilier de l’électronique de défense française

La possible reprise du groupe stratégique Eolane par le suisse Cicor soulève des inquiétudes, notamment en matière d’indépendance technologique dans le secteur de la défense. Ce choix met en tension l’objectif de préserver l’emploi et celui de maintenir le contrôle national sur une entreprise clé, active auprès de clients comme Thales ou Airbus.

Commentaire AASSDN : A l’heure où la France déclare vouloir réindustrialiser son économie, renforcer sa souveraineté et son effort en matière de défense, il paraitrait incohérent que cette PME stratégique soit rachetée par une entreprise suisse dont le gouvernement, sous les pressions américaines, a choisi d’équiper son armée de l’Air de F35 plutôt que d’avions Rafale.

Le Tribunal de commerce de Paris a analysé, le lundi 31 mars, les offres de reprise des activités françaises du groupe électronique angevin Eolane par Synov et Cicor. Son verdict est attendu pour le 18 avril.

Le groupe français Eolane est un acteur majeur de la sous-traitance électronique dans les secteurs de la défense, de l’aéronautique et de l’industrie. L’entreprise emploie 2 400 salariés, dont 1 000 en France, répartis sur plusieurs sites industriels. Elle traverse des difficultés et fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire. Deux offres sont en lice : celle du français Synov et du suisse Cicor. Les syndicats soutiennent le groupe suisse Cicor, qui propose un plan qui permettrait de sauvegarder plus d’emploi. Synov ne s’intéressent qu’à une partie des sites, alors que Cicor propose de reprendre cinq usines françaises et les deux unités marocaines.

Cette affaire s’inscrit dans un contexte où la France mise sur le renforcement de son industrie de défense pour répondre aux nouveaux enjeux géopolitiques. Le gouvernement s’est engagé à augmenter massivement le budget militaire, et le rôle d’Eolane dans la fabrication de composants électroniques critiques soulève des questions de souveraineté industrielle. Trente pour cent de l’activité d’Eolane est dédiée à des clients défense (Thales, Airbus ou KNDS). Si Cicor l’emporte, une entreprise stratégique française passerait sous pavillon suisse, accentuant la dépendance du pays à un acteur étranger dans un secteur sensible.

La possible reprise d’Eolane par un groupe suisse pose ainsi une problématique plus large : comment conjuguer restructuration industrielle et maintien d’une autonomie stratégique dans les secteurs clés, alors que la souveraineté technologique dans le secteur de la défense devient un enjeu majeur pour la France et l’Europe ?

Jean-Bertrand JOHNSON
Club Droit de l’AEGE
Jeudi 03 avril 2025




USA : Limogeage à la tête de la NSA et du Cyber Command américain

Le président Donald Trump a limogé brutalement le directeur de l’Agence de sécurité nationale (NSA), selon des responsables américains et des membres du Congrès. Cependant, la Maison Blanche et le Pentagone n’ont fourni aucune explication.

De hauts responsables militaires ont été informés jeudi du limogeage du général d’armée aérienne Tim Haugh, qui supervisait également le Cyber Command du Pentagone, ont indiqué les responsables. Ils n’ont reçu aucun préavis concernant la décision de limoger un général d’armée fort de 33 ans de carrière dans le renseignement et les cyber opérations, selon les responsables, qui ont requis l’anonymat pour discuter des décisions relatives au personnel. (…)

Lolita C. BALDOR et Lisa MASCARO
Chroniqueuses de l’Associated Press
Military Time
Vendredi 04 avril 2025




Développement économique : Les Antilles françaises comme zones d’influence

Entre Europe et Caraïbes :
Les Antilles françaises comme zones d’influence

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La Martinique et la Guadeloupe sont deux îles essentielles pour la France, levier de sa puissance et de sa projection mondiale. Au milieu des Caraïbes, ces deux îles sont des îlots de prospérité et de développement. 

Un rapide examen de la carte économique des Antilles révèle une réalité contrastée, où la Martinique et la Guadeloupe font figure d’îlots de prospérité dans leur environnement géographique immédiat. Ces deux départements français d’outre-mer se distinguent par des indicateurs socio-économiques souvent supérieurs à ceux de leurs voisins caribéens, illustrant les fruits d’un modèle de développement original, qui, s’il reste à consolider, peut déjà capitaliser sur des actifs solides.

Martinique et Guadeloupe : un niveau de vie en tête dans les Antilles

Il est commun, et c’est légitime, d’analyser les disparités de niveau de vie entre les populations françaises antillaises et celles de l’Hexagone. Mais qu’en est-il lorsque la comparaison est dressée avec les autres îles des Caraïbes ? Si l’on s’en tient à l’indicateur de développement humain – l’outil privilégié pour comparer le bien-être des populations qui intègre le PIB/habitant, l’espérance de vie à la naissance, le taux d’alphabétisation ou encore le taux de scolarisation brut –, la Martinique tient le haut du classement avec un IDH de 0,850, devançant Saint-Christophe-et-Niévès ; suivie par la Guadeloupe, avec un IDH de 0,820 du même ordre de grandeur que celui de Barbade, des Bahamas ou d’Antigua-et-Barbuda. Sur la trentaine d’États et de territoires de la zone Caraïbes, la Martinique et la Guadeloupe appartiennent donc au groupe restreint des espaces caractérisés par un développement humain « très élevé » selon les critères des Nations unies.

Un thermomètre qui tranche avec la situation de pays comme Haïti qui émarge à la 158e place mondiale et dont plus d’un tiers de la population devrait vivre avec moins de 2,15 dollars par jour d’ici à 2026 selon la Banque mondiale. Mais aussi avec des territoires plus développés comme la République dominicaine, principale économie de la zone en termes de PIB global, qui n’atteint qu’un IDH de 0,766, ou encore la Jamaïque, qui affiche une espérance de vie de 74 ans et un taux d’alphabétisation de 88 %, tandis que la Martinique peut se targuer d’une longévité de 80 ans en moyenne à la naissance et d’un taux d’alphabétisation avoisinant les 99%. Un écart qui s’explique notamment par la qualité des infrastructures dans les départements français d’outre-mer d’une part, et les financements abondants de l’État français et de l’Union européenne de l’autre.

Un tissu économique diversifié et des entreprises compétitives

À rebours de la région où la plupart des économies dépendent souvent du tourisme, la Guadeloupe et la Martinique peuvent compter sur un tissu de moyennes et grandes entreprises solidement implantées et dynamiques. Impossible de ne pas évoquer l’industrie rhumière réputée dans le monde entier comme une filière d’excellence et qui emploie plusieurs milliers de personnes localement. Elle contribue directement à développer l’activité agricole des planteurs de canne à sucre, mais aussi à la transformation de la matière première en produits finis par les distillateurs, ainsi qu’aux activités de distribution et d’export. Les entreprises comme Rhum Clément en Martinique, l’un des plus anciens producteurs de rhum au monde, ou encore Rhum Damoiseau en Guadeloupe, sont des exemples parfaits de ce savoir-faire local qui rayonne à l’international.

Globalement, les entreprises guadeloupéennes et martiniquaises peuvent compter sur un cadre juridique et fiscal stable, et donc un climat des affaires attractif comparativement à la région, qui a permis l’émergence d’une industrie locale dans des secteurs aussi diversifiés que la chimie, l’ameublement, les matériaux de construction, l’agroalimentaire, le numérique ou encore la transition énergétique. Certaines entreprises antillaises ont même fait florès à l’international, comme c’est le cas de GBH, géant de la grande distribution, dont le siège social est toujours à Fort-de-France. En 2024, le groupe réalisait 4,9 milliards de chiffres d’affaires et employait 18 000 personnes à travers 19 pays et territoires.

Des défis qui restent à relever

Malgré ces atouts qui font de la Martinique et la Guadeloupe deux exceptions au milieu de la mer des Caraïbes, les deux îles ne sont pas exemptes de défis. Les récentes émeutes qui ont secoué la Martinique en septembre et octobre 2024 en réaction à la cherté de la vie – les prix des denrées alimentaires y sont en moyenne 40% plus chers qu’en France hexagonale selon l’INSEE – ont révélé les failles d’un modèle social et économique séparé de son centre par près de 7 000 kilomètres. Et pour cause, les populations locales sont précarisées par un chômage de masse endémique qui dépasse les 10% et qui affecte plus particulièrement les jeunes de moins de 30 ans. Une situation devenue critique qu’a encore aggravé la crise sociale en Martinique. L’île aux fleurs peine en effet à retrouver son souffle, ravagée par les destructions et les pillages d’entreprises  évalués à quelque 100 millions d’euros, et frappée de plein fouet par la dégradation du climat des affaires qui a retrouvé son niveau pandémique…

Plus que tout, la Martinique et la Guadeloupe ont besoin de retenir les jeunes les plus diplômés de quitter le navire antillais pour rejoindre l’Europe ou l’Amérique du Nord. Cette priorité ne peut se traduire en résultats tangibles que si un véritable décollage économique local s’opère, et ce, à partir d’entreprises déjà implantées qui sont susceptibles d’offrir aux populations des opportunités dignes de leurs attentes. En ce sens, la signature du protocole contre la vie chère par un large panel d’acteurs le 16 octobre dernier à Fort-de-France est une bonne nouvelle. Les engagements de l’État à supprimer l’octroi de mer (une taxe sur les importations) et à pratiquer une TVA à taux zéro sur les produits alimentaires pourraient faire naître des opportunités de développement dans la filière locale. Tout comme les mesures de soutien des cultures antillaises et des circuits courts, qui pourraient contribuer à libérer davantage ces territoires de leur dépendance à l’argent public en renforçant l’émergence d’un secteur productif et générateur d’emplois.

Mathilde LEGRIS
Revue Conflits
15 mars 2025




Economie : Les exportations d’armes américaines vers l’Europe boostées par l’aide à l’Ukraine

Les exportations d’armes américaines vers l’Europe ont plus que triplé grâce à l’aide à l’Ukraine et à l’augmentation des achats d’armes par les pays européens en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, selon une analyse du Stockholm International Peace Research Institute.

Les expéditions d’armes américaines vers l’Europe ont augmenté de 233 % au cours de la période 2020-2024 par rapport à la période de cinq ans, précédente, selon un rapport du 10 mars du groupe de réflexion suédois. Pour la première fois depuis deux décennies, l’Europe a représenté la plus grande part des exportations d’armes américaines, a déclaré le SIPRI.
L’agression de la Russie a provoqué des bouleversements sur le marché international des armes, les États-Unis consolidant leur position de premier exportateur d’armes au monde, tandis que les pays européens multipliaient les commandes pour reconstruire des forces armées épuisées.
Pendant ce temps, les exportations d’armes russes ont chuté.
« Les nouveaux chiffres sur les transferts d’armes reflètent clairement le réarmement en cours entre les États européens en réponse à la menace russe », a déclaré Mathew George, directeur du programme de transferts d’armes du SIPRI.

Les membres européens de l’OTAN ont plus que doublé leurs importations d’armes entre 2015-2019 et 2020-2024, les États-Unis fournissant 64 % de ces importations au cours de la période la plus récente, contre 52 % au cours des cinq années précédentes, selon le rapport. La France et la Corée du Sud étaient les deux autres principaux fournisseurs des membres européens de l’OTAN, représentant chacun 6,5 % des importations.
L’Europe a représenté 35 % des exportations d’armes américaines, dépassant le Moyen-Orient, même si l’Arabie saoudite est restée le plus grand destinataire des armes américaines.« Les États-Unis sont dans une position unique en matière d’exportations d’armes », a déclaré M. George. « Les États-Unis continuent d’être le fournisseur de choix pour les capacités de frappe à longue portée avancées comme les avions de combat. » Selon le SIPRI, les pays européens de l’OTAN avaient commandé 472 avions de combat aux États-Unis à la fin de 2024.

Les États-Unis ont représenté 43 % des exportations mondiales d’armes, l’Arabie saoudite représentant 12 %, suivie de l’Ukraine et du Japon comme principaux destinataires. Les États-Unis sont le principal fournisseur de missiles d’attaque terrestre à longue portée d’une portée de plus de 250 kilomètres, représentant 45 % des exportations dans cette catégorie.
L’Ukraine, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Norvège ont été parmi les dix plus grands destinataires d’armes américaines au cours des cinq années jusqu’en 2024. L’Ukraine a représenté 26 % des exportations américaines vers l’Europe, et 71 % de ces transferts étaient des armes d’occasion prélevées dans les stocks pour une livraison rapide, selon le SIPRI.

Selon Pieter Wezeman, chercheur principal au programme de transferts d’armes du SIPRI, la Russie de plus en plus belliqueuse et les tensions sur les relations transatlantiques pendant la première présidence de Donald Trump ont conduit les États européens de l’OTAN à prendre des mesures pour réduire leur dépendance aux importations d’armes.
Sur plus de 180 milliards de dollars de contrats d’équipements de défense signés par les pays européens de l’OTAN entre février 2022 et septembre 2024, au moins 52 % ont été dépensés pour des systèmes européens et 34 % pour des systèmes américains, selon les estimations de l’Institut international d’études stratégiques publiées en octobre.
La France a été le deuxième exportateur mondial d’armes sur la période 2020-2024, avec une part de 9,6 % des expéditions mondiales d’armes, menée par l’Inde, le Qatar et l’Égypte, tous acheteurs de l’avion de combat Rafale du pays.
La Russie s’est classée troisième en matière d’exportations d’armes sur la période 2020-2024, l’Inde, la Chine et le Kazakhstan étant ses principaux clients. La Russie a représenté 7,8 % des exportations mondiales d’armes au cours de cette période, soit un peu plus d’un tiers de la part qu’elle détenait au cours des cinq années précédant 2019.
« La guerre contre l’Ukraine a encore accéléré la baisse des exportations d’armes russes, car davantage d’armes sont nécessaires sur le champ de bataille. Les sanctions commerciales rendent plus difficile pour la Russie de produire et de vendre ses armes, et les États-Unis et leurs alliés font pression sur les États pour qu’ils n’achètent pas d’armes russes », a déclaré P. Wezeman.

Les États-Unis avaient des commandes en cours pour 996 avions de combat à livrer après 2024, suivis par la France avec 214 appareils, la Corée du Sud avec 140 et la Russie avec 71 avions de combat, selon le SIPRI. Les chercheurs ont déclaré que les données sur les commandes peuvent donner « une indication approximative » des pays qui seront les principaux exportateurs dans les années à venir, les avions de combat et les grands navires de guerre étant particulièrement révélateurs en raison de leur valeur élevée.
Le Royaume-Uni, septième exportateur d’armes sur la période, a commandé 29 grands navires de guerre, suivi de l’Allemagne avec 26 et de la France avec 22 navires de guerre, selon les données du SIPRI.
L’Ukraine est devenue le plus grand importateur d’armes au cours de la période 2020-2024. Les États-Unis ont représenté 45 % des armes expédiées vers le pays, suivis de l’Allemagne avec 12 % et de la Pologne avec 11 %.
L’Inde a été le deuxième plus grand importateur au cours de la période la plus récente, la Russie et la France étant ses principaux fournisseurs, le Qatar étant le troisième plus grand acheteur sur le marché international des armes et les États-Unis son principal fournisseur.

Rudy RUITENBERG*
Defense News
Lundi 10 mars 2025

Note de l’éditeur : cet article a été mis à jour pour corriger le classement du Royaume-Uni en matière d’exportations d’armes.

*Rudy Ruitenberg est correspondant en Europe pour Defense News. Il a commencé sa carrière chez Bloomberg News et a de l’expérience dans le reportage sur la technologie, les marchés des matières premières et la politique




Géopolitique : Intelligence économique des guerres d’Ukraine

Les guerres d’Ukraine sont aussi multiples que leurs lectures. On sait depuis Montaigne que la géographie commande la vérité. La Défaite de l’Occident[1] d’Emmanuel Todd parle d’un affaiblissement sociologique, religieux et moral de l’Occident. C’est une lecture. Nous serons plus court et tenterons de prévoir les conséquences de l’affrontement. Rien ne commence le 24 février 2022. L’invasion de l’Ukraine par la Russie est une conséquence avant d’être une cause. L’Opération Z ne doit pas cacher la forêt qui précède. Ces guerres viennent de loin. Plusieurs grilles d’interprétations décrivent des événements superposés à d’autres évènements. Comme les couches géologiques ces évidences s’accumulent sans s’annuler. Les guerres d’Ukraine interrogent les diplomaties de nos États et de nos entreprises. Des acteurs émergent qui ne pensent pas le monde comme nous.

Le droit international

Le droit international est invoqué par les deux parties. L’Occident dénonce la violation des frontières. L’ONU déplore l’agression commise par la Fédération de Russie contre l’Ukraine en violation du paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations unies. L’Organisation « exige que la Fédération de Russie cesse immédiatement d’employer la force contre l’Ukraine et s’abstienne de tout nouveau recours illicite à la menace ou à l’emploi de la force contre tout État membre. » On ne peut être plus clair.

La Russie de son côté invoque l’article 51 de la charte des Nations unies qui lui permet après la reconnaissance des Républiques de Donetsk et de Lougansk de répondre à la demande de légitime défense d’États soucieux de mettre fin aux bombardements des populations civiles. En théorie l’argument est recevable. Mais les circonstances sont pour le moins discutables…

Il n’en reste pas moins que le droit international est malmené. Par exemple le non-respect des multiples résolutions de l’ONU dans le conflit israélo palestinien, la contestation par plusieurs pays africains de la justice pénale internationale, les guerres illégales des États-Unis depuis 1945[2] affaiblissent ce même droit international.

Le non-respect des accords de Minsk 1 et Minsk 2 garantis par la France et l’Allemagne conjointement avec l’Ukraine et la Russie dans le format Normandie[3] ne renforce pas le droit international. La chancelière aussi bien que le président français ont reconnu publiquement avoir menti aux Russes pour permettre à l’Ukraine de se réarmer entre 2014 et 2022 afin de reconquérir la Crimée et le Donbass[4].

Savoir que les Russes n’étaient pas dupes, n’oblitère pas l’affaiblissement de la crédibilité occidentale dans le respect des engagements diplomatiques. Le décret présidentiel ukrainien interdisant toute discussion avec le président Poutine ajouté à l’annulation des élections en Ukraine paralysent pour l’instant les solutions diplomatiques.

Les accords d’Istambul[5] signés le 29 mars 2022 grâce aux démarches du gouvernement israélien et de la présidence turque décrivaient sur 32 pages un accord de cessez-le feu. Une rencontre entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine était prévue sous l’égide des Nations Unies. L’Ukraine reconnaissait des droits linguistiques et administratifs aux minorités russophones de l’Est dont elle conservait les territoires. En échange du retrait militaire russe, déjà entamé, elle s’engageait à ne pas intégrer l’OTAN, seconde exigence de Moscou. L’arrivée à Kiev le 8 avril 2022 de Boris Johnson, Premier ministre britannique, encourage un revirement de la partie ukrainienne soutenue par l’Union européenne et les États-Unis[6]. La guerre va se poursuivre.

Cette paix ratée, confirmée par le Premier ministre israélien Naftali Bennett et le président turc Recep Erdogan, offrait une porte de sortie au président Zelensky. Celui-ci avait été élu le 20 mai 2019 avec 73,2% des voix à la suite de sa promesse de finir une guerre civile ayant fait 14 000 morts depuis la destitution du président Ianoukovitch en février 2014, après l’insurrection de Maïdan. Les historiens, en Ukraine et aux États-Unis, débattent du déroulement et du financement de cette révolution de couleur, notamment du rôle de la CIA, du MI 6 et de madame Victoria Nuland, alors sous-secrétaire d’État à l’Eurasie dans la conduite des opérations.

Depuis leur arrivée à la Maison Blanche le président Donald Trump et Robert F. Kennedy Jr ont à plusieurs reprises confirmé cette thèse affirmant que la CIA, avec les fonds dE L’USAID (5 milliards de dollars) a programmé le coup d’État de Maïdan et poussé la Russie à intervenir en Ukraine pour secourir les populations russophones.

L’objectif était comme nous allons le démontrer de s’emparer des richesses et matières premières de l’immense Fédération de Russie à la suite de son effondrement économique. L’échec de cette entreprise démocrate conduit les Républicains à se replier sur le Groenland et Panama, et à taxer l’Union européenne le Canada, le Mexique, la Chine.

L’équilibre de la terreur

Le conflit entre la Russie et les États-Unis n’a pas éclaté pour cause de terreur réciproque. En 2022 les deux puissances renoncent à s’affronter directement. En témoigne l’absence d’interdiction aérienne par les États-Unis et à fortiori par l’OTAN. L’Occident laisse l’aviation russe décapiter celle de l’Ukraine. La partie sur le plan militaire est jouée dès le début malgré les discours sur les plateaux de télévision. Plusieurs raisons expliquent la non-intervention américaine.

Le 24 février 2022 la Russie dispose de forces balistiques, aériennes et sous-marines redoutables. Les vecteurs R-28 Sarmate, Avangard, Kinjal, Poséidon, RS-26, R28, Zircon, pour ne citer que ceux-là, sont des armes hypervéloces atteignant des vitesses proches des 30 000 km/h. Ils sont également d’une grande précision. Ces vecteurs utilisent les possibilités offertes par la MHD, magnétohydrodynamique[7] théorisée en France par le physicien Jean-Pierre Petit. Les forces balistiques russes ont accordé de l’importance à ses publications scientifiques.

Le 21 novembre 2024 une attaque conventionnelle à partir de l’un de ces vecteurs l’Oreshnik (noisetier) pouvant transporter quatre bombes atomiques a touché le complexe militaro-industriel Iouzhmash à Dnipropetrovsk. La destruction par armes cinétiques de ces installations n’est pas anodine. Il s’agit d’une réponse politique et personnelle adressée au président Joe Biden qui autorisa l’Ukraine le 16 novembre 2024 à tirer 6 missiles ATACMS dans la profondeur du territoire russe[8].

Pour éviter tout malentendu, le Kremlin prévint les États-Unis avant le lancement du missile en certifiant qu’il ne transporterait pas d’armes nucléaires. Avertissement confirmé le lendemain par la porte-parole du Pentagone. Depuis 1945, les deux puissances n’ont jamais cessé d’utiliser les « canaux de sécurité habituels » afin d’éviter les méprises. Il en fut ainsi lors de la crise des missiles de Cuba en 1962.[9] Il en va de même dans le monde du renseignement où les dirigeants des deux communautés, russes et américaines, se connaissent et gardent le contact.

La « nuit du noisetier » s’adresse à la France et à la Grande-Bretagne autant qu’aux États-Unis. La Russie montre qu’elle peut à partir d’un missile hypersonique de moyenne portée (5 000 km), atteindre le sol ennemi et surtout le sous-sol avec des armes cinétiques.[10] En avertissant l’adversaire, elle montre que ses vecteurs sont à l’abri de toute interception. Elle met en avant un souci des populations civiles destiné à la propagande qui impressionne l’opinion.

En ajoutant un échelon conventionnel en amont de la dissuasion nucléaire, la Russie plonge les états-majors de l’OTAN dans une réflexion qu’ils avaient anticipée. Le Pentagone, bien informé, avait déjà retiré son porte-avions de mer Rouge.[11] La Chine, préoccupée par Taïwan, observe avec envie ce nouvel outil dissuasif. L’Inde, nous le verrons, coopère déjà avec le complexe militaro-industriel russe.

Ironie de l’Histoire, cette dissuasion non-nucléaire d’une portée moyenne a été rendue possible par le président Donald Trump lorsqu’il a dénoncé les traités interdisant ce type de missiles sur le théâtre européen lors de son premier mandat (2019). « La Russie a dû s’adapter » affirme le Kremlin. L’initiative de ces traités et leur dénonciation par les uns ou les autres mérite une étude spécifique tant les propagandes et désinformations entourent le sujet.

Présentée le 13 avril 2018 par le président Poutine devant les députés de la Douma et plusieurs centaines de scientifiques,[12]la panoplie balistique russe dissuade pour l’instant tout belligérant, fussent-ils les États-Unis. Cette technologie intéresse depuis longtemps les BRICS. Le BrahMos est un missile de croisière supersonique pouvant être lancé à partir d’un sous-marin, d’un bâtiment de surface, d’un avion ou d’une station terrestre. Développé conjointement par l’Inde et la Russie – qui ont créé à cette fin une société commune, BrahMos Aerospace Private Limited -, il tire son nom du Brahmapoutre, fleuve indien, et de la Moskova, fleuve russe. Sa vitesse de croisière est d’environ Mach 2,5-2,8, ce qui le rend trois fois et demie plus rapide que le missile subsonique américain Harpoon. Une version hypersonique de ce vecteur est en développement, le BrahMos-II. Cette supériorité aérospatiale se retrouve dans le domaine aéronautique où les performances des derniers Sukoi 57[13] et Mig 41 intéressent les armées de plusieurs nations.

Le champ de bataille

Avant d’aborder les conséquences économiques, culturelles, politiques de cette guerre, il est utile de comparer les deux lectures du champ de bataille.

Les experts occidentaux, à part quelques exceptions, commentent les combats à partir des avancées ou des reculs sur la carte. Ils recensent sur des tableaux les moyens matériels et financiers à la disposition des belligérants. Les experts russes s’expriment sur les médias domestiques et ceux du Sud Global où ils sont écoutés. Le souvenir de l’URSS qui soutint les guerres anticoloniales leur garantit une attention particulière. Les auditeurs et téléspectateurs comparent les spécialistes de la « guerre civile européenne ». Pour l’OTAN, les progrès territoriaux de Moscou ont longtemps paru médiocres, obtenus au prix de « pertes abyssales ».

L’art de la guerre russe, héritier d’une longue tradition[14] ne vise pas prioritairement la conquête ou la conservation des territoires. Les campagnes contre la Suède, la Pologne, l’Allemagne ou la France ont enseigné aux officiers russes que l’essentiel est la destruction de l’armée ennemie. L’espace, le temps et la météo sont pour eux des avantages gratuits. Le silence également.

La foi dans l’industrie financière caractérise l’approche anglo-saxonne. Avec un budget militaire de 916 milliards de dollars – contre 109 pour la Russie -, les États-Unis disposent d’une force écrasante.[15] Cette supériorité justifie la dépréciation de l’ennemi. Madame Ursula Van der Layen déclarait le 14 septembre 2022 à la tribune du Parlement européen que la Russie achetait des machines à laver partout dans le monde pour récupérer des puces électroniques afin de faire voler ses fusées et ses avions. Elle ajoutait que le complexe militaro-industriel russe était en lambeaux…

Selon Karen Kwiatkoswski, sociologue du complexe militaro-industriel, ancien officier, le budget américain entretient une pléthore de généraux. Il produits des armements couteux bénéficiant aux entreprises de la Défense dans lesquelles nombre d’officiers achèveront leur carrière. Cette armée trop grasse est moins efficace que dans le passé. Sur le terrain il s’avère que les matériels occidentaux ne sont pas à la hauteur d’une guerre terrestre de haute intensité. Les armes qui devaient « changer la donne » en faveur de l’Ukraine se révèlent les unes après les autres inefficaces. Seul le Caesar français, dont les tubes chauffent malheureusement plus vite que ses concurrents russes, et nos Rafale pourraient tenir tête à l’armée russe[16].

Les rapports se succèdent sur les échecs répétés du F-35. Fiabilité et furtivité ne sont pas à la hauteur des attentes. Parmi les problèmes figurent des retards fréquents dans la maintenance, des dysfonctionnements de l’armement et des vulnérabilités non résolues en matière de cyberdéfense. Selon Greg Williams, directeur du Project on Government Oversight (POGO) le dernier rapport révèle des failles importantes qui pourraient inciter l’administration Trump II à exiger une révision complète d’un programme dont les coûts immenses ne sont pas à la hauteur du résultat.[17]

Quand on sait que le projet F 35 « séduit » les aviations de l’OTAN, on mesure les défis auxquels nos forces aériennes, hormis la France, seront soumises. On se souviendra à l’occasion des déclarations d’experts militaires, de généraux, d’ambassadeurs, évoquant sur nos médias les faiblesses structurelles, voire congénitales, d’une armée russe démoralisée, sous-équipée, confrontée à des désertions massives, se battant avec des pelles…

Des journalistes de renom complétaient le tableau en évoquant la santé mentale voire physique du président Poutine, isolé dans son pays, paria sur la scène internationale. Ces encouragements repris par les médias ukrainiens galvaniseront une infanterie qui subira des pertes réellement abyssales, en croyant percer le système Sourovikine[18] en particulier à Robotino, Krinki, Uglédar et autres « sacs à feux ».

La très lente avancée des forces russes jusqu’à décembre 2024 n’a pas pour seule cause la stratégie d’attrition chère à Moscou. Une autre raison explique l’absence des grandes chevauchées blindées des années 1944-1945. Elles sont impossibles aujourd’hui car vouées à l’échec. Des deux côtés.

Les drones changent la guerre

Le combattant vit une guerre de plus en plus terrifiante menée des deux côtés par des jeunes gens intégrés dans les unités de première ligne. Ces nouveaux soldats jouent à la vraie guerre comme dans un jeu vidéo. Il n’y a plus de protection, il n’y a plus de tranchée ou d’abri comme à Verdun. « Si tu bouges le drone te repère, il te tue. Si tu es immobile il finit par te repérer, si tu urines contre un arbre, il détecte la chaleur qui sort de toi[19] ». « L’artillerie russe, tu ne la vois jamais mais elle te voit ! ».

Dans les deux camps l’ingéniosité des dronistes est stupéfiante. Le Babayaga ukrainien était à l’origine un drone agricole. Il en existe désormais plusieurs versions larguant des mines ou des grenades sur l’ennemi. Il va sans dire que la mise au point de ces engins est à l’origine d’accidents mortels, d’amputations des bras.

Chez les Russes la famille des Kolibri fait l’objet d’incessantes modifications. Ces appareils volent en essaim. Certains font de la reconnaissance. Ils éclairent le chemin des drones frappeurs. Spécialistes de la guerre électronique les Russes mettent au point une nouvelle génération de drones. Ils sautent d’une fréquence à une autre afin d’échapper aux tentatives de brouillage. Les drones deviennent compacts. Les Hummingbirds sont pliables. Ils tiennent dans un petit boîtier. Ils ne pèsent pas plus de quatre kilos. Des championnats internationaux de guerre des robots ont lieu dans les pays appartenant aux BRICS.

La guerre des drones augure d’un avenir inquiétant pour l’Europe. Les compétences du champ de bataille seront le bras armé de groupes radicaux ou mafieux. Ils mèneront des guerres dévastatrices contre leurs concurrents. Les spécialistes se forment sur place, in vivo. Le combattant de demain sera jeune, manipulable. Il opérera depuis le trottoir d’en face. Nos services de renseignement extérieurs et intérieurs pensent déjà aux contre-mesures. Comme en 1946, l’après-guerre risque d’être violent.

Les drones comme les satellites qui peuvent en coordonner les essaims sont par ailleurs un enjeu de la guerre économique comme nous le verrons plus loin.[20] En décembre 2024, la Chine réduit le volume de ses exportations de métaux précieux comme le gallium, l’antimoine ou le germanium vers les États-Unis. Pékin d’attire l’attention de la Maison Blanche sur le rapport de force des deux géants dans le domaine des technologies à double usage, militaire et civil. En cette occasion, le ministère du Commerce annonce que les livraisons de graphite à usage civil, notamment dans les batteries, feront l’objet de contrôles stricts.

Le renseignement, arme déterminante

Dans un article du New York Times paru le 25 février, 2024 on apprend ce que l’on savait déjà. La CIA est largement impliquée en Ukraine. Après plus de 200 entretiens avec d’actuels ou anciens fonctionnaires ukrainiens, américains et européens, deux journalistes dressent le tableau d’une collaboration des agences de renseignement ukrainiennes et américaines depuis la révolution de Maïdan en février 2014.

La « Compagnie » compte officiellement 12 bases le long de la frontière russe, et elle n’est pas le seul service de renseignement américain. On sait que la NSA est venu « durcir » les communications ukrainiennes avant le 24 février 2024, dans l’optique d’une reconquête de la Crimée et du Dombass.

La cohabitation des services occidentaux avec leurs homologues ukrainiens n’a jamais été un fleuve tranquille. Des complications surviendront lorsque le président Donald Trump demandera à son homologue Zelensky une enquête sur Hunter Biden, le fils de Joe Biden, lors de son premier mandat. Il n’en reste pas moins que le renseignement occidental fournit à l’Ukraine de précieuses informations permettant la réalisation de frappes dans une profondeur limitée…

A la suite de l’invasion russe, Joe Biden autorise les agences américaines à abandonner les anciennes règles. Elles sont autorisées à soutenir des opérations létales visant les troupes russes présentes sur le territoire ukrainien. La CIA avertit ses alliés d’un couloir humanitaire déployé à Marioupol risquant de se transformer en piège mortel. Elle permet de déjouer un complot qui menaçait le président ukrainien. Les services américains ne sont pas les seuls sur place. Tous les pays membres de l’Union européenne ont leurs « observateurs ».

La collaboration n’exclut pas la méfiance. Jusqu’à la destitution par le parlement du président Viktor Ianoukovytch les services de Kiev collaboraient avec leurs homologues russes civils et militaires. Il reste des sympathies inavouées au sein de l’appareil ukrainien pour le grand frère russe. Cela explique les ciblages, les attentats contre les sergents recruteurs,[21] les sabotages sur les lignes logistiques, et les dépôts d’armes. Emerge à l’ouest du Dniepr une résistance qui ne peut survivre sans la complicité d’une partie du renseignement ukrainien.

Les entreprises occidentales impliquées dans les guerres d’Ukraine disposent de compétences en matière de renseignement privé. Les cellules bien équipées sont animées par des anciens des services officiels. Les investisseurs céréaliers ou miniers animent des réseaux qui s’étendent bien au-delà des frontières ukrainiennes. Depuis le Moyen-Âge et la Ligue hanséatique, l’Allemagne, l’Angleterre et les Pays-Bas ont des intérêts en Ukraine et en Russie. Leurs entreprises, banques et compagnies d’assurance sont en mesure d’éclairer le gouvernement de Kiev à partir d’entrelacements commerciaux, philanthropiques, philosophiques, religieux. Bien des ONG sont les avatars de ces traditions. Il en va de même d’Israël dont les services civils et militaires, les start-ups dans le domaine de la cybersécurité ont des clients des deux côtés de la frontière.

Rien cependant ne laissait prévoir le rôle prépondérant de Starlink. « Sans lui nous aurions perdu la guerre » commentent les officiers ukrainiens. Sur le front, le système de satellites d’Elon Musk est un outil-clé pour Kiev. Il permet des liaisons en principe sécurisées et joue un rôle dans le pilotage des drones. Une entreprise privée devient belligérante, pèse sur le cours des opérations militaires.[22] La médaille a cependant son revers. Le propriétaire de SpaceX a empêché son utilisation pour frapper une base de la marine russe afin d’éviter, dit-il, un « mini Pearl Harbor. »

Le diable, se situe dans les détails. La couverture de l’Ukraine en septembre 2023, selon la carte officielle sur le site web de Starlink « oublie » les zones situées le long des frontières biélorusses et russes. La Crimée et certaines parties du Donbass ne sont pas protégées. Elon Musk sait dès le 24 février 2022 que les États-Unis ne combattront pas. La guerre économique suffira à faire tomber le gouvernement russe. Par la même occasion, il montre à la Chine où il possède des intérêts et qu’il n’est pas un jusqu’au-boutiste. Inutile d’insulter l’avenir. La participation du réseau privé de communication ouvre un chapitre peu connu des guerres d’Ukraine : la cyberguerre.

La cyberguerre au centre de toutes les autres

L’interception du signal, le brouillage des fréquences, l’interprétation des captations par le cerveau humain ou l’intelligence artificielle atteignent des niveaux de sophistication jamais vus auparavant. Les drones dont nous venons de voir l’efficacité sont désormais pilotés par fibre optique, tel autrefois le célèbre Milan, arme antichar française filoguidée. Les images en direct des impacts transforment le conflit en « spectacle ». Dans les deux camps, chaque unité se déplace avec ses brouilleurs et ses dronistes. Les groupes d’assaut, de plus en plus petits pour limiter les pertes, « reniflent » l’ennemi, le rendent visibles à l’artillerie, aux bombes planantes, aux lance-flammes.

Les belligérants développent des politiques de souveraineté numérique. Celles-ci se déclinent en trois chapitres, la maîtrise du hardware, les installations lourdes, le software, les logiciels et le cloud, la maîtrise des données. L’Europe et la Russie cherchent par tous les moyens à bâtir une industrie du cyber avec l’aide de nombreux partenaires de manière à anticiper les risques et saisir les opportunités d’affaires.

A Moscou, les semaines de la cybersécurité ressemblent à des écosystèmes rassemblant des milliers de participants à l’échelle des BRICS. Des administrations, des entreprises privées chinoises ou indiennes y côtoient des militaires mais aussi les directeurs de système d’information de grandes entreprises.

Il en va de même dans l’Union européenne. Le NIS2[23] qui fait suite au règlement général sur la protection des données (RGPD) prépare nos administrations et organismes d’intérêts vitaux à toutes les éventualités. La vulnérabilité du système Internet, notamment les câbles par lesquels transitent 99% des données, préoccupe nos services qui disposent d’un département cyberguerre important. L’ANSSI[24] anime un écosystème de souveraineté numérique à l’image de celui de Moscou. Des rencontres de praticiens telles que les « Lundi de la cybersécurité », ou des associations comme l’ARCSI[25] sont des lieux d’échanges entre spécialistes. Comme les autres, la cyberguerre a besoin d’idées.

Sur le champ de bataille elle brouille les vecteurs de l’ennemi. C’est ainsi que la guerre électronique rend aveugle certains missiles de croisière qui n’atteignent plus leurs cibles. L’obus de 155 mm Excalibur guidé par GPS n’est plus aussi performant qu’au début du conflit. Des corsaires ou mercenaires apparaissent dans le cyberespace. Ils traversent les frontières, menacent les souverainetés des États. A l’Est comme à l’Ouest des groupes informels tels que Conti[26] en Russie ou IT Ukrainian Army, préfigurent des guerres étonnantes, inattendues.

Encore limitée, la cyberguerre peut devenir cataclysmique. Entre la dissuasion nucléaire et la dissuasion conventionnelle existe désormais une dissuasion informatique tout aussi terrifiante. Après « la nuit du noisetier » celle de Chronos menace tous les belligérants.

Au XXIe siècles, avoir l’heure exacte est critique pour de grands pans de l’industrie et des transports. En mer Baltique, notamment depuis l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, la navigation commerciale est rendue plus difficile. L’heure est diffusée de plusieurs façons : par des émetteurs radio, par les satellites GNSS (GPS, Galileo, etc.), par Internet avec le protocole NTP, par des fibres optiques dédiées, etc.

Toutes les méthodes actuelles posent de gros problème de sécurité : les GNSS, très précis, utilisés absolument partout, sont très sensibles au brouillage, qui empêche la localisation, et au leurrage, qui vous transporte n’importe où. Or le brouillage, nous l’avons vu est une spécialité russe. Le protocole NTP, qui distribue l’heure sur Internet avec une précision bien moins grande, est facilement attaquable. Et les conséquences des attaques de plus en plus nombreuses peuvent être très graves[27].

En cas d’aggravation du conflit, des pirates pourraient modifier l’heure affichée sur des serveurs de temps, entraînant des désynchronisations massives et des dysfonctionnements dans les systèmes qui s’y réfèrent. Des attaques par déni de service pourraient rendre inaccessibles les serveurs de temps, paralysant les systèmes qui en dépendent. Les conséquences de la cyberguerre pourraient être catastrophiques. Les systèmes d’exploitation, les bases de données et leurs applications dépendent d’une horloge précise pour fonctionner correctement. Une heure erronée pourrait entraîner des pertes de données, des plantages et des dysfonctionnements généralisés.

Les réseaux de télécommunications s’appuient sur la synchronisation horaire pour router les paquets de données de manière efficace. Une heure inexacte pourrait entraîner des retards, des pertes de paquets et une dégradation de la qualité des communications. Les marchés financiers fonctionnent en temps réel et s’appuient sur des horloges précises pour exécuter les transactions. Une heure erronée pourrait entraîner des erreurs de calcul, des pertes financières et une perte de confiance dans les marchés. Les réseaux électriques, les systèmes de transport et les systèmes de contrôle industriels dépendent tous d’une synchronisation horaire précise. Une heure erronée pourrait entraîner des pannes, des accidents et des perturbations majeures. Le professeur Gérard Berry auteur de L’Hyperpuissance de l’informatique, Algorithmes, données, machines,réseaux[28] trace les grandes lignes d’un conflit généralisé.

La cyberguerre ne se limite pas au terrain militaire. Elle facilite le développement de technologies qui contournent les sanctions, bâtissent une souveraineté numérique partagée entre les BRICS. C’est sur elles que s’appuieront les réponses russes à la guerre économique occidentale.

La guerre économique occidentale

La guerre économique devait vaincre la Russie grâce aux sanctions économiques et financières. Il était inutile et risqué comme nous venons de le voir d’engager l’OTAN le 24 février 2022. L’Ukraine, forte d’une armée rééquipée, aux effectifs trois fois supérieurs à ceux de la force d’invasion russe, devait obliger cette dernière à l’envahir pour éviter la reconquête de la Crimée et du Donbass. Excellent prétexte pour lancer les sanctions finales. Tout était prêt, rien n’était caché puisque visible, écouté, par les service de renseignement des uns et des autres.

Le projet de guerre économique contre la Russie est une vielle idée anglo-saxonne qui prend ses racines après le congrès de Vienne de 1815. L’Angleterre ne pardonne pas au Tsar d’avoir ménagé la France. Tout au long du XIXe siècle, ce sont les milieux libéraux britanniques pour des motifs coloniaux qui inventeront le terme russophobie. Celui-ci ne fera pas toujours l’unanimité au sein de cette famille de pensée. Les États-Unis prennent le relais avec des géopoliticiens tels que Alfred Mahan, qui développe le concept de puissance maritime, John Mackinder[29], qui voit dans le Heartland eurasiatique une menace existentielle pour l’Amérique, ou Nicolas Spikman, qui, avec la théorie de l’anneau, est à l’origine de la politique de Containment de la Russie soviétique puis de la Chine.

C’est dans la continuité de ces auteurs que se situe Le Grand échiquier de Zbigniew Brzezinski et l’émergence des néo-conservateurs américains au sein du Parti démocrate et de son concurrent républicain. Madame Victoria Nuland, sous-secrétaire d’Etat à l’Eurasies en sera l’une des figures politiques. On remarquera la filiation « polonaise » de cette école jusqu’au président Duda qui, en juin 2024, parlait de la nécessaire décolonisation de la Russie. Bien avant le 24 février, un axe Washington-Varsovie émerge. Il joue maintenant un rôle diplomatique et militaire au sein même de l’Union européenne…

En 2019, un rapport intitulé Overextending and Unbalancing Russia de la Rand Corporation[30], sous l’administration Trump I, décrit les mesures à prendre pour ruiner la Russie. Sont abordés les chapitres suivants : Economie – Géopolitique – Système informationnel et idéologique – Dimension aérienne et spatiale – Dimension maritime – Dimension terrestre et multi-domaines. Ce rapport s’inscrit dans le contexte des sanctions communes aux États-Unis et à l’Union européenne qui depuis la sécession des oblasts russophones sont censées affaiblir la Russie. On notera que les rédacteurs envisageaient déjà la possibilité d’une victoire militaire russe.

L’attaque économique décisive est déclenchée au lendemain du 24 février 2024. Bruno Le Maire déclare le 3 mars 2022 : « Nous allons mettre l’économie russe à genoux ». Le 23 mars au sommet de l’OTAN, le président Macron annonce : « Au moment où je vous parle la Russie est en état de cessation de paiement. Nous allons l’isoler sur la scène mondiale ». La déclaration de guerre de la France s’inscrit dans celle plus globale de l’Occident. Les banques russes, exceptions faites de certaines qui négocient les hydrocarbures, sont déconnectées du système SWIFT. La Russie plie, le rouble chute lourdement, mais le pays résiste.

Le 26 septembre 2022, en mer Baltique, deux explosions occasionnent d’importantes fuites de gaz. La première, sur Nord Stream 2 est découverte au sud-est de l’île danoise de Bornholm. Plusieurs heures plus tard, deux autres fuites sont décelées sur Nord Stream 1 au nord-est de l’île. Ces actes de guerre sanctionnent les économies allemandes et françaises. On mesure mieux aujourd’hui le désastre subi. Engie, partenaire de Gazprom avec des sociétés allemandes et hollandaises, perd 900 millions d’euros d’investissement[31]. Le gaz revendu en Europe ne peut plus l’être.

Trois pays bénéficient de cette agression. La Russie libère des stocks importants qu’elle peut écouler en direction des BRICS. Elle profite de l’affaiblissement européen. Les États- Unis rentabilisent leur industrie des gaz de schiste. Ils le vendent aux Européens qui le boudaient pour des raisons environnementales. Un troisième pays tire son épingle du jeu : la Norvège[32] qui vend son gaz plus cher elle aussi. La question demeure de savoir qui a commis cette destruction stratégique, mais il est évident que le grand perdant demeure l’Union européenne.

En septembre 2024, le rapport Draghi tire un bilan provisoire des conséquences de la guerre économique. Il annonce un lent appauvrissement de l’Europe occidentale. Selon le FMI (octobre 2024) la croissance est plus forte dans les BRICS qu’au G7. En termes de pouvoir d’achat du consommateur, la Russie dépasse l’Allemagne et la France. Après la défaite militaire, l’Europe enregistre une défaite économique. Comment la Russie a-t-elle surmonté les sanctions ? Comment les a-t-elle utilisées ?

La guerre économique russe

L’échec des sanctions occidentales a pour cause première leur publicité. Bien avant 2014, les « trains » de sanctions commentés, discutés dans les assemblées et les chancelleries, décrivent par le menu toutes les attaques dont l’économie russe sera la cible. La discrétion n’est pas une arme occidentale. Depuis longtemps, la Russie maîtrise l’art de se taire. Cet avantage nous est étranger. Souffrant d’un climat rude, d’un espace immense, de conditions de vie difficiles, le peuple russe développe des capacités de résilience étonnantes. Judoka dans l’âme, le président Poutine a profité des sanctions pour « secouer » l’intelligence économique et technologique de ses concitoyens.

Comme aurait dit le général de Gaulle, la paresse et le renoncement menacent les Russes autant que les autres. Les sanctions occidentales renforcent l’idée d’encerclement autant que les Léopard dans les plaines d’Ukraine ou les bases de l’OTAN autour de la Rodina. La Russie est le pays de la TRIZ (acronyme de Théorie de Résolution des Problèmes Inventifs[33]). Chaque sanction, chaque retrait de fournisseur, chaque rupture d’approvisionnement de pièce détachée devient un problème appelant une innovation, souvent par simplification ou alliance iconoclaste de technologies séparées par des préjugés[34]. La démarche est une approche heuristique destinée à résoudre des problèmes d’inventivité technique. Comme lors du siège de Leningrad, l’intelligence russe collective va retourner les sanctions contre l’ennemi.

Dotée d’une mémoire séculaire, la diplomatie russe puise des idées dans l’histoire de l’URSS. Celle-ci commerçait en rouble et en roupies avec l’Inde dans le domaine des hydrocarbures. L’expérience cessa avec le régime communiste. Avant même les guerres d’Ukraine, la vielle idée reprend du service. Lorsque les BRICS apparaissent, l’envie d’échapper à de nouvelles sanctions se confond avec celle d’ajouter aux FMI et à la Banque mondiales des institutions financières plus souples, mieux adaptées au désir du Sud de commercer avec le Sud, sans risquer l’extraterritorialité judiciaire du dollar.

Pour madame Anuradha Chenoy analyste financière indienne, le programme des BRICS pour une dédollarisation prendra du temps. Le dollar représente encore 80% des échanges mondiaux, l’euro 16%, devant les monnaies chinoises et indiennes. La monnaie de remplacement n’existe pas encore. Cependant le manque de crédibilité militaire et diplomatique de l’Union européenne pourrait entraîner la chute de l’euro avant celle du dollar, qui a encore de beaux jours devant lui.

Lors du 16e forum de Kazan[35] les BRICS se définissent comme un club d’affaires non occidental mais pas anti-occidental. La plupart des pays membres, y compris la Russie, souhaitent entretenir des relations commerciales voire culturelles avec l’Occident. Cependant les BRICS opposent la notion d’état civilisationnel à celle d’universalisme occidental. Beau sujet de thèse pour nos étudiants en géopolitique.

Malgré la domination du dollar, le forum de Kazan réaffirme les fondements d’un projet financier calqué sur les institutions de Bretton Woods, mais plus souples, plus « technologiques ». Les BRICS envisagent la création d’une unité de compte commune basée sur la blockchain.[36] L’exercice est ardu car il faut concilier une technologie par essence décentralisée avec une nécessaire centralisation. La nouvelle unité de compte pourrait intégrer des devises mais aussi de l’or ou des matières premières.

Un système d’assurance mondial pourrait compléter le tableau de façon classique. Il est encore au stade des idées. La création d’une agence de notation mondiale indépendante posera des problèmes politiques. La Banque de développement de Shanghai, faiblement dotée (100 milliards en dollars), reste un nain. En revanche l’idée d’un dépositaire de règlement, chambre de compensation, est stratégique. Une grande partie du commerce mondial échappera aux regards des statistiques occidentales. Le monde commercera sans nous.

Les BRICS sont un animal diplomatique qui interroge les ministres des Affaires étrangères occidentaux. Le forum de Kazan acte la fin de l’anthropocène à l’instar d’un nombre croissant de scientifiques, géologues, physiciens ou climatologues. La transition climatique est ajournée. Les conclusions du GIEC sur le CO2 sont soupçonnées de favoriser les études accusant le dioxyde de carbone au détriment de celles qui relient le changement climatique à des phénomènes complexes, voire aux nanoparticules de plastique, aux évolutions du système solaire. Une telle politique remet en cause les réglementations européennes. L’industrie du Vieux continent, basée sur la « protection de la planète », est prise à revers.

Outre l’extraterritorialité juridique du dollar, les BRICS dénoncent les sanctions unilatérales. Selon Anuradha Chenoy, 15 entreprises indiennes ont récemment été sanctionnées par les États-Unis. Ce qui ulcère New Delhi. La politique du genre et l’étude de la transsexualité à l’école primaire choquent ses valeurs de société qui reconnaissent le masculin et le féminin. Les BRICS ont permis un gel du conflit frontalier de l’Himalaya entre la Chine et l’Inde. Ces deux pays ont reculé leurs troupes. L’Iran et l’Arabie saoudite mènent des manœuvres militaires conjointes. Pour les spécialistes du Moyen-Orient, la chose était inconcevable.

Ces développements diplomatiques sont pour la Russie une source d’influence. Ils sont dus à la compétence de fonctionnaires travaillant depuis plusieurs décennies sous les ordres du même ministre. Sergueï Viktorovitch Lavrov associe son pays à un regroupement planétaire dont le PIB dépasse celui du G7. Ce diplomate est en passe d’isoler l’Union européenne. Celle-ci, confrontée à la signature le 6 décembre 2024 du traité de libre-échange avec le Mercosur[37], doit gérer le mécontentement d’agriculteurs hostiles à l’importation de produit alimentaires et céréaliers ukrainiens ne respectant pas nos normes sanitaires.

Le souvenir, du bombardement de la Serbie en 1999 par les États-Unis hante les guerres d’Ukraine. L’annulation du premier tour des élections présidentielle en Roumanie[38] le 6 décembre 2024 par la Cour constitutionnelle empêche M Calin Georgescu, pro-russe opposé au maintien de la Roumanie dans l’OTAN, d’accéder au second tour. La condamnation par son challenger, madame Elena Lasconi, de cette décision constitutionnelle ouvre une crise politique. Dans les derniers sondages, Georgescu était crédité de 63% des voix le 8 décembre 2024. Ce séisme politique concerne la France qui dispose de troupes[39]au camp de Cincu.

La Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie – pays frontaliers de l’Ukraine – et la Serbie sont le théâtre d’évolutions hostiles au gouvernement de Kiev. La Moldavie, grâce à l’apport controversé des Moldaves de l’étranger, échappe de justesse à un gouvernement pro-russe. En Allemagne les élections partielles et la crise économique favorisent à droite comme à gauche un courant hostile à l’OTAN et à Kiev. La Géorgie souhaite une politique d’apaisement avec Moscou.

Le retrait partiel des États-Unis, renforce la tendance. Dans une Ukraine en paix, rien ne garantit un résultat électoral favorable à l’Union européenne. Le ressentiment gagne du terrain parmi la population. L’Occident est accusé de ne pas avoir été à la hauteur des promesses. L’image de la Russie s’améliore, malgré les cimetières qui s’étendent à perte de vue. La langue russe se parle à nouveau dans certains milieux. L’opposition à la guerre en France[40] affaiblit notre « soutien indéfectible » au gouvernement de Kiev. Pourquoi envoyer des jeunes Français mourir à la place des Ukrainiens, accueillis chez nous ?

Le 7 décembre 2024, à l’occasion de la réouverture de Notre Dame, Ursula Van der Layen était absente. C’est plus qu’un symbole. C’est un avertissement. L’Union européenne incapable de gagner la guerre commence à perdre une paix qu’elle n’a pas anticipée[41]. Sa dislocation devient une possibilité.

Intelligence économique et stratégique

Les guerres d’Ukraine obligent la France à voir le monde tel qu’il est. La proposition de loi du Sénat[42] du 25 mars 2021 portant sur une politique d’intelligence économique et stratégique, est une réponse à la hauteur de la menace. Il faut féliciter les sénateurs qui ont conçu un système innovant inspiré des actions de monsieur Alain Juillet, premier Haut responsable à l’Intelligence économique de 2003 à 2009. Les fondements doctrinaux, législatifs, réglementaires, existent. Il est inutile de refaire un énième rapport. Il faut passer à l’acte…Difficulté française.

Sans intelligence nationale il est impossible de lire et conduire la guerre économique[43] qui ne s’arrêtera jamais. Cette ambition, source de cohérence nationale, mobilise les élus, les chefs d’entreprises, les territoires, les métiers, les ingénieurs et les scientifiques. Elle nécessite une formation des dirigeants et des cadres aux éléments fondamentaux de la discipline.[44] Elle nous oblige à une réflexion sur les temps qui viennent. Des milliers de questions nécessiteront des réponses. En voici quelques-unes parmi une immensité :

– La Russie voudra-t-elle nous envahir ? En a-t-elle les moyens ? Le veut-elle ?

– Sommes-nous si appétissants ? Qu’avons-nous à part du charbon, du granit et de la neige l’hiver ? L’Europe occidentale a toujours été un continent pauvre…

– Quid de la Roumanie après l’annulation de la présidentielle ?

– Qui assumera la dette ukrainienne ?

– Quid de l’Ukraine dans l’Union européenne ?

– Quid des terrorismes nés de l’après-guerre ?

– Nos intérêts sont-ils compatibles avec ceux de l’Union européenne ?

– Une défense européenne est-elle crédible ?

– Nos « alliés » sont-ils nos alliés, nos « ennemis » sont-ils nos ennemis ?

– Comment rétablir nos positions en Afrique ?

– Quelles énergies pour demain ?

– Quelles valeurs compatibles avec celles des autres ?

– Pourquoi les autres ne pensent-ils pas comme nous ?

– Interactions entre le conflit ukrainien et celui du Moyen Orient ?

– Le Sud Global est déjà parmi nous, quelle approche ?

L’intelligence économique nationale travaille en collaboration avec les entreprises, car celles-ci sont déjà des intelligences économiques. La fiabilité des sources et la véracité de l’information sont prioritaires. Le présent article s’inspire à 90% de sources ouvertes facilement accessibles dont on trouvera une liste non exhaustive ci-dessous.

Beaucoup de médias ont traité le sujet conformément à la charte de Munich régissant la profession de journaliste et dont l’article premier stipule : « Respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité ».

Bernard BESSON*
Cf2R
TRIBUNE LIBRE N°172 / mars 2025

*

*Contrôleur général honoraire de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ).
Ancien chef de cabinet du directeur central des Renseignements Généraux (DCRG) et du directeur de la Surveillance du territoire (DST), il a été chargé de mission auprès du Haut responsable pour l’intelligence économique (HRIE).
Bernard Besson est également directeur scientifique du Comité intelligence économique des Ingénieurs et scientifiques de France (IESF), membre de la Commission intelligence économique du MEDEF Ile-de-France et auteur de nombreux ouvrages consacré à l’intelligence économique et de thrillers géopolitiques dont l’un a obtenu le prix Edmond-Locard 2000 du roman noir en langue française.

*

Nota

Les analystes et les media dont les noms suivent ont été validés par les faits, la pertinence des commentaires, malgré des divergences d’opinions. Utiles pour comprendre la guerre, ils le sont pour anticiper l’après-guerre.

Idriss Aberkane, essayiste, Agence internationale de l’énergie, Frédéric Aigouy, journaliste, Brainlesspartisans X, Jacques Baud, analyste militaire, Espoir et Dignité, George Beebe, analyste, Bloomberg News, BFMTV.Cyril Gloagen, militaire-géopoliticien. Karine Bechet-Golovko, juriste, Anne-Laure Bonnel, journaliste, Fabien Bouglé, énergéticien. André Bercoff journaliste. Hervé Carresse analyste militaire, Tucker Carlson, journaliste, Régis de Castelnau, avocat. Consortium international des journalistes d’investigation, Eric Denécé, analyste, CF2R, CNEWS, Grillard Eric X. Dialogue franco-russe, Glenn Diesen, universitaire, Donbass insider, Diploweb, Sylvain Ferreira, historien, Chas W Freeman, analyste, JacquesFrèreX. Vladimir Fédorovski, écrivain, The Economist. FMI news, Fulguradvenit, Caroline Galactéros, géopolitologue, Géopolitique profonde, Géopragma, Charles Gave, économiste, Jacques Hogard, militaire, François Hollande ex-président. Intelligence online, Jean-Loup Izambert, écrivain, Alain Juillet, Sergueï Alexandrovitch Karaganov, politique, Olivier Kempf, militaire, Kyiv Post, Régis Le Sommier, journaliste. Le courrier des stratèges, Pascal Lottaz, universitaire, LCI, Ligne droite, Thierry Mariani, député, Dimitri Marckenko, militaire, Jack Matlock, diplomate, Le nouveau Conservateur. Mediazona, Viktor Medvedchuk, politicien, Alexander Mercouris, avocat, Angela Merkel, ex-chancelière. Military Summary Chanel. Nikola Mirkovic, écrivain, Arta Moeini, analyste Xavier Moreau, entrepreneur, Camille Moscow blogueuse, Omerta, Vasyl Muravytskyi, journaliste.Christelle Néant, journaliste, Open Box TV, New York Times, Victoria Nuland, ministre, Renard Paty, Jean-Pierre Petit, scientifique, Jean Bernard Pinatel, général, Politico, Piotr Olegovitch Tolstoï, député.  Markus Reisner, universitaire, Jeff Rich, analyste, Fabrice Ribère, analyste. Rand Corporation Scott Ritter analyste, Alexandre Robert analyste, Henri Roure, analyste militaire, RussiaToday Jeffrey Sachs, économiste, Jacques Sapir économiste, Sputnik, Sud Radio. TerciosdelsolX, Sanevox, Stratpol, Tocsin, Emmanuel Todd essayiste, SitRepInternational Reporter, TVlibertés, Veille stratégique, Dominique de Villepin, politique.


[1] La Défaite de l’Occident Emmanuel Todd, Gallimard janvier 2024. L’auteur qui avait prévu de manière détaillée et documentée la fin de l’empire communiste réitère l’exercice avec l’Occident et en particulier l’OTAN.

[2] CF. Liste des guerres des États-Unis (Wikipédia). Le bombardement de l’OTAN sur la Serbie en 1999 pendant 78 jours a marqué les esprits en Europe balkanique. Voir plus loin.

[3] Le Format Normandie est une discussion diplomatique impliquant quatre pays : Russie, Ukraine, Allemagne et France, visant à régler la guerre du Donbass. Cette configuration des rencontres diplomatiques à quatre pays a été adoptée pendant la guerre civile opposant de 2014 à 2022 l’armée ukrainienne aux deux républiques séparatistes de Donetsk et de Lougansk

[4] Dans un entretien au Kyiv Independent (12 décembre 2022), François Hollande a revendiqué que les accords de Minsk avaient amené la Russie sur le terrain diplomatique, laissant à l’armée de Kiev le temps de se renforcer. Un aveu contredisant les déclarations pacifiques d’alors.

[5] Guerre en Ukraine : après des pourparlers « substantiels » à Istanbul, Moscou promet de « réduire radicalement » son offensive vers Kiev (Le Monde 29 mars 20).

[6] Poutine et Zelensky “voulaient un cessez-le-feu” mais les négociations ont été rompues par les pays occidentaux a expliqu » Naftali Bennett (France soir, 6 février 2023).

[7] Site de Jean Pierre Petit. Le missile tiré le 21 novembre 2024 était un MRBM Oreshnik volant à Mach 10 (3km/s). Sur ce sujet on se réfèrera aux explications de Cyril Gloagen cité plus loin. Quant à Jean Pierre Petit sa connaissance intime du milieu scientifique russe en fait un expert également très écouté. Spécialiste des problèmes liés à l’hypervélocité, il traite de l’apparition de ces technologies dans l’industrie aérospatiale.

[8] La paternité de cette décision n’est pour l’instant pas clairement établie. La » profondeur » toute relative n’excède pas 300 km. Le tir fut d’une efficacité réduite : 5 missiles abattus, le 6edestabilisé. On peut dire que l’OTAN malgré ses fermes déclarations soutient l’Ukraine comme la corde soutient le pendu.

[9] 1962, roman de Bernard Besson, Odile Jacob, 2015. A cette époque déjà (crise des missiles de Cuba), les ambassadeurs des deux puissances jouèrent un rôle stratégique de premier plan. Aujourd’hui encore, des personnalités comme William Burns et Serguei Naryshkin qui se connaissent bien, reproduisent le dialogue de 1962, équilibre de la terreur oblige.

[10] Cyril Gloagen, « Portrait possible du missile russe Oreshnik », Diploweb, 8 décembre 2024. Ce spécialiste détaille longuement les défauts et qualités du missile, son histoire technologique.

[11] Les États-Unis retirent le porte-avions Eisenhower de la mer Rouge en raison de l’intensification des attaques des Houthis (Jade, 24 juin 2024).

[12] Site de Jean Pierre Petit.

[13] Le Russie revendique une première vente à l’export pour son nouveau chasseur Sukhoi Su-57. Le pays acheteur n’a pas été nommé mais il pourrait s’agir de l’Algérie ou de l’Iran (Frédéric Lert, Aéro Buzz, 18 novembre 2024). On écoutera avec intérêt l’analyse d’Hervé Carresse le 24 novembre 2024 sur TVL.

[14] Jacques Baud, L’Art de la guerre russe, Max Milo, 2023. Ancien expert militaire de l’ONU, r ex officier de renseignement suisse, il a travaillé en Ukraine et en Russie dans le cadre du Format Normandie. Ses analyses de terrain ont été confirmées par les faits à de nombreuses reprises.

[15] Statista 202,3 Statista Research Department, 21 mai 2024.

[16] Dès 2026, la version F4 du Rafale de Dassault va utiliser l’IA pour désigner des cibles au sol

Après huit ans de travaux de recherche, Thales est parvenu à injecter une dose d’intelligence artificielle dans le pod Talios de la nouvelle version du Rafale. Cet équipement sert à la reconnaissance des objets et à la désignation laser. Cette innovation va équiper la future version F4 du chasseur-bombardier français, prévue pour 2026 (L’Usine Digitale, IA Insider, 10 décembre 2026)

[17] Yves Pagot, « Les déboires du programme F-35 ou le paradoxe de Zénon », Aviation militaire, août 2018.

[18] Sergueï Vladimirovitch Sourovikine concepteur et réalisateur d’une « défense active », un des vainqueurs de cette guerre.

[19] Confidence d’un engagé français dans la Légioni ayant combattu du côté ukrainien. Cette relation est confirmée par le grand reporter Régis le Sommier sur la chaîne Omerta. Celui-ci a passé plusieurs semaines des deux côtés du front notamment dans le saillant de Soudja. Où il a fréquenté les « dronistes ».

[20]  Harold Thibault, Le Monde,4 décembre 2024 La Chine a annoncé, mardi 3 décembre, bloquer ses exportations de certains métaux stratégiques vers les États-Unis, au lendemain de nouvelles restrictions américaines à son encontre, dans une accélération de la guerre technologique entre les deux premières puissances de la planète. Le ministère du commerce chinois, accusant Washington d’avoir « politisé les questions commerciales et technologiques », explique dans un communiqué qu’il ne délivrera plus de licences d’exportation de gallium, de germanium, d’antimoine et d’autres matériaux vers les États-Unis dès lors qu’ils peuvent avoir un double usage civil et militaire.

[21] Des centaines de milliers de jeunes ukrainiens ont fui leur pays dès 2014 pour rejoindre les États-Unis, l’Union européenne ou la Russie. L’armée de Kiev manque cruellement d’hommes. L’argument, repris par des officiers américains, pèse dans la politique de retrait des États-Unis. Côté russe, des centaines de volontaires affluent chaque jour, motivés par des primes, de bons salaires et un patriotisme évident.

[22] Elise Vincent, Alexandre Piquard et Cédric Pietralunga Le Monde, 15 décembre 2022

[23] Securityhttps://waterfall-security.com/guides/nis2 NIS2 Directive Guide NIS2 Compliance Guide

[24] Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (https://cyber.gouv.fr). Clé de voute de la souveraineté numérique française, l’Agence mettra en œuvre les recommandations de NIS2. Les esprits critiques pour ne pas dire chagrins, remarqueront que l’Europe réglemente, la Fédération de Russie agit, les États-Unis achètent…

[25] Association des réservistes du chiffre et de la sécurité de l’information (https://www.arcsi.fr). La cybersécurité est également enseignée à l’Ecole européenne d’intelligence économique de Versailles (EEIE).

[26] « Ransomware : le groupe pro-russe Conti pratique volontiers un terrorisme numérique », Le Monde Informatique(https://www.lemondeinformatique.fr/ac).

[27] Gérard Berry, ancien élève de l’École polytechnique, ingénieur général du corps des Mines, membre de l’Académie des sciences, de l’Académie des technologies est titulaire de la médaille d’or du CNRS qu’il a reçue en 2014. Il est professeur émérite (au mérite) au Collège de France, ex-chaire Algorithmes, machines et langages (Gérard Berry Le Temps vu autrement, Odile jacob, 2025).

[28] Odile Jacob, 2017.

[29] D’après sa théorie du Heartland, il estime que pour dominer le monde, il faut tenir la plaine s’étendant de l’Europe centrale à la Sibérie occidentale, qui rayonne sur la mer Méditerranée, le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et la Chine.

[30] « Le rapport de la Rand Corporation pour déstabiliser la Russie », 31 octobre 2022 (https://www.francesoir.fr/politique-monde/le-rapport-de-la-rand). La Rand Corporation semble quelque peu embarrassée par ces preuves qui montrent que les États-Unis ont cherché à déstabiliser la Russie.

[31] Alors que l’enquête de la police allemande avance à petits pas, le flou demeure sur les commanditaires du sabotage des gazoducs Nord Stream survenu il y a deux ans. Les actionnaires européens et leur partenaire russe Gazprom restent dans le noir (Intelligence online, 05/12/2024). Ce média laisse clairement entendre que tout est fait pour masquer les preuves…Cette affaire marque les esprits en Allemagne ; elle jouera un rôle dans les évolutions politiques du pays.

[32] Seymour Hersh, “How America Took Out The Nord Stream Pipeline”, (https://seymourhersh.substack.com/p/how-amer). L’auteur très connu outre-Atlantique pour son sérieux, avoue ne pas apporter de preuve évidente. Mais la thèse qui accuse les Russes ou les Ukrainiens ne prouve rien non plus.

[33] Teorija Reshenija Izobretateliskih Zadatch (Теория Решения Изобретательских Задач – ТРИЗ).

[34] L’utilisation de GPS sur de vielles bombes héritées de la Seconde Guerre mondiale en est un exemple.

[35] Sommet des BRICS : 24 dirigeants étrangers et le secrétaire général de l’ONU attendus en Russie. Ce sommet revêt une importance particulière pour la Russie, qui y voit l’opportunité de briser son isolement diplomatique consécutif au conflit en Ukraine (i24News, Kazan Russian Federation, 23 october 2024).

[36] La blockchain est une technologie numérique de stockage et de transmission d’informations sans autorité centrale. Elle fonctionne comme une base de données sécurisée par des moyens cryptographiques, répertoriant les transactions dans un ordre chronologique. La validation et l’authentification des transactions se font par un réseau décentralisé et de pair à pair, sans intermédiaire ou tiers de confiance. La blockchain permet de minimiser les coûts et les retards liés à l’utilisation d’intermédiaires tiers pour les transactions financières.

[37] « L’UE et le Mercosur annoncent avoir conclu les négociations pour un accord de libre-échange », Africanews.

[38] https://www.lemonde.fr/international/article/2024/12/06/roumanie.

[39] Ministère des Armées, 12 juillet 2022. Depuis le début de la guerre en Ukraine, 800 soldats français sont déployés en Roumanie pour consolider la défense du flanc Est de l’Europe.

[40] « Sondage : 68% des Français opposés à une intervention militaire » (www.cnews.fr/france/2024-11-28).

[41]« L’ancien chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, dans une interview au journal El Diario le 11 décembre 2024, reconnait que les sanctions économiques de l’Union européenne ont été rendues inefficaces du fait de la solidarité des BRICS. Il s’interroge également sur la capacité de l’Union européenne à remplacer l’effort militaire américain si celui-ci s’arrête.

[42] Proposition de loi, Texte n° 489 (2020-2021) de Mme Marie-Noëlle Lienemann, M. Fabien Gay et plusieurs de leurs collègues, déposé au Sénat le 25 mars 2021

[43] Bernard Besson,4 mai 2022 (https://www.diploweb.com/Ukraine-Comment-lire-et-conduire-la-guerre). L’auteur du présent article approuvait la nécessité d’arrêter cette guerre par la négociation comme lors des rencontres diplomatiques du format Normandie. La nation ukrainienne a été brisée par ce conflit. Lorsque les pertes humaines seront comptabilisées de part et d’autre, l’Europe et la Russie prendront conscience d’une faillite morale et politique sans précédent depuis 1945.

[44] https://www.iesf.fr/752_p_43175/comite-intelligence-economique. Le MOOC-IESF-UNIT sur l’intelligence économique propose des outils pédagogiques, une certification des personnels, une évaluation de l’intelligence économique déjà présente à partir du TEST 1000 et un Questionnement stratégique. Cet enseignement en ligne s’appuie sur les retours d’expérience en France et dans le monde de nos ingénieurs confrontés à la concurrence loyale autant qu’à la guerre économique. Ce programme est supporté par L’Université numérique ingénierie et technologie (UNIT) qui est l’une des sept universités numériques thématiques nationales (UNT) créées à l’initiative d’universités, de grandes écoles et du ministère chargé de l’Enseignement supérieur. Le badge IESF-MOOC -UNIT certifie les compétences de celui ou celle qui obtient une moyenne de 14/20 en répondant au Quiz du MOOC intelligence économique. Il n’est d’ailleurs pas interdit d’obtenir 20/20…




Guerre en Ukraine : 3 enseignements de la guerre en Ukraine

Trois enseignements majeurs ressortent de la guerre en Ukraine : l’exposition permanente des forces au feu ennemi, le rôle central de l’innovation – notamment via les drones et les technologies civiles détournées –, et l’absence d’un « game changer » capable de faire basculer le conflit. Ce champ de bataille sans sanctuaire, où la supériorité aérienne est absente et la transparence tactique omniprésente, redonne de l’importance à l’artillerie, à la dispersion des unités et à la résilience des forces.

Alors que la guerre en Ukraine va atteindre sa troisième année, trois constantes majeures se dressent pour l’armée de Terre :
– l’exposition permanente à l’ennemi,
– l’importance de l’innovation,
– l’absence de « game changer* ».

Le général Rodolphe Hardy, commandant en second du combat futur de l’armée de Terre, a expliqué ceux-ci, jeudi 20 février, à l’occasion du point presse du ministère des Armées.

Un champ de bataille sans sanctuaire

La guerre en Ukraine a confirmé une tendance forte : l’absence de sanctuaire, notamment en raison de la parité aérienne entre les forces en présence.

En effet, ni la Russie ni l’Ukraine n’ont réussi à obtenir la supériorité dans la troisième dimension. « Cela a favorisé l’innovation et l’adaptation. En témoigne l’usage de bombes planantes par les forces armées Russes, équipées d’ailerons directionnels et d’un guidage satellite intégré », explique le général Hardy.

Ces armes constituent aujourd’hui des menaces redoutables et très destructrices pour les forces ukrainiennes.

L’absence de supériorité aérienne a également replacé l’artillerie au centre des opérations, notamment l’artillerie de campagne et les frappes dans la profondeur qui visent à détruire des objectifs à haute valeur stratégique.

Enfin, la dronisation, conjuguée au renseignement aérien et satellitaire, a favorisé la transparence du champ de bataille. Conséquence : une meilleure connaissance des intentions adverses, permettant de réagir plus rapidement et de prendre des décisions plus éclairées. Pour y faire face, les belligérants optent pour la dispersion et le camouflage de leurs forces. De fait, cette transparence a réduit le volume des unités et des manœuvres exécutées de part et d’autre.

L’innovation au cœur du combat

Le général Hardy souligne que l’usage massif des drones aériens, terrestres et navals modifie la géométrie du champ de bataille, étendant la zone de danger bien au-delà des lignes de front.

« D’un point de vue tactique, les drones permettent de tout voir et de tout détruire dans leur zone d’action. De plus, leur nombre et leur endurance permettent d’assurer une relative permanence sur le champ de bataille.

La zone mortelle ne se limite plus à 300 mètres mais s’étend jusqu’à 15 km. » 

L’adaptation technologique des belligérants est également impressionnante. En témoignent les téléphones portables ukrainiens équipés d’applications servant de capteurs pour améliorer les processus de renseignement et de ciblage, ou encore les drones civils modifiés pour emporter des charges militaires et être utilisés comme des armes.

Autre caractéristique de ce conflit : les modes de financement. A titre d’exemple, durant les fêtes de Noël 2023, une campagne de financement participatif a permis de récolter plus de 500 000 dollars afin de fournir aux forces armées ukrainiennes des drones fpv (first person view), disponibles à la vente sur internet.

Absence de « game changer »*

Malgré l’émergence de nouvelles technologies, aucun « game changer » n’a fondamentalement bouleversé le cours du conflit. Ni les drones ni l’introduction des F-16 américains n’ont inversé la situation sur le terrain.

« Aucun acteur du conflit ne dispose d’un armement que l’autre ne peut pas pleinement contrer. La technologie ne permet pas de remplacer la masse et encore moins la présence de combattants au sol », estime le général Hardy.

Il ajoute que l’intelligence artificielle, bien que prometteuse, n’est pas encore en mesure de supplanter la prise de décision humaine.

Enfin, concernant la gestion des réserves, qu’elles soient humaines ou matérielles, le général estime qu’elles jouent un rôle majeur en Ukraine. Notamment pour « garantir la cohésion du dispositif, assurer la relève des unités éprouvées et maintenir le moral des forces. »

Général Rodolphe HARDY
Commandant en second du combat futur
de l’armée de Terre

21 février 2025

* Dans le milieu militaire, l’expression « game changer » est souvent utilisée pour désigner une arme, une technologie, une stratégie ou un événement qui change radicalement la donne sur le champ de bataille ou dans une opération militaire.




LPM : 1,61% du PIB pour la Défense française en 2024

Comme on le sait, la loi de programmation militaire portant sur la période comprise entre 2024 et 2030 a été adoptée au mois de juin 2023 à une très large majorité, que ce soit par l’Assemblée Nationale ou par le Sénat.

Commentaire AASSDN :
– C’est la part du PIB consacrée par la France à sa Défense en 2024
– Lire l’article (1) paru dans le numéro de mars 2024 de la revue de l’AASSDN “Services spéciaux”. (2)
C’est une analyse rigoureuse des chiffres concernant l’exécution de la loi de finances 2024 (LPM 2024-2030).

Quelles qu’en soient les limites, elle mérite d’être saluée. D’une part parce qu’elle traduit la volonté d’adapter nos Armées à un contexte plus « instable », pour ne pas dire plus menaçant, et de les mettre en mesure de participer à des opérations de haute intensité. D’autre part parce que les moyens mobilisés à cette fin augmentent plus que sensiblement, passant de 295 mds d’euros (soit 42,14 mds d’euros en moyenne annuelle) sur la période 2019-2025 à 400 mds d’euros (soit 57,14 mds d’euros en moyenne annuelle) sur la période 2024-20302.

Malgré l’emprise croissante de la contrainte budgétaire, la construction budgétaire de l’année 2024 et le
projet de budget pour l’année 2025 respectent strictement les engagements pris et les montants prévus dans le cadre de la LPM, soit 47,2 mds d’euros pour l’annuité 2024 et 50,5 mds d’euros pour l’annuité 2025. Tel n’a pas toujours été le cas, tant s’en faut, depuis que les lois de programmation militaire (dont le périmètre a beaucoup varié au fil du temps) existent.

[…]

Jacques HELIOT
Membre de l’AASSDN
Mars 2024

Pour lire l’article, de Jacques HELIOT, membre de l’AASSDN, dans son intégralité, téléchargez le PDF de l’article (1) en cliquant ICI . Ce dernier a été publié dans la revue de l’AASSDN “Services spéciaux”(2), numéro 270 paru en mars 2024, que vous pouvez découvrir en cliquant ICI




Equipement. Thales lance une nouvelle arme contre le brouillage des communications sur les théâtres d’opérations

Thales signe une prouesse technologique en permettant désormais aux communications militaires de fonctionner sur plusieurs types d’orbites satellites, pour combiner à la fois la sécurité souveraine et la flexibilité des réseaux commerciaux.

C’est une avancée significative dans le domaine des communications satellitaires militaires sur laquelle Thales et SES ont décidé de communiquer ce lundi 10 mars. Les tests menés sous l’égide de la Direction générale de l’armement (DGA) ont pu confirmer la compatibilité du Modem21 de Thales avec les satellites à orbite moyenne (MEO) de SES, notamment la constellation O3b mPOWER, qui offre de belles perspectives stratégiques pour les forces armées. On vous explique.

Le Modem21 antibrouillage, vrai rempart contre les attaques électroniques en zone de combat

Le Modem21 de Thales est un modem satellite militaire sécurisé capable de résister aux interférences. Jusqu’à présent, il était destiné aux communications sur satellites géostationnaires (GEO).

Sa technologie permet aux forces armées de maintenir des communications à haut débit, même face à des tentatives intensives de brouillage. Thales l’affirme, il s’agit d’un atout crucial sur les théâtres d’opérations modernes.

D’ailleurs, dès le mois d’octobre dernier, Thales et l’opérateur de satellites SES ont pu réaliser une démonstration décisive pour l’évolution des systèmes de communication militaires. Elle ouvre aujourd’hui la possibilité d’utiliser, simultanément, des satellites militaires souverains et des constellations commerciales, tout en conservant les niveaux de protection et de sécurité exigés pour les opérations sensibles.

Les forces armées pourront ainsi bénéficier d’une couverture plus étendue et de capacités accrues, grâce à cette hybridation entre différents types de satellites et d’orbites. De quoi renforcer la résilience des réseaux de communication stratégiques.

Un standard international pour les communications sécurisées multi-orbites

Grâce à sa technologie de pointe, le Modem21 a pu s’imposer comme une référence internationale. Il a par exemple été adopté par l’OTAN, sous la désignation STANAG 4606, pour les puristes. Sur le terrain, il équipe les postes de commandement qui nécessitent des communications parfaitement sécurisées. Ajoutons qu’il a été sélectionné par une dizaine d’États dans le monde pour sa technologie disruptive.

Alexandre Bottero, vice-président Systèmes de réseaux et d’infrastructures chez Thales, souligne toute l’importance de cette compatibilité multi-orbites pour « de futurs usages militaires, tout en maintenant les exigences de protection et de sécurité », inhérentes aux opérations militaires.

Le vice-président des ventes Espace & Défense pour l’Europe de SES, Roy Sielaff, complète cette vision en expliquant que « la combinaison du Modem21 avec le système O3b mPOWER promet une solution hautement sécurisée ». O3b mPOWER n’est autre qu’une constellation de satellites en orbite moyenne (MEO) de SES, qui offre une connectivité haut débit effectivement sécurisée.

Pour Sielaff, cette combinaison garantit aux clients gouvernementaux, parmi lesquels la France, à la fois « résilience, sûreté et souveraineté des communications », tout en leur permettant de conserver « le contrôle total sur leur réseau ». Un équilibre crucial dans l’environnement géopolitique complexe d’aujourd’hui.

Alexandre BOERO
Journaliste-reporter
Site CLUBIC
10 mars 2025