Eloge funèbre du Commandant Hélie de Saint-Marc

Discours prononcé le vendredi 30 août 2013 à Lyon par le Général d’armée (2s) Bruno Dary
ancien Gouverneur militaire de Paris

Mon Commandant,
Mon ancien,

Ils sont là, ils sont tous présents, qu’ils soient vivants ou disparus, oubliés de
l’histoire ou célèbres, croyants, agnostiques ou incroyants, souffrant ou en pleine
santé, jeunes soldats ou anciens combattants, civils ou militaires, ils sont tous présents,
si ce n’est pas avec leur corps, c’est par leur coeur ou par leur âme ! Tous ceux
qui, un jour, ont croisé votre chemin, ou ont fait avec vous une partie de votre route
ou plutôt de votre incroyable destinée, sont regroupés autour de vous : les lycéens de
Bordeaux, les résistants du réseau Jade Amicol, les déportés du camp de Langenstein,
vos frères d’armes, vos légionnaires que vous avez menés au combat, ceux qui sont
morts dans l’anonymat de la jungle ou l’indifférence du pays, les enfants de Talung
que vous avez dû laisser derrière vous, les harki abandonnés puis livrés aux mains du
FLN ! Je n’oublie pas vos parents et votre famille, qui ont partagé vos joies et vos
épreuves : il faut ajouter à cette longue liste les jeunes générations qui n’ont connu
ni la Guerre de 40 ni l’Indochine, pas plus que l’Algérie, mais qui ont dévoré vos
livres, qui vous ont écouté et que vous avez marqués profondément ! Cette liste ne
serait pas complète, si n’était pas évoquée la longue cohorte des prisonniers, des
déchus, des petits et des sans-grades, les inconnus de l’histoire et des media, ceux
que vous avez croisés, écoutés, respectés, défendus, compris et aimés et dont vous
avez été l’avocat. Eux tous s’adressent à vous aujourd’hui, à travers ces quelques
mots et, comme nous en étions convenus la dernière fois que nous nous sommes vus
et embrassés chez vous, je ne servirai que d’interprète, à la fois fidèle, concis et surtout
sobre. Aujourd’hui, Hélie, notre compagnon fidèle, c’est vous qui nous quittez,
emportant avec vous vos souvenirs et surtout vos interrogations et vos mystères ;
vous laissez chacun de nous, à la fois heureux et fier de vous avoir rencontré mais
triste et orphelin de devoir vous quitter. Vous laissez surtout chacun de nous, seul
face à sa conscience et face aux interrogations lancinantes et fondamentales qui ont
hanté votre vie, comme elles hantent la vie de tout honnête homme, qui se veut à la
fois homme d’action et de réflexion, et qui cherche inlassablement à donner un sens
à son geste ! Parmi tous ces mystères, l’un d’eux ne vous a jamais quitté. Il a même
scandé votre vie ! C’est celui de la vie et de la mort. Car qui d’autres mieux que
vous, aurait pu dire, écrire, prédire ou reprendre à son compte ce poème d’Alan
Seeger, cet Américain, à la fois légionnaire et poète, disparu à 20 ans dans la tourmente
de 1916 : “ j’ai rendez-vous avec la mort ” ? C’est à 10 ans que vous avez
votre premier rendez-vous avec la mort, quand gravement malade, votre maman
veille sur vous, nuit et jour ; de cette épreuve, vous vous souviendrez d’elle, tricotant
au pied de votre lit et vous disant : “ Tu vois Hélie, la vie est ainsi faite comme
un tricot : il faut toujours avoir le courage de mettre un pied devant l’autre, de
toujours recommencer, de ne jamais s’arrêter, de ne jamais rien lâcher ! ”. Cette
leçon d’humanité vous servira et vous sauvera quelques années plus tard en camp de
concentration. Votre père, cet homme juste, droit et indépendant, qui mettait un point
d’honneur durant la guerre à saluer poliment les passants marqués de l’étoile jaune,
participera aussi à votre éducation ; il vous dira notamment de ne jamais accrocher
votre idéal, votre “ étoile personnelle ” à un homme, aussi grand fût-il ! De l’époque
de votre jeunesse, vous garderez des principes stricts et respectables, que les aléas de
la vie ne vont pourtant pas ménager ; c’est bien là votre premier mystère d’une éducation
rigoureuse, fondée sur des règles claires, simples et intangibles, que la vie va
vous apprendre à relativiser, dès lors qu’elles sont confrontées à la réalité ! Puis, à
20 ans, vous aurez votre deuxième rendez-vous avec la mort ! Mais cette fois-ci, vêtu
d’un méchant pyjama rayé, dans le camp de Langenstein. Deux ans de déportation
mineront votre santé et votre survie se jouera à quelques jours près, grâce à la libération
du camp par les Américains. Mais votre survie se jouera aussi par l’aide fraternelle
d’un infirmier français qui volait des médicaments pour vous sauver d’une
pneumonie, puis celle d’un mineur letton, qui vous avait pris en affection et qui chapardait
de la nourriture pour survivre et vous aider à supporter des conditions de vie
et de travail inhumaines. En revanche, vous refuserez toujours de participer à toute
forme d’emploi administratif dans la vie ou l’encadrement du camp d’internement,
ce qui vous aurait mis à l’abri du dénuement dans lequel vous avez vécu. Vous y
connaîtrez aussi la fraternité avec ses différentes facettes : d’un côté, celle du compagnon
qui partage un quignon de pain en dépit de l’extrême pénurie, du camarade
qui se charge d’une partie de votre travail malgré la fatigue, mais de l’autre, les rivalités
entre les petites fraternités qui se créaient, les cercles, les réseaux d’influence,
les mouvements politiques ou les nationalités… Mystère, ou plutôt misère, de
l’homme confronté à un palier de souffrances tel qu’il ne s’appartient plus ou qu’il
perd ses références intellectuelles, humaines et morales ! Vous avez encore eu rendez-
vous avec la mort à 30 ans, cette fois, à l’autre bout du monde, en Indochine.
Vous étiez de ces lieutenants et de ces capitaines pour lesquels de Lattre s’était
engagé jusqu’à l’extrême limite de ses forces, comme sentinelles avancées du monde
libre face à l’avancée de la menace communiste. D’abord à Talung, petit village à la
frontière de Chine, dont vous avez gardé pieusement une photo aérienne dans votre
bureau de Lyon. Si les combats que vous y avez menés n’eurent pas de dimension
stratégique, ils vous marquèrent profondément et définitivement par leur fin tragique
: contraint d’abandonner la Haute région, vous avez dû le faire à Talung, sans
préavis ni ménagement ; ainsi, vous et vos légionnaires, quittèrent les villageois, en
fermant les yeux de douleur et de honte ! Cette interrogation de l’ordre que l’on exécute
en désaccord avec sa conscience vous hantera longtemps, pour ne pas dire toujours
! Plus tard à la tête de votre compagnie du 2e Bataillon étranger de
parachutistes, vous avez conduit de durs et longs combats sous les ordres d’un chef
d’exception, le chef d’escadron Raffalli ; Nhia Lo, la Rivière Noire, Hoa Binh,
Nassan, la Plaine des Jarres. Au cours de ces moments, à l’instar de vos compagnons
d’armes ou de vos aînés, vous vous sentiez invulnérables ; peut-être même vous sentiez-
vous tout permis, parce que la mort était votre plus proche compagne : une balle
qui vous effleure à quelques centimètres du coeur, votre chef qui refuse de se baisser
devant l’ennemi et qui finit par être mortellement touché ; Amilakvari et Brunet de
Salrigné vous avaient montré le chemin, Segrétain, Hamacek, Raffalli et plus tard
Jeanpierre, Violès, Bourgin, autant de camarades qui vous ont quitté en chemin.
Parmi cette litanie, on ne peut oublier votre fidèle adjudant d’unité, l’adjudant
Bonnin, qui vous a marqué à tel point que, plus tard, vous veillerez à évoquer sa personnalité
et sa mémoire durant toutes vos conférences ! Et avec lui, se joignent tous
vos légionnaires, qui ont servi honnêtes et fidèles, qui sont morts dans l’anonymat
mais face à l’ennemi, et pour lesquels vous n’avez eu le temps de dire qu’une humble
prière. Tel est le mystère de la mort au combat, qui au même moment frappe un compagnon
à vos côtés et vous épargne, pour quelques centimètres ou une fraction de
seconde ! Dix ans plus tard, vous aurez encore rendez-vous avec la mort ! Mais cette
fois-ci, ce ne sera pas d’une balle perdue sur un champ de bataille, mais de 12 balles
dans la peau, dans un mauvais fossé du Fort d’Ivry. En effet, vous veniez d’accomplir
un acte grave, en vous rebellant contre l’ordre établi et en y entraînant derrière
vous une unité d’élite de légionnaires, ces hommes venus servir la France avec honneur
et fidélité. Or, retourner son arme contre les autorités de son propre pays reste
un acte très grave pour un soldat ; en revanche, le jugement qui sera rendu – 10 ans
de réclusion pour vous et le sursis pour vos capitaines – montre qu’en dépit de toutes
les pressions politiques de l’époque, en dépit des tribunaux d’exception et en dépit
de la rapidité du jugement, les circonstances atténuantes vous ont été reconnues.
Elles vous seront aussi reconnues cinq ans après, quand vous serez libéré de prison,
comme elles vous seront encore reconnues quelques années plus tard quand vous
serez réhabilité dans vos droits ; elles vous seront surtout reconnues par la nation et
par les media à travers le succès éblouissant de vos livres, celui de vos nombreuses
conférences et par votre témoignage d’homme d’honneur. Ces circonstances atténuantes
se transformeront finalement en circonstances exceptionnelles, lorsque, 50
ans plus tard, en novembre 2011, le Président de la République en personne vous élèvera
à la plus haute distinction de l’Ordre de la Légion d’honneur ; au cours de cette
cérémonie émouvante, qui eut lieu dans le Panthéon des soldats, nul ne saura si l’accolade
du chef des armées représentait le pardon du pays à l’un de ses grands soldats
ou bien la demande de pardon de la République pour avoir tant exigé de ses soldats
à l’époque de l’Algérie. Le pardon, par sa puissance, par son exemple et surtout par
son mystère, fera le reste de la cérémonie !… Aujourd’hui, vous nous laissez
l’exemple d’un soldat qui eut le courage, à la fois fou et réfléchi, de tout sacrifier
dans un acte de désespoir pour sauver son honneur ! Mais vous nous quittez en
sachant que beaucoup d’officiers ont aussi préservé leur honneur en faisant le choix
de la discipline. Le mot de la fin, si une fin il y a, car la tragédie algérienne a fait couler
autant d’encre que de sang, revient à l’un de vos contemporains, le Général de
Pouilly qui, au cours de l’un des nombreux procès qui suivirent, déclara, de façon
magistrale et courageuse, devant le tribunal : “ Choisissant la discipline, j’ai également
choisi de partager avec la Nation française la honte d’un abandon… Et pour
ceux qui, n’ayant pas pu supporter cette honte, se sont révoltés contre elle, l’Histoire
dira sans doute que leur crime est moins grand que le nôtre ” ! Et puis, quelque vingt
ans plus tard, alors que, depuis votre sortie de prison, vous aviez choisi de garder le
silence, comme seul linceul qui convienne après tant de drames vécus, alors que vous
aviez reconstruit votre vie, ici même à Lyon, vous êtes agressé un soir dans la rue par
deux individus masqués, dont l’un vous crie, une fois que vous êtes à terre : “ Taistoi
! On ne veut plus que tu parles ! ” Cette agression survenait après l’une de vos
rares interventions de l’époque ; elle agira comme un électrochoc et vous décidera
alors à témoigner de ce que vous avez vu et vécu à la pointe de tous les drames qui
ont agité la France au cours du XXe siècle. Ainsi, au moment où vous comptiez
prendre votre retraite, vous allez alors commencer une troisième carrière d’écrivain
et de conférencier. Alors que le silence que vous aviez choisi de respecter vous laissait
en fait pour mort dans la société française, ce nouvel engagement va vous redonner
une raison de vivre et de combattre ! Toujours ce mystère de la vie et de la mort !
Au-delà des faits et des drames que vous évoquerez avec autant d’humilité que de
pudeur, vous expliquerez les grandeurs et les servitudes du métier des armes et plus
largement de celles de tout homme. A l’égard de ceux qui ont vécu les mêmes
guerres, vous apporterez un témoignage simple, vrai, poignant et dépassionné pour
expliquer les drames vécus par les soldats qui, dans leur prérogative exorbitante de
gardiens des armes de la cité et de la force du pays, sont en permanence confrontés
aux impératifs des ordres reçus, aux contraintes de la réalité des conflits et aux exigences
de leur propre conscience, notamment quand les circonstances deviennent
exceptionnellement dramatiques. A l’égard des jeunes générations, qui n’ont pas
connu ces guerres, ni vécu de telles circonstances, mais qui vous ont écouté avec ferveur,
vous avez toujours évité de donner des leçons de morale, ayant vous-même trop
souffert quand vous étiez jeune des tribuns qui s’indignaient sans agir, de ceux qui
envoyaient les jeunes gens au front en restant confortablement assis, ou de notables
dont la prudence excessive servait d’alibi à l’absence d’engagement. Vous êtes ainsi
devenu une référence morale pour de nombreux jeunes, qu’ils fussent officiers ou
sous-officiers ou plus simplement cadres ou homme de réflexion. Puis dans les dernières
années de votre vie, vous avez aussi eu plusieurs rendez-vous avec la mort, car
votre “ carcasse ” comme vous nous le disiez souvent, finissait par vous jouer des
tours et le corps médical, avec toute sa compétence, sa patience et son écoute, ne pouvait
plus lutter contre les ravages physiques des années de déportation, les maladies
contractées dans la jungle indochinoise et les djebels algériens, les conséquences des
années de campagnes, d’humiliation ou de stress. Pourtant, vous avez déjoué les pronostics
et vous avez tenu bon, alors que vous accompagniez régulièrement bon
nombre de vos frères d’armes à leur dernière demeure ! Là encore, le mystère de la
vie et de la mort vous collait à la peau. Et puis, aujourd’hui, Hélie, notre ami, vous
êtes là au milieu de nous ; vous, l’homme de tous les conflits du XXe siècle, vous
vous êtes endormi dans la paix du Seigneur en ce début du XXIe siècle, dans votre
maison des Borias que vous aimiez tant, auprès de Manette et de celles et ceux qui
ont partagé l’intimité de votre vie. Mais, Hélie, êtes-vous réellement mort ? Bien sûr,
nous savons que nous ne croiserons plus vos yeux d’un bleu indéfinissable ! Nous
savons que nous n’écouterons plus votre voix calme, posée et déterminée ! Nous
savons aussi que lors de nos prochaines étapes à Lyon seule Manette nous ouvrira la
porte et nous accueillera ! Nous savons aussi que vos écrits sont désormais achevés !
Mais, Hélie, à l’instar de tous ceux qui sont ici présents, nous avons envie de nous
écrier, comme cet écrivain français : “ Mort, où est ta victoire ? ” Mort, où est ta
victoire, quand on a eu une vie aussi pleine et aussi intense, sans jamais baisser les
bras et sans jamais renoncer ? Mort, où est ta victoire, quand on n’a cessé de frôler
la mort, sans jamais chercher à se protéger ? Mort, où est ta victoire, quand on a toujours
été aux avant-gardes de l’histoire, sans jamais manquer à son devoir ? Mort, où
est ta victoire, quand on a su magnifier les valeurs militaires jusqu’à l’extrême limite
de leur cohérence, sans jamais faillir à son honneur ? Mort, où est ta victoire, quand
on s’est toujours battu pour son pays, que celui-ci vous a rejeté et que l’on est toujours
resté fidèle à soi-même ? Mort, où est ta victoire, quand après avoir vécu de
telles épreuves, on sait rester humble, mesuré et discret ? Mort, où est ta victoire,
quand son expérience personnelle, militaire et humaine s’affranchit des époques, des
circonstances et des passions et sert de guide à ceux qui reprendront le flambeau ?
Mort, où est ta victoire, quand après avoir si souvent évoqué l’absurde et le mystère
devant la réalité de la mort, on fait résolument le choix de l’Espérance ? Hélie, notre
frère, toi qui a tant prôné l’Espérance, il me revient maintenant ce vieux chant scout
que tu as dû chanter dans ta jeunesse et sans doute plus tard, et que tous ceux qui sont
présents pourraient entonner : “ Ce n’est qu’un au revoir, mon frère ! Ce n’est qu’un
au revoir ! Oui, nous nous reverrons Hélie ! Oui, nous nous reverrons ” ! Oui,
Hélie, oui, nous nous reverrons à l’ombre de Saint Michel et de Saint Antoine, avec
tous tes compagnons d’armes, en commençant par les plus humbles, dans un monde
sans injure, ni parjure, dans un monde sans trahison, ni abandon, dans un monde sans
tromperie, ni mesquinerie, dans un monde de pardon, d’amour et de vérité ! A Dieu,
Hélie… A Dieu, Hélie et surtout merci ! Merci d’avoir su nous guider au milieu des
“ champs de braise ! ”.

En savoir plus sur Hélie de Saint-Marc




Livre : Des services secrets pour la France (1856-2013)

A l’origine, un Mémoire adressé au ministère de la Guerre en 1856, vibrant plaidoyer pour la création d’un service de renseignement efficace et centralisé. Son auteur, le capitaine Joseph Tanski, précurseur de l’espionnage à la française, appelait les responsables militaires à inventer de nouvelles méthodes pour regrouper et analyser l’information.

160 ans plus tard, la réforme de Nicolas Sarkozy permet enfin à la France de disposer d’une communauté du renseignement mieux adaptée aux menaces du XXIe siècle. Entre-temps, les atermoiements politiques, les rivalités entre services, les querelles entre le Quai d’Orsay et le ministère de la Guerre auront longtemps constitué un handicap pour l’efficacité du renseignement français.

De la naissance des premières structures d’espionnage sous le Second Empire à la création de la DCRI en 2008, de la guerre de Crimée à l’ère post-guerre froide en passant par le 2e Bureau, le BCRA et la DGSE, Gérald Arboit signe la première étude de fond sur l’histoire de nos services secrets. S’appuyant sur de nombreuses archives déclassifiées et libérées des fantasmes, il montre qu’après s’être longtemps désintéressés du renseignement, les responsables militaires et politiques ont compris son importance dans leur rivalité avec l’Allemagne. Engagée dès les années 1900, la professionnalisation des espions et contre-espions permettra alors d’engranger des succès incomparables mais il faudra attendre la fin de la guerre froide pour que voient le jour des services secrets formés aux technologies nouvelles, au contre-terrorisme ou à l’intelligence économique.

 
Gérald ARBOIT
Historien spécialiste des relations internationales contemporaines, ancien auditeur de l’Institut des hautes études de Défense nationale, Gérald Arboit est directeur de recherche au sein du Centre français de recherche sur le renseignement. Il est notamment l’auteur de James Angleton, le contre-espion de la CIA (2007) et de La Guerre froide (2012).



Henri Giraud : l’évasion d’un général d’armée

Sorti de Saint-Cyr en juillet 1900, jeune capitaine au 4ème régiment de zouaves, il est blessé d’une balle au poumon et laissé pour mort sur le champ de bataille de Guise, le 30 août 1914. Fait prisonnier par les Allemands, il s’évade le 30 octobre 1914 de l’hôpital d’Origny-Sainte-Benoîte.

Il rejoint le Maroc, pour de grandes victoires. Dar-Caïd-Medboh contre Abd-el-Krim, alors que Lieutenant-colonel il commande le14ème Tirailleurs Marocains, celle du Djebel-Sagho, sa prise du Tafilalet, sa liaison d’une sensationnelle témérité, avec les forces du Soudan, au milieu du désert à Bir-Moghrein, alors qu’il est Général.
Toutes ces victoires remportées de sa propre initiative, et parfois en dehors même des ordres du commandement, préfigurent longtemps à l’avance le Giraud qu’il sera en 1942, le Giraud d’Alger.

Le préfigure aussi son attitude cassante et désinvolte à l’égard de certains membres du Gouvernement en la trouble année de 1936, alors qu’il est Commandant de la sixième région Militaire et gouverneur de Metz. Il s’en faut de peu que sa carrière ne soit brusquement interrompue. Mais il est si populaire parmi la troupe, que l’on hésite et puis la Guerre de 1939, menace.

En mai 1940, aux frontières de Hollande, il est à la tête de la VII Armée. Un haut commandement ayant perdu tout sang froid, tout esprit de manoeuvre, lui enlève par une succession d’ordres impératifs ses meilleures divisions, pour lui confier les débris de la IX armée. Le 19 mai 1940, il est fait prisonnier par les Allemands. Le 17 avril 1942, il s’évadera de Königstein (Elbe). Le 8 novembre 1942, les Américains débarquent au Maroc et en Algérie. Giraud prévenu, a été sollicité par eux pour prendre le commandement des opérations à la tête de l’armée d’Afrique, qu’il relancera dans la guerre aux cotés des Alliés, afin de rendre à la France sa place de grande puissance et la délivrer de l’oppression ennemie. Il a accepté.

Le 24 décembre 1942, muni de tous les pouvoirs, il va pleinement s’accomplir. Giraud inspire confiance, à son appel beaucoup de réservistes français et indigènes ont remis le sac au dos. Très rapidement, il aura avec lui prés de 350.000 hommes de cette Armée d’Afrique, sauvegardée par la clairvoyance du Général Weygand.
C’est lui, qui prépare les plans de la bataille de Tunisie et conduit à l’écrasement de l’Afrika-Corps de Rommel à Tunis et à Bizerte. Avec l’appui matériel de nos alliés américains, il fera de cette armée d’Afrique, une armée moderne un outil de premier ordre, dont la pointe d’acier ira pénétrer comme un doigt vengeur jusqu’au coeur de l’Allemagne. C’est lui, avec le Général Juin, qui met sur pied l’organisation de l’immortelle campagne d’Italie, qui allait donner aux Français la gloire d’enfoncer l’ennemi sur le Garigliano pour s’en aller défiler dans Rome libéré.

Le 24 janvier 1943, les accords d’Anfa concrétisent les accords Murphy-Giraud du 2 novembre 1942:

  • Armement de 11 Divisions françaises.
  • Parité du franc et du dollar.
  • Loi prêt-bail.
  • Souveraineté des territoires administrés par la France.

Fort de son soutien des militaires et malgré les conseils de collaborateur vigilants, Giraud invitera le Général de Gaulle à venir partager ses pouvoirs avec lui, à Alger. Les deux hommes ne pourront s’entendre. Voulant passionnément l’union de tous les Français, le Général ne peut admettre la séparation de Londres et d’Alger. Il dira “Je ne veux pas donner le spectacle de deux Généraux français se disputant entre eux, alors que leur pays agonise sous la botte allemande”.
Juillet 1943. Voyage en Amérique. Le Président Roosevelt octroie la totalité du matériel que le Général Giraud réclame pour l’armée française.
C’est aussi lui, chef incontesté, qui prend la décision du débarquement en Corse, offrant aux français leur premier département libéré, et mettant à la disposition de nos Alliés un magnifique porte-avions à proximité des côtes de Provence.

La libération de la Corse, initiative individuelle, en accord avec les Alliés, sera à l’origine du remaniement du CFLN. Ordonnance et décret rapidement adoptés à la majorité, détermineront la séparation du pouvoir du Gouvernement (commissariat) et de l’autorité de commandement. Le Général Giraud restera Commandant en chef sous les ordres du commissaire à la Défense Nationale. L’exploitation calomnieuse de l’affaire Pierre Pucheu, viendra à point pour précipiter l’éviction du Général du commandement des Armées. Il se verra proposer par le CFLN, le poste Honorifique, d’Inspecteur Général des Armées.

Le 17 avril 1944, peu enclin aux intrigues, Giraud, fidèle à sa volonté d’union, refusant le poste proposé, se laissera écarter, puis évincé du Gouvernement. Le 21 avril 1944, son avion quittera ce même jour Boufarik, pour l’emmener en exil “Volontaire” dans le village de Mazagran situé à deux kilomètres à l’ouest de Mostaganem. Le 28 août 1944, à 18 h45, une balle frappe le Général Giraud sous le maxillaire gauche pour ressortir sous le médullaire. Le Général est blessé mais vivant. Version officielle: Attentat causé par un tirailleur sénégalais ivre. Le meurtrier sera condamné à mort à Oran au début de 1945.

L’homme qui a préparé le débarquement américain en Afrique, qui a libéré la Tunisie, la Corse, qui a contribué à organiser l’armée française de la Libération qui devait s’illustrer dans les campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne, s’est éteint à l’Hôpital militaire de Dijon le 11 mars 1949. Quelques jours avant, il avait reçu la veille la médaille militaire, la plus haute distinction pour un officier Général. Ainsi disparaissait à 70 ans ce grand soldat qui, par sa bravoure, son audace, son courage indomptable et son patriotisme, incarnait les plus nobles vertus militaires, celui qui s’interdisait et interdisait aux siens de se résigner à la défaite, celui que la France reconnut comme l’une des gloires les plus pures de son armée et à qui il fera des obsèques nationales. Le Général Henri Giraud, repose avec les autres grands capitaines de notre Histoire, dans la crypte de la Chapelle Saint-Louis des Invalides.

En savoir plus sur le Général Henri Giraud :

De J.C. Petermann, d’après des notes du Général Chambe et de “Un seul But la Victoire” H Giraud – Julliard 1949




Congrès 2014 : Les discours du Président de l’AASSDN

Cérémonie du 8 Mai 2014 à RamatuelleVous trouverez ici deux discours du Colonel Henri Debrun, Président de l’AASSDN, prononcés en marge du congrès de l’AASSDN de Ramatuelle, pour le 70e anniversaire du débarquement de 1944 :




2014 : 70 ans après le Débarquement de Normandie

Du 5 juin au 21 août 2014, la Normandie célébrera le 70e anniversaire du Débarquement et de la bataille de Normandie.

Cet anniversaire sera un temps de recueillement et de communion nationale et internationale, mais aussi un moment privilégié pour la transmission de la mémoire et le partage des valeurs fondamentales pour lesquelles tant de jeunes hommes sont allés jusqu’au sacrifice suprême : la paix, la liberté, la fraternité, la dignité de l’Homme.

Cet anniversaire sera notamment l’occasion d’évoquer le sort de personnalités des Services Spéciaux, souvent inconnues du grand public, et qui sont mortes pour la France. Les Services Spéciaux ont joué un rôle clé dans le débarquement de Normandie, notamment avec Paul Paillole, qui a été le premier officier français associé à la préparation du débarquement de Normandie :

Le 15 avril 1944, le SHAEF (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force), le quartier général des forces alliées en Europe nord-occidentale commandé par le Général Dwight Eisenhower, demande au président du Comité français de Libération nationale (CFLN), chef des armées, d’avoir la participation de Paul Paillole et du service de sécurité militaire SSM aux missions de sécurité et de CE dans les territoires qui doivent être libérés. L’intervention des Services français a ainsi contribué à éviter ainsi que la France ne devienne un territoire administré par l’AMGOT, le gouvernement militaire allié après la libération.




Archives inédites : Les courriers Alger-métropole perdus en 1944

Peu avant le 15 août 1944, Le réseau TR « Camélia » avait expédié son courrier mensuel (de la métropole à Alger) qui devait normalement emprunter des filières terrestres jusqu’à Barcelone puis un sous-marin de Barcelone à Alger.

 
Mais le 15 août se produisit le Débarquement Allié en Provence. Pour des raisons qui nous échappent aujourd’hui le courrier « Camélia » ne put franchir la frontière pyrénéenne et, après des péripéties variées, finit par échouer en Suisse où il fut pris en charge par le poste TR de Berne. Le temps avait passé, la Libération de la France s’achevait et une grande partie des renseignements contenus dans le courrier « Camélia » avait perdu tout intérêt.
 
Tous les renseignements politiques, économiques ou militaires étaient soit périmés, soit moins complets que les archives officielles Vichystes dont disposaient désormais les autorités Gaullistes. Le Chef du poste TR de Berne utilisa donc uniquement la quarantaine de pages du courrier qui avait encore de l’intérêt (identification d’agents ennemis ou de personnels du Sicherheitdienst [ SD ] et renseignements encore actuels sur l’Abwehr ou la Gestapo).
Le reste du courrier fur gardé tel quel et … versé tel quel aux archives de la Centrale lorsque dernière eut regagné Paris. Quelques années plus tard ce paquet poussiéreux allait être incinéré lorsqu’il fut reconnu par l’ancien Chef de « Camélia ». Ce dernier obtint de ses supérieurs l’autorisation de conserver à titre de souvenirs cette liasse de papiers qui lui rappelait bien des choses.
C’est ainsi qu’un « courrier mensuel » presque intact des Inspections TR, c’est-à-dire grosso modo le tiers d’un courrier mensuel du réseau TR, peut être étudié encore aujourd’hui, à des fins historiques.



Allemagne : Organigramme de la police de Himmler

Cet organigramme de la police allemande a été établi en 1944 d’après les renseignements recueillis par le C.E. français et recoupés par les interrogations de Chefs SS.
Les Kommandos sont des formations souples constitués (en principe) sur le modèle de l’organe d’origine (R.S.H.A ou Abwehr)




Hommage à Pierre de Villemarest, spécialiste de l’espionnage soviétique

Pierre Faillant de Villemarest, ancien résistant, ex-membre des services secrets français, journaliste et spécialiste de l’espionnage soviétique, est mort vendredi 22 février 2008 à l’âge de 85 ans, a annoncé dimanche à l’AFP l’Association des Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale (AASSDN).

Né à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) le 10 décembre 1922, M. de Villemarest avait interrompu ses études de droit et de sciences politiques pour rejoindre la Résistance dès septembre 1940, en participant à la création de La Dernière Colonne, notamment avec Emmanuel d’Astier de la Vigerie, noyau de Libération-Sud.

En désaccord politique avec des dirigeants de Libération-Sud, il avait rejoint le maquis du Vercors en 1943, comme officier de renseignements du réseau Kléber.

Après la guerre, il avait travaillé pendant cinq ans à la Direction Générale des Etudes et Recherches (DGER, ancêtre de la DGSE) en Autriche et en Allemagne du sud pour repérer les anciens agents nazis.

Il fut journaliste à l’AFP pendant plusieurs années, puis à l’hebdomadaire Valeurs Actuelles et au mensuel Spectacles du Monde.

Pierre de Villemarest est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages, notamment sur l’espionnage soviétique dont il fut un spécialiste reconnu durant la Guerre froide, comme “L’espionnage soviétique en France 1944-1969”, paru en 1969 (*), ou “GRU, le plus secret des services soviétiques” (1988) (*).

Son dernier ouvrage (“Le KGB au coeur du Vatican”, éditions de Paris) était paru en 2006.(*)

Il était décoré de la Croix de guerre 39-45, de la Croix du combattant volontaire de la Résistance et de la Médaille des Engagés Volontaires.

Pierre Faillant de Villemarest était entré dans l’Amicale des Anciens des Services Spéciaux en 1956. A ses obsèques, qui ont eu lieu dans l’intimité, l’AASSDN a été représentée par le Président National et le Délégué Normandie.

C’est avec une grande tristesse que l’équipe qui fait vivre ce site a appris cette brutale disparition ; il avait toujours aidé et encouragé à poursuivre la construction de www.aassdn.org.

Nous tenons à présenter nos sincères condoléances à ses proches et nous associons à leur peine.

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Travaux Ruraux et le réseau des fleurs (1943-1944)

Au début de l’année 1943 l’organisation TR est gravement touchée. Le Commandant Paillole, chef de l’ensemble SSM -TR et le Capitaine Lafont chef des TR en France  Occupée vont devoir procéder à un complet remaniement du service de contre-espionnage clandestin. L’ancienne organisation, trop hiérarchisée et pyramidale, fut remplacée par une autre plus souple et décentralisée.
 
Les 4 Anciens Postes ainsi que leurs annexes, vont êtres remplacés par des Postes Autonomes plus légers mais aussi plus nombreux.
Cette nouvelle structure fonctionnera dès le printemps 1943 sous des pseudos de ” Noms de fleurs “.
Lire le document ci-dessous pour plus d’informations sur l’organisation et les hommes clés.

 En savoir plus :

  • Le Service de Renseignements 1871-1944, Général Henri Navarre, édition Plon 1978
  • Paul PailIoIe “Services spéciaux”, Robert Laffont, Paris 1975



Hommage à l’Abbé George Lapouge (Dec 2013)

Discours du Colonel Henri Debrun, Président de l’AASSDN, le 3 Décembre 2013 :

Permettez-moi de vous appeler encore ainsi aujourd’hui comme nous avions coutume de le faire, avec ce mélange de respect, d’admiration, d’attachement si représentatif de l’esprit qui nous anime toujours depuis la création, voici 60 ans, de l’ASSDN que vous avez rejointe peu après pour en devenir très vite l’aumônier jusqu’au début de ce siècle.

Abbé Lapouge en 1998

Pendant toutes ces années, vous avez apporté, d’abord à vos compagnons de guerre et à leurs familles, puis à ceux qui progressivement leur ont succédé, votre présence, votre sollicitude, votre foi communicative, votre dévouement de prêtre, votre regard d’homme d’église, votre lucidité parfois percutante, élevant nos pensées en gardien de nos âmes, émaillant notre vie associative d’homélies qui ont gravé nos mémoires lors des offices religieux de nos grands rassemblements. A bien des reprises, vous nous avez aidés à sublimer nos vies. Et vous avez eu la sagesse de confier ce ministère exercé pendant près de 40 ans à celui qui était votre discipline et votre fidèle ami, le Père Pierre Molin qui, lui, l’exerça plus de 10 ans et que Dieu rappela il y a juste 4 ans.

Aujourd’hui, vous l’avez rejoint comme vous avez rejoint toute la cohorte de vos compagnons de guerre : le Colonel Paillole, son épouse, le Général Rivet, le Général Navarre, le Colonel Lafont, dit « Verneuil » et bien d’autres, les responsables des services spéciaux militaires et des réseaux, tous ceux qui ont servi la France pendant ces années terribles dont les hauts risques des actions clandestines sont à présent volontiers estompés ainsi que celles et ceux qui ont fait sacrifice de leur vie dans des conditions difficiles à imaginer mais dont notre Mémorial national de Ramatuelle perpétue le souvenir de manière impérissable.

Cette « Pierre de Mémoire » sur laquelle sont gravés près de 320 noms de Morts pour la France au titre des services spéciaux pendant la guerre fut inaugurée le 3 mai 1959 par Monsieur Edmond Michelet, Ministre d’Etat, représentant le Général de Gaulle, Président de la République.

Vous avez célébré la messe de cette solennelle inauguration et en avez prononcé l’homélie. Vous étiez assurément le plus digne pour cet office religieux étant donné vos états de service pendant la guerre que je me dois d’exposer mais, rassurez-vous, succinctement. Accordez-moi seulement la latitude de prendre quelques libertés avec votre modestie et votre sens de la discrétion.

« Parachutiste – Thomiste – Canoniste »

A une certaine époque vous aimiez vous présenter ainsi :

  • « Parachutiste » : Le service de la France qui vous a toujours animé.
  • « Thomiste » : l’intelligence au service de la foi qui vous a toujours guidé dans votre sacerdoce.
  • « Canoniste » : Le droit pour que justice soit rendue, qui vous a mené à la fonction que vous avez exercée au tribunal de la Rote du Vatican.

Je parlerai bien sûr essentiellement de votre engagement au service de la France.

Dès l’été 1940, refusant la situation désespérée de notre pays, vous créez en liaison avec le S.R. de l’Armée comme officier de renseignement, un vaste réseau couvrant la Bretagne, le Nord de la France, la Belgique et le sud des Pays-Bas. Vous êtes nommé capitaine et chef de mission. C’est déjà le réseau « Roy », nom de votre alias, qui regroupera plus de 500 agents. Ce réseau recueille et transmet un nombre important de renseignements et de documents sur les forces de l’occupant. Le 31 décembre 1941 vous êtes arrêté à la frontière belge mais réussissez à vous évader début janvier 1942 en gare de Lille. Vous sécurisez alors votre réseau que vous continuez à diriger pleinement, ayant interrompu vos études au séminaire de Saint Sulpice.

Recherché activement par la Gestapo après l’arrestation en février 1943 de deux de vos compagnons, vous poursuivez cependant vos activités et échappez de justesse aux souricières tendues. Entre temps vous avez lancé un autre réseau « Manipule ».

Coupé de nos services depuis l’invasion de la zone dite « libre », vous décidez de gagner l’Afrique du Nord en passant par l’Espagne. Arrêté à Bilbao, vous êtes transféré à Burgos puis interné au camp de Miranda que vous quittez en juillet 1943 pour le Maroc en tant que ressortissant canadien. Vous reprenez alors contact avec le S.R. dirigé par le Colonel Rivet à Alger et, après plusieurs stages spécialisés vous êtes parachuté le 9 janvier 1944 en Haute Loire pour accomplir, avec votre réseau « Roy », une importante mission en vue du débarquement de Provence, en liaison avec l’OSS américain auprès duquel vous êtes détaché par la DGER.

Pour cette mission à très haut risque dans laquelle deux de vos radios périrent à Saint Génis Laval, les plus belles citations vous sont décernées :

Par le Général Patch, commandant la 7ème Armée américaine dans l’opération Dragoon, citation qui vous fut remise par le Général Eisenhower : « A Georges Lapouge, pour services exceptionnellement méritoires et courageux rendus au gouvernement des Etats-Unis et à ses alliés, du 9 janvier au 30 août 1944. A organisé un des plus efficaces et fructueux réseaux de renseignements opérant dans le sud de la France. A fourni un grand nombre d’informations précises sur la zone de l’objectif et des renseignements de dernière heure furent transmis par radio au commandement de l’opération alors en pleine mer, en route pour la France. Son ordre de bataille allemand était parmi les meilleurs reçus par l’état-major allié. L’habileté et le courage exceptionnels dont Georges Lapouge a fait preuve pour les forces alliées font honneur à la France. Le gouvernement des Etats-Unis a envers lui une grande dette de reconnaissance pour les services rendus ».

Par le Général de Gaulle vous nommant chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire et vous décernant la Croix de Guerre avec palme : « Dès juin 1940, a constitué un réseau de renseignement. Arrêté en décembre 1942, a réussi à s’échapper. En 1943, a rejoint l’Afrique du Nord en passant par l’Espagne. Parachuté en territoire occupé par l’ennemi le 9 janvier 1944, a repris la direction de son réseau jusqu’à la Libération, transmettant à Alger un millier de messages sur le stationnement des troupes ennemies, ses mouvements, ses fortifications, ses états-majors. A fait parvenir par pick-up un volumineux courrier considéré comme de la plus haute importance pour la conduite des opérations de débarquement ».

Par le Prince Régent de Belgique en 1949, vous nommant officier de l’Ordre de Léopold II avec palme et vous décernant la Croix de Guerre belge avec palme : « Organisateur et chef remarquable a mis sur pied dès le début de 1941 un très important réseau de renseignement opérant dans la zone nord française et dans le sud des Pays Bas. A fourni un nombre considérable de rapports de tout premier ordre sur l’ensemble de l’activité ennemie dans ces régions, rendant par ses recherches méthodiques et le contrôle rigoureux des documents recueillis d’inappréciables services à la cause de la Libération ».

Ordonné prêtre en 1947 après avoir repris vos études de séminariste, vous poursuivez des activités militaires comme officier de réserve au 11ème Bataillon de Choc et êtes promu chef de bataillon. Titulaire de la Médaille de la Résistance française, de la Croix du Combattant, de la Croix du Combattant volontaire de la Résistance et de la Médaille des Evadés vous avez été promu officier de la Légion d’honneur.

Un de vos anciens compagnons de combats clandestins a écrit à votre sujet : « N’hésitant jamais à prendre ses responsabilités, assurant toujours les missions les plus dangereuses, d’une prudence à toute épreuve lorsqu’il s’agissait de la vie de ses collaborateurs, l’Abbé Lapouge les a attirés par la pureté de son idéal patriotique et les a guidés avec un inlassable dévouement. »

Mais de tout cela, « Padre », vous aviez si peu parlé en 70 ans. Pardonnez-moi d’avoir tenté de le révéler aujourd’hui pour vous rendre l’hommage déférent que nous vous devons, contrevenant, j’en suis conscient, à votre discrétion bien connue.

A présent, nous vous saluons respectueusement « Padre » et vous demandons amicalement de veiller sur nous de « Là-haut »