Farewell : Conséquences géopolitiques d’une grande opération d’espionnage

En mars 1981 débuta à Moscou l’une des plus grandes opérations d’espionnage du siècle dernier, l’Affaire Farewell : le colonel du KGB Vladimir Vetrov remettait à un Français mandaté par la DST les premiers documents prouvant l’ampleur du pillage scientifique et technologique soviétique à l’Ouest. Les deux blocs sont alors en pleine Guerre froide et François Mitterrand, récemment élu, révèle au président Reagan les dessous de cette affaire avant d’ordonner l’expulsion de 47 « diplomates » soviétiques.
Plusieurs acteurs-clés de l’opération révèlent ici ses aspects restés encore secrets, à Moscou, à Paris et à Washington.
Entre autres, le lecteur découvrira les témoignages inédits de l’homme qui était au contact de Vetrov à Moscou, et de Richard V. Allen, conseiller à la Sécurité nationale du président Reagan, qui explique comment Reagan et la CIA ont utilisé les renseignements de Farewell pour perturber le complexe militaro-industriel soviétique. Et accélérer la chute de l’URSS.
À travers les interventions de Raymond Nart pour la DST, de Daniel Vernet, correspondant du Monde à l’époque, de Françoise Thom, Bertrand Warusfel et Olivier Forcade, mais aussi d’Igor Preline qui apporte le point de vue soviétique du KGB, Farewell éclaire les dernières zones d’ombre d’une des plus singulières affaires d’espionnage des années quatre-vingts.

 

Table des Matières

Les Auteurs.

  •  Présentation, Olivier Forcade
  • Introduction, Patrick Ferrant

Résumé de l’Opération Farewell menée par la DST à Moscou

1.Une nouvelle guerre froide à la fin de la guerre froide : le contexte de l’affaire Farewell

  • Histoire d’ambiance, Daniel Vernet
  • Le Contexte chronologique
  • Quelques questions sur la guerre du renseignement
  • Le Renseignement pendant la guerre froide a-t‑il fait la différence ?
  • la guerre du renseignement depuis 1960

2. Qui était le colonel Vetrov, alias Farewell ?

  • Les hommes doubles
  • Quelle était la possibilité d’un conflit Est-Ouest ?
  • Ce qu’en dit la CIA
  • Le ressenti de la guerre côté soviétique
  • l’espionnage scientifique et technique
  • Contribution des pays satellites
  • Le parcours du combattant du défecteur : le cas Farewell

3. L’affaire Farewell vue du côté américain, Richard V. Allen

4. Les personnages de l’affaire Farewell

  • Le Président Reagan
  • Reagan et Mitterrand.
  • L’entrée en scène de Gus Weiss
  • L’après FAREWELL

5. L’exploitation du dossier Farewell et le renforcement des contrôles sur les échanges technologiques sensibles, Bertrand Warusfeld

6. L’après Farewell à la DST, Raymond Nart, ancien responsable à la DST

7. L’Affaire Farewell en URSS

  • Le KGB en 1982
  • Les Vétérans du KGB parlent de Farewell
  • Le complexe militaro-industriel et sa logique
  • L’Affaire Vetrov analysée par Igor Preline

8. Les origines de la perestroïka, Françoise Thom

Conclusion, Olivier Forcade

ANNEXES

  • Annexe 1 : Les organisateurs du colloque du 9 novembre 2012
  • Annexe 2 : Minutes de la réunion du National Security Council du 6 juillet 1981
  • Annexe 3 : Réunion du Conseil de Sécurité Nationale, Jeudi 9 juillet 1981
  • Annexe 4 : Memorandum the White House
  • Annexe 5 : 1981 07 08 CIA Memorandum sur Pipeline Siberian
  • Annexe 6 : The Farewell Dossier, Gus Weiss
  • Annexe 7 : Directive number 75
  • Annexe 8 : Conclusion de l’étude de Nicholas Dujmovic
  • Annexe 9 : Le Sommet d’Ottawa, 20‑21 juillet 1981
  • Annexe 10 : Liste des ouvrages consacrés à l’affaire Farewell



Biographie du Général Louis Rivet

Né en 1883 à Montalieu dans l’Isère, il sort de l’Ecole d’Officiers de Saint-Maixent en 1909.

En 1914, il est blessé et capturé au cours de la bataille des frontières.

En 1919, revenu de captivité, il entre avec le grade de capitaine, dans les services spéciaux militaires. En 1920 il est affecté à l’antenne de Mayence, puis en 1921 il fait partie de la mission militaire envoyée à Varsovie, où l’excellente entente franco-polonaise permet de jeter les bases d’un renseignement polonais qui sera à l’origine du déchiffrement de la célèbre machine à coder allemande : Enigma.

De 1924 à 1926 il est à Berlin où il poursuit son activité d’officier de renseignement sous le couvert d’une « mission de recherche des disparus en Allemagne ».

En 1926-1927 il accomplit en France une période de commandement militaire, puis il est affecté de 1928 à 1931 au poste S.R. de Belfort. Promu au grade de commandant, il dirigera celui de Lille jusqu’en 1935 (le BENE : Bureau d’Etudes du Nord-Est), à l’heure où les Nazis sont arrivés au pouvoir en Allemagne et où le France a évacué les territoires allemands qu’elle occupait depuis 1919.

En 1935 promu lieutenant-colonel, il est à Paris où il prendra la tête des services spéciaux militaires (SR, SCR) en 1936. Là une intense activité de renseignement – où se distingueront Gauché (deuxième bureau), Bertrand (service du chiffre), Schlesser, puis Paillole à la tête du contre-espionnage – fournira à l’état-major de l’armée des renseignements très précis sur le réarmement allemand. Et les hommes du renseignement français inscriront à leur actif la poursuite du déchiffrement du code Enigma grâce à Hans Thilo Schmidt, frère d’un officier allemand haut placé, qui leur a vendu de précieuses informations.

En 1940 la défaite entraîne le colonel Rivet et les hommes du SR et du CE jusque dans le sud-ouest. En plein désastre ils se déclarent, avec leur chef, déterminés à continuer la lutte en en faisant serment le 25 juin 1940  à Bon Encontre près d’Agen.

Transportés à Vichy et dans la région Auvergne, ses services, liés a l’Etat-major de l’Armée, continuent à fonctionner de manière clandestine en zone libre sous la direction du colonel Rivet, qui, atteint par l’âge de la retraite en 1940, est néanmoins maintenu dans ses fonctions.

L’invasion de la zone libre en novembre 1942 ne permettant plus le fonctionnement d’un service de renseignement en France, le Colonel  Rivet ainsi que ses principaux collaborateurs, le colonel Ronin et le commandant Paillole, gagnent Alger. Là il se trouvera d’abord sous les ordres du commandant en chef, le général Giraud. Puis le général de Gaulle, qui quitte Londres pour Alger en 1943, imposera la fusion de son propre service de Londres, le BCRA, avec les services spéciaux militaires.

En avril 1944 le colonel Louis Rivet nommé général  est admis a la retraite .  Les Américains lui confèrent la Legion of Merit.

Ses hommes l’avaient surnommé familièrement et affectueusement « Petit Louis ».

Le général Rivet est mort à Paris le 12 décembre 1958.




Amiral Pierre LACOSTE : “Osons dire les non-dits” (2013)

Depuis qu’Internet a étendu sa toile sur toute la planète, on peut dire que
jamais dans l’histoire de l’humanité la “ société de l’information ” n’avait joué
un si grand rôle dans les politiques et dans les stratégies des institutions étatiques
et des entreprises privées de l’économie mondiale. Mais, paradoxalement, alors
que les discours édifiants des candidats aux élections dans les démocraties occidentales
se targuent d’agir en toute “ transparence ”, ils évitent prudemment
d’évoquer les “ zones d’ombres ” qui subsistent dans leurs sociétés respectives.
Les “ non-dits ” ne couvrent pas seulement les scandales périodiquement
révélés par quelques habiles journalistes d’investigation. Ils n’épargnent aucun
parti politique, aucune collectivité humaine. Certes ces francs-tireurs profitent
des lois sur la liberté de la presse qui caractérisent les démocraties authentiques.
Mais il faut beaucoup de courage à leurs homologues de régimes autoritaires et
des “ États faillis ” pour poursuivre et publier leurs investigations, parfois au
péril de leurs vies.

Un des sujets les plus sensibles à cet égard est celui de la corruption parce
qu’elle prend les formes les plus variées et qu’aucune institution n’est à l’abri des
manoeuvres frauduleuses de quelques-uns de ses membres. On la dénonce chez
l’adversaire, mais on feint de l’ignorer chez soi !

De Tien an Men aux “ printemps arabes ” la révélation des scandaleux privilèges
des pouvoirs en place et des familles de leurs dirigeants, a été à l’origine
des révoltes populaires remettant en cause les régimes précédents. En décembre
2012, les déclarations publiques de l’ancien et du nouveau maître de la Chine
populaire ont été très significatives : le sacro-saint parti communiste chinois luimême
est interpellé après la révélation des comportements frauduleux de Bo
xilai, l’ancien premier secrétaire du parti de Chonking et de sa richissime épouse.
En Chine la corruption va probablement être traitée comme une affaire d’État.
L’Église catholique en a été victime à travers l’IOR, l’Institut pour les oeuvres
de Religion. Les déclarations du nouveau président de la “ banque du Vatican ”
sont tout à fait claires : en confirmant les non-dits et les insuffisances du contrôle
des flux financiers qui ont eu lieu dans le passé, il reconnaît la gravité des
manoeuvres frauduleuses des quelques menteurs et escrocs qui ont abusé
l’Institution. Il veut rétablir sa réputation en renonçant aux prudences du silence,
amplificateurs des rumeurs et responsables de perceptions très négatives de l’Église,
dans les opinions publiques et les milieux dirigeants du monde entier.

Tout essai de problématique sur le thème des “ non-dits ” conduit inévitablement
à évoquer un vaste ensemble de sujets qui sont du domaine des sciences
politiques et sociales et des pratiques gouvernementales, dans les différents
contextes du secteur public et des secteurs privés. Le “ non-dit ” relève aussi,
évidemment, des responsabilités du Renseignement et des Services Secrets.
Certains secrets sont incontestablement légitimes, par exemple pour des États de
droit victimes d’agressions militaires ou de menaces terroristes. A l’opposé, les
secrets de la corruption et de la criminalité sont évidemment inavouables par
leurs auteurs et leurs complices. Entre ces deux extrêmes j’appelle ambigües, les
centaines de nuances du secret qu’on peut distinguer en fonction des contextes,
des personnes et des circonstances. Elles soulèvent des interrogations fondamentales
en termes d’exigences morales et de règles déontologiques. Les bouleversements
géopolitiques d’après la fin de la Guerre froide ont dessiné les
premiers contours d’un nouveau monde et d’un nouveau siècle. Mais la rapidité
et la complexité des évolutions démographiques, politiques, économiques et
sociales, contrastent avec les pesanteurs, les rigidités ou les archaïsmes des mentalités
et des comportements.

Des secrets légitimes s’observent notamment dans les situations de guerre,
chez chacun des adversaires en présence. Dans les grands conflits militaires du
XXe siècle, comme dans les nouvelles formes de conflits asymétriques de luttes
contre le terrorisme, de guerres révolutionnaires et de guerres de religion, les pratiques
du secret s’imposent à l’évidence aux forces de l’ordre professionnelles,
militaires et policiers, à la Justice et aux gouvernants.

L’observation des États-Unis montre comment les principaux traits de la culture
nationale sont déterminants dans les “ représentations ” des réalités dans
l’opinion publique et dans leurs perceptions par les cercles dirigeants. Dans leur
grande majorité, les citoyens américains avaient adhéré aux visions primaires
diabolisant le communisme : l’URSS était perçue comme “ l’Empire du mal ”.
Avant le 11 septembre 2001, ce singulier aveuglement avait conduit les “ faucons
” du Parti Républicain à ne pas prendre au sérieux les menaces les plus précises
du terrorisme. Un même tropisme simplificateur, les mêmes confusions sur
la nature exacte de leurs ennemis islamistes, les ont enfermés dans une nouvelle
sorte de “ croisade ” diabolisant, cette fois-ci, “ l’Islam en général ”. Cette
funeste erreur de jugement sur des situations bien plus complexes que les visions
binaires “ ami-ennemi ” a eu des conséquences dramatiques.

Les fabuleuses capacités de leur immense arsenal militaire font l’orgueil de
la majorité des citoyens américains. C’est seulement de nos jours, après les
défaites des années 70 au Vietnam, puis les déboires successifs en Irak et en
Afghanistan, qu’ils commencent à douter des affirmations, des jugements et des
décisions des maîtres du “ complexe militaro-industriel ” qui n’a jamais cessé
d’exercer une influence dominante sur la politique des États-Unis. Déjà, à la fin
de ses deux mandats présidentiels des années cinquante, le Président Dwight
Eisenhower avait mis en garde ses concitoyens sur les dangers de ce très puissant
lobby. Soixante-dix ans plus tard, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent
pour fustiger les mensonges de G.W. Bush en 2003 à la tribune des Nations
Unies et pour condamner ses stratégies “ d’apprenti sorcier ” dans les années
suivantes.

Des secrets inavouables visent à camoufler les activités illégales ou criminelles
de certains membres des partis politiques et de leurs clientèles électorales,
pour abuser les citoyens désinformés. Les non-dits sur les organisations de type
“ mafieux ” sont caractéristiques à cet égard. En dépit d’une documentation précise,
complète, incontestable et aisément accessible sur le sujet, comme ce n’est
pas un enjeu politique visible, on évite d’en parler dans les campagnes électorales.

Au début des années 90, j’ai publié un essai, sous le titre “ les mafias contre la
démocratie ” pour analyser leurs stratégies et leurs méthodes. Elles ne sévissent
pas seulement en Italie ; on en trouve dans plusieurs autres sociétés européennes,
américaines et asiatiques. “ Corruption et Omerta ” sont les deux mots-clés qui
résument le mieux les raisons de leur exceptionnelle résistance à toutes les
attaques, y compris dans des États de droit. Des familles de la “ Cosa Nostra
américaine ” sont encore présentes dans toutes les grandes métropoles des États-
Unis. La “ criminalité en col blanc ” sévit dans les milieux financiers de Wall
Street sous la forme de délits d’initiés et de subtiles et monumentales escroqueries.
Elles sont, sans aucun doute, au coeur de la déroute des “ subprimes ” de
2008 sur le marché immobilier américain. Elles figurent, incontestablement,
parmi les principales causes de la crise financière, budgétaire et économique qui
sévit depuis cinq ans dans le monde.

Quelques révélations tardives permettent de rompre peu à peu la loi du
silence. Cependant les réseaux légaux et illégaux sont si étroitement imbriqués
que les plus habiles des escrocs trouvent toujours le moyen d’échapper aux
contre-mesures. Le cas des paradis fiscaux est particulièrement significatif. Je
me rappelle, il y a plus de trente ans, la tentative de régulation internationale, au
“ sommet de l’Arche ”, à l’initiative du Président Mitterrand. Trois décennies
plus tard, le sujet est toujours d’actualité dans les médias, mais ils ne lui accordent
qu’un intérêt marginal comparé à la place qu’ils ont réservé pendant des
mois au “ mariage pour tous ”…

Car la grande criminalité est un “ sujet qui fâche ”. Les idéologues qui l’ont
délibérément éliminé de leurs discours prétendent que les criminels ne sont pas
personnellement responsables, dès lors que ce sont les sociétés libérales qui les
ont conduits à exercer leurs méfaits ! Cette manière de travestir les vérités sous
les sophismes et les non-dits est une autre justification de la formule “ secrets
ambigus ”. Leur dévoilement est une des obligations les plus nécessaires pour
l’avenir de la société française. Le devoir de vérité s’impose si l’on veut rétablir
des relations de confiance et réaliser des dialogues constructifs entre personnes
de bonne volonté. Au-delà des clivages et des haines politiciennes il faut oser
dire franchement certains non-dits les plus dommageables. D’autant plus que
beaucoup de secrets ambigus expliquent la chute de popularité du Président élu
en 2012 à la tête de l’État.

Pour l’observateur en retraite que je suis, les méthodes d’analyses prospectives
et stratégiques offrent plusieurs pistes d’explications. Par exemple celle de
l’opposition fondamentale entre les “ stratégies d’appareil ” et les “ stratégies
de gouvernement ”. Les premières consistent à élaborer en permanence des
compromis et des arrangements variables entre des courants idéologiques opposés
et des personnes en conflits. Les secondes dépassent et subordonnent les préoccupations
clientélistes de la République parlementaire pour privilégier l’intérêt
national et l’imposer sur la scène intérieure comme sur la scène internationale.
Car les logiques de contrôle de partis politiques perpétuellement secoués par des
divergences de “ courants ” et de personnes, sont fondamentalement différentes
des logiques d’hommes d’État confrontés aux problèmes cruciaux de l’avenir de
la Nation. Les responsabilités opérationnelles du pouvoir exécutif s’opposent
alors aux positions des doctrinaires, des sectaires et des “ apparatchiks ”.

La situation du gouvernement et de la société française en 2013 est profondément
inquiétante. La publication d’innombrables études, rapports et témoignages,
français et étrangers, démontre qu’il ne s’agit pas ici de “ non-dits ”,
mais de la révélation d’un vaste ensemble de “ dénis de vérité ” ; des préjugés,
des partis-pris, des amalgames ; des contre-vérités et des dérives idéologiques.
Le militantisme intellectuel et politicien, l’esprit de revanche, la diabolisation de
l’opposition, qui dégénèrent en règlements de comptes. Ce n’est pas l’apanage
des majorités “ de gauche ” contre celles “ de droite ”, mais les effets d’un travers
national, “ les querelles gauloises ”, qui remonte aux plus anciens temps de
notre histoire. Une autre de nos spécificités combine le centralisme administratif
avec la complexité des textes législatifs et réglementaires et avec un nombre abusif
de fonctionnaires. Elle explique notamment le refus des réformes les plus
nécessaires pour éviter à la société française de sombrer dans la faillite. Et pourtant,
il y a de nombreux exemples d’institutions, d’entreprises et de communautés,
qui ont accepté de se réformer à l’appel des gouvernements successifs, au
profit du bien général et au détriment de certains de leurs intérêts égoïstement
corporatistes. Deux illustrations, l’Éducation Nationale et les Armées, rappellent
des évidences conformes aux exigences de la mondialisation ainsi qu’aux principes
essentiels de l’Intelligence Économique et d’une saine gouvernance.

Le budget de l’Éducation Nationale, devenu le premier de l’État, est presque
entièrement consacré à des dépenses de personnel. L’histoire des échecs, cent
fois répétés, de presque tous les Ministres de l’Éducation Nationale démontre à
l’évidence les rigidités d’une immense administration allergique aux réformes.
La publication d’innombrables études, rapports et témoignages sur ce Ministère
est bien la preuve d’un insupportable “ déni de vérités ”. Le recours systématique
aux pressions de la rue, aux actions para-révolutionnaires de quelques
groupes activistes puissamment organisés, idéologisés et politisés s’inspire des
pratiques “ totalitaires ”. Elles sont toujours parvenues à annuler les décisions
des gouvernements successifs… sauf quand ils ont accepté de se soumettre à
leurs propres exigences.
Le livre publié en 2000 par Claude Allègre sous le titre “ Toute vérité est
bonne à dire ” est, à cet égard, le plus édifiant des témoignages. Venant d’un
militant de gauche, intime des membres les plus notables du Parti socialiste, ses
propos ne sont guère contestables. Désavoué par Lionel Jospin, son meilleur ami
alors premier ministre, Claude Allègre a subi les redoutables représailles de l’appareil
semi-clandestin qui n’a jamais cessé de régner à l’Éducation Nationale.
Les engagements du Président de la République élu en 2012 au profit du recrutement
supplémentaire de fonctionnaires de ce ministère démontrent que cet
appareil demeure encore assez puissant pour abuser nos compatriotes et pour leur
imposer ses propres lois.

A l’opposé des fonctionnaires civils syndicalisés et politisés, qui défendent
des privilèges indus et des activistes impénitents qui refusent d’obéir à leurs
gouvernants, les communautés militaires ont fait preuve, dans les cinquante
décennies précédentes, d’un civisme exemplaire (1). Confrontées à des changements
radicaux dans les politiques de Défense ; engagées par la Quatrième
République dans les conflits de décolonisation, notamment en Indochine et en
Algérie, elles l’étaient simultanément dans l’OTAN, face à la menace soviétique.
Dans les années 60, pour la création et la mise en oeuvre des Forces nucléaires
stratégiques, les Armées ont réussi à relever des redoutables défis techniques et
opérationnels. Enfin après la fin de la Guerre froide la suppression du Service
Militaire a de nouveau bouleversé les structures et imposé des réductions drastiques
des capacités. Cependant qu’au plan opérationnel elles n’ont cessé de tirer
les leçons des nouvelles formes de conflits militaires. Dans la plus grande discrétion,
les Armées françaises ont toujours loyalement exécuté les réformes décidées
par le pouvoir politique. Dans l’esprit et dans la lettre du Livre Blanc de
2008 sur la Défense et la Sécurité, elles se sont remarquablement adaptées aux
exigences d’un monde en mutation. Mais de nouvelles épreuves les attendent
après la publication du nouveau Livre Blanc de 2013.

Conclusion : “ Pourquoi faire simple quand on sait faire compliqué ! ”
Longtemps passées sous silence, les dérives administratives de nos services
publics ne peuvent plus être ignorées. Tous les organismes français et européens
compétents, les meilleurs experts et les personnalités les plus qualifiées qui
observent et commentent les raisons et les remèdes de la crise économique et
sociale actuelle, font les mêmes constats. Ils dénoncent en France le poids excessif
des effectifs superflus, la complexité de nos structures administratives qui
plombent inexorablement les dépenses publiques au mépris des plus élémentaires
règles de bon sens.

Le “ déni de vérité ” est une des plaies de la société. Il s’explique par des
raisons historiques et culturelles : le centralisme de l’État remontant à l’ancien
Régime, aux jacobins de 1793 et au Premier Empire ; les privilèges de l’École
Nationale d’Administration qui illustrent jusqu’à la caricature les dangers d’une
superstructure étatique qui semble mépriser les activités du “ privé ”, alors que
beaucoup de ses anciens élèves bénéficient sans vergogne de leurs avantages
pécuniaires ! Cependant que d’autres, parmi ceux qui ont choisi de faire carrière
dans la politique, sont tributaires des logiques politiciennes, de leurs règles et de
leurs “ non-dits ”.

Le refus des réformes et l’impossibilité de les imposer à l’opinion résulte
donc d’un ensemble complexe de causes. Leur étude, dans le cadre des sciences
sociales, est plus nécessaire que jamais à une époque de mises en cause fondamentales
entre deux mondes et entre deux siècles.

(1) A l’exception du putsch des généraux contre le Général de Gaulle dans les tragiques
circonstances de la Guerre d’Algérie.
Ce plaidoyer pour plus de transparence ne m’empêche pas de recommander
d’agir avec circonspection. La prudence s’impose d’autant plus, dans ce
domaine, que la plupart des sujets que j’ai évoqués suscitent des réactions passionnelles.
C’est la passion contre la raison. “ Osons dire les non-dits ” oui, mais
dans le respect des opinions et des personnes de bonne foi, sans oublier de rappeler
les exemples de dirigeants qui n’ont jamais besoin de recourir à des moyens
illicites pour assumer leurs responsabilités et pour réussir dans leurs entreprises.

Article publié dans la lettre N° 10, juin 2013, “ Offensif et Stratégie ”, de Ludovic EMANUELY




2014 : année de grands anniversaires pour l’AASSDN

Editorial du Colonel Henri Debrun, Président de l’AASSDN

1) Anniversaire de l’Amicale : l’AASSDN a soixante ans !
Elle est officiellement née le 25 décembre 1953,
Date du Journal officiel qui publia sa déclaration en préfecture de police de Paris.
Le jour de Noël !… Cela ne saurait s’inventer.
Conçue par nos Anciens du Contre-espionnage, Paillole, Rivet, Navarre,
d’Alès, Gérar-Dubot et bien d’autres afin d’entretenir un lien de solidarité et
d’entraide entre ceux qui avaient lutté au sein de ce service et auprès des
familles de leurs camarades disparus mais aussi de faire reconnaître l’importance
du rôle qu’ils avaient joué dans la clandestinité au service de la France
et de faire respecter les actions qu’ils avaient menées pendant la guerre.

Elle s’appelait alors : “ Amicale des Anciens des SSM/TR ”
et prit corps le 27 février 1954 lors de son assemblée générale constituante.
Le Colonel Paul Paillole en fut élu Président national et le resta jusqu’en 2001.
Deux ans après, elle ouvrait ses rangs tout naturellement à ceux qui
avaient oeuvré au sein des SR Guerre, Air, Marine et s’appela en 1956 :
“ Amicale des Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale ”
L’histoire de l’ASSDN commençait. 60 ans après, elle se poursuit. Grâce à
son souci d’adaptation au fil du temps, elle a désormais l’honneur d’être
reconnue comme l’expression associative de la Communauté du
Renseignement et des Opérations spéciales telles qu’elles sont à présent définies,
dans l’esprit légué par ses fondateurs et dans le respect des valeurs qui
lui sont chères et de l’histoire des Services Spéciaux dont elle est “ la gardienne
du temple ”.

Pour célébrer cet anniversaire, nul autre lieu que Ramatuelle, si liée à
l’ASSDN par cette histoire dont notre Mémorial à caractère national est “ la
Pierre de Mémoire ”, ne convenait et quoi de mieux que d’y tenir Congrès,
du 7 au 10 mai prochain ?

D’autant que 2014 est l’année d’autres anniversaires au retentissement
historique à l’évidence bien plus grand que l’ASSDN, membre du Monde
Combattant, se doit de célébrer également à sa mesure :

2) Le 60e anniversaire de la chute de Diên Biên Phu le 7 mai 1954
après deux mois de combats acharnés, prélude dramatique, mais dans l’honneur
de nos forces armées, de la fin de la guerre d’Indochine à laquelle nos
services apportèrent un concours encore trop méconnu. Nous le commémorerons
au Mémorial de Fréjus, sans oublier que cette fin de guerre lointaine pour la
métropole entraîna “ la Toussaint rouge ” en Algérie, début d’une autre
guerre.

3) Le 70e anniversaire du débarquement de Provence.
Nous commémorerons avec trois mois d’avance cette opération Dragoon en rappelant l’action
déterminante de nos services et de certains de nos réseaux, dont celui de
l’Abbé Lapouge récemment décédé, pour sa préparation, et, dans son exécution,
avec des détachements TR et SA auprès des grandes unités alliées et le
SRO de l’armée B commandée par le Général de Lattre de Tassigny.
Nous saluerons nos derniers Anciens de cette grande époque de la
Libération et ceux qui nous ont quittés. Nous leur rendrons hommage.

4) Le 70e anniversaire du débarquement de Normandie, l’opération Overlord
à laquelle nos services SR et CE participèrent, dans sa phase de préparation,
par un intense travail de recueil et de transmission de renseignements
et une contribution précieuse au fabuleux stratagème “ Fortitude ”,
comme dans son déroulement, grâce à l’accord conclu par le Commandant
Paillole et le Colonel Sheen, chef du G2 de l’État-major du Général
Eisenhower, avec des détachements TR et SA auprès des grandes unités
alliées et les BSM préinstallés.

L’ASSDN sera présente, avec sa délégation de Normandie animée par
Pierre Desjardins, Délégué régional et Jean-Claude Hamel, Délégué de la
Manche, aux commémorations en juin prochain.

5) Enfin le centenaire de la déclaration de la Première Guerre Mondiale.
Nous participerons bien sûr à sa célébration et découvrirons avec intérêt
certaines actions d’acquisition du renseignement.

En somme, une année riche de souvenirs, d’hommages et de découvertes aussi…




Les forces spéciales dans le livre Blanc de la Défense et de la Sécurité Nationale (2013)

Introduction de Gérald Arboit
Le Renseignement reste une priorité pour les concepteurs du Livre blanc. Le
Président de la République l’avait notamment rappelé lors du lancement des travaux
du Livre blanc le 13 juillet 2012. Pour François Hollande, il en va de “ la faculté de
notre pays de conserver sa liberté d’appréciation et de décision ”.
Cette appréciation des situations s’appuie sur des informations améliorées
recueillies à partir des renseignements humain, électromagnétique et image. Le rôle
central du renseignement reste dans la définition d’une stratégie de défense et de
sécurité nationale. Il relève depuis 2008 de la fonction stratégique “ connaissance et
anticipation ”.

Elle est mise en oeuvre par les six services de renseignement constitués depuis
2008 en communauté du renseignement. La gouvernance de cette dernière est organisée
autour du Coordonnateur National du Renseignement (CNR), tandis que l’académie
du renseignement, créée en 2010, contribue à l’émergence d’une culture
partagée au sein de la communauté française du renseignement. Dans le contexte
budgétaire contraint et dans un objectif de synergie et d’efficacité collective, la poursuite
de la mutualisation accrue des moyens techniques entre les services de renseignement
est confiée au CNR.

Le point fort de cette nouvelle lecture de la Défense et de la Sécurité nationale est
le renforcement de la gouvernance du renseignement, sous l’égide du CNR et l’impulsion
du Conseil National du Renseignement. La délégation parlementaire au renseignement
se voit confiée des compétences nouvelles, lui permettant de mieux
suivre l’ensemble de la dépense publique en matière de renseignement, mais aussi
d’exercer sa mission de contrôle de la politique gouvernementale dans ce domaine.
L’évolution des menaces et la prévention d’actes de terrorisme imposent un effort
prononcé sur le renseignement intérieur. Cible des attaques depuis l’affaire Mérah, la
coordination de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) doit être
renforcée. Enfin, l’effort d’investissement décidé en 2008 se poursuit. Au-delà du
renseignement d’origine humaine dont l’importance est confirmée, les capacités
techniques de recueil, ainsi que de leurs moyens d’exploitation dans les cinq milieux
(espace extra-atmosphérique, air, cyberespace, terre en mer) seront améliorées. Pour
renforcer notre appréciation autonome des situations, les principaux efforts porteront
sur les composantes spatiales et aériennes, aussi bien pour l’imagerie que pour l’interception
électromagnétique, tant les drones que les capacités spatiales. La coordination
entre les projets militaires et les projets institutionnels à utilisation duale
(civile et militaire) doit être recherchée et la mutualisation à l’échelle européenne privilégiée.

 

LIVRE BLANC DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ NATIONALE

Accorder la priorité au Renseignement
Le Livre blanc donne une portée nouvelle à la priorité accordée au
Renseignement. Celui-ci voit son rôle central réaffirmé, au-delà des seules nécessités
militaires ou strictement sécuritaires et au bénéfice des quatre autres fonctions
stratégiques. Sa gouvernance sera améliorée, en confortant le rôle du Coordonnateur
National du Renseignement placé auprès du Président de la République, en renforçant
les moyens du Parlement à travers la capacité de la Délégation parlementaire
d’exercer le contrôle de la politique du Gouvernement dans ce domaine, et en rendant
publique une stratégie nationale du Renseignement.

Le Livre blanc met l’accent sur l’importance des moyens à accorder au
Renseignement intérieur dans les années à venir. Il engage aussi un effort d’investissement
global majeur portant en particulier sur les composantes spatiales et aériennes
de l’imagerie et des écoutes électromagnétiques ; la diversification des capteurs,
avec particulièrement les drones, les avions légers d’observation et les charges
embarquées sur plateformes aériennes, navales ou terrestres ; les moyens consacrés
à la cyberdéfense ; les moyens techniques d’interception adaptés à la rapidité du
développement du numérique. En outre, afin de tirer le meilleur parti de ces équipements,
le Livre blanc établit un principe de mutualisation des moyens techniques les
plus coûteux entre les services de renseignement, sous la supervision du
Coordonnateur national.

Connaissance et anticipation : la priorité du renseignement
Le Renseignement est une priorité du Livre blanc, soulignée à plusieurs reprises
par le Président de la République, notamment lors du lancement des travaux du Livre
blanc le 13 juillet 2012 : “ ce qui est ici en cause, c’est la faculté de notre pays de
conserver sa liberté d’appréciation et de décision ”.
L’appréciation des situations s’appuie sur des informations complémentaires
recueillies à partir de trois origines : le renseignement humain, l’analyse des messages
détectés et des fréquences dans le spectre électromagnétique et le recueil
d’images (et de vidéos). Les six services de renseignement ont été constitués depuis
2008 en communauté du renseignement dont la gouvernance est organisée autour du
Coordonnateur National du Renseignement (CNR). L’académie du renseignement,
créée en 2010, a véritablement contribué à l’émergence d’une culture partagée au
sein de la communauté française du renseignement.

1 – Le rôle central du Renseignement dans la stratégie de défense et de sécurité
nationale.
Le Renseignement relève de la fonction stratégique “ connaissance et anticipation
” et conditionne l’engagement de la France. Il est une clé de l’autonomie stratégique
et de l’efficacité opérationnelle de nos capacités de protection, de dissuasion et
d’intervention.

2 – Le principe de mutualisation des moyens pour le Renseignement
La France entend poursuivre ses efforts afin d’acquérir les capacités de recueil et
d’exploitation nécessaires à l’autonomie d’appréciation des situations. Dans le
contexte budgétaire contraint et dans un objectif de synergie et d’efficacité collective,
une mutualisation accrue des moyens techniques entre les services de renseignement
sera recherchée. Elle sera appliquée aussi bien entre les services du Ministère de la
Défense qu’entre ceux des différents ministères. Elle sera suivie par le CNR.

3 – Le renforcement de la gouvernance du renseignement
Le Livre blanc de 2013 conforte le rôle du CNR dans l’animation de la communauté
du renseignement, dans la préparation des orientations arrêtées en conseil
national du renseignement, dans le suivi des activités et des grands programmes et
dans le domaine budgétaire. Une stratégie nationale du renseignement, préparée sous
l’égide du CNR, sera arrêtée en conseil national du renseignement ; les grandes
lignes en seront rendues publiques. Le rôle du Parlement sera accru, en dotant la
délégation parlementaire au renseignement de compétences nouvelles, d’une capacité
à suivre l’ensemble de la dépense publique en matière de renseignement, et en
lui conférant des compétences renforcées pour exercer sa mission de contrôle de la
politique gouvernementale dans ce domaine.

4 – Un effort particulier en faveur du Renseignement intérieur
L’évolution des menaces et la prévention d’actes de terrorisme imposent un effort
prononcé sur le Renseignement intérieur. La Direction Centrale du Renseignement
Intérieur (DCRI) sera renforcée, en particulier en ce qui concerne ses moyens
humains, et une meilleure coordination sera recherchée entre les services en charge
des missions de sécurité nationale.

5 – Un effort d’investissement majeur dans tous les domaines du Renseignement
L’effort de modernisation des ressources humaines propres au renseignement sera amplifié.
Au-delà du renseignement d’origine humaine dont l’importance est confirmée,
les capacités techniques de recueil, ainsi que de leurs moyens d’exploitation dans les
cinq milieux (espace extra-atmosphérique, air, cyberespace, terre et mer) seront améliorées.
Pour renforcer notre appréciation autonome des situations, les principaux
efforts porteront sur les composantes spatiales et aériennes, aussi bien pour l’imagerie
que pour l’interception électromagnétique, et tout particulièrement sur les
drones. Les capacités spatiales sont en effet indispensables pour identifier les
menaces balistiques potentielles, pour localiser et discriminer les risques des
menaces. La coordination entre les projets militaires et les projets institutionnels à
utilisation duale (civile et militaire) sera recherchée et la mutualisation à l’échelle
européenne privilégiée.

La France affiche ainsi sa volonté d’appliquer au renseignement
spatial une approche qui reposerait sur des interdépendances mutuelles avec ses
alliés européens ayant des capacités spatiales. Les opérations militaires récentes ont
rappelé l’importance des capacités aériennes qui doivent être pérennisées : drones de
moyenne altitude et longue endurance, drones tactiques d’observation, avions légers
d’observation et nacelles de reconnaissance de nouvelle génération. De même que
pour le domaine spatial, la mutualisation de la capacité à déployer et exploiter les
drones de surveillance sera proposée à nos partenaires européens. Les moyens consacrés
à la cyberdéfense seront renforcés afin d’être mieux en mesure d’identifier
l’origine des attaques informatiques et de pouvoir ainsi les contrer. Les moyens de
recueil sur les plate-formes terrestres et navales seront également pérennisés.

L’évolution des forces : le nouveau modèle d’armée

Les forces spéciales se sont imposées comme une capacité de premier plan dans toutes les
opérations récentes. Elles sont particulièrement adaptées aux besoins accrus de réaction
dans l’urgence, en souplesse et dans la profondeur d’un dispositif hostile ou complexe.
Leurs effectifs et leurs moyens de commandement seront renforcés, comme
leur capacité à se coordonner avec les services de renseignement. La dimension interarmées
du Commandement des Opérations Spéciales (COS) sera confortée.




1942 : L’opération FRANKTON

Au début du 2e trimestre de l’année 1942, Lord Selborne, Ministre de la Guerre
Économique, attira l’attention de Winston Churchill sur l’accroissement préoccupant
du trafic des navires allemands forceurs de blocus qui, malgré les pertes qui leur
étaient infligées par la Royal Navy et la RAF, déchargeaient à Bordeaux leurs cargaisons
de latex, de métaux rares et de produits tropicaux en provenance d’Extrême-
Orient, d’importance essentielle pour l’industrie de guerre du Reich et embarquaient
des machines-outils et des pièces destinées à l’industrie aéronautique livrées aux
usines d’armement japonaises.

Le Premier Ministre chargea Lord Louis Mountbatten, Commandant en Chef des
Opérations Combinées de préparer un plan d’intervention. Une opération amphibie
de grande envergure ayant été écartée d’emblée et Anthony Eden, Ministre des
Affaires Étrangères s’étant opposé au bombardement du Port par les avions de la
RAF, trop de vies humaines étant en jeu, la décision fut prise de recourir à une
attaque par des commandos contre les forceurs de blocus à quai au sein même du Port
Autonome de Bordeaux.

Cette mission allait être confiée à une unité spéciale du Corps des Royal Marines
le “ Royal Marines Boom Patrol Detachment ” constituée à l’initiative du Major
Herbert G. Hasler, surnommé “ Blondie ”, qui allait être désigné par Lord
Mountbatten comme commandant du commando. L’opération avait reçu le nom de
code (sans signification) de “ Frankton ”.

Sous couvert d’un entraînement de routine à la protection des installations portuaires,
le RMBPD composé de deux sections allait préparer dans le plus grand secret
une opération extrêmement risquée. A l’exception d’Hasler, aucun des membres du
commando ne sut la destination ni le but de la mission avant d’être embarqué à bord
du sous-marin.

Sélectionnés au sein de la 1re section, six équipages de deux hommes à bord de
six kayaks de mer (Cockle Mark II) mis au point par le Major Hasler et l’ingénieur
Goatley seraient mis à l’eau à proximité de l’embouchure de la Gironde. Ils remonteraient
le fleuve à la pagaie, se cachant de jour et naviguant au compas de nuit.

Après avoir identifié leurs cibles le long des quais, ils poseraient des mines “ limpets
” (arapèdes) à adhérence magnétique sous la ligne de flottaison des forceurs de
blocus allemands dont les services de renseignements anglais savaient à quelle date
ils seraient amarrés à quai à Bassens et à Bordeaux, sans qu’aucun membre de la
Résistance eut jamais su à quoi serviraient ou à qui étaient destinées les informations
recueillies et transmises aux services secrets à Londres.

Aucun recueil n’étant possible après l’attaque, ils redescendraient la Gironde en
kayak jusqu’à la hauteur de la ville de Blaye, saborderaient leurs bateaux et tenteraient
de rejoindre à pied la ville de Ruffec, distante de 160 km, d’où une filière
d’évasion britannique dépendant du M19 pourrait prendre en charge leur évasion
vers l’Espagne, avec le concours de Résistants français.

Personne n’avait été informé de leur mission ni à Bordeaux, ni à Ruffec.
Dans la soirée du 7 décembre 1942, le sous-marin britannique HMS, TUNA, sous
les ordres du Lieutenant Raikes, alors âgé de 28 ans, mit cinq kayaks à l’eau au large
de Montalivet. Dans l’ordre de mise à la mer :

  • Catfish (Poisson-chat) : Major Hasler (Chef du Commando), Marine William E.Sparks.
  • Cuttlefish (Seiche) : Lieutenant John MacKinnon (Commandant en second), Marine James Conway.
  • Crayfish (Écrevisse) : Corporal A. S. Laver, Marine W.N. Mills.
  • Chachalot (Cachalot) : Marine Ellery, Marine Fisher.
  • Coalfish (Morue noire) : Sergent Samuel Wallace, Marine Robert Ewart.
  • Conger (Congre) : Corporal George Sheard, Marine David Moffatt.

Le flanc déchiré au passage du panneau d’accès à la chambre des torpilles avant
du TUNA, où il avait été stocké durant la traversée, le Cachalot dut être rembarqué
avec son équipage. Peu après 20 heures, les cinq kayaks s’éloignèrent en formation,
sous le commandement du Major Hasler en direction de la Pointe de Grave.
Vers minuit, au franchissement du ressac très dangereux même par temps calme
sur les hauts-fonds au large du phare Saint-Nicolas, le kayak “ Coalfish ” chavira et
le contact fut perdu avec le Sergent Wallace et le Marine Ewart.
Une demi-heure plus tard, ce fut au tour du “ Conger ” (Caporal Sheard et
Marine Moffatt). Cette fois, les deux RM purent être repérés et après sabordage du
Conger, ils furent remorqués dans l’eau glaciale accrochés au “ Catfish ” (Hasler et
Sparks) et au “ Crayfish ” (Laver et Mills). La mission étant primordiale, Hasler dut
les abandonner au plus près du rivage après avoir passé la Pointe de Grave.

Les trois kayaks restants poursuivirent leur route portés par la marée montante
vers le Verdon. Ils furent obligés de prendre leurs distances pour passer entre le môle
et quatre bâtiments ennemis ancrés à quelques encablures. C’est à ce moment-là que
le contact fut perdu avec le “ Cuttlefish ” (Lieutenant MacKinnon et Marine
Conway).

Le jour se levait quand les deux derniers kayaks, “ Catfish ” et “ Crayfish ” trouvèrent
à la Pointe aux Oiseaux un abri où ils purent se dissimuler pour la journée dans
les roseaux bordant la rive, à proximité de Saint-Vivien-du-Médoc. Ils continuèrent
leur route durant la nuit du 8 au 9 vers le Port des Callonges, puis vers l’Ile-Cazeau
(nuit du 9 au 10) à la faveur de l’obscurité et portés par le courant de marée.

Le 11 décembre à l’aube ils trouvèrent enfin, sur la rive gauche du fleuve en face de
Bassens, un endroit pour se cacher, se reposer et préparer l’attaque. Dans la nuit du
11 au 12 décembre, les équipages des deux derniers kayaks s’engagèrent dans la dernière
phase de leur mission : le “ Catfish ” suivit la rive gauche jusqu’aux quais de
Bordeaux et réussit à fixer ses mines sur trois grands navires et un pétrolier à
l’amarre le long du quai ; le “ Crayfish ” traversa la Garonne vers Bassens et fixa
ses mines sur deux navires à l’amarrage.

Mission accomplie, entre minuit et une heure du matin le 12 décembre, les deux
équipages entamèrent leur repli. Ils se rejoignirent miraculeusement dans l’obscurité
au Sud de l’Ile-Cazeau. Portés par le courant, ils firent route ensemble, longeant la
rive droite du fleuve. A 1 500 m environ au nord de Blaye, les deux équipes se séparèrent
par mesure de prudence pour aborder à environ 400 m l’une de l’autre à la hauteur
de Saint-Genès-de-Blaye. Ils ne devaient jamais se revoir. Il était entre 3 h 30 et

4 heures du matin et il ne leur restait que 3 à 4 heures d’obscurité, quand ils entamèrent
leur repli à pied par des itinéraires différents, pour tenter d’atteindre Ruffec, à 160
km de leur point de débarquement.

A partir de 7 heures, les crayons retards mirent à feu successivement les mines
limpets. A Bassens, “ l’Alabama ” et le “ Portland ”, minés par Crayfish, furent gravement
endommagés. Attaqués par Catfish, Quai Carnot à Bordeaux, le “ Dresden ”,
le “ Tannenfels ” commencèrent à s’enfoncer le long des quais auxquels leurs
amarres les retenaient. Un 5e bateau, le pétrolier “ Cap Hadid ” prit feu. Les limpets
posées sur la coque d’un 6e navire, le “ Sperrbrecher n° 5 ” (patrouilleur allemand)
se détachèrent et explosèrent sur le fond sans dommage pour la cible. Les explosions
des mines se succédèrent de 7 heures jusqu’à la mi-journée causant la confusion et
le désordre chez l’ennemi.

La compagnie des pompiers du port autonome au sein de laquelle l’ingénieur
TPE Raymond Brard, responsable de la sécurité du port et fondateur du Club des
Girondins, avait placé une équipe de résistants, intervint immédiatement sous le
commandement du Commandant Paduch à la requête du HafenKommandant. C’est
au cours de leur intervention que les pompiers, inversant l’action des pompes mises
en batterie réussirent, sans être inquiétés, à aggraver la gîte des bâtiments les plus
atteints.

Hasler et Sparks, aidés au long de leur route par des Français courageux, comme
la famille Pasqueraud qui les hébergea une nuit à Napres entre Saint-Preuil et
Lignières, furent les seuls à atteindre Ruffec. Ils choisirent d’entrer au jugé, vers
13 h 30 le 18 décembre 1942, dans le restaurant “ La Toque Blanche ”, où ils eurent
la chance d’être accueillis par M. René Mandinaud, sa femme et ses soeurs, une
famille de Français patriotes. M. Mandinaud prit contact avec M. Jean Mariaud.
Ce dernier organisa le passage des deux fugitifs dans l’ex-zone libre après consultations
successives de M. Paille, ancien professeur en Angleterre, qui confirma leur
nationalité et de Mme Marthe Rullier qui alerta le passeur.

Le 19 décembre, Hasler et Sparks, furent conduits en camionnette par M. René
Flaud, boulanger, près de Benest, à proximité de la ligne de démarcation, toujours
gardée par les Allemands. M. Fernand Dumas, le passeur, les conduisit à la ferme
Marvaud où ils allaient être hébergés pendant 41 jours chez M. et Mme Armand
Dubreuille.

Ils auraient dû être remis dans les deux jours suivant leur arrivée à Marvaud à
Mary Lindell, alias “ Marie-Claire ”, Comtesse de Milleville par son mariage, qui
connaissait les Dubreuille. Marie-Claire était un agent du M19, organisation faisant
partie des Services Secrets britanniques, spécialisée dans l’aide à l’évasion et le rapatriement
des personnels militaires en Angleterre.

Grièvement blessée dans un accident, sans contact radio, elle ne put être jointe
par Armand Dubreuille qu’après plusieurs semaines de silence. Elle arriva enfin à
Marvaud et c’est son fils Maurice de Milleville, âgé de 18 ans qui accompagna les
deux fugitifs par le train de Roumazières à Lyon. Leur évasion se poursuivit jusqu’à
la frontière espagnole via Marseille et Perpignan. Arrivés en Espagne, les deux survivants
furent pris en charge par l’Ambassade à Madrid, d’où ils furent conduits à
Gibraltar. Hasler regagna l’Angleterre par avion le 3 avril 1943 et Bill Sparks fut
ensuite rapatrié par un transport de troupes.

Le Sergent Wallace et le Marine Ewart, capturés le 8 décembre 1942 au lever du
jour furent fusillés sur ordre de l’Amiral Julius Bachmann dans la nuit du 11 au 12
décembre après de longs interrogatoires sans avoir parlé. Leur exécution eut lieu au
château du Dehez (aujourd’hui Château Magnol) à Blanquefort.
Le corps du Caporal Sheard, probablement noyé dans la nuit du 7 au 8 décembre,
ne fut jamais retrouvé et celui de son coéquipier le Marine Moffatt fut découvert le
17 sur la plage de Bois-en-Ré.

Le Lieutenant MacKinnon et le Marine Conway, ayant poursuivi seuls leur route
sur la Gironde atteignirent l’Ile-Cazeau puis le Bec d’Ambès où leur embarcation
coula, après avoir éperonné un obstacle sous-marin. Ils se replièrent jusqu’à Cessac
où un couple de Français, M. et Mme Jaubert les hébergèrent trois jours. Après avoir
quitté leurs hôtes, ils cherchèrent à gagner l’Espagne. Capturés par la gendarmerie
française près de La Réole, le 18 décembre, ils furent remis aux autorités allemandes
qui les emmenèrent à Bordeaux.

Le repli de Laver et Mills s’acheva près de Montlieu-La Garde où ils furent
dénoncés, arrêtés par la gendarmerie qui les remit aux autorités d’occupation.
Enfermés à Bordeaux avec MacKinnon et Conway, puis transférés à Paris au début
de janvier, tous les quatre furent exécutés le 23 mars 1943.

Gardés en vie pendant trois mois, sans doute parce que les services de renseignement
allemands cherchaient à savoir par qui ils avaient été aidés durant leur repli, le
Caporal Laver RM, le Marine Mills, le Lieutenant MacKinnon RM et le Marine
Conway moururent sans avoir parlé.

L’exécution des six Royal Marines pris en uniforme, en application de la directive
secrète d’Hitler du 18 octobre 1942 concernant les commandos, constitue un
crime de guerre dont l’Amiral Raeder eut à répondre au procès de Nuremberg en
1946 et l’Amiral Bachmann au procès d’Hambourg en 1948.

En 1955, parut le livre de CE Lucas Phillips “ Cockleshell Heroes ” tiré à
250 000 exemplaires en Angleterre, traduit en français en 1956 sous le titre
“ Opération Coque de Noix ”. Le Lieutenant Colonel Hasler OBE DSO RM, apporta
sa collaboration à l’auteur qui eut accès à des sources fermées aux chercheurs.
Également en 1955, le film “ Cockleshell Heroes ” (version française :
“ Commando dans la Gironde ” sorti en 1956) produit par Warwick et distribué par
Columbia Pictures, d’après un scénario de Bryan Forbes et Richard Maibaum.
Tourné sur le Tage, mis en scène par José Ferrer qui interprétait le rôle d’Hasler, avec
Trevor Howard dans un rôle de fiction, le film avait bénéficié de l’appui technique
du Corps des Royal Marines. Malgré les libertés prises par les scénaristes avec la
vérité historique, au grand déplaisir du Major Hasler, “ Commando dans la
Gironde ” fabriqué dans la lignée des productions de films de guerre américains des
années 50 connut un succès commercial.

Une biographie remarquable du Colonel Hasler, décédé en 1987, par le Major
Ewen Southby Tailyour préfacée par SAR le Duc d’Edimbourg, retrace la carrière de
Blondie Hasler au sein du corps des Royal Marines, suivie après la guerre de celle
d’un très grand marin puisqu’il fut le fondateur des courses transatlantiques en solitaire
en 1960. Eric Tabarly qui participa à la seconde traversée devait devenir un de
ses proches amis.

Un ouvrage historique, “ Le Commando de l’impossible ” par François Boisnier
et Raymond Muelle, utilisant les archives anglaises, allemandes, françaises et les
derniers témoignages des rares survivants encore en vie et des contemporains de
l’opération Frankton, est paru en 2003 édité par Trésor du Patrimoine.
En 2002, un reportage de Jonathan Marland a été réalisé pour Meridian TV,
chaîne privée britannique, comportant une longue interview de Bill Sparks sur les
lieux de son évasion.

En 2004 deux films sur l’Opération Frankton ont été tournés :

  • En France : “ Des ombres dans la nuit – Opération Frankton ” durée 52 minutes,
    réalisé par Ramon Maranon diffusé par FR 3 Aquitaine.
  • En Angleterre et en France : “ Frankton Shadows ”, durée 30 minutes,
    réalisé par Tom Keene diffusé par la BBC.

Le souvenir des héros de l’Opération Frankton est commémoré chaque année en
France, notamment à Bordeaux, à Blanquefort, à la Pointe de Grave, à Saint-
Georges-de-Didonne et à Ruffec.




Extrait du Bulletin : Services spéciaux français (3) – première guerre mondiale

Par le Colonel ALLEMAND

( Conférence faite le 18 mai 1985 à Compiègne )

LES RESULTATS

I/, Au point de vue S.R.

Dans ce domaine, les résultats sont fonction de 4 opérations :

1 – rechercher le renseignement

2 – le trouver

3 – le transmettre

4- y faire croire (par le commandement), cette dernière opération, essentiellement psychologique, étant parfois la plus difficile.

 

Il n’est pas étonnant qu’il y ait eu des « loupés », voire des « bavures » provenant du « ratage » d’une de ces opérations.

 

– Ainsi l’offensive allemande du chemin des Dames de mai 1918, détectée par deux agents. Le premier, la connaissant depuis près d’une semaine, mais n’en appréciant pas toute l’importance, ne se pressa pas pour transmettre l’information. Elle ne fut livrée à l’officier traitant que la veille au soir. Le second, un Alsacien (très « bleu, blanc, rouge » d’après son officier traitant, le Commandant Andlauer) avait été incorporé dans l’armée allemande en 1914. Blessé, il fut versé au service des alcools du G.Q.G., place idéale pour renseigner, notamment, sur les intentions de l’ennemi ; il avait comme agent de liaison sa maîtresse qui apportait les renseignements à un pharmacien de BALE, rue Meyer, boîte aux lettres du poste S.R. de BELFORT. Or, quand notre agent eut connaissance du renseignement relatif au chemin des Dames, sa « Dame » recevait son mari arrivé en permission. Malheureux hasard… grandeurs… et servitudes d’un S.R.

 

– Notons, à propos de VERDUN, que Ladoux,  dès janvier 1916 harcela, littéralement, le commandement au sujet des concentrations allemandes qui avaient été repérées au nord et à l’est de cette place forte ; en vain. Il en avisa le Colonel Driant qui toucha le gouvernement. Ladoux, sans relâche, en parlait au P.C. de Joffre à Chantilly où, régulièrement, il lui était répondu : « Laissez tomber cette histoire ! vos papiers, à ce sujet, sont mis régulièrement au panier. »

 

– Réaction analogue au sujet d’un renseignement concernant l’attaque allemande devant aboutir au désastre de Caporetto. Ladoux avait eu ce renseignement d’une informatrice italienne épouse d’un banquier allemand : il en informa le G.Q.G. qui croyait qu’il s’agissait de concentrations contre 1′ armée d’Orient. Il en avisa le Ministre Painleve, puis, de guerre lasse, en saisit l’attaché militaire italien à Paris qui parvint à toucher le généralissime italien Cadorna ; celui-ci déclara qu’une telle entreprise était « hors de la logique ». On connaît la suite…

 

– Rappelons l’histoire du « Vengeur » annonçant le projet d’invasion allemande de la Belgique. En 1914, notre haut commandement ignorait probablement ce renseignement parce que non « passé en consigne », et aussi parce que « manquant de logique »…

 

Dans l’ensemble, le bilan S.R. fut positif. En 1914, bien qu’on ait accusé le S.R. français d’avoir commis des erreurs sur l’appréciation quantitative globale de l’armée allemande, il avait dénombré les grandes unités allemandes et dressé un ordre de bataille sérieux.

 

Par la suite, il continua à renseigner, surtout, sur les mouvements des grandes unités et l’évolution du matériel ennemi ; son honneur y était engagé. Quatre ans durant, il tailla des croupières à l’adversaire mettant à son actif des succès importants dont nous donnons ci-après quelques exemples :

 

– Au moment critique de la Marne, le S.R. apprend le prélèvement de 2 corps d’armée allemands en Alsace décidé par le Haut Commandement adverse en vue de leur transfert sur le front de l’…




Bibliographie : Ouvrages présentés – Commentaires IX

Encyclopédies :

Services et Renseignement

Périodes 1900-34 :

Services et Renseignement

Périodes 1935-45 :

(1) Acteurs, (2)
Services et Renseignement
,
(3) Résistance

Périodes après 1945 :

(1) Services, (2) Renseignement

Thèmes spécifiques :

(1) Services, (2) Autres

Autres thèmes  :
et ouvrages divers
Etudes & Perspectives  :

voir rubrique spécifique

 




Extrait du Bulletin : Yougoslavie livrée communisme 43 – 45

ALVAREZ David J.

SECRET MESSAGES: CODEBREAKING AND AMERICAN DIPLOMACY, 1930-1945
(Hardcover – New Edition)

Alvarez (politics, Saint Mary’s College of California) traces one chapter in the history of cryptology. Drawing upon military and intelligence archives, interviews with retired and active cryptanalysts, and recently declassified cryptologic documents, he examines the contributions that the U.S. Army’s top-secret Signal Intelligence Service (SIS) made to the war effort before and after World War II. Alvarez traces the development of the SIS and describes the code-breaking process. He also considers the relationship between intelligence and foreign policy. Annotation c. Book News, Inc., Portland, OR (booknews.com)

“Provides an unparalleled glimpse into Army codebreaking in World War II.”–John Prados, author of Combined Fleet Decoded: The Secret History of American Intelligence and the Japanese Navy in World War II
“Imaginatively written, thoroughly documented, and brilliantly comprehensive. Fills a significant gap in intelligence literature.”–Carl Boyd, author of Hitler’s Japanese Confidant: General Oshima Hiroshi and MAGIC Intelligence, 1941-1945
“An important and pioneering work that will be essential reading for any student of cryptology, or of intelligence during the Second World War.”–John Ferris, author of Intelligence and Strategy

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BEN-ISRAEL Isaac

Philosophie du renseignement : Logique et morale de l’espionnage
Editions de l’Eclat – 2004

Le Renseignement militaire est une institution relativement récente, dont l’objet est de clarifier la réalité grâce à la collecte d’informations et à leur estimation.

Bien que l’espionnage compte parmi les métiers les plus anciens du monde, les premiers organismes institutionnels du Renseignement ne sont apparus qu…




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     De 1940 à 1942
au 23, Promenade de la plage à Marseille
se trouve la villa Eole.

Cette villa sera détruite par les Allemands en 1943

 

Avec l’appui de M. Préaud, directeur du génie rural au ministère de l’Agriculture, le commandant Paul Paillole sous une fausse identité et comme pseudo Perrier Philippe, né le 8, novembre 1904 à Blida (Algérie), crée l’Entreprise des Travaux Ruraux.

Cette entreprise abrite en réalité l’état-major du Contre-espionnage clandestin sous l’appellation « Cambronne ». elle va s’installer jusqu’en novembre 1942 dans la villa Eole à Marseille.

 

 

Au PC Cambrone 1942 – Marseille : montage Photo, ci- dessus, on peut y voir : Verneuil, Guiraud, Challan-Bellval, Paul Paillole, Trottin, Garnier, Roger Corvée, Giboulot. Ne les oublions pas.

 

 

 

 

par Pierre de Villemarest

L’une des plus remarquables opérations de désinformation de la dernière guerre explique pourquoi et comment Londres aussi bien que Washington ont été dupés au point de préférer Tito au Général Mihaïlovic, et donc de livrer la Yougoslavie au communisme.

Au début de l’année 1943, tandis que Tito vient de passer cinq mois à s’entendre avec le Commandement allemand en Yougoslavie occupée, et alors que les 141.000 Tchetniks du Général Mihaïlovic passé dès mars 1941 dans le maquis avec 25.000 hommes font dérailler des trains, sauter des dépôts de munitions et ont sauvé plus de 400 aviateurs alliés, d’étranges mutations bouleversent les missions anglo-américaines dans les Balkans.

 

Tous les rapports envoyés à Bari, Alger, Londres, Washington attribuent désormais ces hauts faits aux forces du futur Maréchal Tito. Mihaïlovic avait jusqu’alors reçu 5.000 t d’armement. Les titistes, qui comptent à peine 60.000 hommes en reçoivent en 20 mois 76.000 t. Les occidentaux entendent dire que Mihaïlovic a passé des arrangements avec la Wehrmacht. Bill Donovan lui-même s’étonne de ce revirement. Il ne sait pas que les officiers envoyés par lui pour enquêter sur place, Mansfield et Seitz, ne peu­vent s’entretenir avec Mihaïlovic qu’en présence de l’officier britannique William Hudson, pro-titiste avoué, et qu’Hudson est seul habilité à transmettre (ou non) leurs rapports au GQG interallié…

Donovan ne sait pas et ne l’apprendra que des années après que le major américain Louis Huot est acquis à Tito, dont il assure ” qu’il ne prépare absolument pas une révolution communiste ” ni qu’avant 1941 Louis Huot écrivait dans le ” Chicago Tribune ” que le combat anti-fasciste exigeait de privilégier les communistes “. Alors que Moscou n’avait pas encore été agressé par Berlin ! Donovan ne saura qu’avec trois mois de retard que depuis Bari, sans rendre compte à ses supérieurs et en complicité avec deux britanniques, William Hudson et Fitzroy Maclean, Huot a organisé une navette de 14 bateaux de pêche qui, jour et nuit, ravitaille en armements les titistes, dont 400 ont été délégués sur la côte de l’Adriatique pour réceptionner cette aide.

Tito est si content qu’il fera don un peu plus tard à Fitzroy Maclean d’une luxueuse villa dans l’Ile de Korcula. Le journaliste britannique Atherton, qu’écoutait volontiers Donovan depuis 1941, car il parlait le serbe et le croate a été assassiné en avril 1942, par des agents communs de Tito et de Staline… Comment tout cela est-il possible ?

 

Les taupes aux leviers de commande

C’est tout simplement que Moscou a activé des taupes infiltrées de longue date au Département d’État américain, au Foreign Office, dans l’OSS, dans le commandement du S.O.E. britannique, dans l’Office of War Information, à la B.B.C. Et souvent très haut dans la hiérarchie.

– On n’a récemment découvert que John Cairncross (décédé le 8/10/1995) était le 5e homme du réseau Philby. Où est-il en 1943 ? Il supervise la section balkans des ” Services ” britanniques ! Qui a-t-il pris pour second : James Klugman, originaire comme lui du réseau soviétique né à Cambridge. Leur traitant s’appelle ” Vadim “. C’est-à-dire Anatoli Gorsky, etc… Notre liste s’étend à une dizaine de noms de gens basés à Bari ou sur place, près de Tito. L’un des rares anglais non affilié s’appelle Michael Lees. Il a publié nombre de révélations sur cette affaire en 1997 (The rape of Serbia, Harcourt, Brace, Jovanovic, Londres). Son livre a de suite disparu de la vente…

– L’opération n’aurait pas si bien réussi s’il n’en avait ét…