Armement : Accélération de la production des missiles ASTER par MBDA

  • MBDA a livré, à travers l’OCCAr (Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement), un premier lot de munitions ASTER ayant bénéficié des mesures d’accélération mises en place dans le cadre de la montée en puissance de la production.
  • Cette première livraison intervient moins de deux ans et demi après la signature du contrat avec l’OCCAr, qui vise notamment à renforcer les capacités de défense anti-aérienne de la France et de l’Italie, et cinq mois après le contrat supplémentaire pour compléter les stocks et accélérer la production des missiles ASTER, y compris pour le Royaume-Uni.
  • Cette livraison constitue une première étape vers les objectifs de réduction des délais de production annoncés. Elle témoigne des investissements réalisés par MBDA et ses partenaires industriels pour répondre aux besoins de ses clients et renforcer la résilience de l’Europe face aux nouvelles menaces.

Le 23 juillet 2025, MBDA a livré, en moins de deux ans et demi, le premier lot de missiles ASTER, commandés en décembre 2022 dans le cadre d’une acquisition conjointe pilotée par l’OCCAr auprès d’Eurosam, le GIE franco-italien de MBDA et Thales. Cette acquisition, lancée en coopération entre la France et l’Italie et complétée par une nouvelle commande en février 2025, vise à renforcer les systèmes de défense anti-aérienne des pays européens avec la production de près de 1 000 missiles ASTER pour les forces armées de l’Italie, du Royaume-Uni et de la France.

La production accélérée de ces missiles est une première étape vers les objectifs de réduction des délais de production annoncés. Elle résulte des investissements conséquents de MBDA ainsi que des actions mises en place par le Groupe avec ses clients et ses partenaires afin de répondre aux enjeux de montée en puissance de la production. Elle confirme la capacité de MBDA à tenir ses engagements pour réduire de plus de deux fois le cycle de production des missiles ASTER en 2026, par rapport à 2022, et de livrer 5 fois plus de missiles ASTER qu’initialement prévu en 2025.

Eric Béranger, CEO de MBDA, a déclaré : « La livraison des premiers missiles ASTER qui ont bénéficié de délais de production significativement réduits est un succès pour l’ensemble des équipes de MBDA, que je remercie pour leurs efforts continus, ses partenaires industriels et les acteurs étatiques impliqués. C’est une preuve de notre engagement aux côtés de nos clients pour assurer la montée en puissance de notre outil industriel et le renforcement de la base industrielle et technologique de défense. Cette accélération permet aux forces armées françaises, italiennes et britanniques de disposer de systèmes de défense antiaérienne essentiels pour protéger le ciel européen, comme le montre l’utilisation de l’ASTER en Mer Rouge et en Ukraine, et d’accroître les capacités de défense de l’OTAN. »

Initiées dès 2024 par MBDA, ces mesures ont été formalisées en février 2025 à travers une commande de missiles ASTER supplémentaires pour la France, l’Italie et le Royaume-Uni et l’accélération de la livraison des missiles déjà commandés. Elles reposent sur les efforts d’anticipation de MBDA, à travers des investissements dans l’outil de production, notamment sur les sites de Bourges et Selles-Saint-Denis en France et de Fusaro en Italie, des recrutements significatifs, la constitution de stocks de matière première et de composants, ainsi que l’accompagnement de toute la chaîne de valeur en Europe.

Entre 2023 et 2025, MBDA aura ainsi doublé la production de missiles neufs pour l’ensemble du Groupe et continuera à investir, entre 2025 et 2029, 2,4 Md€ pour assurer la montée en puissance de la production dans les prochaines années.

MBDA
Juillet 2025




Géopolitique. Tianjin : Trois milliards d’êtres humains en sommet

“La Chine est un pays ancien, vertigineux, inextricable”.

“La vie n’y a pas été atteinte par le mal moderne de l’esprit qui se considère lui-même, cherche le mieux et s’enseigne ses propres rêveries.”
(Paul Claudel, lettre à Stéphane Mallarmé, 1895)

Très occupée de son propre nombril, la presse européenne ne s’est guère intéressée à la réunion de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui vient de se tenir à Tianjin, en Chine. Avec ses 26 membres, observateurs et invités compris, ses voisins russes et indiens, dans une ville, l’ancienne Tientsin, dont Paul Claudel a été consul de 1906 à 1909 – l’une des concessions françaises (1) dans le dernier empire chinois, celui des Qing (1644-1911). Le cinéaste Bernardo Bertolucci a suivi, en 1987, le parcours extraordinaire du Dernier empereur, Pu Yi, mort à Pékin il n’y a pas si longtemps, en 1967, comme un simple citoyen. Sa veuve, disparue en 1997, faisait en 1995 transférer ses cendres auprès de celles de son prédécesseur, l’empereur Guangxu.

Même au temps du « présentisme » cher à l’historien François Hartog, perdrions-nous la mémoire de nos grands-parents ?

L’ancienne Tientsin, située sur la mer Jaune, entre la Chine et la Corée, Tianjin aujourd’hui avec 14 millions d’habitants, était – déjà – sur le parcours du transsibérien russe dont un certain capitaine Aubé, de l’infanterie coloniale, nous décrivait le parcours en 1904 (2), De Tientsin à Paris en Wagon. Observateur privilégié, consul de 1895 à 1909, Paul Claudel aimait la Chine, sa culture et ses habitants : « Quoiqu’on dise l’impression d’un homme qui a longtemps vécu au milieu des Chinois est plutôt celle de l’estime et d’une sympathie affectueuse » écrivait-il en 1909 (3), quand l’époque n’était pas à la sinophilie – nous étions au temps, depuis le milieu du 19e siècle, des Traités inégaux imposés à la Chine. Aujourd’hui ? Du Figaro (Sommet OCS, une réunion anti-occident en Chine ?) à l’Humanité (Au sommet de l’OCS, la Chine fédère le sud global pour contrer Donald Trump), comme ailleurs en Europe et aux Etats-Unis, le ton est à la critique d’un « narratif anti occident » tenu par des autocrates, dictateurs ou chefs de juntes.

Et peut-être à la surprise, aussi.

Pourtant, nous rappelle Geoconfluences (4), « lOrganisation de coopération de Shanghai (OCS) a été créée en 2001 par la Chine, la Russie et quatre pays d’Asie centrale : Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan. L’OCS succède au « Groupe de Shanghai » (ou traité de Shanghai ») créé en 1996. Cette organisation s’est progressivement élargie à l’Inde et au Pakistan en 2017, et, officiellement depuis 2023, à l’Iran (dont l’adhésion a été annoncée dès 2021). La Mongolie, la Biélorussie et l’Afghanistan sont membres observateurs ». Avec des objectifs « avant tout géopolitiques (l’OCS a par exemple servi à régler le contentieux militaire sino-russe). Elle vise plus globalement à stabiliser la région centrasiatique en luttant contre les mouvements fondamentalistes et séparatistes. Elle s’élargit à une coopération économique et commerciale. L’élargissement de l’OCS à l’Inde et au Pakistan affaiblit la raison d’être principalement sécuritaire de cette organisation au profit des priorités de développement économique, allant de la lutte contre la contrebande à des décisions stratégiques ».

Ici, nous avons suivi le développement de l’organisation. Par exemple en 2015 à Oufa (Russie), quand une réunion de l’OCS a succédé à un sommet des BRICS (5) et que l’agence chinoise Xinhua annonçait le début de la procédure d’adhésion de l’Inde et du Pakistan, « ce qui signifie le début officiel de l’expansion de l’OCS ». Puis en 2016 (6) quand l’Europe se consacrait au Brexit, en nous intéressant disions-nous à un événement ayant le potentiel de modifier profondément la structure sécuritaire du continent asiatique, l’entrée effective de l’Inde et de son ennemi le Pakistan au sein de l’OCS. Sans dissimuler les difficultés qui restaient posées : différences de positions des différents membres sur l’Afghanistan, et pour la Chine attitude ambiguë de l’Inde sur le problème de la mer de Chine méridionale, entre autres choses.

Mais, disions-nous encore, l’OCS est un modèle interétatique, très différent de l’Union européenne – ni union, ni alliance militaire. Son aventure, celle d’une association évolutive, vaut d’être suivie avec plus d’attention que ne lui en accordent les médias occidentaux. 

Qu’est-ce qui a changé cette fois ?  

Le contexte mondial qui s’est durci, avec la guerre en Ukraine et l’arrivée de Donald Trump aux Etats-Unis, deuxième mandat. Même pour l’inlassable plume du Figaro qui voyait, depuis février 2022, la victoire inéluctable de « l’Occident », Isabelle Lasserre : « L’Histoire du monde s’écrit de plus en plus ailleurs, en dehors de l’Occident, et certains de ses chapitres échappent désormais aux Européens. Comme ils avaient espéré pouvoir influencer Donald Trump et le faire basculer du côté ukrainien, ils ont cru que l’affirmation du mal nommé « Sud global » atteindrait rapidement ses limites. Les divisions du camp des autoritaires, les aspirations démocratiques des peuples, les décalages économiques devaient créer des fractures impossibles à dépasser. À en croire les grandes capitales européennes, la Russie et la Chine étaient déjà engagées sur la voie du divorce, forcé par la vassalisation de Moscou par Pékin. Quant à l’Inde, la grande démocratie du groupe, elle ne saurait briser son équilibre et sa neutralité en s’éloignant du monde des « lumières » pour basculer du côté de celui des dictatures… ».

Pourtant, « le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) organisé depuis dimanche (1er septembre) à Tianjin et clos par une grande parade militaire mercredi à Pékin, a prouvé tout le contraire ».

 De surcroît, et en présence du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, « le cercle d’amis des leaders anti-occidentaux, codirigé par Pékin et Moscou mais sous la houlette de la Chine, s’est encore agrandi. Un invité de marque les a rejoints : Narendra Modi, le premier ministre indien, poussé du côté de l’axe révisionniste par les droits de douane de 50 % imposés par Donald Trump pour forcer New Delhi à cesser ses achats de pétrole à Moscou. C’est la première fois depuis sept ans que Modi se rendait en Chine. Et vu son sourire sur les photos, il ne l’a pas regretté ». Ces sourires ne troublent pas que la presse européenne. Ainsi, écrit Ted Snider pour The American Conservative (7), proche des Républicains, « en Chine, alors que les dirigeants de plus de 20 pays attendaient dans la salle le début du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, le Premier ministre indien Narendra Modi et le président russe Vladimir Poutine sont entrés main dans la main. Ils se sont approchés du président chinois Xi Jinping et ont formé un cercle étroit et intime. Les dirigeants ont discuté et ri tandis que Modi joignait ses mains à celles de Xi ».

Et encore : « Pour l’administration Trump, déterminée à semer la discorde entre ces dirigeants, cette scène, plus que tous les discours prononcés lors du sommet de l’OCS, a été un coup dur. Le plus alarmant était la chaleur affichée entre Modi et Xi. Dans la bataille entre le monde unipolaire dirigé par les États-Unis et le monde multipolaire privilégié par la Chine et la Russie, les États-Unis ont longtemps considéré l’Inde comme un géant ayant un pied dans chaque camp. Dans la stratégie de Washington, le choix que fera l’Inde, le pays le plus peuplé du monde, fera pencher la balance dans la bataille pour l’ordre international ».

Oui, c’est bien cet ordre international qui se brise. Les pays de l’OCS et leurs invités le disent sans détour (8).

Cet ordre qui a appartenu à l’Europe jusqu’au suicide des guerres mondiales, puis aux Etats-Unis après 1945. Pour l’Europe, une longue agonie. Longue ? Oui. Lisons ce qu’écrivait Paul Valéry en 1927 dans une Note sur la grandeur et la décadence de l’Europe (8).  « L’Europe avait en soi de quoi soumettre, et régir, et ordonner à des fins européennes le reste du monde. Elle avait des moyens invincibles et les hommes qui les avaient créés ».

Mais ? Mais elle a manqué l’occasion, parce qu’elle a« manqué de vue ». Et qu’elle n’aspire plus, dit-il déjà en 1927 donc, qu’à « être gouvernée par une commission américaine ». Pourquoi ? « Les misérables Européens ont mieux aimé jouer aux Armagnacs et aux Bourguignons, que de prendre sur toute la terre le grand rôle que les Romains surent prendre et tenir pendant des siècles dans le monde de leur temps. Leur nombre et leurs moyens n’étaient rien auprès des nôtres ; mais ils trouvaient dans les entrailles de leurs poulets plus d’idées justes et conséquentes que toutes nos sciences politiques n’en contiennent ». Alors ? Ayant perdu son génie propre, elle reviendrait « au rang secondaire que lui assignent ses dimensions, et duquel les travaux et les échanges internes de son esprit l’avaient tirée ». Elle reviendrait, avait-il déjà écrit ailleurs, à « ce qu’elle est en réalité, un petit cap du continent asiatique ».

Et, avec une extraordinaire lucidité : « Considérez un peu ce qu’il adviendra de l’Europe quand il existera par ses soins en Asie deux douzaines de Creusot ou d’Essen, de Manchester ou de Roubaix, quand l’acier, la soie, le papier, les produits chimiques, les étoffes, la céramique et le reste y seront produits en quantités écrasantes, à des prix invincibles, par une population qui est la plus sobre et la plus nombreuse du monde ».

Nous y sommes. Nous y serons aussi longtemps que nous ne serons pas guéris, comme le disait Claudel, du mal moderne de l’esprit qui se considère lui-même, cherche le mieux et s’enseigne ses propres rêveries.

Hélène Nouaille
La lettre de Léosthène,
6 septembre 2025
http://www.leosthene.com

Carte :

Tianjin, sur la mer Jaune
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mer_Jaune#/media/Fichier:Bohai_map-fr.svg

 Notes :

(1) Voir, à la BNF, Vie des concessions et grands établissements français en Chine | Patrimoines Partagés, très facile à consulter, illustré
https://heritage.bnf.fr/france-chine/vie-concessions-et-grands-etablissements-francais-en-chine

Plan de Tientsin en 1900 (cliquer sur le zoom en bas de page) :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53070025f/f1.item.zoom

(2) Gallica, De Tientsin à Paris en wagon capitaine Aubé, éditeur militaire Henri Charles Lavauzelle, 1904
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5809493r

(3) Société Paul Claude, Yvan Daniel, Claudel et la Chine
https://societe.paul-claudel.net/homme/chine/

(4) Géoconfluences, décembre 2023, organisation de coopération de Shanghai (OCS)
https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/organisation-de-cooperation-de-shanghai-ocs

(5) Voir Léosthène n° 1040/2015 du 11 juillet 2015, Brics : pendant ce temps à Oufa

(5) Voir Léosthène n° 1126/2016, du 29 juin 2016, Pendant ce temps, en Asie, on s’associe…

« Les yeux de l’opinion publique mondiale sont tournés vers les résultats du référendum de Brexit ou les développements du Moyen-Orient. Cependant, un autre événement ayant le potentiel de modifier profondément la structure sécuritaire du continent asiatique s’est déroulé aussi la semaine dernière. L’adhésion de l’Inde et du Pakistan à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), lors du sommet de Tachkent, en Ouzbékistan, les 23 et 24 juin, nous pousse à réfléchir sur les équilibres géopolitiques de l’Asie ». Tolga Bilener, pour Le Devoir canadien, parle d’or. L’Organisation de coopération de Shanghai n’occupe pas la une des journaux : créée en 2001, elle comportait en se réunissant à Tachkent six pays membres (la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Kirghizistan et l’Ouzbékistan), cinq pays observateurs (l’Afghanistan, l’Inde, l’Iran, la Mongolie et le Pakistan), ainsi que des partenaires de dialogue. Au total, remarquait Vladimir Poutine le 24 juin, dix huit pays qui « représentent ensemble plus de 16% du PIB mondial et 45% de la population du monde ». La grande affaire, préparée à Oufa en juillet dernier, nous l’évoquions ici (5), était l’adhésion du Pakistan et, si possible, de son frère ennemi l’Inde. Bien sûr, un ensemble de difficultés restaient posées : différences de positions des pays membres sur l’Afghanistan, et pour la Chine attitude ambiguë de l’Inde sur le problème de la mer de Chine méridionale, par exemple. Mais on construit, en Asie, pendant que l’Union européenne se défait. 

(6) Le Figaro, le 1er septembre 2025, Isabelle Lasserre, Les anti-occidentaux resserrent les rangs autour du chinois Xi Jinping
https://www.lefigaro.fr/international/les-anti-occidentaux-resserrent-les-rangs-autour-du-chinois-xi-jinping-20250901

(7) The American Conservative, le 5 septembre 2025, Ted Snider, Loosing India
https://www.theamericanconservative.com/losing-india/

(8) Kremlin.ru, le 1er septembre 2025, Tianjin Declaration of the Council of Heads of State of the Shanghai Cooperation Organisation
http://en.kremlin.ru/supplement/6376?utm_source=substack 

(9) ) Gallica (BNF), Paul Valéry, Regards sur le monde actuel, Note sur la grandeur et la décadence de l’Europe p. 32 (NRF, 1938) p. 35 et suivantes.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1510307k/f47.item

Crédit photo : Google maps




Equipement lutte anti-drones : Un nouveau démonstrateur de laser de forte puissance pour la DGA

AASSDN : Souveraineté nationale
Source : Communiqué du ministère des Armées 
Mots clefs : BITD – Technologie – laser – anti drones – Sydéral

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COMMUNIQUE DE PRESSE
DU MINISTERE DES ARMEES

Paris, le 4 septembre 2025

La DGA commande un démonstrateur de laser de forte puissance destiné à la lutte anti-drones

  • Cette commande a été notifiée le 22 août 2025 par la Direction générale de l’armement (DGA) auprès d’un consortium associant MBDA, Safran Electronics and Defense, Thales et CILAS.
  • Elle porte sur la réalisation d’un démonstrateur d’un système d’arme laser, dénommé SYDERAL (Système Laser de Défense de Nouvelle Génération), destiné à la lutte anti-drones et à la défense aérienne de courte portée, s’inscrivant dans le cadre de la loi de programmation militaire 2024-2030.
  • D’une puissance de plusieurs dizaines de kilowatts, le démonstrateur bénéficiera de technologies innovantes permettant de combiner et de concentrer l’énergie laser pour neutraliser notamment les drones tactiques avec une efficacité maximale.

Le démonstrateur SYDERAL permettra d’évaluer l’efficacité de l’arme laser pour la neutralisation de drones tactiques, de roquettes, d’obus de mortier et de munitions téléopérées, en vue d’équiper les forces armées à l’horizon 2030.

Construit sur la base d’une architecture évolutive et modulaire, utilisable de jour et de nuit, ce démonstrateur est conçu pour être relativement compact au regard de la puissance visée.

Le consortium apportera une expertise de haut niveau sur les technologies complexes nécessaires à la réalisation du démonstrateur, notamment dans les domaines de la combinaison de faisceaux laser, du suivi vidéo automatique de haute précision et de l’optique adaptative, offrant une efficacité accrue par rapport aux autres systèmes développés dans le monde.

Le développement de cette solution souveraine avait fait l’objet en 2024 d’une première notification auprès du consortium constitué des sociétés Lumibird et CILAS, pour un montant de 10 millions d’euros. Celle-ci visait à développer une filière de sources laser ayant des caractéristiques permettant d’en combiner un grand nombre, en vue d’obtenir une très forte puissance. Le démonstrateur SYDERAL constituera une première marche pour atteindre la très forte puissance et être en mesure de faire face à des menaces plus complexes tels que les missiles.

Crédit photo : MBDA




Devoir de mémoire : Ravensbrück-Sachsenhausen

Le 80e anniversaire de la libération par l’armée rouge des camps de concentration emblématiques de Ravensbrück et de Sachsenhausen, au nord de Berlin, a été célébré le 4 mai avec ferveur et dignité par un millier de personnes de tous pays. Une dizaine de rescapés de l’enfer national-socialiste étaient là pour témoigner, sans doute pour la dernière fois.[1]

Le plus grand nombre de déportées à Ravensbrück venait d’Europe de l’Est, un tiers de Pologne, pays catalogué d’après l’idéologie raciale nazie dans la race des « sous-hommes slaves ! » Si le camp de Ravensbrück fut aussitôt transformé en caserne par les Soviétiques, celui de Sachsenhausen, comme Buchenwald, devint l’un de ces 10 « camps spéciaux » mis en place dès mai 1945 dans la zone d’occupation soviétique en Allemagne (SBZ). Officiellement pour « nettoyer l’arrière des troupes combattantes de l’Armée rouge des éléments ennemis », en fait pour y déporter, sans jugement, tout opposant considéré comme ennemi potentiel. Dans ces Spezlag les prisonniers étaient des esclaves coupés du monde. Dans ces « camps du silence » (Schweigelager), entre 1945 et 1951, plus de 1 100 000 personnes sont mortes et enterrées dans des fosses communes ou incinérées, avant que l’URSS ne transfère ces camps à la RDA, après sa création le 7 octobre 1949. Certains comme le camp de concentration de Bautzen, constitueront, jusqu’à la chute du mur « l’annexe carcérale de la STASI » (« Stasi-Knast »).

Les leçons de Ravensbrück

Les survivantes que j’ai pu rencontrer m’ont toutes dit deux choses : la première est qu’à leur retour, personne n’avait voulu les écouter pendant des années. La seconde est que si les hommes dans les camps avaient su « faire preuve de solidarité », les femmes avaient, elles, en plus « su faire preuve de tendresse et de dépassement », comme me l’a dit un jour Germaine Tillon à Rennes. Elle a été la seule Française à assister en tant que témoin à plusieurs de 7 procès « pour crimes de guerre » qui se tiendront devant un tribunal militaire britannique à Hambourg. Au total, 38 personnes seulement ont été reconnues coupables, dont 21 femmes. 18 condamnations à mort seront prononcées. Le regret de Germaine Tillon est que « la justice ne soit pas passée, la justice britannique était une justice individuelle qui n’était pas faite pour juger des crimes commis en bande organisée ». La plupart des accusés se sont mutuellement rejeté la faute les uns sur les autres, faute de preuves, six d’entre eux seulement seront condamnés à mort et exécutés !

850 bébés sont nés à Ravensbrück. Six ont survécu, dont trois français !

La règle pour les femmes était d’avorter avant le 8e mois ou de noyer le bébé quand il n’était pas étranglé d’une main par un gardien. Les autres étaient abattus aux pieds de leur mère, parfois lancés en l’air comme au tir au pigeon et fauchés par des tirs de mitraillette. Une récréation pour les gardiens. 25 enfants de mère française naîtront à Ravensbrück : trois survivront. C’est le cas de Jean-Claude Passerat, toujours combatif, qui était présent. Né dans le camp le 13 décembre 1944. Sa mère, Résistante avait 24 ans. Ne pouvant allaiter, c’est une Russe et une tzigane qui ont pris le relais…

La France était représentée par l’ambassadeur de France en Allemagne, François Delattre, dont des proches parents ont connu l’enfer des camps nazis. Il entourait les dernières survivantes venues avec leur amicale. Il y avait bien sûr le Souvenir Français et l’Union des Français de l’étranger, les deux plus anciennes associations patriotiques françaises et l’AASSDN venue rendre hommage à la mémoire de nos anciens, femmes et hommes déportés, Résistants arrêtés pour terrorisme, portant sur eux une lettre disant qu’ils pouvaient être exécutés à chaque instant.

Ravensbrück, l’enfer des femmes

A Ravensbrück, entre mai 1939 et mai 1945, 123 000 femmes ont été déportées provenant de 40 pays 30% étaient originaires de Pologne, 20% d’Allemagne et d’Autriche, 15% étaient, en majorité hongroise, 15% étaient françaises. Soit 6 000 femmes !

Le premier convoi de Françaises est arrivé en 1942 avec 237 détenues. Mais à partir de 1943, les convois se sont multipliés avec l’arrivée de femmes arrêtées pour fait de résistance. Au début, les Françaises étaient mal accueillies par les Polonaises qui reprochaient à la France de les avoir trahis, imaginant même compter des indics parmi elles, mais leur attitude va s’infléchir quand elles vont se rendre de l’esprit de résistance qui les animait.

Parmi elles, de nombreuses femmes, jeunes, qui avaient décidé de tout faire pour ne pas travailler dans des usines d’armement. Certaines comme Germaine Tillon et Geneviève De Gaulle se sont vite imposées comme des exemples.

Parmi les résistantes françaises à Ravensbrück, comment ne pas évoquer encore le nom de femmes d’exception, comme Marie-Berthe Sérot, épouse du commandant André Sérot, — figure emblématique du 2e Bureau français — ou encore Jeannette L’Herminier, déportée en février 1944. 

Jeannette L’Herminier armée de deux petits crayons mobilise ses camarades d’infortune

Marie-Altée « Jeannette » L’Herminier était la sœur du capitaine de corvette, Jean L’Herminier, commandant le sous-marin Casabianca, qui, refusant de se saborder, décide le 27 novembre 1942 de prendre la mer sous le feu de l’ennemi pour rejoindre la France-Libre… Jeannette s’engage dans la Résistance et cachera des pilotes alliés qui seront rapatriés en Angleterre via Plouha. Le 19 septembre 1943, elle sera arrêtée avec sa belle-mère à Paris par la Gestapo : les deux femmes cachaient un aviateur américain et transférées à Ravensbrück.

Les femmes sont appelées parfois à jouer un rôle exceptionnel pendant la guerre pour lequel la plupart n’ont pas été préparées. Les circonstances, le courage, la volonté, la foi les ont guidées.

A Ravensbrück, comme dans les autres camps, les personnes considérées comme inaptes au travail étaient exécutées dans la foulée. « Pas de bouches inutiles » !

Pour Hedy Belhassine, « cet hommage aux anciens est un devoir, mais comment ne pas avoir une pensée pour tous ces hommes et ces femmes de l’ombre, ces « honorables correspondants » qui n’ont jamais eu d’existence légale faisant sienne la phrase de Pierre Brossolette sur ces « soutiers de la gloire » … « ces combattants d’autant plus émouvants qu’ils n’ont point d’uniformes ni d’étendards

Parmi ces femmes de l’ombre en lutte contre la barbarie nazie, comment ne pas citer encore l’exemple d’Eugénie-Malika Djendi, de père algérien et de mère corse, qui s’est engagée le 11 janvier 1943 dans ce Corps féminin des transmissions. Après la campagne de Tunisie, elle rejoint à l’automne les services de contre-espionnage de l’armée dirigés par le commandant Paul Paillole. Formée à Staoueli, près d’Alger où se trouvent le centre d’entrainement du bataillon de choc et un centre de formation anglo-américain engagé dans la libération de la Corse (« Mission Massingham »).

Eugénie rejoint l’Angleterre le 20 mars 1943 où elle retrouve Marie-Louise Cloarec, Pierrette Louin et Suzanne Mertzizen. Le 9 avril 1944, elle s’embarque à bord d’un Halifax du 161st Squadron de la RAF à Tempsford pour être parachutée lors de la mission « Syringa » avec Georges Penchenier (alias Lafitte, alias Le Gorille, qui connaîtra la célébrité avec ses romans d’espionnage de la série noire) et Marcel Corbusier (alias Leblond) dans la région de Sully-sur-Loire, dans le Loiret.

Les Merlinettes françaises et leurs sœurs d’armes britanniques

Pas étonnant qu’un détachement britannique des FANY ait été envoyé à Ravensbrück. Des jeunes femmes volontaires, avec, comme les Merlinettes, un statut particulier d’auxiliaires. Le général Mermet a voulu voir dans la présence de ce détachement britannique « un clin d’œil british de l’histoire » avec nos Merlinettes… A l’origine, le FANY (First Aid Nursing Yeomanry) était un corps d’infirmières volontaires, considérées comme des auxiliaires d’élite. Pendant la 2e Guerre Mondiale, nombre d’entre elles serviront en France occupée comme radio ou agents de liaisons. Celles qui seront capturées seront fusillées ou transférées à Ravensbrück et exécutés à la veille de l’arrivée des troupes soviétiques.

L’enfer de Ravensbrück durera jusqu’au dernier jour. Plusieurs milliers de détenues furent éliminées juste avant la libération du camp. Les dernières exécutions eurent lieu le 25 avril : les onze détenues employées au crématorium furent empoisonnées par leurs gardiens.

Quand les équipes de la Croix Rouge danoise et suédoise sont arrivées sur place, il restait encore 3 500 femmes et 300 hommes. 20 000 personnes encore capables de marcher avaient été conduites la veille sur les routes pour une marche forcée, pour « la marche de la mort », en chantant ce chant des marais. Interceptées en route, fort heureusement, elles durent la vie sauve à un détachement soviétique.

À Sachsenhausen, les 20 et 21 avril 1945, plus de 33 000 détenus encore capables de marcher furent contraints de quitter le camp en direction du nord-ouest. Des milliers d’entre eux, trop faibles pour suivre le rythme, furent abattus sommairement par les gardes SS. Le plan initial des SS était de les parquer sur des navires en mer Baltique et de les couler.

« Lieux de mémoire au double passé »

A Sachsenhausen, l’après-midi du 4 mai, même si la cérémonie dans le camp s’est déroulée devant la porte de la station Z, le four crématoire, l’ambiance mais aussi le public étaient différents. A Ravensbrück, on célébrait le martyre de femmes appartenant à 40 pays. A Sachsenhausen on honorait à la fois des dizaines de milliers de victimes du IIIe Reich nazi et ceux des Soviétiques avant qu’ils ne passent le relai à la RDA dont la funeste STASI n’avait rien à envier au NKVD.

Joël-François DUMONT
Membre de l’AASSDN
25/08/2025

[1] Le système concentrationnaire nazi : https://european-security.com/le-systeme-concentrationnaire-nazi/




“Eric DENECE était mon ami” : Hommage du Préfet Yves Bonnet

Éric Denécé était mon ami. Il le reste au-delà de la mort. Pourtant, rien, ou presque, ne nous était commun : formation, parcours professionnel, âge, nous n’aurions  pas dû nous rencontrer, encore moins, partager centres d’intérêt, analyses, méthodes, pour un métier que je n‘ai abordé que par le choix que fit François Mitterrand de me confier la direction de la surveillance du territoire dans une période où l’espionnage soviétique et la subversion violente (communément et improprement dénommée terrorisme) menaçaient lourdement les intérêts et l’indépendance de la France.

J’en avais d’ailleurs fini avec mon parcours préfectoral et m’étais engagé en politique quand nos parcours se sont croisés, puis sont devenus parallèles, avec cet avantage que je possédais sur beaucoup d’être devenu disciple et ami de Pierre-Marie Gallois et de Paul-Marie de La Gorce, maîtres incontestés de la géopolitique française. C’est sur ce chemin qu’Eric Denécé et moi avons emprunté pratiquement ensemble qu’il nous a été donné de confronter nos analyses, avec des moyens différents mais en nous référant à, la même méthode et à la même déontologie. Éric m’a ainsi demandé de figurer au sein du jury de l’Université de Bordeaux qui a ratifié sa thèse et pris le « risque » de se soumettre à mon jugement.

Au fil de nos rencontres, je me suis rapproché du CF2R dont j’apprécie les collaborateurs, en particulier dans le domaine de la prospective stratégique et il m’a demandé de collaborer à son Histoire de renseignement qui, même inachevée, restera comme sa grande œuvre, en un domaine dont nous n’avons plus toujours les clés quand en disparaissent les pionniers et je pense à ce sujet au général Gallois.

J’avais, pour ma part, demandé à Éric de se joindre à la mission que nous avons faite en Libye quelques jours avant le renversement de Mouammar Khadafi avec, en particulier, Saïda Benhabilès et Roumiana Ougartchinska et que nous avons concrétisé par un rapport envoyé à tous les parlementaires dont deux seulement, Marine Le Pen et une députée communiste, ont bien voulu saluer l’honnêteté et la pertinence

Sans doute, les accusations et les anathèmes dont Éric a fait l’objet me sont-ils appliqués et c’est pourquoi je me sens investi de la mission, non pas de façon grandiloquente, mais avec le souci du professionnalisme et de la vérité, d’expliquer ce que fut son combat et de convaincre de le poursuivre ceux qui ne versent pas dans l’imprécation et le parti-pris.

Éric est précisément cela : il refuse les idées toutes faites, il s’attache aux faits, mesure les jugements. Sur tous les domaines où nous nous sommes concertés, je peux témoigner de son honnêteté et de sa capacité à se remettre en cause. Par exemple, sur la guerre qui déchire aujourd’hui l’Europe orientale et qui fut soigneusement fomentée de l’autre côté de l’Atlantique, je suis régulièrement preneur de ses informations, depuis février 2022 et je peux affirmer qu’elles sont toutes été corroborées par l’implacable déroulement des événements.

De mes propres positions sur l’Ukraine et la Syrie, je peux produire les articles parus sous ma signature dans la revue algérienne El Djazair. Elles se recoupent avec celles nous avions sur la Libye et dont les faits démontrent aujourd’hui combien elles furent prémonitoires. Assassiner Khadafi ne fut pas seulement ignominieux – et je ne voudrais pas être à la place de ses assassins – mais stupide. Le déferlement d’une immigration qui ne peut être contrôlée que de l’autre côté de la Méditerranée est là qui condamne Nicolas Sarkozy avant même Hollande et Macron, tous organisateurs, à des titres divers, d’une vraie guerre que nous sommes en train de perdre. Quand avec des trémolos dans une voix soigneusement travaillée, le président en titre agite la menace imaginaire d’un pays qui a payé pour tous le prix de la victoire sur le nazisme, il oublie qu’il nous a instillé la pire maladie qui soit, la perte de notre identité.

Éric n’a eu de cesse de dénoncer les vrais dangers que nous affrontons : notre déchristianisation, notre soumission à des dérives sociétales fatales, ou, simplement, notre capitulation devant l’impérialisme capitaliste. Karl Marx que je combattais derrière l’étendard de Raymond Aron avait finalement raison et nous l’ignorions. Les gouvernements qui ont expédié des millions de jeunes Français se battre contre le FLN des accords de la Soumam n’ont pas seulement ravagé des consciences. Ils ont creusé un fossé dans lequel deux peuples se noient à présent. Quand la classe politique française se réjouissait sous cape, dans les années noires, des malheurs de l’Algérie, à la notable exception du parti communiste, elle n’était pas seulement injuste mais stupide et nous en payons à présent le prix.

Eric m’écoutait quand je développais devant lui cette idée simple que, de part et d’autre de la Méditerranée, deux peuples, l’algérien et le français,  sont condamnés à la cohabitation ou, si l’on préfère, qu’il est trop tard pour les séparer. Autant organiser notre liaison puisque nous nous la sommes imposée. Autant restaurer la bonne entente que l’Église catholique avait su proposer et imposer entre chrétiens et musulmans et que juifs, hier, évangéliques, aujourd’hui, avaient installée pour faire de cette terre une société multireligieuse, comme il en est, à présent, de la nôtre. Je crois l’en avoir convaincu et il m’a, en tout cas, permis de m’exprimer sur ce point. Car, en toute chose, Éric avait pour méthode d’écouter, de parfaire sa connaissance du sujet ou de la situation, de confronter avec ses collaborateurs, puis de proposer la meilleure lecture.

Il pouvait y prétendre dans la mesure où il avait en lui ces deux qualités qui font le bon géopoliticien :  la connaissance et le recul. Il y ajoutait même l’honnêteté, denrée rare en des temps où l’argent et le parti pris imposent au monde des « narratifs » qui servent des intérêts rarement bienveillants. Il est, en effet, navrant de constater qu’en une époque où nous disposons de toutes les clés de la vérité, l’intrusion de personnages aussi détestables que les Soros, ou, à une échelle beaucoup plus modeste, Nicolas Tenzer ou d’organisations aussi perverses que l’OTAN, finissent par triompher de la Vérité jusqu’à mettre à bas des nations ou des États entiers.

Bien peu nombreux sont ceux qui osent s’élever contre ce viol des consciences qui nous tient lieu d’« opinion publique ». Comme cela fut le cas à propos du déchirement de la Yougoslavie et de la Serbie, de l’assassinat de l’Irak et, au passage de l’élimination de Saddam Hussein, de la dispersion de la Libye, et, au passage de l’ignoble exécution de Mouammar Khadafi, des brutales et cyniques interventions en Syrie, en Afghanistan, la liste est impressionnante des erreurs – pour être gentil – que, sous l’égide américaine, nous avons contribué à perpétrer, au risque de déstabiliser le monde.

Sur chacun de ces sujets, Éric était parvenu à placer un coin entre bêtise et suffisance. Il ne s’est jamais aventuré à pontifier dans un domaine simple et noble : celui d’informer et d’expliquer, sans parti pris, en se référant aux faits. Entouré de vrais chercheurs, il a fait du CF2R une maison où il était permis de travailler en toute indépendance et où, par son entregent, il avait réussi à attirer quelques-uns parmi les grands de la géopolitique.

J’étais un ami de Pierre-Marie Gallois, qui restera comme un des plus grands géopoliticiens contemporains. Sa fulgurante analyse Le Sang du pétrole avec ses deux tomes , Irak et Bosnie, a redonné aux conflits présents leur vraie dimension et situé la politique américaine – avec son bras armé de l’OTAN – comme la principale source de déstabilisation mondiale. Éric, comme Jacques Baud, Edouard Husson, Hervé Caresse, Alain Juillet, ou Luc Ferry ou encore l’historienne Annie Lacroix-Riz, représentent l’« école française du renseignement » qui ajoute aux grands courants de l’Histoire une finesse d’analyse et une précision factuelle qui nous rendent une vraie crédibilité. Il n’en est que plus navrant que s’éteigne pareille voix.

Rien n’est imputable au hasard et je suis de ceux qui ne craignent pas d’afficher leurs doutes d’un « suicide » qui fait les affaires des instigateurs d’une désinformation cyniquement propagée au nom de contorsions sémantiques et d’une désinformation qui n’a rien à envier au Propaganda staffel ou à l’Agitprop.

Sur le sujet de l’Ukraine comme sur celui de l’islamisme radical comme sur celui de l’Afghanistan, comme sur celui du printemps arabe, il n’avait de cesse d’écouter, d’écrire, d’informer. Lorsque nous avons rencontré Abdallah Senoussi à Tripoli, dans des conditions pittoresques, sous un parasol, au milieu d’une cour, j’avais apprécié la pertinence de ses questions et, au passage, la franchise de l’entretien, dont il avait fait le verbatim. Il prit la direction de la synthèse qui est intégrée dans la Face cachée des révolutions arabes fascicule passé inaperçu alors que s’y trouve l’explication prémonitoire de la crise syrienne qui n’a toujours pas effacé toutes ses conséquences. Il avait devant lui le vaste espace des deux crises majeures -mais non les seules – qui fracturent le monde et menacent d’en clore définitivement le cours. De qui ses prises de positions gênaient-elles les intérêts ? Poser la question, c’est y répondre.

Je l’avais appelé voici deux mois pour solliciter son avis sur l’idée qui m’est venue de traiter autrement le problème de Mayotte qu’en termes d’assistance mais, au contraire, dans la dynamique d’un positionnement géostratégique dans le canal du Mozambique et d’un retour à notre vocation maritime. Il l’avait dans un premier temps, écartée pour, dès le lendemain, revenir sur sa position et co-signer, comme nous l’avons fait tant de fois, un article qu’il avait fait paraître dans « Front populaire ». Ce sera sa dernière contribution au grand retour de la France sur la scène internationale qui se fait cruellement attendre.

J’en veux terriblement à ceux qui l’ont fait taire, à ceux qui n’ont pas salué son grand départ, ou qui s’en réjouissent, à tous les stipendiés du pouvoir qui pontifient, glosent, jugent, classent pour, en fin de compte, briser la démocratie. Je ne souris même plus des « philosophes » autoproclamés, minutieusement débraillés, ridicules acteurs d’une décadence en marche. Je plains tous ceux qui l’ont un peu assassiné faute d’honnêteté.

Je les quitterai bientôt, sans regret. Et sans avoir recours au suicide.

Préfet Yves BONNET

Source photo : Wikimedia Commons




Vidéo : Comprendre l’Italie de Giorgia MELONI

Dans le cadre d’un partenariat, TVLibertés a le plaisir de vous proposer cet été quelques programmes d’OPEN Box TV, la chaîne d’Alain Juillet, ancien patron du renseignement à la DGSE.

Dans cette émission, Alain Juillet et Claude Medori reçoivent Emmanuel Dupuy, géopolitologue et président de l’IPSE, pour revenir sur l’ascension de Giorgia Meloni et la transformation politique de l’Italie. En combinant stratégie économique, proximité avec les citoyens et diplomatie agile, Meloni s’est imposée comme une figure centrale en Europe. Elle réinvente son parti et redéfinit l’image de l’Italie, entre souveraineté nationale et coopération européenne. Sa vision méditerranéenne, son engagement envers l’Afrique et son positionnement mesuré sur l’OTAN témoignent d’un leadership équilibré. À travers elle, l’Italie devient un acteur moteur dans une Europe en recomposition.

Date de mise en ligne :  14/08/2025
Durée : 00:53:28
Compte YouTube : Open Box TV




Désindustrialisation : Un indice pour identifier les risques sur les territoires

Anticiper la désindustrialisation : un indice pour anticiper la désindustrialisation et réarmer l’intelligence économique territoriale

Face à une désindustrialisation persistante, le Centre de recherche appliquée de l’EGE propose un indice multicritère de risque pour détecter en amont les vulnérabilités industrielles. Une approche innovante d’intelligence économique au service de la puissance économique.

Désindustrialisation : un nouvel outil indispensable pour l’anticiper et l’éviter

Depuis trente ans, la France décroche. La part de l’industrie dans le PIB est passée de 17 % à 10 % entre 1995 et 2024, accompagnée de la perte de deux millions d’emplois (source : CR451, 2025). Malgré les signaux de reprise portés par France 2030, la dynamique globale reste fragile. Le CR451, centre de recherche appliquée de l’École de Guerre Économique, estime que les outils d’évaluation actuels, essentiellement descriptifs et « post mortem », sont inadaptés à l’anticipation des décrochages industriels.

Pour remédier à cette cécité stratégique, le CR451 développe un indice de risque de désindustrialisation, combinant neuf critères clé : positionnement stratégique, vulnérabilité technologique, politiques publiques, santé financière, fiscalité, gouvernance, emploi, ancrage territorial et image de marque.

Cette approche systémique vise à identifier les entreprises à risque avant qu’il ne soit trop tard — et à permettre une mobilisation coordonnée des acteurs concernés (État, collectivités, syndicats, investisseurs, experts, citoyens engagés).

Études de cas sur dix entreprises emblématiques représentatives des enjeux industriels actuels

La première phase d’analyse porte sur dix groupes industriels emblématiques : Alstom, Arkema, ArcelorMittal, Danone, Michelin, Renault, Sanofi, Seb, Schneider Electric, Valeo. L’objectif est d’identifier leurs fragilités structurelles sur la base d’un diagnostic multicritère. Ce travail préfigure un projet de mise en place d’un Observatoire national du risque de désindustrialisation, à horizon 2026.

Un indice de vigilance proactive et d’anticipation pour agir

Cet indice, dans sa conception, relève d’un changement de paradigme. Il rompt avec une logique d’intervention a posteriori pour inscrire la réindustrialisation dans une stratégie préventive. L’outil est aussi pensé comme un support d’aide à la décision pour les ministères concernés — Économie, Industrie, Transition écologique, Cohésion des territoires, Recherche. Il permettrait une meilleure allocation des aides publiques et une priorisation des actions en fonction de la criticité des signaux détectés.

Mais l’enjeu dépasse la simple planification industrielle. Il s’agit de réarmer la capacité française d’alerte face aux logiques de « désancrage » territorial, de délocalisation ou de fermeture et de dépendance stratégique. L’indice proposé devient ainsi un instrument d’intelligence économique, capable d’éclairer les rapports de force en amont, de détecter les fragilités d’un tissu productif et d’en informer les parties prenantes.

Le cas de Renault, qui a connu plusieurs vagues de restructuration, ou celui de Sanofi, régulièrement interpellé sur la relocalisation pharmaceutique, illustrent à quel point l’absence d’anticipation peut fragiliser la souveraineté industrielle. Dans ces situations, les signaux faibles — changement d’actionnaire, réduction de la R&D locale, cessions d’usines — étaient souvent visibles, mais n’ont pas déclenché de réponse coordonnée.

En lançant ce projet, le CR451 propose une lecture stratégique du risque industriel, croisant données économiques, signaux d’alerte et analyse des dynamiques territoriales. Il invite à une forme d’« hygiène de l’anticipation stratégique » face à la désindustrialisation, où l’information devient un levier d’action collective.

Malgré les discours volontaristes, la désindustrialisation risque fort de se poursuivre. Nous sommes là pour alerter et fournir des outils d’analyse concrets.

Élargissement de l’analyse à la rentrée 2025

À la rentrée 2025, le panel d’entreprises évaluées sera élargi et l’outil rendu davantage accessible aux acteurs économiques. Il pourrait alors devenir une référence dans les politiques de compétitivité, à l’instar des baromètres technologiques ou ESG. En France comme à Bruxelles, la désindustrialisation ne peut plus être traitée comme un simple symptôme économique : c’est un indicateur de vulnérabilité stratégique.

L’intégralité du rapport est accessible sur le site du CR451. Il est également présenté, avec ses études de cas, dans plusieurs vidéos disponibles sur la chaîne YouTube du CR451.

Arnaud de MORGNY
Directeur-adjoint du CR451
Centre de recherche appliquée de l’École de Guerre Économique
16 juillet 2025




Armement. MBDA continue d’accélérer la production des missiles Aster

  • MBDA a livré, à travers l’OCCAr (Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement), un premier lot de munitions Aster ayant bénéficié des mesures d’accélération mises en place dans le cadre de la montée en puissance de la production.
  • Cette première livraison intervient moins de deux ans et demi après la signature du contrat avec l’OCCAr, qui vise notamment à renforcer les capacités de défense anti-aérienne de la France et de l’Italie, et cinq mois après le contrat supplémentaire pour compléter les stocks et accélérer la production des missiles Aster, y compris pour le Royaume-Uni.
  • Cette livraison constitue une première étape vers les objectifs de réduction des délais de production annoncés. Elle témoigne des investissements réalisés par MBDA et ses partenaires industriels pour répondre aux besoins de ses clients et renforcer la résilience de l’Europe face aux nouvelles menaces.

Le 23 juillet 2025, MBDA a livré, en moins de deux ans et demi, le premier lot de missiles Aster, commandés en décembre 2022 dans le cadre d’une acquisition conjointe pilotée par l’OCCAr auprès d’Eurosam, le GIE franco-italien de MBDA et Thales. Cette acquisition, lancée en coopération entre la France et l’Italie et complétée par une nouvelle commande en février 2025, vise à renforcer les systèmes de défense anti-aérienne des pays européens avec la production de près de 1 000 missiles Aster pour les forces armées de l’Italie, du Royaume-Uni et de la France.

La production accélérée de ces missiles est une première étape vers les objectifs de réduction des délais de production annoncés. Elle résulte des investissements conséquents de MBDA ainsi que des actions mises en place par le Groupe avec ses clients et ses partenaires afin de répondre aux enjeux de montée en puissance de la production. Elle confirme la capacité de MBDA à tenir ses engagements pour réduire de plus de deux fois le cycle de production des missiles Aster en 2026, par rapport à 2022, et de livrer 5 fois plus de missiles Aster qu’initialement prévu en 2025.

Eric Béranger, CEO de MBDA, a déclaré : « La livraison des premiers missiles ASTER qui ont bénéficié de délais de production significativement réduits est un succès pour l’ensemble des équipes de MBDA, que je remercie pour leurs efforts continus, ses partenaires industriels et les acteurs étatiques impliqués. C’est une preuve de notre engagement aux côtés de nos clients pour assurer la montée en puissance de notre outil industriel et le renforcement de la base industrielle et technologique de défense. Cette accélération permet aux forces armées françaises, italiennes et britanniques de disposer de systèmes de défense antiaérienne essentiels pour protéger le ciel européen, comme le montre l’utilisation de l’Aster en Mer Rouge et en Ukraine, et d’accroître les capacités de défense de l’OTAN. »

Initiées dès 2024 par MBDA, ces mesures ont été formalisées en février 2025 à travers une commande de missiles Aster supplémentaires pour la France, l’Italie et le Royaume-Uni et l’accélération de la livraison des missiles déjà commandés. Elles reposent sur les efforts d’anticipation de MBDA, à travers des investissements dans l’outil de production, notamment sur les sites de Bourges et Selles-Saint-Denis en France et de Fusaro en Italie, des recrutements significatifs, la constitution de stocks de matière première et de composants, ainsi que l’accompagnement de toute la chaîne de valeur en Europe.

Entre 2023 et 2025, MBDA aura ainsi doublé la production de missiles neufs pour l’ensemble du Groupe et continuera à investir, entre 2025 et 2029, 2,4 Md€ pour assurer la montée en puissance de la production dans les prochaines années.

Site MBDA
30 juillet 2025

A propos de MBDA
MBDA est un groupe européen multinational unique, un leader mondial dans le domaine des systèmes d’armes complexes, jouant un rôle clé dans la protection des nations. Créé dans un esprit de coopération internationale, MBDA et ses plus de 18 000+ collaborateurs travaillent ensemble dans l’objectif de soutenir la souveraineté nationale de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne et du Royaume-Uni, ainsi que des pays alliés dans le monde entier. En tant qu’accélérateur d’innovation, MBDA est le seul groupe européen capable de concevoir et de fabriquer des armes complexes pour répondre à toutes les exigences opérationnelles, actuelles et futures, des trois forces armées (Terre, Mer et Air). MBDA est détenu par Airbus (37,5 %), BAE Systems (37,5 %) et Leonardo (25 %).

Source photo : MBDA




Espace : Cinq satellites d’observation en orbite grâce la fusée Vega-C

« Bravo aux équipes ! » 
Mission réussie pour la fusée Vega-C qui place cinq satellites d’observation en orbite

A Kourou, la petite fusée européenne Vega-C a décollé dans la nuit de vendredi à samedi pour un vol important pour l’Europe spatiale. Un succès pour le CNES. Un nouveau vol d’Ariane 6 doit avoir lieu en août.

Mission réussie. L’opération était importante, à la fois pour l’accès européen à l’espace et pour la capacité d’observation des scientifiques et militaires du Vieux Continent. Le petit lanceur européen Vega-C a décollé vendredi soir à l’horaire prévu, à 23 h 03 heure locale (02 h 03 GMT), depuis le centre spatial de Kourou en Guyane française.

Peu après, la mise en orbite à deux hauteurs différentes des cinq satellites logés dans la fusée a été accomplie. Celle du satellite MicroCarb, devant cartographier les puits de CO2 présents sur Terre pour le Centre national d’études spatiales (CNES). Et celle des quatre satellites CO3D lancés pour le compte d’Airbus Defense and Space et du CNES.

« Un tir très important pour la France »

Cette dernière, une constellation est destinée à fournir une cartographie du globe en trois dimensions et en haute résolution, doit avoir une durée de vie d’environ huit ans.

C’était « un tir très important pour la France, soulignait jeudi Lionel Suchet, le directeur général délégué du CNES. Ces cinq satellites de petite taille sont super-innovants, ils offrent des performances jamais égalées dans l’univers des petits satellites à bas coût. »

Il s’agit du troisième lancement de l’année depuis le centre spatial guyanais, et le deuxième lancement de Vega C. Un prochain lancement, avec le lanceur Ariane 6, est prévu courant août, a priori le 12, pour envoyer en orbite les deux premiers satellites de météorologie de la dernière génération MetOp, qui comprendra trois paires de satellites embarquant chacun des instruments particuliers et sophistiqués.

Les Echos
27 juillet 2025

Source photo : Ciel et Espace




Rapport de l’Assemblée nationale : Forte augmentation des menaces contre les BITD

La base industrielle et technologique de défense (BITD) confrontée à un niveau de menace élevé

Un rapport de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale souligne l’augmentation forte des menaces contre la base industrielle et technologique de défense, touchant surtout les PME, via espionnage, cyberattaques ou prises de contrôle capitalistiques. L’objectif est de protéger les actifs stratégiques et préserver la souveraineté industrielle et technologique de la France et de l’Europe.

La menace s’intensifie. Le nombre d’atteintes caractérisées contre des entités de la BITD ou des organismes de recherche de défense se situe entre 500 et 550 par an. On compte par ailleurs 750 à 800 alertes de sécurité économique chaque année contre des entreprises ou des actifs stratégiques, soit plus du double de 2020 ([1]).

80 % des atteintes visent les PME. Nos compétiteurs stratégiques tentent d’attaquer les grands groupes et de paralyser nos chaînes de valeur en visant les sous-traitants qui ont de moindres capacités à se défendre.

Les menaces sont de plus en plus protéiformes. Si les atteintes physiques (vols, intrusions non autorisées, sabotages) et les atteintes humaines (espionnage stratégique, économique et technologique) restent importantes, elles s’accompagnent de menaces informatiques, juridiques (lawfare), capitalistiques et informationnelles.

Les menaces viennent de tous nos compétiteurs stratégiques. Les ingérences étrangères les plus graves proviennent naturellement de la Russie et de la Chine ainsi que d’autres pays dont l’industrie de défense est concurrente de la nôtre, mais certaines proviennent aussi de pays qui sont nos alliés sur le plan géostratégique, en tête desquels les États-Unis.

● Les services de l’État ont renforcé les moyens qu’ils consacrent à l’intelligence économique et se sont réorganisés afin de mieux assurer leurs missions de sécurité et de promotion économiques.

La direction générale de l’armement (DGA) exerce depuis longtemps une compétence en matière d’intelligence économique et de protection des entreprises de la BITD. La création d’une direction de l’industrie de défense, actée en 2024, a renforcé la concentration des moyens alloués par le ministère des armées à ces sujets, avec une trentaine de créations de postes et de nouveaux leviers d’action (bureau cyber, campus OSINT, posture plus offensive).

Le service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSÉ), qui pilote et coordonne au niveau interministériel la protection des entreprises, technologies et organismes de recherche stratégiques, est monté en puissance depuis 2020 et a pris une ampleur à la mesure des enjeux de sécurité économique. Ses effectifs ont augmenté de 24 ETP en 2016 à 32 ETP en 2025, auxquels s’ajoutent 24 délégués régionaux.

Les services de renseignement, en particulier la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) et la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) pour ce qui concerne la BITD, sont aussi plus actifs. La stratégie nationale du renseignement de 2019 compte la défense et la promotion de nos intérêts économiques et industriels parmi les enjeux prioritaires. Les moyens alloués à la contre-ingérence économique tendent à rattraper ceux prévus pour la lutte contre le terrorisme.

● Plusieurs dispositifs de sécurité économique ont été renforcés pour accroître les moyens d’action de l’État.

Le contrôle des investissements étrangers en France (IEF) a été modernisé, avec un élargissement de la liste des investissements soumis à autorisation, une extension des secteurs et des technologies considérés comme stratégiques et un durcissement des sanctions. S’il est essentiel de maintenir l’attractivité économique de la France, les flux de capitaux étrangers au sein de la BITD doivent rester maîtrisés. Lorsque des intérêts nationaux sont en jeu, la DGA négocie avec les investisseurs étrangers une lettre d’engagement destinée à éviter le pillage, la vente à la découpe, la sortie des centres de R&D du territoire national voire à mettre sous cloche les activités stratégiques. Pas moins de deux cents lettres d’engagement sont actives, dont la DGA assure un suivi strict, assorti de pénalités si elles ne sont pas respectées. Seules deux marges de progression ont pu être identifiées par le rapporteur spécial : mieux anticiper la sortie des fonds d’investissement et développer la pratique des proxy boards pour renforcer le suivi des engagements imposés aux investisseurs étrangers.

Recommandation n° 1 : Dans le cadre du contrôle des investissements étrangers en France, mieux anticiper la sortie des fonds d’investissement.

Recommandation n° 2 : Dans le cadre du contrôle des investissements étrangers en France, généraliser la pratique du conseil d’administration alternatif (proxy board) pour renforcer le suivi des engagements imposés aux investisseurs étrangers.

La loi de blocage du 26 juillet 1968 a été réactivée. Elle interdit à toute personne physique de nationalité française de communiquer à des autorités publiques étrangères des renseignements de nature à porter atteinte à la souveraineté de la France. Elle interdit aussi à toute personne de demander de tels renseignements dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives étrangères. Les modalités d’application du dispositif ont été précisées au niveau réglementaire, avec le SISSÉ désigné en tant que guichet unique. Longtemps inappliquée, la loi est devenue crédible et confère désormais une réelle protection aux entreprises et personnes subissant des demandes d’information abusives de la part d’autorités étrangères. Le nombre de saisines a été multiplié par cinq par rapport à la période antérieure. Le rapporteur spécial salue l’action des services de l’État, qui sont parvenus à redonner à un outil ancien une utilité réelle. Il relève toutefois la faiblesse des sanctions encourues et recommande d’alourdir le montant des amendes.

Recommandation n° 3 : Alourdir le montant des amendes pouvant être prononcées en cas de méconnaissance de la loi de blocage.

Les moyens consacrés à la cybersécurité des entreprises ont également été renforcés, à la fois au niveau de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) pour les groupes les plus stratégiques et de la DRSD pour les PME de la BITD. La DGA a mis place un référentiel de maturité cyber, afin d’aider les entreprises à élever leur niveau de protection, ainsi qu’une prise en charge partielle des frais de cybersécurisation.

● Un cadre juridique national complet et efficace, qui appelle peu d’évolutions législatives ou réglementaires, mais des moyens budgétaires et humains supplémentaires.

Augmenter les moyens des services de l’État chargés de protéger et de soutenir les actifs stratégiques permettrait de renforcer leurs moyens d’action et d’améliorer encore leur coordination.

Recommandation n° 4 : Augmenter les moyens humains et budgétaires alloués aux services de l’État chargés de la protection des actifs stratégiques.

En outre, le rapporteur spécial estime nécessaire d’ouvrir une réflexion sur la possibilité de réaliser des enquêtes administratives et de délivrer des avis de sécurité pour des personnes souhaitant travailler dans la BITD préalablement à leur recrutement. Une telle possibilité permettrait de constituer un vivier de personnes autorisées ou habilitées dans lequel les entreprises de l’industrie de défense pourraient rapidement trouver la main-d’œuvre dont elles ont besoin, pour couvrir des besoins de recrutement urgents ou temporaires. Cela supposerait d’accélérer la hausse des moyens de la DRSD.

Recommandation n° 5 : Renforcer les moyens budgétaires et humains alloués aux services d’enquête de la DRSD, et envisager un nouveau cadre juridique autorisant la constitution d’un vivier de travailleurs autorisés ou habilités à la disposition des entreprises de la BITD en cas de recrutements urgents ou temporaires.

Les actions de sensibilisation aux risques et aux bonnes pratiques doivent se poursuivre et s’amplifier. Les organismes de recherche, en particulier, présentent des vulnérabilités qui peuvent en faire des cibles pour nos compétiteurs. Les étudiants des écoles d’ingénieurs sous la tutelle du ministère des armées gagneraient aussi à être davantage sensibilisés aux enjeux de la guerre économique.

Recommandation n° 6 : Renforcer la sensibilisation des étudiants des écoles d’ingénieurs sous la tutelle du ministère des armées aux enjeux de la guerre économique.

Afin de renforcer la protection des connaissances et savoir-faire stratégiques dans les entreprises et les organismes de recherche, le rapporteur propose de rendre le cadre réglementaire relatif à la protection du potentiel scientifique et technique (PPST) plus contraignant, en imposant aux entreprises et organismes de recherche les plus critiques de recourir au dispositif, aujourd’hui facultatif.

Recommandation n° 7 : Rendre le cadre relatif à la protection du potentiel scientifique et technique de la nation plus contraignant, notamment pour les entreprises et les organismes de recherche les plus critiques, en renforçant les dispositifs d’accompagnement.

Une évolution progressive de nos outils de télécommunications et messagerie ainsi que de nos moyens de stockage numérique vers des solutions souveraines et sécurisées est possible. Les acteurs français, qui existent et qui constituent une alternative crédible, ne pourront se développer et acquérir une taille critique que s’ils reçoivent des commandes. Un certain degré de contrainte paraît nécessaire, pour imposer aux entreprises, y compris celle de la BITD, d’utiliser des solutions françaises ou européennes, et d’éviter de recourir à certains prestataires lorsqu’il existe une incertitude sur le stockage des données. Au delà de la seule question de la BITD, le rapporteur spécial estime en outre que les élus de la Nation ont un devoir d’exemplarité dans l’utilisation d’outils numériques sécurisés.

Recommandation n° 8 : Imposer progressivement aux entreprises de la BITD un très haut niveau de protection des données, impliquant le stockage de données sensibles sur des serveurs situés en France ou sur le territoire de l’Union européenne.

Longtemps naïve, l’Union européenne semble progressivement prendre conscience de la nécessité de se défendre elle-même. Sous l’impulsion de la France, l’Union européenne s’est dotée d’outils destinés à renforcer et harmoniser le contrôle des investissements des étrangers. Ce système comporte encore des lacunes, mais la Commission européenne a initié une révision du règlement en vigueur.

La meilleure manière de contrer certaines normes étrangères à portée extraterritoriale dont se servent certains de nos compétiteurs pour atteindre nos entreprises est d’adopter des réglementations équivalentes pour pouvoir les opposer aux autorités étrangères. À cet égard, le rapporteur spécial estime que la loi de blocage du 26 juillet 1968 a fait ses preuves au niveau national et gagnerait à trouver une équivalence au niveau européen.

Recommandation n° 9 : Sur le modèle de la loi de blocage du 26 juillet 1968, adopter un règlement de blocage au niveau de l’Union européenne.

Dans la même perspective, la création d’un label de type « Itar » au niveau européen permettrait aux États membres de l’Union européenne – qui constitueraient collectivement une masse critique suffisante – de s’opposer à certaines demandes abusives des autorités américaines vis-à-vis de leurs entreprises stratégiques, voire de réaliser des contrôles similaires auprès d’entreprises ou d’investisseurs étrangers.

Recommandation n° 10 : Mettre en place un label de type « Itar » au niveau de l’Union européenne.

● Face aux difficultés de financement des PME de la BITD, qui perdurent, la nécessité de trouver de nouvelles sources financement innovantes.

Malgré un contexte de plus en plus favorable au financement de l’industrie de défense, au niveau national, dans la continuité de la conférence du 20 mars 2025, comme au niveau européen, un certain nombre de PME auditionnées par le rapporteur spécial ont encore récemment rencontré des refus de financement en raison de leur appartenance au secteur de la défense.

Il est tout d’abord nécessaire de réserver les financements européens, en particulier ceux du programme EDIP, aux matériels européens, développés et produits par des entreprises européennes sur le sol européen, afin qu’ils puissent être utilisés, maintenus en condition opérationnelle et modifiées par les armées sans restriction de la part d’un pays tiers.

Recommandation n° 11 : Dans le cadre du programme européen d’investissement dans la défense (EDIP), réserver les financements européens aux matériels européens – composés d’au moins 65 % de pièces développées et produites par des entreprises européennes sur le sol européen – et dont l’autorité de conception est européenne, en limitant les exceptions.

Par ailleurs, les fonds publics visant à protéger les entreprises et les technologies stratégiques ou innovantes demeurent insuffisants : leur dotation est limitée, le nombre d’opérations réalisées chaque année est faible et ils sont difficilement mobilisables pour des levées de fonds de plus de 20 millions d’euros. Le rapporteur spécial appelle donc une nouvelle fois à augmenter les moyens budgétaires alloués par l’État à la protection des entreprises stratégiques et des technologies sensibles, de façon à maximiser les effets de levier qu’il est possible d’obtenir en associant des fonds publics et des fonds d’investissement privés.

Recommandation n° 12 : Renforcer les moyens budgétaires alloués aux fonds publics destinés à la protection des entreprises stratégiques et des technologies sensibles (notamment Definvest et le fonds pour l’innovation de défense).

Les moyens d’action de l’Agence des participations de l’État (APE) pour la protection des entreprises et des technologies stratégiques pourraient être renforcés. Le produit des dividendes perçus par l’État pourrait ainsi être affecté au compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État, afin de conférer à l’APE une possibilité d’intervention contra-cyclique.

Recommandation n° 13 : Pour accroître le rôle de l’Agence des participations de l’État dans la protection des entreprises stratégiques, affecter le produit des dividendes perçus par l’État au compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

Il n’en demeure pas moins que remédier aux difficultés de financement des entreprises de la BITD passe avant tout par une meilleure mobilisation des fonds privés. Le rapporteur spécial salue les récentes annonces relatives à la création de fonds de private equity ouverts aux particuliers souhaitant investir dans la BITD. Toutefois, compte tenu du volume d’épargne disponible, il réitère sa proposition de créer un livret défense et souveraineté ou de flécher une partie des encours des livrets réglementés vers les PME de la BITD. En s’adressant à un public plus large, un tel fléchage aurait une portée symbolique plus forte. Il monterait la détermination de l’État à protéger ses intérêts nationaux. Il permettrait également de mobiliser non seulement l’épargne des Français, mais aussi les Français eux-mêmes, autour de la protection des entreprises stratégiques.

Recommandation n° 14 : Créer un livret défense et souveraineté ou flécher une partie des encours du livret A et du livret de développement durable et solidaire vers les PME de l’industrie de défense.

Enfin, le rapporteur spécial appelle à plus de cohérence fiscale pour contrer les menaces capitalistiques et soutenir les entreprises stratégiques. À l’heure actuelle, une large partie de l’épargne part à l’étranger, notamment aux États-Unis, à la recherche de rendements plus élevés. Afin d’inciter les épargnants à investir dans l’économie française, ou européenne, il pourrait être envisagé de créer un crédit d’impôt spécifique qui permettrait de réduire le montant de l’imposition due au titre des produits des investissements dans des entreprises établies en France ou au sein de l’Union européenne.

Recommandation n° 15 : Créer un crédit d’impôt permettant de réduire l’imposition due au titre des produits des investissements dans les entreprises françaises et européennes.

Enfin, bien que la France dispose d’un cadre juridique solide, éprouvé et exemplaire en matière de vente d’armes et de biens à double usage, certaines banques se permettent de refuser de financer des opérations qui ont pourtant été autorisées par l’État. En conséquence, le rapporteur spécial estime nécessaire d’envisager la possibilité de conférer aux licences d’exportation délivrées par l’État un caractère plus contraignant, qui s’impose d’une manière ou d’une autre aux établissements bancaires.

Recommandation n° 16 : Envisager une évolution du cadre législatif permettant de conférer aux licences d’exportation délivrées par l’État un caractère contraignant pour les établissements bancaires.

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M. Christophe Plassard,
Rapporteur spécial
Commission des Finances , de l’Economie générale et du Contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale
16 juillet 2025