Dix Ans dans les prisons sovietiques -Rencontre qvec le General OBERST RUDOLPH SCHMIDT

LES SOUVENIRS DE LUCIEN GOUAZé

Entre l’eau alourdie des orages prochains Et le ciel triste où s’attarde le cri Des goélands marins qui sentent le carnage, Seul, impuissant, vaincu, enchaîné à l’avant D’une sanglante galère, Un homme de chez nous, un homme d’aujourd’hui, Un soldat, un ami, un frère, Minute après minute, en attendant la mort Compte le temps. Prison de Kiev, 1952.

Ainsi se termine le recueil de Poèmes en sous-sol que notre camarade Lucien Gouazé écrivit durant ses dix années de détention dans les prisons soviétiques.

Dans la présentation de ce recueil — qu’il a bien voulu dédier à l’A.A.S.S.D.N., Gouazé résume ainsi ce que fut sa misérable existence

Ces « poèmes » ont une histoire : la mienne durant les quelques dix années les plus sombres de ma vie — une vie pourtant riche en aventures et partant et mécomptes ! Septembre 48-mars 58, cela fait presque dix ans et un long, très long voyage dans les sous-sols du Goulag. De ce « Goulag » au sens convenu et désormais habituel du terme (ensemble des camps de travail soviétiques), depuis Soljenitsyne et tant d’autres : revenant ou dissidents, on n’ignore plus grand-chose. Mais des « sous-sols » du Goulag, ces prisons secrètes, quasi hermétiques où s’exprimait pleinement le génie de Staline, a-t-on suffisamment parlé et écrit? Me référant à mes seules expériences : épreuves traversées, moments douloureusement vécus, lieux de « séjours » plus ou moins prolongés,

je pourrai citer parmi ces sous-sols, et successivement — dans l’ordre à la fois du temps et de l’espace :

Les geôles militaires de Baden-hei-Wien, la prison du M.V.D. de Kiev, les cellules compressées de la célèbre Ljoubjanka à Moscou et enfin pour l’absolu repos du combattant à genoux : l’Isolateur politique (Politisolator) de Vladimir, à quelques 180 km au N.-O. de Moscou, où j’ai passé la meilleure part de ma détention : un peu plus de sept ans.

Je dis bien la meilleure part — sans euphémisme ni ironie. Là, en effet, après des saisons d’isolement total et tatillon, je retrouvais enfin d’autres hommes — des compagnons avec qui rompre le pain, confronter ma misère à la leur et partager, de temps à autre, la même folle espérance de libération.

Mais là aussi, dans cette solitude partiellement rompue des cellules pour quatre, huit, douze, voire vingt ou vingt-cinq détenus, la règle s’humanise. Des livres, surtout en russe mais aussi en allemand, anglais et français, circulant dans la prison sous le contrôle vigilant (un message est si vite passé!) d’une bibliothécaire assermentée.

Mieux encore, quelques porte-plumes par cellule et de l’encre d’écolier sont à notre disposition. Le tirage au sort décide de l’ordre d’attribution entre détenus et de la durée de celle-ci.

Grâce à cet « écritoire », deux ou trois fois la semaine et les quelques feuilles de papier mendiées ici et là, aurait pu s’achever, pour moi, l’effort, résolu dès les premiers jours de ma captivité, de fixer mes pensées, mes impressions par le souvenir écrit — volonté de mémoriser à tout prix mon destin, douloureuse certes mais libératrice, qui m’arrache aux fantasmes suicidaires du désespoir, à l’abrupte réalité des murs et des barreaux et par-dessus tout à la stagnation du temps à ce présent figé qui n’en finit pas de broyer l’homme au creuset de sa solitude. Aurait pu s’achever… C’était compter sans les fouilles réglementaires et toujours imprévues entraînant, selon l’humeur du chef de la prison, soit un coup d’oeil rapide sur nos papiers, soit une rafle générale de tous les écrits — par définition suspects. C’était compter surtout sans les mises en route brutales pour quelque destination inconnue — le voyageur plus que jamais sans bagage abandonnant derrière lui le moindre bout de papier.

RENCONTRE AVEC LE GENERAL RUDOLPH SCHMIDT Dans son livre « Notre espion chez Hitler » , le Colonel Paul Paillole expose l’importance exceptionnelle des renseignements politiques et militaires recueillis par l’agent n° 1 de notre S.R., Hans Thilo Schmidt, entre 1933 et 1940. Frère du Général d’Armée blindée Rudolph Schmidt, rival du fameux Guderian, notre agent recueillait ses confidences, pillait sans vergogne ses secrets, trahissait sa confiance. Arrêté par l’Abwehr en 1943, Hans Thilo Schmidt provoqua la disgrâce de son frère, pourtant l’un des généraux favoris de Hitler et nanti d’un prestigieux commandement sur le front russe. Devant l’ampleur de la trahison de l’un de ses hauts fonctionnaires et dignitaire du Parti, devant l’extrême gravité de la sanction impliquée par le Führer à un Chef d’Armée de grande et respectable réputation, le III° Reich et maintenant la R.F.A., ont imposé une règle absolue de silence sur cette affaire d’espionnage sans précédent. Il y va, semble-t-il, de l’honneur de l’Allemagne! Limogé, le Général Rudolf Schmidt s’était retiré à Weimar, mortifié, amer. Il s’efforçait de cacher à son entourage les vraies raisons de sa disgrâce. Pourtant son calvaire n’était pas achevé. Accusé à Nuremberg, par les Soviets d’avoir toléré en Ukraine des sévices contre la population civile et les prisonniers, il fut arrêté en 1947 et transféré en Russie. Par un hasard extraordinaire il va rencontrer en prison notre camarade Gouazé qui ignore tout des circonstances qui ont provoqué l’effacement du Général Schmidt et son arrestation par les Soviets.

Il nous a semblé intéressant de connaître l’opinion de Gouazé sur ce Grand Chef de la Wehrmacht et de savoir comment celui-ci expliquait sa situation .

Voici le récit de notre camarade :

Je dois préciser qu’avant 1950, je ne connaissais du Général Rudolf Schmidt que le nom — un nom parmi ceux des maréchaux et généraux du Reich qui combattirent sur le front russe en 1941 et 42.

C’est en 1950, entre le 23 février et le 1er mars, dans la prison de passage de Kiev, que j’ai fait là connaissance du Général d’Armée Rudolf Schmidt.

Nous sympathisâmes et, au cours de nos conversations, il me précisa qu’en tant qu’ancien Gouverneur Militaire de Stanislav sur le front russe, il avait été arrêté en Allemagne de l’Est, dès 1947 et remis aux Autorités soviétiques d’occupation et qu’il faisait route, selon toute vraisemblance, pour Moscou. Ce n’est que quatre ans plus tard que je reverrai le Général Schmidt, ayant achevé, comme moi-même, entre les murs du « Polit-isolator » de Wladimir, son parcours du combattant sans armes, avec les étapes obligatoires de la Centrale de Kiev et de la célèbre Ljoubianka prison spéciale du Ministère de l’Intérieur à Moscou où il séjourna, autant qu’il me souvienne plus longtemps que moi, donc au moins pendant un an.

En décembre 1954, nous figurons, tous deux sur les états du bâtiments Central — dit Block III — de la prison de Wladimir, le Général Schmidt à la cellule 17 et moi dans la 45, en compagnie de détenus de différentes nationalités, sauf soviétique : Allemands, Autrichiens, Japonais, Hongrois, Finlandais et Grecs, ex-partisans du Général Markos. Au total, une douzaine de personnes. Ayant ainsi tracé « en gros » le cadre de ma deuxième et durable rencontre avec le Général Rudolf Schmidt, je ne saurais mieux faire que de reproduire ici les lignes que je lui consacre au chapitre X de Polit-Isolator sous le titre chargé d’espérance « Les Trompettes de Jéricho ».

« Enfin, un beau matin, nous est tombé du ciel un autre général , un vrai, celui-là, bien qu’il refuse de se faire appeler par son titre. M. Schmidt comme il persiste à se nommer ne vient pas de bien loin.

Simplement d’une cellule voisine qu’il a longtemps partagée avec le vieux Maréchal Von Kleist, quelques Allemands plutôt falots et un certain Paul, gendarme autrichien au passé immonde. L’odieux personnage, n’ayant plus de Juifs à torturer, s’en était pris aux deux vieillards. Pour commencer, il avait terrorisé Von Kleist, de manière si efficace, que sa victime, moralement brisée, devait expirer quelques mois plus tard à l’hôpital. Il s’attaqua ensuite au général Schmidt — sous prétexte que le vieil officier était né de mère anglaise . Au bout de plusieurs semaines d’incessantes bagarres, Schmidt, écoeuré, sollicita son transfert. Ce fut ainsi qu’il échoua parmi nous. Dès le premier jour, il se révèle un merveilleux compagnon. Cet homme qui, dans sa vie, n’eut pas d’enfant, possède l’art touchant d’être grand-père. Il économise sur sa propre nourriture afin de pouvoir aider les voraces imprévoyants que nous sommes, surtout aux heures difficiles de la soudure quand, du dernier colis il ne reste que la ficelle. Un grand-père qui sait également d’extraordinaires histoires : trois fois par semaine, entre sept et neuf, il nous a raconté les campagnes qu’il a faites, souvent conduites parfois gagnées, parfois perdues. Pologne, Hollande, France, Russie — c’est l’Europe entière, en armes et en sang, qui défile devant nous.

Le Général d’Armée Schmidt, un ancien de l’armée impériale, puis celle de la Weimar, professeur à l’École de Guerre, stratège et tacticien de valeur, n’obtint jamais son bâton de maréchal. Et pour cause, puisque, sous le IIIe Reich comme auparavant, il prétendait ne point cacher ses sentiments.

En 1940, il osa dire son fait à Goering, lors du bombardement sauvage et inutile de Rotterdam. En 1942, de ce front central dont il assurait la défense à la charnière à Voroniej, il écrivait à un ami berlinois : « Le Führer se prend pour Bonaparte. C’est son droit; le nôtre est d’admettre qu’il existe une différence entre un caporal et un brillant officier du génie sortie de l’école de Brienne. ». Le hasard voulu que cette lettre tombât entre les mains du Maréchal Keitel, son ennemi personnel, qui obtint facilement son rappel du front et sa mise à la retraite anticipée.

La guerre terminée, le destin, décidément malveillant, devait lui réserver encore un mauvais tour. Considéré comme hors de cause par les tribunaux militaires alliés, Schmidt, en 1947, se fit arrêter par les autorités de l’Allemagne de l’Est, lesquelles, sans doute au nom de cette souveraineté nationale qu’elles prétendaient représenter… le remirent aux Russes. Aujourd’hui, à soixante-sept ans avec tout son passé d’honnête homme derrière lui Schmidt prend ses malheurs en philosophe. Il n’a vraiment que deux regrets celui de n’avoir pu agir contre la folie nazie qui souilla son pays et celui d’être probablement condamné à mourir en terre étrangère. — Crever en pays russe, sans la consolation d’y être tombé en combattant quel abominable destin! Cette pensée le tourmente; dans nos conversations, à l’heure de la promenade, elle revient comme une rengaine. Ému, je proteste avec force : — Ce n’est pas ici que vous fermerez les yeux, monsieur Schmidt. J’en suis convaincu. Au fond, je ne suis évidemment sûr de rien. Mais pour lui comme pour moi-même, je veux, je dois croire en la Justice — sinon celle des hommes, du moins celle du Ciel. D’ailleurs, même dans notre univers hermétique, quelque chose a bougé et la prison tout entière est parcourue de frémissements. On perçoit déjà dans le lointain l’appel libérateur des Trompettes de Jéricho. Demain ou après demain, enfin un jour ou l’autre, s’écrouleront les murs de la « Maison des morts » et les chaînes tomberont de nos mains. De toute manière, en ce qui concerne le Général Schmidt, je ne me suis pas trompé : libéré en 1955, il mourra, un an plus tard, à Krefeld, en terre allemande.




La poche de Colmar

Il est admis que la ville de Colmar a été libérée le 2 février 1945 après plus de quatre années d’occupation – ou plus exactement d’annexion par le IIIem Reich.

En réalité, ce n’est pas une seule bataille qui a délivré la ville, mais cette libération résulte d’une série d’actions offensives puissantes tendant à rompre le dispositif ennemi et à ébranler la 19e Armée allemande.

C’est d’abord, le 20 janvier une attaque sur le flanc sud de la poche par le 1er C.A. du Général BETHOUARD.

Puis, le 22 janvier, le 2e C.A. intervient sur le flanc nord de la 19e Armée Allemande, le Général de MONSABERT ayant en outre à protéger Strasbourg.

Le 28 janvier, le XXIe C.A. américain prend place entre nos 1er , et 2e C.A. et, renforcé par notre 5e D.B., déborde Colmar par l’Est, pousse énergiquement verrs Neuf Brisach et fait jonction en deux points avec le 1er C.A.

En outre, la 10e D.I. du Général BILLOTTE, sur la ligne des Vosges, maintenait un contact étroit avec les forces allemandes pour empêcher celles-ci de participer à la bataille proprement dite.

Tout cela se passa d’abord par un froid sibérien complété par de violentes tempêtes de neige ; puis un dégel imprévu créa par le débordement des rivières un problème supplémentaire à résoudre.

Mais le Général de LATTRE, par son omniprésence, obtint de ses subordonnés qu’il dominassent victorieusement toutes les difficultés.

LA SITUATION GENERALE FIN 1944 – DEBUT 1945

Avant d’exposer ce que fut la bataille de Colmar il me paraît utile de faire un rapide tour d’horizon de la situation générale, et singulièrement de celle de l’Armée française qui opérait aux côtés des forces alliées.

En novembre 1944, le Français moyen considérait que la guerre était pratiquement terminée puisque Paris était libéré ainsi que les autres grandes villes. A part quelques « poches », l’ensemble du territoire retrouvait progressivement une vie normale. Bien sûr, quatre années d’occupation n’étaient pas sans avoir laissé des séquelles. Des restrictions affectaient encore la qualité des menus familiaux. Il y avait aussi les prisonniers dont le nombre avait été accru par celui des travailleurs du S.T.O. Quant aux déportés, on en parlait mais sans trop connaître leur nombre ni l’étendue de la souffrance qu’ils enduraient. La presse d’alors ne donnait guère que des informations sommaires sur les activités militaires. A peine parlait-elle d’une armée française venue d’Afrique qui avait cependant mérité ses chevrons en Tunisie et en Italie, et qui, sous les ordres du Général de LATTRE, avait rejeté la 19e Armée allemande au-delà des Vosges.

La propagande ennemie, de son côté, omettait volontairement de mentionner les succès remportés par nos troupes, comme s’ils eussent été négligeables. Ce fait n’était d’ailleurs par nouveau, car pendant la Grande Guerre – il faut le remarquer, le même genre de propagande ne parlait qu’avec dérision de la « misérable petite armée du Général Pershing ».

Ne soyons donc pas surpris si le Français moyen, reprenant peu à peu ses habitudes, ne prêtait que peu d’attention à notre armée. Celle-ci, mis à part ceux qui l’avaient rejointe volontairement, était pour lui une armée de métier, qui, de plus, devait son armement, ses équipements et ses vivres à la puissance américaine.

Ajoutons que l’armée du Général de LATTRE, en raison des missions qui lui étaient confiées, semblait principalement destinée à couvrir le flanc droit du dispositif allié débarqué sur notre territoire, et plus particulièrement celui de la 7e Armée US du Général PATCH.

Mais le futur Maréchal de France voyait loin, tout en remplissant simplement sa mission. Outre la servitude qu’il avait de tenir le front des Alpes et d’organiser la destruction des éléments ennemis qui tenaient encore quelques points de notre côte Atlantique, il considérait comme un impératif absolu de libérer entièrement l’Alsace. Ainsi serait-il en mesure par la suite, en menant une campagne victorieuse au-delà du Rhin, de participer à la capitulation de la Wehrmacht et des formations orgueilleuses du régime nazi.

Cependant il fallait pour cela obtenir de nos alliés un accord de participation avec attribution d’une zone d’opération qui, plus tard, serait le territoire d’occupation à nous dévolu, après la victoire finale.

Les opérations de novembre 1944 n’avaient pas permis, faute de moyens suffisants, de réaliser la jonction avec LECLERC, le libérateur de Strasbourg, La 19e Armée allemande était fortement entamée mais demeurait encore redoutable, n’ayant livré face à nous que des combats retardateurs, tous empreints d’une grande violence.

La trouée de Belfort et Mulhouse étaient libérées. Il fallait à tout prix conserver sur cet ensemble l’avantage acquis. Et surtout il ne fallait pas que l’ennemi ait le sentiment exact du degré de fatigue de nos troupes. C’est pourquoi furent ordonnées des actions offensives à courte portée, mais réitérées, destinées surtout à conserver le contact sur le pourtour de la poche de Colmar, autrement dit du territoire encore contrôlé par la 19e Armée.

L’optique de nos alliés différait quelque peu de la nôtre. La partie sentimentale de la situation leur échappait. La poche de Colmar ne constituait à leurs yeux qu’une zone d’opération secondaire, d’autant plus que le G-2, par une fâcheuse interprétation de renseignements, laissait entendre que la 19e Armée, très affaiblie, se préparait à un repli progressif de l’autre côté du Rhin.

Évidemment la 1ère Armée française avait reçu en renfort la 2e D.B. du général LECLERC et la 36e D.I. US, mais avec la lourde hypothèque d’avoir à renvoyer sur la poche atlantique la 1ère D.F.L. et la 1ère D.B.

Il n’en restait pas moins que notre armée avait à tenir un front de 200 kilomètres avec des lignes de communications étirées et de faible débit. Avec cela, de dures réalités devaient intervenir à la mi-décembre.

LA MENACE SUR STRASBOURG

Faisant une sorte d’impasse sur le front oriental, le Führer ordonna la fameuse offensive des Ardennes dont il espérait la rupture du front américain. Le Maréchal von RUNDSTEDT disposait à cet effet de très gros moyens. Dans le même temps, une autre offensive non moins brutale était déclenchée en Alsace avec pour objectif la reprise de Strasbourg.

La situation était devenue suffisamment grave pour que le Commandement Suprême Allié pût envisager de sacrifier Strasbourg, d’opérer un repli d’ensemble à l’ouest de la ligne des Vosges en attendant de pouvoir déclencher une vaste contre-offensive.

Pour nous Français il ne pouvait être question de voir abandonner presque sans combat la capitale de l’Alsace, et moins encore de voir les couleurs du IIIem Reich flotter de nouveau à la flèche de la cathédrale.

Le Général de LATTRE, fortement appuyé par le Général de GAULLE, chef du gouvernement, et par le Général JUIN, chef d’E.M. de la Défense nationale, avec la plus grande fermeté des trésors de diplomatie persuasive qu’il savait mettre en oeuvre quand la situation l’exigeait.

La réponse fut nette : c’était aux troupes françaises qu’incombait la défense de la ville, en dépit du repos qui leur était nécessaire, et cela sans espérer une aide américaine, car le Général PATCH – 7e Armée US – avait à faire avec la puissante tête de pont que l’ennemi avait réalisée à Gambsheim.

Il fallait faire face à l’immédiat, et c’est d’abord avec une poignée d’hommes se résumant à un groupe d’escadrons de gardes mobiles – les FFI locales ne dépassant pas la valeur numérique d’un bataillon et la fameuse brigade Alsace-Lorraine d’André MALRAUX – que le Général SCHWARZ réussit à contenir les premières tentatives allemandes vers Strasbourg.

Dès que ce fut possible – avec l’intervention de la 3e D.I.A., puis de la D.F.L., la défense de la ville prit une allure offensive destinée à gagner du temps en fixant l’ennemi.

BATAILLE DU RENSEIGNEMENT

Pourtant le Général de LATTRE avait déjà conçu la manoeuvre qui devait contraindre l’adversaire à évacuer la poche de Colmar et, par extension, à abandonner la tête de pont de Gambsheim. Le facteur ennemi était bien connu de lui, tout au moins pour ce qui concernait les G.U. au contact ou y intervenant.

Les moyens dont il disposait étaient les suivants : articulées en deux C.A. : 2èm DB (1er et 5e), la 3èm D.LA., la 1ère D.F.L., 2 divisions marocaines : 21èm D.I.M. et 4èm D.M.M. (cette dernière étant encore dépensée sur le front des Alpes) et la 91èm D.I.C. ; s’y ajoutaient des éléments de Réserve Générale comprenant les fameux Tabors marocains, les bataillons et commandos de choc, le régiment de Chasseurs para et une artillerie de renforcement. Il obtint en outre du Général de GAULLE l’intervention de la 10èm D.L formée à partir d’unités F.F.I. qui avaient fait leur preuve mais dont l’insertion dans le dispositif de l’Armée nécessitait un certain délai.

Un chef a toujours besoin de renseignements, aussi bien pour la sûreté des troupes que pour la sienne propre – et aussi pour mettre le facteur temps de son côté.

Le Général de LATTRE disposait à cet effet du S.R.O. (1) – survivance de notre SR. traditionnel dont les antennes étaient adaptées à chacune des G.U. engagées -; juxtaposée au S.R.O. une section du T-R (2) dont nous verrons qu’elle fut extrêmement utile.

En face d’un front continu, le S.R.O. était en mesure de fournir aux G.U. des renseignements sur les zones de contact et leurs arrières immédiats, mais il se trouvait en défaut pour ce qui concernait la profondeur de l’adversaire, tant pour les réserves d’armée que pour les renforcements qui pouvaient provenir du Reich. Fort heureusement la liaison étroite qu’il entretenait avec le Colonel POURCHOT, chef de « Bruno », notre poste de Berne, permettait de combler cette lacune, du moins partiellement.

Il y avait aussi, car tout grand chef a des informateurs personnels, les excellentes relations que le Général entretenait avec M. René PAYOT, une éminente personnalité helvétique. Par cette voie il recevait les connaissances que le Commandement de l’Armée suisse pouvait obtenir, avec toutefois une certaine réserve. En effet, les services du Reich ne manquaient pas de faire parvenir par des voies diverses des informations apparemment recoupées contenant aussi des renseignements incomplets ou même faux, enveloppés d’indications valables et vérifiables, mais appartenant déjà au passé. L’O.K.W. laissait ainsi supposer que malgré l’évolution de la situation sur le front oriental, il conservait une entière liberté d’action. Ce n’était ni plus ai moins qu’une manœuvre d’intoxication dont le 2èm Bureau de l’Armée n’était pas dupe.

Le Général de LATTRE demanda donc au S.R.O, de rechercher à tout prix des renseignements valables à son échelon.

Une équipe de deux jeunes officiers, à la fois choisis et volontaires, fut donc implantée au Wurtemberg avec l’aide de « Bruno » et de certains officiers du S.R. helvétique. Leur mission ne devait durer que 10 à 15 jours. Tous deux, habillés en « Gefreiter » et pourvus de papiers de volontaires de la Wehrmacht disposaient de titres de convalescence pour maladies contractées sur le front russe. Tout se passa pour le mieux. Il faut dire qu’ils bénéficièrent de complicités plus ou moins inconscientes, car beaucoup d’Allemands, sentant approcher la défaite et l’écroulement du régime nazi, éprouvaient le besoin d’étaler ce qu’ils savaient devant ces jeunes hommes censés risquer leur vie pour une cause qui n’était pas la leur, ni même celle du peuple allemand. Il n’y eut d’alerte pour eux qu’au retour. Alors qu’ils franchissaient la frontière helvétique, des hommes du « Grenzwache » les prenant sans doute pour des déserteurs ouvrirent sur eux un feu heureusement imprécis et sans résultat.

Grâce à eux, le Général de LATTRE apprit ce qu’il désirait savoir sur les possibilités de renforcement de la 19e Armée et que la D.G.S.S. beaucoup plus préoccupée par la politique n’était pas en mesure de lui fournir. Outre les unités qui pouvaient intervenir au profit de la 119e Armée, ils signalèrent la réalisation du Messerschmitt 262 – avion de chasse à réaction destiné à intervenir sur les deux fronts et dont la cadence de sortie était encore très faible.

Ayant ainsi acquis une connaissance à peu près totale de l’Ordre de Bataille ennemi, le Général pouvait en déduire l’existence d’un certain équilibre des moyens en présence. Toutefois, si en matière d’engins blindés la 1ère Armée française détenait l’avantage du nombre qualitativement, les chars allemands l’emportaient dans les domaines de la portée efficace de leurs armes et la valeur de leurs blindages. En revanche l’artillerie française dominait indiscutablement celle de l’ennemi, malgré les tirs intermittents de pièces lourdes – sur voie ferrée, qui à l’abri du Kaiserstuhl harcelaient dangereusement nos unités. Enfin l’aviation amie avait la maîtrise de l’air et son intervention dans une bataille au sol n’avait à redouter que la « Flak » et éventuellement une météo défavorable.

Il fallait donc imposer sa volonté à un adversaire bénéficiant des avantages d’une position centrale, en le trompant sur ses propres intentions et en particulier sur sa véritable direction d’effort.

C’est ainsi que le 3èm Bureau fut amené à établir, dans le plus grand secret et sans connaître exactement les véritables intentions du « patron », une I.P.S. et des instructions complémentaires qui furent présentées à la signature du Général.

En fait, le véritable destinataire de ces documents « Top Secret » n’était autre que le général commandant la 19e Armée allemande.

La Section T.R., grâce à un « W » bien placé, put faire parvenir ces documents à leur destinataire en « les lui communiquant pour une courte durée » sous le prétexte qu’ils n’avaient pas été dérobés mais simplement « empruntés », compte tenu de leur importance.

Il fallait en outre matérialiser ponctuellement les ordres du Général de LATTRE. On introduisit pour ce faire une division blindée toute fraîche… mais fictive, dans le réseau radio de l’Armée, tandis que certains de ses chars, circulant ostensiblement, attiraient l’attention des agents de renseignement ennemis.

Ajoutons que dans la zone du 2e C.A. certains mouvement d’unités transportées purent être observés.

LES DERNIERS PREPARATIFS

Ayant ainsi contraint l’adversaire à l’expectative et à un gaspillage des possibilités que lui offraient ses lignes intérieures, le Général put s’assurer du facteur « temps ». Désormais son « Plan de Noël » allait prendre une tournure concrète en tendant à l’exécution d’une offensive de rupture.

Entre-temps la bataille pour Strasbourg avait été gagnée, mais au prix de lourds sacrifices. La 3èm D.I.A. et la 1ère D.F.L. s’y employèrent avec plus que du courage – pour ne citer que l’héroïsme du BM.24/Bataillon de Marche du Pacifique qui n’a que peu d’équivalents dans notre histoire.

Aux côtés de nos troupes, le 6e C.A. US abandonnant toute idée de repli et malgré des pertes sérieuses se battit victorieusement dans la région de Gambsheim.

Notre 1er C.A. recevait dans son dispositif la 4èm D.M.M. encore limitée à 2 Régiments d’Infanterie et à un groupe d’Artillerie, le reste de ses moyens devant arriver ultérieurement du fait des difficultés des transports routiers. Cette belle division reçut en partage – en raison des qualités naturelles de ses personnels, les contreforts des Vosges épaulant à l’Est-Sud Est la 10èm Division (Billotte) qui malgré un retard d’une dizaine de jours prenait à son compte le secteur des Vosges et des crêtes.

Il restait à résoudre le problème de la logistique sans laquelle une armée moderne peut devenir inopérante. Ce fut l’oeuvre du 4èm Bureau de l’Armée, lequel devait parvenir à approvisionner nos C.A. en munitions, en carburant et en vivres en vue de toute la bataille, tout en préservant absolument le secret des opérations.

De plus, il fallait prévoir les évacuations, tant du fait des intempéries que – surtout – des pertes sensibles que l’adversaire ne manquerait pas de nous infliger. Le réseau routier dont nous disposions n’avait qu’un faible débit, tout comme la voie ferrée unique qui nous reliait aux bases méditerranéennes.

Le Colonel ALLARD, chef du 4èm Bureau, fit de véritables acrobaties, car le commandement n’entendait pas différer d’un jour la date prévue pour le déclenchement de l’offensive. L’insistance du Général de LATTRE nous valut heureusement de bénéficier de certaines priorités sur les axes de circulation.

LE 1er CORPS D’ARMÉE PASSE A L’ACTION

Enfin le 20 janvier 1945 ce fut – en accord avec les Alliés, l’attaque non pas sur la direction Nord-Sud comme le prévoyait le Commandant de la 19e Armée allemande (préalablement intoxiqué comme nous l’avons vu, et de plus alerté par les mouvements de troupes dans la zone de notre 2e C.A.), mais par le 1er C.A. du Général BETHOUARD.

Un déluge d’artillerie réalisé par 102 batteries s’abattit sur un ennemi totalement surpris. Toutefois, le général RASP qui commandait la 19e Armée allemande disposait d’excellentes troupes et avait reçu le renfort de la fameuse brigade blindée SS « Feldhernhalle » et de la 2e Division de Montagne en provenance de Finlande. Même surpris, l’adversaire du Général de LATTRE pouvait faire face à toutes les éventualités grâce au dispositif resserré de son armée. De plus, dès le début de l’offensive française, une tempête de neige d’une rare violence vint contrarier sérieusement l’action du 1er C.A. attaquant d’Ouest en Est avec la 4èm D.M.M., la 2èm D.I.M. et la 9èm D.I.C. ; la 1ère D.B. étant son élément de manoeuvre.

La 4èm D.M.M. appuyée aux contreforts des Vosges, est bloquée peu après son démarrage, les chars ne pouvant accompagner ses mouvements.

Au centre, la 2èm D.I.M., bien que placée au départ dans des conditions aussi difficiles, réussit à atteindre la forêt de Nonenbrück, la route de Thann à Mulhouse et à aborder Cernay par le sud, le tout se soldant par un gain de 5 kilomètres.

Enfin la 9èm D.I.C. opérant dans un secteur comportant un véritable enchevêtrement de petites localités, réussit grâce à un audacieux coup de main du 23èm R.I.C. à s’emparer d’un passage sur la Doller ; puis, énergiquement appuyée par le CCI de la 1ère D.B., libère dans la foulée Pfalstatt, Lutterbach, Bourtzwiller, Illzach et Kingersheim, repoussant chaque fois de vives réactions de l’ennemi.

Finalement cette première journée ne donne pas les résultats escomptés. Toutefois elle permet d’apprécier l’allant et la combativité des jeunes Français qui avaient assuré, au sein de la 9èm D.I.C. les éléments africains en raison des rigueurs du climat.

La journée du 21, avec des conditions atmosphériques inchangées, n’apporte pas les succès souhaités.

La 4èm D.M.M. en est réduite à repousser des contre-attaques ennemies.

La 2èm D.I.M. subit elle aussi une très dure contre-attaque, mais parvient à reprendre le terrain perdu la veille, et même à réaliser une légère avance .

La 9èm D.I.C. enfin, se heurtant à une très forte résistance allemande, peut ici et là grignoter le dispositif adverse.

Le 21 janvier au soir, le Général BETHOUARD constatant la baisse du moral et la fatigue de ses troupes, exprime au Commandant en Chef la nécessité d’adopter pour un temps une attitude défensive. Mais le Général de LATTRE est inflexible et au cours d’un contact direct avec les cadres supérieurs du 1er C.A., il maintient l’ensemble de ses directives – son intention étant de déclencher le lendemain l’offensive du 2e C.A. – l’autre mâchoire de l’étau qui doit enfermer la 19e Armée allemande. Il ne peut laisser aucun répit à l’ennemi.

Le 22 janvier, les conditions atmosphériques sont encore plus mauvaises que les jours précédents. Mais est-ce l’influence personnelle du Commandant en Chef ? Toujours est-il que le 1er C.A. reprend son offensive en dépit de la fatigue et de l’insuffisance de sommeil. La 4èm D.M.M. s’empare de Reiningue tandis que la 9èm D.I.C. repousse de fortes contre-attaques en infligeant de lourdes pertes à l’ennemi.

Dans la nuit du 22 au 23 janvier, cependant que le 2e C.A. s’apprête à entrer en action, des remaniements de détail sont opérés au sein du 1er C.A.

La 4èm D.M.M., adoptant une attitude défensive, relève la gauche de la 2èm D.I.M. pour permettre à celle-ci de concentrer ses efforts tandis que des éléments F.F.I., ayant reçu les numéros de tradition du 2èm B.C.P. et du 152èm R.I., s’insèrent entre la 2èm D.I.M. et la 9èm D.I.C.

Au cours des trois jours suivants le 1er C.A. obtient quelques succès de détail. C’est ainsi que la 9èm D.I.C., appuyée par les CC1 et CC3 de la 1ère D.B. finit, après s’être emparée de plusieurs localités, par capturer une centaine de prisonniers appartenant pour la plupart à la Brigade SS « Feldhernhalle ». De son côté la 2èm D.I.M. réalise une poussée en direction de Wittelsheim.

L’ENTREE EN JEU DU 2e C.A.

Comme prévu, le 2e C.A. entre en jeu dans la nuit du 22 au 23 janvier 1945.

La 1ère D.F.L, et la 3e D.I. US attaquent conjointement en direction du Sud-Est à partir de la ligne Grieman-Ostheim. La forêt communale de Colmar et Illhausern sont atteints ; une tête de pont sur l’Ill est réalisée.

L’ennemi réagit avec le gros de ses blindés. Arrêté par nos feux d’artillerie, il conserve cependant des passages sur la Fecht.

La 2èm Division de Montagne, encore incomplète, intervient dans cette action sans toutefois faire preuve de mordant – composée en grande majorité d’Autrichiens elle ne semble pas (aux dires des prisonniers) animée des mêmes sentiments que les autres G.U. de la 19e Armée. Celle-ci, persuadée d’autre part que notre objectif était Colmar, a immobilisé pour la défense de la ville des unités qui auraient pu intervenir dans la bataille en cours.

Les combats font rage jusqu’au 27 janvier en vue de la possession de Jebsheim et de Grüssenheim. Des deux côtés les belligérants sont épuisés. Finalement les légionnaires de la 13èm Demi-Brigade parviennent, avec l’appui des chars de la 2èm D.B., à s’emparer de Grüssenheim. La 1ère D.F.L. tient les positions acquises jusqu’à la matinée du 29, lorsque l’ennemi qui tente de revenir en force depuis plus de 24 heures finit par lâcher pied sous les tirs combinés de notre artillerie et de nos chars.

L’adversaire laisse plus de 200 tués sur le terrain et autant de prisonniers. Les pertes françaises sont, hélas, également lourdes avec 20 officiers et 300 gradés et hommes de troupe hors de combat. A noter que cette affaire a fait apparaître la qualité des blindages des chars allemands « Tigre » et « Panther », invulnérables à nos projectiles anti-chars. Il fallut faire donner l’artillerie, avec ses obus fumigènes, pour détruire un certain nombre de ces blindés.

Ce fait d’armes du couple 1ère D.F.L./2èm D.B. donne lieu à une exploitation immédiate.

Le 30 et le 31 janvier nos troupes poussent en direction du Rhin et, le 1er février, s’emparent de Markolsheim.

LE GENERAL DE LATTRE PREPARE LA DERNIÈRE PHASE

Le Général de LATTRE sent que la partie est sur le point d’être gagnée. Pour emporter la décision il lui faudrait un appoint de troupes fraîches. Le 6e Corps d’Armée US dont il dépend finit par accéder à ses demandes. Il faut dire qu’entre temps l’offensive de von RUNDSTEDT s’est soldée par un échec et que le Haut Commandement américain dispose de réserves. C’est ainsi que le 21e C.A. US – dont les 3e et 28e D.I. se trouvaient déjà en place dans notre dispositif, est mis à la disposition de la 1ère Armée française qui reçoit l’appoint de la 75èm D.I. et surtout de la 2èm D.B. US.

Sûr du résultat final, le Général de LATTRE prend l’engagement de remettre ces G.U. à la disposition de l’échelon supérieur à la date du 10 février. En même temps le Commandant en Chef de la 1ère Armée française se voit accorder un sursis en ce qui concerne l’envoi de deux de ses divisions sur la poche de Royan.

Le 21e C.A. US prend donc place entre les 1er et 2e C.A. français, cependant que la 1ère D.F.L. et la 2èm D.B. (LECLERC) reçoivent la mission de liquider les poches résiduelles ennemies à l’ouest du Rhin. Il s’agit là d’éléments sacrifiés pour permettre l’évacuation à l’est du fleuve des débris de la 19e Armée. Celle-ci avait reçu l’ordre formel de tenir jusqu’au dernier homme la « tête de pont Alsace », mais le Général RASP ne se faisait plus aucune illusion.

Tout pouvait donc aller très vite. Dans la zone du 2e C.A., depuis la prise d’Erstein et de Markolsheim, l’ennemi ne disposait plus du côté Est que d’un étroit couloir entre l’Ill et le Rhin.

Au sud, le 1er C.A. poursuivait patiemment le « grignotage » auquel il avait été contraint par la force des choses. Bloqué devant Cernay, il poussait en direction de Wittelsheim et de Vieux Thann.

Le 21e C.A. US entra en action le 28 janvier au soir, et cela se sentit d’autant mieux que les divisions américaines disposaient d’un soutien logistique permettant toutes les audaces. La 75èm D.I. ne devait toutefois intervenir que le 1er février.

LA BATAILLE DE COLMAR

Disposant désormais de 3 C.A. (13 divisions + les éléments de réserve générale) – soit près de 400.000 hommes et 1.000 pièces d’artillerie, le Général de LATTRE est à même de passer à la dernière phase de son plan.

Son objectif prioritaire est Brisach sur lequel convergent les actions de ces Corps. En même temps il se réserve des effectifs en bordure du Rhin de Markolsheim pour renforcer si nécessaire la défense de Strasbourg.

Le 21e C.A. US qui dispose (outre les divisions américaines mentionnées plus haut) de notre 5èm D.B. (Vernejoul), du 1er Groupement de Choc et de notre 1er Régiment de Parachutistes, est chargé de l’effort principal. Il doit forcer sur Brisach en effectuant sa jonction avec le 1er C.A. Français et libérer Colmar entre temps si les circonstances le permettent.

La 3e D.I. US et la 5èm D.B. franchissent le Canal de Colmar dans la nuit du 29 au 30 janvier et atteignent Widensolen le 1er février. Plus à l’Est, grossies des commandos de choc et du 1er R.C.P., elles se heurtent à une défense ennemie extrêmement forte.

A l’Ouest, la 75e D.I. US, appuyée par le CC4 (SCHLESSER) de notre 5èm D.B., prend pied à Horbourg et progresse au delà en mettant l’ennemi en situation critique.

Mais la Météo favorise une fois de plus l’adversaire. Un printemps inattendu provoque prématurément une fonte des neiges transformant ruisseaux et rivières en fleuves et détruisant bon nombre de ponts indispensables. Les troupes du génie doivent de ce fait accomplir des prodiges pour permettre – au prix de lourdes pertes, la poursuite de l’offensive. Grâce aux sapeurs américains et français, la progression reprend à un rythme accéléré.

Au Nord, le 21e C.A. atteint le Rhin le 31 janvier, obligeant l’ennemi à décrocher.

Le 21e C.A. US, renforcé par la 2èm D.B., déborde Colmar par l’Est et le Sud-Est et pousse en direction de Brisach. L’ennemi qui s’attend toujours à une attaque en force de Colmar par le Nord, maintient inutilement des forces dans la ville au détriment de sa manoeuvre d’ensemble.

Le Général RASP tente alors de protéger le repli de son armée par Brisach en lançant une contre-attaque désespérée sur Ibshiem en y consacrant toute son artillerie et ses blindés disponibles. Après un succès partiel, ses troupes subissent en deux jours de combat de très lourdes pertes et sont contraintes au repli.

Le Général de LATTRE estime alors que les circonstances sont devenues favorables pour que Colmar puisse être cueillie comme un fruit mûr ». Sans pour autant abandonner l’objectif de Brisach prévu, il ordonne au 21e C.A. US de maintenir sa pression vers l’Est (75e D.I. US) sur Sundhoffen et Andolsheim et d’attaquer Colmar par surprise (28e D.I. US).

Le 2 février, peu avant midi, nos blindés du CC4 (Général SCHLESSER) qui, par un geste chevaleresque du 21e C.A. et de la 28e D.I. US, avaient reçu l’honneur d’entrer les premiers dans la ville, arrivaient sur la place Rapp. Le nettoyage ne demandera guère que deux jours. Nous reviendrons plus loin sur le détail de cette manoeuvre au résultat capital, car la poche de Colmar était encore partiellement tenue par un ennemi dont il fallait couper la retraite.

Au 1er C.A. – simple coïncidence peut-être, tout s’accélère avec la nouvelle de la prise de Colmar.

Le 3 février, la 4èm D.M.M. s’empare de Cernay la 2èm D.I.M. entre à Wittelsheim tandis que la 9èm D.I.C. atteint la route Wittelsheim-Ensisheim et aborde ce dernier village au cours de la nuit. Il lui faudra néanmoins 24 heures pour le conquérir.

Le 4 février, la 4èm D.M.M. est à Rouffach et fait jonction le lendemain matin avec la 12èm D.B. du 21e C.A. US ; le 1er C.A. pousse le 6 février vers Chalampé et s’empare de Fessenheim le 7 tandis que l’E.M. de la 19e Armée allemande l’avait abandonné la veille.

Les derniers bouchons ennemis s’effondrent un à un le 9 au matin ; la 2èm D.I.M. et la 9èm D.I.C. bordent le Rhin, et à 8 h les derniers éléments ennemis se replient en territoire allemand en faisant sauter le pont de Chalampé.

C’est la fin de la « tête de pont Alsace ».

Au Nord, les opérations se déroulent sur un rythme analogue. Le 21e C.A. US s’empare sans coup férir de la citadelle de Neuf Brisach (3e D.I. US). Pivotant autour d’elle, les 28e, et 75e D.I. US et la 2èm D.B. française foncent sur Chalampé. Ainsi que nous l’avons dit plus haut, la jonction avec le 11e C.A. s’effectue le 5 février et se renforce le 7. Dans la journée du 8, c’est le nettoyage de la Forêt de Hardt et le 9 c’est, répétons-le, le repli définitif des débris de la 19e Armée.

Enfin sur la ligne des Vosges, la 10èm D.I. du Général BILLOTTE participe également à cette phase ultime de la bataille en nettoyant les vallées de la Fecht et de la Lauch dans les journées du 4 et du 5 et en liquidant le noyau de résistance du Hohnek. La route des crêtes est dépassée après la chute de Markstein et du Grand Ballon. Prenant liaison avec la 4èm D.M.M., la 5èm D.B. achève le nettoyage des contreforts des Vosges en s’emparant d’Osenbach et, dans la journée du 6 février, de Soulzmatt, dernier point où l’ennemi marque encore une volonté de tenir.

UN BILAN GLORIEUX

La bataille de Colmar s’achève donc victorieusement le 9 février 1945 et le Général de LATTRE peut, comme prévu, remettre le 21e C.A. à la disposition du Haut Commandement U.S.

Chèrement acquise, la victoire n’en est pas moins incontestable. La 19e Armée allemande a laissé entre nos mains plus de 20.000 prisonniers, 70 chars et 80 canons. Selon nos estimations les plus vraisemblables, elle a perdu 6 à 7.000 tués et au moins 25.000 blessés non remplacés. Néanmoins, elle a pu replier à l’Est du Rhin de 40 à 50.000 combattants.

De notre côté, les pertes sont sévères : 2.437 tués dont 542 US, près de 12.000 blessés dont 2.700 US. En outre il y eut plus de 7.000 hospitalisations pour gelures, maladies ou accidents.

Mais il y avait la joie intense d’avoir conservé à l’Alsace – et intactes, ses capitales Nord et Sud, et d’avoir délivré les populations de la plus lourde oppression. C’était du positif qui cependant ne pouvait empêcher le Commandant en Chef de penser à tous les jeunes hommes et à tous les officiers qui, par leur sang, en avaient payé le prix.

Si la jonction Nord et Sud avait pu s’opérer selon ses prévisions, la 19e Armée allemande tout entière aurait disparu de l’Ordre de Bataille ennemi. Une exploitation immédiate du succès aurait peut-être pu s’opérer alors en plaine de Bade. Mais il fallait faire face aux nouvelles réalités et tenir solidement la rive française du Rhin ; mettre à l’instruction et intégrer les formations françaises issues de la Résistance, afin de permettre à notre Armée de jouer un rôle prépondérant dans la nouvelle campagne qui allait s’ouvrir sur le territoire du Reich.

Mais ce futur sort des limites de notre exposé.

RETOUR A LA LIBÉRATION DE COLMAR

Revenons donc à la Libération de Colmar – que nous avons à peine mentionnée, en nous référant au journal de marche de la 5èm D.B. et à quelques témoignages de combattants.

Mis à la disposition du 21e C.A. US, le CC4 opérant en liaison avec la 3e D.I. US avait accentué le débordement de Colmar par l’Est et s’était emparé de Wihr et de Plaine, le 30 janvier.

Le 1er février, en liaison avec la 75e D.I. US, elle avait occupé Horbourg, localité au nord-est de Colmar et, tout près de l’agglomération, elle avait pris Andolsheim et abordé Sundhoffen.

C’est à ce moment que le Général de LATTRE décida de s’emparer de Colmar. La 75e D.I. US opéra une diversion sur Andolsheim avec une forte démonstration d’artillerie, cependant que le CC4 – mis à la disposition de la 28e D.I. US, prenait toutes les mesures nécessaires pour attaquer Colmar par le nord, le 22 février au matin. Pour cela il dut effectuer, pendant la nuit du 1er au 2, une conversion par Bischwihr, Riedwihr et franchir l’Ill au pont de la Maison Rouge.

L’attaque démarra à 7 h mais se heurta à un large fossé anti-char déjà bordé par le 109e Régiment d’Infanterie US. Un trou découvert permit à deux des sous-groupements (Préval, puis du Breuil) de s’y engouffrer au prix de quelques escarmouches qui nous valurent de faire une cinquantaine de prisonniers. Vers 11 h 30, le sous-groupement Préval arrive sur la place Rapp. Du Breuil le dépasse, traverse la ville en trombe et libère Wintzenheim au sud-ouest de Colmar. En fin d’après-midi, Wettolsheim et Equisheim sont libérés.

Le 1er R.E.C. intervient à son tour et atteint Herzlisheim. L’ennemi totalement surpris n’abandonne pas pour autant la partie. L’est et le sud-est de la ville sont encore assez solidement tenus par des nids de résistance. De petites contre-offensives sont même déclenchées, mais repoussées.

Durant la nuit, le Bataillon de choc et le 1er R.C.P., appuyés par les chars, procèdent au nettoyage de la ville et des faubourgs du sud-est. Cette affaire dure encore toute la matinée du 3, et au début de l’après-midi les autorités civiles peuvent être accueillies par les libérateurs.

Bien sûr, c’est la 5èm D.B., et surtout le CC4 qui ont libéré la ville, mais ce fait d’armes résulta de l’ensemble de la manoeuvre conçue et ordonnée par le Général de LATTRE et exécutée par la totalité de l’Armée : le 21e C.A. US ; les 1er et 2e C.A. et les éléments non-indivisionnés, y compris l’aviation qui, chaque fois qu’elle put intervenir pesa de tout son poids dans la balance du succès.

Nous avons vu qu’après la libération de Colmar, le gain définitif de la partie n’était plus qu’une question de quelques jours.

Avec une joie intense, la ville de Colmar retrouva rapidement son rythme antérieur d’activités et manifesta sa gratitude aux libérateurs. La population tout entière s’était massée le 8 février pour acclamer les troupes américaines et françaises, ne ménageant pas les applaudissements aux uns comme aux autres et dont les chefs eurent largement leur part.

Le 152èm R.I. – notre glorieux 15-2 reconstitué et ayant participé à la bataille retrouvait sa garnison de tradition. Le 10 février, en présence du Général de GAULLE, il recevait son drapeau auquel était attaché le titre de 1er Régiment de France.

Nos Alliés non plus, notamment le Général EISENHOWER, Commandant Suprême des Forces Alliées, et le Général DEVERS, Commandant le 6e Groupe d’Armées, ne ménagèrent pas leurs félicitations en soulignant l’étroite fraternité d’armes qui avait marqué toute la bataille.

Mais tous les grands événements ont leur épilogue. Un an plus tard, le Général de LATTRE devenu Chef d’État-major Général de l’Armée reçut partout en Alsace les témoignages inoubliables de la reconnaissance des populations. Et au cours d’une imposante prise d’Armes qui eut lieu à Strasbourg, M. BOLLAERT, Haut Commissaire de la République, lui remit en souvenir de ses victoires une réplique du sabre du Général KLÉBER, identique à celui que porte sur sa statue le héros des Guerres de la Révolution. Dans son allocution, M. BOLLAERT ajouta même que « si le grand empereur vivait encore, il eût décerné au Général de LATTRE le titre de « Prince d’Alsace »…, et ceci aux vibrants applaudissements de la population.

Mais je précise que nous qui étions sous ses ordres avions pris les devants. Une tradition du Moyen-Age voulait que le chef victorieux fût élevé sur le pavois par ses Guerriers et reçût le titre de Roi. Et c’est spontanément que nous avions déjà décerné à notre Grand Chef le titre respectueux et empreint d’affection de « Roi Jean ».




FORTITUDE (force d’âme): L’intoxication au service d’Overlord

A Londres, le 16 juin 1944, j’étais allé prendre congé du Général Bedell-Smith, chef de l’État-Major du Général Eisenhower, et du Colonel Scheen, chef de son 2e bureau. Depuis le 10 mai 1944, je participais avec eux à l’organisation des Services de Sécurité dans les grandes unités alliées et sur les territoires français qu’elles devaient libérer à partir de juin 1944.

En dépit de la résistance allemande en Normandie, des raids des bombes volantes V1 et de l’offensive annoncée des fusées V2 sur l’Angleterre, leur optimisme était intact. …” La Déception marche fort “… m’avait confié Scheen faisant allusion au plan d’intoxication mis en oeuvre par les alliés depuis février 1944 pour tromper l’ennemi sur leurs intentions.

Grâce à un stupéfiant effort scientifique qui annonçait l’ère de l’ordinateur, nos amis captaient et décryptaient les messages radio les plus secrets en un temps record. Scheen me faisait lire deux fiches. L’une était la transcription du déchiffrement d’un message du Général Oshima, ambassadeur du Japon à Berlin, informant son gouvernement de son entretien du 1er juin 1944 avec Hitler. Le Führer estimait terminés les préparatifs alliés pour un débarquement imminent en Normandie ou en Bretagne, prélude à une opération d’envergure sur le Pas-de-Calais. L’autre fiche concernait un message du 14 juin d’Oshima à Tokyo… Le ” Haut Commandement allemand estime qu’il serait dangereux de s’engager à fond en Normandie alors que l’armée Patton est toujours en Angleterre “. L’Ambassadeur ” rassurait ” ainsi son gouvernement, inquiet de l’absence d’une contre-offensive suffisamment puissante pour rejeter les troupes débarquées à la mer. Leur tête de pont avait une profondeur moyenne de 12 kilomètres sur une longueur de 80 km entre Caen (solidement tenu par la Wehrmacht) à l’est et Montebourg à l’ouest, dans le Cotentin. Au nord de la Seine, la XVe Armée allemande demeurait l’arme au pied, face au Pas-de-Calais et les importantes réserves – notamment de blindés – à la disposition exclusive du Führer, attendaient des ordres. Tels étaient le 16 juin 1944 lorsque je quittais Londres pour Alger, les effets de ” Fortitude “, le plan de ” Déception ” dont Scheen se réjouissait des effets.

Fortitude et Bodyguard

Historiens, romanciers, journalistes se sont maintes fois emparés de ” Fortitude ” pour montrer, chacun à sa façon, ce que fut l’intoxication de l’adversaire dans la réussite du débarquement allié de juin 1944. Rarement a été montré le rôle – modeste certes – de la participation française dans cette gigantesque ruse de guerre. Rarement en ont été évoqués les origines de sa conception et les précédents qui ont justifié sa mise en application.

Je remercie la Saint-Cyrienne de me permettre de préciser ici quelques souvenirs. C’est le 23 janvier 1944 que les chefs d’État alliés (Roosevelt, Churchill, Staline) signèrent le plan d’intoxication Bodyguard à mettre en oeuvre dans le cadre de la guerre contre l’Allemagne et le Japon. Son but était ” d’amener l’ennemi à adopter des dispositions stratégiques inadaptées face aux opérations militaires alliées décidées à Eureka “. Plus loin, le texte allié précisait : … ” Nous devons persuader l’ennemi de disposer ses forces de manière qu’elles ne puissent intervenir que le moins possible contre les opérations Overlord et Anvil … ” Les études relatives à la préparation d’Overlord et Anvil étaient en chantier depuis longtemps et le projet d’offensive sur le Pas-de-Calais, abandonné. Les côtes, souvent abruptes, étaient défendues par des fortifications denses, importantes et par la XVe Armée allemande, de qualité et sur le qui-vive. Les larges plages de Normandie avaient déterminé la préférence alliée que Téhéran confirmait en créant en Angleterre un commandement suprême (SHAEF) confié au Général Eisenhower avec mission de mener à terme les opérations Overlord et Anvil. Cet ensemble de décisions découlait des enseignements des opérations d’intoxication en Méditerranée menées par la Force A avec succès.

La Force A

Le 28 mars 1941, l’IS (MI6) avait chargé l’un de ses spécialistes de l’intoxication, le Colonel Dudley-Clark, de mettre ses compétences à la disposition du Général Wavell, Commandant en Chef au Moyen-Orient. Ainsi naquit la Force A qui se rendit compte, très vite, que ses succès ne pouvaient qu’être liés à l’efficacité d’agents qu’elle réussirait à introduire dans les Services Spéciaux ennemis pour les tromper.

Recrutement délicat, difficile, qui exigea de longs mois d’efforts pour de maigres résultats. Tout allait changer à partir du débarquement allié en AFN (novembre 1942) et de l’appoint décisif des Services Spéciaux Français. Évadé de France, j’arrivais à Alger le 3 janvier 1943 après avoir rencontré à Londres mes camarades de l’IS et m’être entendu avec leur chef, le Général Menzies, sur les modalités de notre travail commun, notamment dans le domaine de l’intoxication. Le 8 janvier 1943 mon homologue au sein de l’IS, le Colonel Cawguill, vient à ma rencontre. Le 10 janvier 1943 il provoque, sous la présidence du Général Clark, délégué du commandant en chef, une réunion avec le Colonel Dudley-Clark, les Colonels américains Eddy et Stephens de l’OSS et moi pour définir une charte de l’intoxication. Elle associe les différents Services Spéciaux alliés, fixe leurs attributions, leurs moyens et place la Force A sous l’autorité directe du Commandant en Chef qui en définit les objectifs en Méditerranée. Pour notre part nous apportons des cadres expérimentés, un réseau d’agents sûrs, rompus au travail subtil et dangereux de pénétration dans les Services Spéciaux ennemis. Cawguill en est conscient depuis le stage qu’il a effectué à Paris auprès de moi en octobre 1938. Il ne sera pas déçu. L’appoint de la Force A dans les opérations difficiles de libération de la Tunisie puis de la Sardaigne et de l’Italie, sera d’une telle efficacité qu’il servira de test à Téhéran… Il provoquera la promotion de Dudley-Clark au grade de général.

A mon télégramme de félicitations, Dudley-Clark avait la courtoisie de répondre le 15 décembre 1943 : … ” Je me rends parfaitement compte que cet heureux résultat est dû au grand enthousiasme et à la grande habileté professionnelle de vos Services. Il eût été impossible de mener à bien notre mission sans l’aide si experte que vous nous avez généreusement accordée “… Toute autre allait être notre collaboration dans la mise en oeuvre de Fortitude.

Mise en oeuvre de Fortitude

Responsable des opérations Overlord et Anvil, Eisenhower décidait en janvier 1944 de laisser à la Force A le soin de poursuivre son oeuvre d’intoxication dans le cadre méditerranéen, notamment en faveur du projet de débarquement en Provence (plan Anvil). Dans le même temps, il lançait l’opération Fortitude et créait à cet effet, au sein du SHAEF une section spécialisée ” OPS ” confiée au Colonel Wild de la Force A. Le 23 février 1944 le Commandant en Chef fixait les objectifs de Fortitude :

1- Persuader l’ennemi que l’offensive alliée principale se situera dans le Pas-de-Calais.

2- Laisser l’ennemi dans l’ignorance de la date du débarquement en Normandie .

3- Maintenir pendant un minimum de deux semaines, à partir du Jour J, le maximum des forces ennemies au nord de la Seine et au sud de la Loire (sous la menace Anvil).

4- Couvrir d’un secret absolu les opérations Overlord et Fortitude. Cette dernière directive implique la satisfaction de l’objectif (n° 2).

A partir du 1er avril 1944, elle mettra l’Angleterre à l’abri d’un véritable rideau de fer. Elle aura des conséquences dont j’ai pu admirer à Londres en mai 1944 la rigueur, l’ampleur et l’efficacité, mais observer aussi le caractère parfois humiliant pour les diplomates étrangers, les alliés soviétiques et français, privés de toutes communications avec le monde extérieur.

L’objectif n°1 était, de loin, le plus important. Il demandait qu’en trois mois Fortitude persuade le Commandement allemand de s’attendre à l’ouverture d’un second front, le principal. Il fallait administrer la preuve que les alliés disposaient en Angleterre des forces et des moyens suffisants pour entreprendre deux opérations simultanément. Sans que l’intoxication alliée ait eu à intervenir, l’Abwehr avait largement surévalué depuis 1943 les effectifs stationnés en Grande-Bretagne.

Le 6 juin 1944, il les estimait à 70 divisions alors qu’il n’en existait que 44. Jouant sur cette erreur dont il avait connaissance par les décryptements, Fortitude conçut en avril 1944 un plan destiné à accréditer la menace sur le Pas-de-Calais. Prenant acte des effectifs et des matériels concentrés sur les côtes sud et sud-est de l’Angleterre (environ 30 divisions), ce plan utilisait et complétait fictivement les divisions disponibles pour constituer un faux groupe d’armées d’environ 30 divisions aux ordres du Général US Patton.

Il était ostensiblement réparti sur les côtes est de l’Angleterre et autour de l’estuaire de la Tamise. Faute de réserves suffisantes pour assurer matériellement la crédibilité de ce leurre, Fortitude constituera en deux mois des concentrations de faux dépôts de matériels, de blindés, de faux terrains d’aviation, de faux engins de débarquement, etc… le tout repérable par l’aviation d’observation de la Wehrmacht, mais parfaitement interdit à la curiosité publique.

Pour compléter l’illusion, un réseau de communications radio fut mis en service à partir du 24 avril 1944. Les messages chiffrés classiquement ou en clair, répondaient aux exigences et aux besoins d’un groupe d’armées réel. On ne pouvait guère faire mieux pour matérialiser la menace sur la XVe Armée allemande au nord de la Seine. Restait à conforter les renseignements recueillis par la Luftwaffe, les écoutes allemandes et d’éventuels informateurs de l’ennemi.

Ce fut l’oeuvre d’un ensemble de mesures tactiques et techniques, méthodiquement orchestrées: bombardements aériens accentués entre la Belgique et la Seine, interventions de la Royal Navy sur les côtes et les ports, etc… Ce fut encore l’oeuvre confiée, à leur insu, aux organisations de résistance et de renseignement. Par leurs recherches et leurs sabotages, elles ont accrédité la menace sur le Pas-de-Calais sans pour autant négliger la Bretagne et la Normandie.

Restaient les possibilités d’intoxication par messages radio (tout autre moyen de sortie était interdit) des agents britanniques infiltrés dans les Services Spéciaux allemands. Ce qui était possible en Méditerranée, c’est-à-dire permettre à de soi-disant agents de l’ennemi de se déplacer, d’observer le dispositif allié et d’en informer par radio leurs employeurs, ne l’était plus en Grande-Bretagne où la destruction des tentatives d’infiltration de l’Abwehr avait été systématique et où le trafic radio était strictement contrôlé… ce que l’Abwehr savait.

En dépit de ces obstacles majeurs, l’IS (MI5) prétend avoir pu faire parvenir à l’adversaire des renseignements ” recueillis ” entre mars et juin 1944 sur les rares espions infiltrés par l’Abwehr et ” retournés ” par nos amis. S’il a réellement existé, ce moyen d’intoxication n’a pu être qu’occasionnel… et bénéficier d’un certain aveuglement de l’Abwehr, mal en point il est vrai en ce début de 1944.

Deux semaines après le jour J, Fortitude avait rempli la mission fixée par Eisenhower. Les messages décryptés de la Wehrmacht montraient encore, après le 20 juin 1944, l’incertitude du Commandement allemand et Oshima avisait Tokyo le 27 juin 1944 du ” prochain débarquement de Patton “…




Réseau Kleber: la préparation du débarquement de Provence du 15 Août 1944

Nous devons à notre camarade LE BAS du réseau KLÉBER le récit qui va suivre. Au moment où se préparait au Q.G. des Forces Alliées d’Alger le débar­quement du 15 août 1944 sur les côtes de Provence, il était indispensable de connaître en détail, les conditions d’occupation du littoral méditerranéen par la Wehrmacht. LE BAS a trouvé, avec un rare « culot », le moyen de pénétrer dans les défenses côtières allemandes. C’est ce qu’il nous raconte avec simplicité. C’est tout de même un exploit.

par Mr. LE BAS

UNE PROMENADE DANS LA BAIE DES ANGES PAR LE BAS AGENT P2 DU RÉSEAU KLÉBER

1944. – Les Allemands ont fait du littoral une zone impénétrable. Tous les accès sont fermés ou gardés. Les habitations du bord de mer à Nice et au-delà sont toutes évacuées. Les rues perpendiculaires à la Promenade des Anglais sont barrées par des murs en béton de plus d’un mètre d’épaisseur. Comme je le verrai plus tard, ces murs sont revêtus du côté mer d’une peinture en trompe-l’oeil, figurant la rue cachée en perspective.

Passé Nice, l’accès principal du littoral part du Jardin Albert-Ier (place Masséna). Il est bloqué par une barrière relevable et gardée par un poste de soldats allemands en armes.

Il est évident qu’il y a un intérêt majeur à voir ce que les Allemands cachent sur le bord de mer. Pour pénétrer dans cette zone « j’emprunte » une Ford décapotable qui appartient au général allemand. Elle est garée à l’agence Ford, agence réquisitionnée par le H.K.P. mais où je suis connu. Ce moyen insolite me paraît le plus simple et le plus efficace.

Au volant, j’arrive devant la barrière du Poste de garde et m’arrête. Un sous-officier sort du baraquement et m’intime brutalement l’ordre de faire demi-tour.

Je ne bouge pas et le miracle espéré se produit :

L’Allemand approchant de la voiture aperçoit tout à coup le fanion métallique de forme triangulaire aux couleurs jaune et verte fixé sur le pare-chocs avant. C’est le fanion du général.

Il appelle ses hommes, fait lever la barrière et, à son commandement, le Poste me présente les armes. Je remercie d’un petit sourire et continue ma route. De toutes mes pénétrations dans des zones interdites, aucune ne me fut plus facile, plus confortable.

Je parcours une douzaine de kilomètres en suivant le bord de mer. Je relève la présence du blockhaus, de tapis de rails plantés dans la grève et inclinés vers la mer, de divers autres pièges et dispositifs évidemment prévus dans la crainte d’un débarquement.

Je m’arrête de temps en temps pour établir croquis sur croquis. A un moment, au début, je sens un regard peser sur ma nuque. Je me retourne et vois une sentinelle allemande tournée vers la mer. Nos regards se croisent, petit geste aimable de ma main et je repars sans me presser. D’autres sentinelles, tous les 200 mètres environ, sont placées en retrait de la route.

Je prends soin à chaque arrêt, de noter les numéros des maisons ou autres repères, ce qui me permettra de situer les dispositifs à une échelle correcte rapportée sur le dessin d’ensemble.

Retour sans histoire dans la ville. Je ne suis pas satisfait car il est malaisé de faire tant de croquis en conduisant et en s’arrêtant trop brièvement.

Je décide de recommencer en me faisant accompagner par un chef d’atelier de Ford, ancien poilu de la grande guerre, homme taciturne qui ne pose pas de questions. Il conduit doucement sur le même itinéraire et je peux compléter confortablement mes relevés.

Le scénario à l’entrée et à la sortie a été le même et je commence à me sentir dans la peau d’un général en tournée d’inspection.

Je rends compte au capitaine Gallizia mon chef à P5 KLÉBER. Il m’emmène aussitôt dans la mansarde d’un camarade de réseau, architecte, où grâce à une planche à dessin, une carte de Nice et du littoral, j’établis un relevé régional à échelle correcte. Plus tard, je continuerai de telles recherches à Cannes à pied cette fois. J’entrerai dans la zone défendue accompagné par un Allemand anti-nazi qui intime l’ordre à la sentinelle de garde de nous laisser passer. Sur un kilomètre environ, je constaterai que des systèmes de défense sont là, identiques aux premiers. J’en effectuerai le relevé dans les mêmes conditions pour l’expédier à Alger.




Evasion de l’ Etandard du 2° regiment de Dragons d’Auch : temoignage du Commandant de Neuchèze

Dans notre dernier Bulletin, nous nous sommes fait l’écho de la belle cérémonie organisée à Ramatuelle à l’occasion du 50° anniversaire de l’évasion de l’étendard du 2° Régiment de Dragons d’Auch à bord du sous-marin l’ ” Arethuse ” (le 18 septembre 1943).

Au cours de cette manifestation a été rappelée la mémoire du Commandant de Neuchèze, tué en septembre 1944 près d’Autun et porteur de l’illustre emblème qu’il était allé chercher à Toulouse après s’être lui-même évadé de l’Hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris où il était en traitement sous surveillance, avant d’être déporté en Allemagne. Nous avons reçu de l’infirmière qui veillait sur lui à l’hôpital une émouvante lettre nous donnant quelques détails sur l’évasion de notre héroïque camarade. Nous reproduisons ci-après les extraits les plus significatifs de ce témoignage.

« Infirmière militaire depuis 1932 (…) j’ai été affectée en 1942, sur ma demande à l’Hôpital du Val-de-Grâce aux pavillons T ter et T bis où étaient soignés sous la surveillance des Allemands les détenus résistants et politiques.

« Chaque pavillon était gardé par des sentinelles de la Wehrmacht. « C’est là que j’ai eu à prodiguer mes soins au Capitaine de Neuchèze. Nous avons tout de suite sympathisé. Il m’a chargé d’avertir à Auch un boucher que la filière par l’Espagne n’était plus sûre et que c’était là l’origine de son arrestation. « Il m’a fait porter à diverses adresses en zone libre des messages codés. « Il voulait s’évader. « Je connaissais bien les habitudes et les points de garde des Allemands. « Il fallait faire vite, car il avait encore pour quelques jours ses vêtements civils et je savais qu’on devait impérativement les lui enlever après un prochain passage à la radio. « J’ai donc profité de l’inattention de la sentinelle du couloir, pour conduire le Capitaine jusqu’à la chapelle du Val-de-Grâce, en lui indiquant que de là il pourrait sortir rue du Val-de-Grâce, le poste à cette sortie n’étant gardé à certaines heures que par un sous-officier français. « Ne l’ayant pas vu revenir, j’ai compris qu’il avait réussi. « Par la suite j’ai fait évader quelques autres prisonniers, notamment plusieurs femmes internées-résistantes. « J’ai eu droit à des enquêtes de la Gestapo et m’en suis bien tirée. « J’ai rejoint enfin la 1° Armée Française et eu le grand honneur de soigner le Général de Lattre de Tassigny à son P.C. de Karlsruhe. » * *

Nous remercions vivement Mme Dantoine de sa communication, en la félicitant de son courage et en la remerciant de ses initiatives si salutaires pour nos infortunés camarades




L’Évasion de l’ÉTENDARD du 2° Regiment de dragons (1)

Nous avons relaté dans notre Bulletin n° 131 ce que furent les cérémonies du 12 septembre 1986 à RAMATUELLE . En présence du 2° Régiment de Dragons avec son étendard, l’Association des Anciens de ce Régiment avait reconstitué à LA ROCHE-ESCUDELIER ce qu’avait été quarante-trois ans plus tôt l’évasion de l’étendard porté par le Commandant de NEUCHEZE. Nous avons demandé au Président des anciens du 2° Dragons l’autorisation de reproduire son allocution. Elle complète en effet nos connaissances sur l’organisation de cette remarquable action et rend hommage à nos camarades du T.R. qui surent en assurer le succès.

Par le COLONEL ROUGER

EXTRAITS DE L’ALLOCUTION DU COLONEL ROUGER PRÉSIDENT DE L’AMICALE DU 2° RÉGIMENT DE DRAGONS

Quel fait d’armes extraordinaire que cette Évasion de l’Étendard du 2° Régiment de Dragons à bord du sous-marin l’ Aréthuse » en septembre 1943. Et pour nous, les Anciens, si nombreux aujourd’hui, quelle émotion ressentons-nous en évoquant ici à la Roche-Escudelier cette épopée qui est l’un des plus belles pages de la glorieuse histoire de ce Régiment qui nous est si cher ! Aussi, voudrais-je tout d’abord vous remercier, vous qui êtes venus honorer cette cérémonie de votre présence et prouver ainsi qu’avec nous, vous voulez vous souvenir.

Mais permettez-moi d’exprimer un hommage particulier à Madame la Maréchale de Lattre-de-Tassigny, toujours fidèlement présente à toutes les cérémonies rappelant les événements qui ont jalonné l’histoire du 2° Dragons de 1942 à 1945. Le Régiment et tous les Anciens de l’Amicale vous en ont une très grande reconnaissance, Madame, et vous savez combien ils restent pieusement attachés au souvenir du Maréchal et de votre fils Bernard qui a combattu avec nous dans les rangs du 2° Dragons en 1944-1945.

Et nos pensées se tournent vers Mme SCHLESSER qui, souffrante, n’a pas pu se déplacer, et Mme de NEUCHEZE qui, victime d’un accident est immobilisée et malgré son énergie et son désir intense de participer à cette cérémonie, a dû y renoncer. Qu’elles sachent combien nous comprenons leur déception de ne pouvoir être présentes et nous les assurons de toute notre gratitude car elles seront là par la pensée et par le coeur à travers vous, Mesdames Mme SANSEY, seconde fille du Général SCHLESSER, Mme LE GRANTEC, fille aînée du Chef d’Escadrons de NEUCHEZE, Mme DESRATEAUX, sa seconde fille, Sachez que nous sommes très touchés de ce que vous soyez parmi nous et nous vous en remercions beaucoup.

Je veux remercier M. RAPHAËL, Maire de RAMATUELLE, qui nous accueille si bien et a tout fait pour que cette cérémonie soit digne de l’événement que nous commémorons aujourd’hui dans sa commune.

Je voudrais dire toute notre reconnaissance au Colonel PAILLOLE. Comme je le dirai dans un instant, il a pris une large part dans l’organisation de cette évasion et c’est avec la même foi, la même ardeur qu’il m’a apporté aujourd’hui toute son aide pour le succès de cette commémoration. Je l’en remercie infiniment.

°°° Après sa belle conduite au cours de la campagne de France, le 5 septembre 1940, le Régiment est reconstitué à AUCH sous les ordres du Colonel SCHLESSER. Rappelons-nous…

La France est aux 2/3 occupé. En zone libre, le Régiment fera partie de l’Armée d’Armistice surveillée par les Commissions d’Armistice… et puis, que va-t-il se passer dans les prochaines années, les prochains mois ? Le Colonel SCHLESSER n’a qu’une idée et c’est la mission qu’il s’est fixée : « Préparer le Régiment à reprendre le combat. » Mais comment ? Il a envisagé toutes les hypothèses et le 8 novembre 1942, lorsque les Alliés débarquent en Afrique du Nord et que les Allemands envahissent la zone libre, il n’est pas surpris et prend vite sa décision.

Au cours d’une nuit mémorable, la nuit du 29 au 30 novembre 1942, tous les officiers, sous-officiers et dragons qui ont dû abandonner leur uniforme sont réunis en civil dans la cour du Quartier Espagne à AUCH qui, dans quelques instants va être livré aux Allemands. Ils vont tous, un à un passer devant leur colonel en tenue, s’agenouiller devant l’Étendard, en baiser les plis et prêter le serment de « savoir donner leur vie pour que vive la France ».

Pour le Colonel SCHLESSER, cet adieu à l’Étendard est un signe de ralliement. Il passe le premier en Afrique du Nord et là, très vite il confirme sa décision « Reconstituer le Régiment en Afrique pour qu’il puisse reprendre le combat. » Mais pour lui il n’est pas concevable que le Régiment puisse exister sans son Étendard.

Oui, c’est le Général SCHLESSER qui a eu l’idée et la volonté de faire venir l’Étendard en Afrique du Nord.

Nous sommes au début de 1943. Que se passe-t-il en France? Après cette nuit du 29 au 30 novembre 1942, l’Étendard est emporté et camouflé par l’Adjudant-chef Faraut. Puis, à partir de mars 1943, dans une cave plus sûre à La Romieu, chez M. Etienne Bouet.

En même temps, les évasions vers l’Afrique à travers l’Espagne commencent et le Capitaine de Neuchèze prend en compte la filière. C’est ainsi qu’il fera franchir les Pyrénées à de nombreux Dragons.

Inquiété par les Allemands, il décide à son tour de rallier l’Afrique du Nord, mais c’est au pied des Pyrénées que, le 11 juin, il est arrêté par la Gestapo, emprisonné à la citadelle de Perpignan, puis emmené au camp de Royalien, près de Compiègne, point de départ vers les camps de déportation; il y passera deux mois très durs. Le 17 août, admis enfin à subir une visite médicale au Val-de-Grâce, il trompe la surveillance de trois sentinelles allemandes et s’évade en sautant du 1er étage (six mètres de haut, les étages du Val!).

Pendant ce temps, le Général Schlesser avait demandé au Commandant Paillole qui dirige à Alger les Services Spéciaux de la Défense Nationale d’organiser l’évasion de l’Étendard. Qui mieux que le Capitaine de Neuchèze, mérite l’honneur d’accomplir cette mission ? Lui qui vient de réussir cette formidable évasion du Val-de-Grâce!

Le Colonel Paillole a travaillé sous les ordres du Général Schlesser de 1936 à 1939 au 2° Bureau. Il lui voue une estime et une amitié sans limite. Il est camarade de promotion de Saint-Cyr du Chef d’Escadrons de Neuchèze. C’est avec tout son coeur et son intelligence qu’il va se dévouer à cette mission. Il a, depuis le mois de mars 1943, organisé et mis en place des équipes « spéciales » en France, dénommées « T.R. Jeune ». Il a établi un système de liaisons par sous-marin entre Alger et le Cap Camarat.

Ces liaisons ont lieu une fois par mois au moment des nuits noires, nuits sans lune. Le « Casabianca », avec le Lieutenant de Vaisseau L’herminier, a fait la première mission en février 1943. Puis l’ « Aréthuse », commandée par le Lieutenant de Vaisseau Gouttier. En septembre ce sera sa troisième mission ou, pour utiliser le terme de l’époque, sa troisième « patrouille ». Il faudrait pouvoir expliquer dans le détail ce qu’étaient ces « patrouilles » pour bien se rendre compte qu’elles étaient difficiles et périlleuses.

Rappelons simplement la situation dans la Méditerranée occidentale, entièrement surveillée et contrôlée de Gibraltar par les Anglais. La Marine italienne et surtout l’Aviation allemande surveillent activement toute cette zone : ce sera l’époque du débarquement en Italie, après la fin de la campagne de Tunisie. Nous voici fin septembre. Le 25 septembre, l’« Aréthuse » quitte Alger. Le 22 septembre le Capitaine de Neuchèze est à Toulouse où lui sera remis l’Étendard. Sont là réunis dans une toute petite pièce ceux qui, contactés par le Colonel Schlesser grâce au « T.R. Jeune », sont allés reprendre l’Étendard à La Romieu, dans le Gers. Ils sont six (dont deux jeunes garçons) et l’un d’eux a retracé dans ses notes cette émouvante réunion. Il écrit : « Neuchèze défait le paquet déposé sur le lit de fortune où il a passé sa dernière nuit toulousaine. Il en extrait l’Étendard et l’étale devant nous. Il en est la vivante hampe. Je l’entends encore dire aux enfants : « Regardez bien, mes petits. Un jour prochain vous le verrez flotter libre et victorieux ! ». Puis, religieusement, les témoins de cette scène dont la grandeur faisait éclater le cadre étroit où elle se déroulait, avancent d’un pas baiser l’étoffe sacrée, chargée de tant d’espoirs. » Immédiatement après, le Capitaine de Neuchèze rejoint Lyon par le train. Là l’attend le Capitaine Vellaud, mandaté par le Colonel Paillole, pour assurer l’évasion de l’Étendard et de sa « vivante hampe ». Le 27 septembre, le Capitaine de Neuchèze et le Capitaine Vellaud gagnent ensemble Marseille. Puis le 28, arrivent près de Ramatuelle vers 21 heures, à la ferme Ottou, cette ferme qui, à l’époque, était très isolée et, depuis Ramatuelle, dernière maison avant la mer (l’Escalet n’existe pas), enfouie dans de grands arbres derrière ce promontoire qui constitue le Cap Camarat, massif montagneux couvert d’un épais maquis plein de ronces…

Vers 23 heures, Achille Ottou qui était allé à l’extérieur observer les réactions des guetteurs placés aux alentours revient à la ferme. Avec deux autres camarades, dont M. Henri Olivier, ils forment le commando qui va convoyer les passagers de l’« Aréthuse ». Ils s’arrêtent aux abords du chemin de ronde des patrouilles allemandes ou italiennes pour assurer la sécurité de ceux qui vont descendre jusqu’à la roche, guidés par Achille Ottou seul.

L’« Aréthuse » est arrivée vers 15 heures, après trois jours de traversée, en face du Cap Taillat, en plongée bien sûr et après avoir observé et bien repéré les lieux avec son périscope, va se poser sur le fond en attendant 23 heures. Elle fait alors surface et vient contre la roche Escudelier; elle met un canot à la mer. Le Commandant Fabry, qui était Enseigne de Vais seau, a pris place à bord de ce canot pour venir chercher l’Étendard et sa vivante hampe ».

Voici donc, parmi tous ceux qui ont participé à cette Évasion, les équipes dignes de notre admiration, qui ont été au coeur de cette action et que nous avons l’honneur et le privilège d’avoir avec nous aujourd’hui Achille Ottou, Henri Olivier et M. Durrmeyer, tous trois des Services Spéciaux du Colonel Paillole — le Vice-Amiral Gouttier, les Commandants Castel, Tégui et Fabry, respectivement naguère Pacha de l’» Aréthuse » et Officiers Adjoints.

Nous apprenons avec une profonde satisfaction la nomination au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur de notre valeureux camarade Achille Ottou. Cette distinction honore un grand Français, mais aussi toute une famille, sa soeur Jeanne et une équipe de Ramatuellois, artisans de la sécurité de nos liaisons sous-marines.

Cette décoration sera remise officiellement à Achille Ottou le 8 Mai 1987 devant notre Mémorial




Le sous marin ” Protee”

Le sous-marin Protée (bâtiment de 1.500 tonnes, conçu pour la surveillance des zones ennemies et l’action contre les communications) avait rallié Oran en juin 1943 après s’être échappé d’Alexandrie où il avait été neutralisé fin juin 1940 avec une partie de la flotte de la Méditerranée.

Mis à la disposition des services spéciaux français, il avait effectué deux missions clandestines de liaison avec le poste de C.E. de Barcelone, pour le compte de la D.S.M. d’Alger: la dernière en date eut lieu le 8 décembre 1943 et parfaitement réussie.

Quelques jours plus tard, le 18 décembre 1943, le sous-marin partit pour une patrouille devant Marseille avec 74 marins, dont 3 britanniques à bord. Il n’est jamais revenu et l’équipage fut considéré comme disparu.

En mai 1995, l’épave du sous-marin a été repérée par 125 mètres de fond devant Cassis. Des premières constatations, il semble que le ” Protée ” ait été victime de l’explosion d’une mine.




Mise au point : des BMA a M Roger Wybot : Affaires Colonel Groussard, Fourcaud

Monsieur Roger WYBOT. Directeur de la Surveillance du Territoire, a bien voulu, à la suite de la “Mise au point” parue dans notre dernier Bulletin Spécial, nous écrire la lettre que nous publions ci-après in extenso.

Nous l’en remercions et nous lui savons tout particulièrement gré de s’associer à l’hommage que nous avons rendu à l’oeuvre anti-allemande des Bureaux M.A, mais nous devions sur quelques points apporter à nos Adhérents certaines précisions complémentaires.

Par courtoisie et camaraderie, nous avons tenu à les communiquer à M. WYBOT et, à l’occasion de la correspondance qu’il a engagée avec lui, le Président Paul PAILLOLE a résumé ainsi les raisons majeures de notre « réaction » :

….. Tout comme vous, je n’éprouve que de l’estime pour ceux qui ont voulu faire leur devoir de 1940 à 1944 – de quelque manière que ce soit. Dans les circonstances actuelles, il serait criminel de les opposer.

C’est, du reste, la raison essentielle pour laquelle je crois nécessaire de publier dans notre BULLETIN (dont la diffusion est limitée) nos diverses “mises au point”. Nos camarades verront ainsi qu’au-delà des ragots d’une certaine Presse, et des mauvaises légendes volontairement entretenues par des esprits sectaires et malveillants, il y a une Vérité qui rapproche les vrais Résistants et doit sceller aujourd’hui leur Union.

….. Si le ton général de notre rédaction vous donne l’impression d’être un peu amer, il faut sans doute en chercher la cause dans notre déception de constater, quinze ans après, l’altération systématique des faits et la mauvaise foi qui préside trop souvent à l’information d’une opinion ignorante et docile.

M. Roger WYBOT nous écrit :

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PARIS. Le 4 Mai 1956.

Mon cher X. . . .

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt, l’article publié sous le titre “Mise au point” du numéro spécial 1956 du bulletin de l’AMICALE et, bien que très bousculé en ce moment, je m’empresse de vous répondre aussitôt pour faire, à mon tour, quelques mises au point qui,d’ailleurs, je le pense, ne gêneront personne :

Douze ans de Directeur de la Surveillance du territoire m’ont appris à ne jamais redresser les erreurs de la presse, mais simplement à la poursuivre en diffamation quand elle dépasse les bornes – bien entendu, je n’assimile pas le Bulletin de notre AMICALE à un quelconque journal, et c’est pourquoi je lui réponds.

1°) – Tout d’abord, je suis entièrement d’accord sur le fond de votre article, et notamment sur le rôle anti-allemand, extrêmement efficace, joué par les Bureaux M.A. Je ne veux donc recti­fier que quelques points de détail.

2°)- M. LEONARD, chef de la B.S.T. de Marseille en 1941, était heureusement en congé lors de mon arrestation faisant suite à celle du Colonel FOURCAUD. Il n’a jamais occupé de poste à la Surveillance du Territoire sous ma direction.

3°) – Je ne connais pas personnellement le Colonel de BONNEVAL, mais je suis certain de son grand patriotisme et je puis témoigner que, lorsqu’il m’a reçu à Londres, en 1941, le Général de GAULLE, s’il ne m’a pas cité le nom du Colonel de BONNEVAL, m’a au moins cité le nom d’un autre Officier, chef d’un Bureau M.A., pour lequel il aurait beaucoup d’estime.

4°) – J’ignorais, jusqu’à ce jour, la démarche qu’avait faite auprès du Colonel d’ALES, le Colonel GROUSSARD. Voici, en ce qui me concerne, quelle est l’histoire: après la dissolution des Bureaux M.A. ,j’ai cherché, par mes propres moyens, à rejoindre l’Angleterre en compagnie de quatre autres camarades, et c’est presque par hasard que j’ai retrouvé le Colonel GROUSSARD, qui se préparait également à aller à Londres et qui m’a présenté à FOURCAUD.

A la demande du Colonel GROUSSARD, et surtout de FOURCAUD, nous avons consenti à abandonner momentanément notre projet de rejoindre Londres pour rester en France, tout en nous considérant comme militairement engagés dans les Forces Françaises Libres et devant exécuter les missions qui nous étaient confiées.

Pour ma part, on me conseilla de solliciter la fin de mon congé d’armistice et je fus affecté dans un groupe de D.C.A. de la région de MARSEILLE.

Je croyais savoir que j’avais été affecté, très peu de temps après, au Bureau M.A. à la demande du Colonel GRANIER, alors Chef d’Etat-Major de la 15ème Région Militaire, après la démarche qu’avait faite auprès de lui le Colonel GROUSSARD; mais j’ignorais que des contacts avaient eu lieu à l’échelon du Colonel d’ALES.

Je dois dire qu’à cette époque j’ai rencontré, au Bureau M.A., des Officiers animés du patriotisme le plus ardent, ce qui ne signifie pas forcément qu’ils étaient pour de GAULLE.

Cependant, deux officiers du Bureau M.A., le Capitaine BAGGIO, dont le beau-frère était Colonel aux Forces Françaises Libres, a su que j’avais des contacts avec Londres et le Capitaine ROLAND qui, lui-même, a déjeuné en ma compagnie et en la compagnie de FOURCAUD qu’il n’a d’ailleurs connu, avant mon arrestation, que sous le nom de LUCAS.

Je ne savais pas, jusqu’à ce jour que d’autres Officiers du Bureau M.A., sauf peut-être GEORGES-HENRY qui n’était pas directement rattaché au Bureau M.A. mais au Service de PAILLOLE, avaient connaissance, en 1941, des contacts directs que j’avais avec LONDRES.

Je dois d’ailleurs signaler, à propos du service PAILLOLE sur lequel je reviendrai tout à l’heure, que, bien que j’aie fort peu connu son activité, car c’était vraiment un service secret, le peu que j’en ai connu m’a rempli d’admiration et a peut-être été l’origine de ma vocation actuelle. En tout cas, l’admiration que je lui portais et que je ne cherchais pas à cacher, m’a valu de sérieux désagréments à mon arrivée à LONDRES.

5°) – Si je fus bien interpellé le 28 août 1941, en même temps que FOURCAUD, à la Gare Saint-Charles à Marseille, je ne fus heureusement arrêté que le lendemain, ce qui m’a tout de même donné un peu plus d’une nuit pour prendre quelques précautions.

Si je n’ignore pas qu’effectivement les Services de la Surveillance du territoire de l’époque obtinrent beaucoup trop de renseignements dans l’interrogatoire d’un résistant, j’ignore encore, malgré les enquêtes que ,j’ai menées sur ce point, tant à Londres qu’à Paris, comment les Services de la Surveillance du Territoire étaient en possession, lorsqu’ils ont interrogé FOURCAUD et moi-même, d’une partie du courrier qui aurait du partir à la lune précédente, au cours d’une opération aérienne mais qui,finalement, avait été acheminé par les Pyrénées.

Je vous serais très reconnaissant, mon cher X .. qui savez tant de choses que j’ignore, de bien vouloir me le confier simplement à titre historique, un jour, au cours d’une conversation privée.

Dès qu’il a connu la prochaine arrestation du Lieutenant WARIN, le colonel d’ALES s’est d’abord proposé de venir lui-même à MARSEILLE, puis demanda effectivement à PAILLOLE de suivre la question.

Je ne doute pas un seul instant que PAILLOLE avait, non seulement la mission, mais encore l’intention de limiter les dégâts et qu’il s’y est vraisemblablement pris de la manière la plus habile; mais je dois dire que, sur le moment, son attitude m’a beaucoup déconcerté, comme elle a d’ailleurs déconcerté le Capitaine ROLAND.

C’est le commissaire P… qui m’interrogea alors. Il commença par me dire que je pouvais bien lui déclarer tout ce que je voulais, car il ne connaissait rien à l’affaire; et si les questions du commissaire divisionnaire LINAS, venu spécialement de VICHY, ne m’embarrassèrent jamais tant elles montraient une ignorance fondamentale du sujet, je dois dire que j’ai passé l’un des plus mauvais moments de mon existence lorsque PAILLOLE est venu me poser lui-même des questions d’une telle pertinence que j’ai été vraiment fort embarrassé.

7°) – Je croyais savoir que j’avais été libéré à la suite d’une intervention très énergique du Capitaine JONGLEZ de LIGNE auprès du Général commandant la Région – j’ajoute que, dans une conversation qu’il eut avec moi, après cette libération, le Capitaine JONGLEZ de LIGNE, sans cependant manifester son accord avec ses entreprises, me fit comprendre la connaissance que la Surveillance du Territoire avait du réseau et quelques-unes des charges qui pouvaient être retenues contre moi.

Quelques jours après, PAILLOLE me confirmait effectivement au grand ébahissement du Capitaine ROLAND, que la proposition qu’il m’avait faite, peut-être un mois auparavant, d’aller occuper un poste T.R. à Paris tenait toujours, car, en zone occupée, les intérêts des Bureaux M.A. et des Services pour lesquels je travaillais se confondaient.

J’ajoute que je n’ai dû à ma bonne étoile et à la suspicion qui pesa sur moi à Londres après que j’aie déclaré mon admiration pour les services de PAILLOLE et qu’on m’empêcha, en conséquence, de retourner en France, de ne pas tomber dans la gueule du loup, car j’ai appris depuis, hélas ! que les Allemands avaient un bon agent dans ce poste que j’aurais du rejoindre.

Je précise également qu’à cette époque, je fus reçu à VICHY par le Colonel d’ALES qui me fit très amicalement remarquer que, s’il admettait parfaitement des contacts très poussés avec les Anglais et avec les Américains, il n’était pas tout à fait d’accord sur des contacts avec les Gaullistes et qu’il avait bien l’impression que, sur ce point, j’avais dépassé les bornes.

Il ne me demanda d’ailleurs pas d’explication et confirma la proposition qui m’était faite d’occuper un poste T.R. à Paris. Je différais ma réponse à un mois, sous le prétexte d’aller voir préalablement moi-même la situation à Paris; mais, en réalité, pour aller chercher des instructions à LONDRES.

J’avais d’ailleurs, au même moment, essayé de solliciter l’appui et les conseils du Colonel RONIN, dont je savais qu’il était en liaison avec le Colonel GROUSSARD, avant l’arrestation de ce dernier. Le Colonel RONIN, qui était, à cette époque, très surveillé lui-même, m’a sans doute pris pour un provocateur et m’a proprement flanqué à la porte.

J’ai revu effectivement PAILLOLE en Août 1943 (je crois que c’est Août et non Avril) à Alger. J’avais toujours la même admiration pour lui (que j’ai toujours d’ailleurs). Nous avons eu à l’époque une conversation aussi amicale que le permettait la différence de grade qui existait entre nous. Mais je ne me souviens pas d’avoir songé à m’excuser d’être parti à LONDRES sans lui en avoir, au préalable, rendu compte. Je me rappelle simplement qu’il a été question, à ce moment-là, d’une espèce de rapprochement entre le B.C.R.A. et les Services de PAILLOLE dans lequel je devais jouer un rôle relativement important, puisque j’avais appartenu aux deux Maisons, rôle que j’aurais rempli de grand coeur car il me semblait nécessaire de réconcilier, au plus tôt, des Services qui poursuivaient le même objectif avec la même efficacité.

J’ajoute que l’arrestation de FOURCAUD, lors d’un contact qu’il avait avec moi, et l’admiration naïve et réelle que je manifestais pour le travail des Bureaux M.A.. et le Service T.R. en particulier, m’ont valu les pires ennuis, d’abord avec les Anglais lors de mon passage en Espagne. Puis, toujours avec eux, lors de mon arrivée à Londres – enfin. avec les Services du S.R. gaulliste. qui n’étaient pas encore à l’époque le B.C.R.A.. Une première fois lors de mon arrivée à Londres et une deuxième fois, un an plus tard, quand FOURCAUD y revint. Je ne pense pas, mon cher X … que ces précisions soient de nature à gêner qui que ce soit. En tous cas, elles sont pour moi strictement conformes à ce que je crois être la vérité, et je serais très heureux, si je me suis trompé sur quelques points, que vous me le déclariez, à votre choix, en public ou en privé.

Ignorant votre identité. je ne puis malheureusement mettre la traditionnelle formule de politesse qui risquerait de ne pas s’adapter à la sympathie que j’ai peut-être pour vous ou à la considération que je vous dois peut-être. Signé: Roger WIBOT.

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Un pur trouve toujours un plus pur qui l’épure !!

Il est aussi injuste de mettre en cause – ou de rendre responsable ­ le SSM/TR tout entier ( ou les B.M.A.) en s’appuyant sur des fautes ou des erreurs individuelles, que d’accabler le réseau de police AJAX ( par exemple) pour des fautes ou des erreurs individuelles commises par des fonctionnaires de la Sûreté Nationale.

SSM-TR. précise :

Paragraphe 4.­

Les affectations dans les Bureaux des Menées Antinationales (M.A.) échappaient aux Généraux Commandant les Divisions Territoriales de l’Armée de l’Armistice. Elles étaient toutes prononcées par le Chef du Service M.A. (Colonel d’ALES).

M. WYBOT a cité le nom du Colonel GRANIER Chef d’E.M. de la 15ème Division Militaire à Marseille. Il nous est agréable de saisir cette occasion pour souligner une fois de plus l’efficacité de l’action dynamique de ce grand Français et de le remercier ici de l’aide inlassable qu’il apporta aux Bureaux M.A. et au Service TR dans leur lutte contre l’ennemi.

Ce n’est rien enlever à ses mérites que de ne point lui attribuer l’affectation aux B.M.A. de Marseille du lieutenant WARIN.

Paragraphe 5.­

Il nous paraît nécessaire,avant de poursuivre le commentaire de la réponse de M. WYBOT, de faire quelques observations indispensables à la bonne compréhension de la situation des B.M.A. en France de 1940 à 1942 et de l’atmosphère particulier dans lequel évoluait l’affaire évoquée :

a)- si l’état de siège avait été maintenu après l’Armistice en France dite “libre”, l’autorité civile – en l’occurrence le Ministre de l’Intérieur, avait néanmoins recouvré la plénitude de ses attributions et la totalité des pouvoirs de police – C’est du reste cette action qui fut à la base du procès et de la condamnation à mort de Pu… à Alger.

La Surveillance du Territoire, dont la mission répressive en matière de Sûreté Intérieure et extérieure de l’État échappait à la responsabilité des B.M.A., avait été placée au début de 1941 par DARLAN (successeur de LAVAL) sous les ordres d’un marin, le Commandant ROLLIN. Cette nomination devait accentuer “le caractère impartial” (sic) de cette mission répressive et permettre à la police du C.E. d’échapper totalement à “l’empire du 2ème Bureau fâcheusement confiné dans une attitude anti-­allemande et favorable aux alliés” (resic).

En conséquence, toutes les affaires dites “d’Initiative” de la Surveillance du Territoire, susceptibles de suites judiciaires étaient directement passées pour attribution à la Justice répressive. Il fallait une action persévérante, et parfois véhémente, des chefs des B.M.A. pour faire admettre que la Surveil­lance du Territoire (dont la plupart des fonctionnaires étaient de magnifiques patriotes) devait informer les B.M.A. de tout ce qui était susceptible de suites judiciaires en matière de C.E. Dans certains cas, satisfaction ne fut donnée aux B.M.A. qu’avec réticence, et la plupart des enquêtes faites à l’encontre de services alliés ou gaullistes ne furent connues des B.M.A. qu’après le dépôt des procédures entre les mains souveraines des juges d’instruction.

b)- L’affaire GROUSSARD-FOURCAUD, dans laquelle fut impliqué le Lieutenant WARIN – alias WYBOT – représente le type de ces affaires “d’initiative” réalisées par la Surveillance du Territoire sous l’impulsion du Commandant R…. Elle se complique du fait que les autorités policières crurent avoir, grâce à elle, la possibilité de pénétrer les secrets des Services Spéciaux Militaires (B.M.A. – S.R. – T.R.) et en apportant la preuve de leur collusion avec “Londres” d’obtenir leur dissolution, et l’arrestation de leurs chefs.

L’arrestation du Colonel GROUSSARD, ami des chefs des Services Spéciaux Militaires, la découverte à cette occasion de plusieurs documents compromettant pour des Officiers ou agents de ces Services, les arrestations antérieures de certains de leurs agents, étaient les éléments de base de cette suspicion.

L’arrestation de FOURCAUD en compagnie d’un Officier des B.M.A. (WARIN) ne pouvait qu’étayer et renforcer cette suspicion.

c)- En fait l’affaire GROUSSARD-FOURCAUD-WARIN, etc.. provoqua beaucoup d’agitations pour des résultats que le Service M.A. n’a pas toujours bien compris.

– Les Services Spéciaux Militaires se tirèrent de ce mauvais pas.. pour un temps.. (ils furent dissous et leurs chefs limogés moins d’un an après).

– WARIN fut libéré avant même d’avoir été déféré à la justice.

– ROLLIN, le chef d’orchestre incontesté de la “répression” filait.. en Angleterre en 1943, où malgré l’opposition du SSM/TR, il vécut très confortablement et en liberté jusqu’à la fin de la guerre. Il avait été enlevé par pick-up.. “en raison des services rendus à la Résistance” ..

Mais revenons plus précisément à la lettre de M. WYBOT :

Nous confirmons donc que FOURCAUD fut arrêté à Marseille à la seule initiative de la Surveillance du Territoire, à l’insu des Bureaux M.A. et du Service TR qu’il s’agissait de confondre à cette occasion.

M. WYBOT nous demande de lui exposer, en privé, les conditions dans lesquelles les Services de Surveillance du Territoire furent mis en possession d’une partie d’un courrier destiné à Londres et que la découverte de l’affaire GROUSSARD avait empêché d’être enlevé par avion (“pick-up”). Nous préférons exposer publiquement ce que nous savons.

Le courrier en question était recherché par le Commandant ROLLIN avec au moins autant d’obstination que FOURCAUD lui-même. Il pensait sans doute y trouver, entre autres choses intéressantes, les preuves des contacts avec “Londres” de certains Officiers du S.R. ou du T.R. Par un de ces hasards miraculeux – qui sont la Providence des bons policiers – ce courrier fut imprudemment confié pour franchir la frontière espagnole à un indicateur de la Surveillance du Territoire, trafiquant notoire, agent triple ou quadruple, dont nous révèlerons le nom si M. WYBOT le juge utile. Le Commandant R. en fut avisé. Le Service M.A. aussi.. Il ne restait plus à celui-ci qu’à “court-circuiter” le dit – courrier qui s’apprêtait à rejoindre Vichy, à “l’épurer”, et à remettre ostensiblement à R. ce qui en restait. Ainsi fut fait.

Paragraphes 6. et 7. ).­

Nous avons demandé à notre Président de dire lui-même ce qu’il pense des considérations développées par M. WYBOT dans ces paragraphes. Nous laissons la parole à l’ancien Chef du SSM/TR.

….. Je crois me souvenir que j’étais furieux de l’imprudence commise par le Lieutenant WARIN, qui, sachant notre position difficile et les conséquences graves de l’affaire GROUSSARD, n’avait cependant pas cru nécessaire de nous demander conseil et de prendre des précautions supplémentaires en rencontrant FOURCAUD. Il est possible aussi que, décidé à le faire mettre hors de cause, je n’ai tout de même pas voulu lui donner l’impression que nous étions exagérément naïfs. Peut être est-ce pour cela que j’ai fait passer à WARIN ce qu’il appelle “un mauvais moment” ? Il m’en excusera en mesurant les risques que courraient nos Services et l’effort qu’il nous fallait maintenir pour les préserver.

Par contre, si le Commissaire LINAS ne l’a jamais “embarrassé” au cours de ses brefs interrogatoires, c’est qu’il avait été convenu formellement entre nous qu’il ne lui poserait aucune question sur le fond d’une affaire qu’il connaissait mieux que WARIN et moi. Le Bulletin Spécial 1956 a parfaitement donné les raisons de cette attitude correcte de M. LINAS.

J’avais grande estime pour l’intelligence, le patriotisme et le cran de WARIN. J’insistai donc auprès de lui pour qu’il travaille dans le Service T.R. à Paris. Je suis étonné que M.WYBOT fasse maintenant allusion à un danger qui pouvait le menacer en la personne d’un agent ennemi introduit dans le Poste qu’il devait rejoindre.

Certes, et je ne le lui avais pas caché à l’époque, il s’agissait de remplacer un Officier T.R. qui fut arrêté par l’ennemi en novembre 1941, et dont nous avons eu par la suite quelques raisons de nous méfier. Mais les précautions à prendre étaient sans doute élémentaires, et le camarade qui, faute de l’acceptation de WARIN-WYBOT, se rendit à Paris à sa place, se porte, aujourd’hui, fort bien.

Ce que M. WYBOT appelle “la méfiance” du Général RONIN à son égard, a probablement pour origine les raisons qu’en donne M. WYBOT lui-même dans sa lettre du 4 Mai.

Le Général avait tort. Son attitude pourtant s’expliquait par des considérations qu’il développa souvent devant moi, en s’appuyant parfois sur les surprenants rebondissements et les curieuses conclusions de l’affaire à laquelle WARIN avait été mêlé.

Un fait est certain: RONIN, l’un des premiers Résistants de France, Soldat sans peur et sans reproche, aurait été la première victime de la répression policière et du Commandant R., sans la discipline de travail qu’il s’imposait, sans cet ascendant qu’il exerçait sur tous ceux qui l’approchaient, sans cette hautaine désinvolture avec laquelle il franchissait tous les obstacles.

Je suis navré de la série d’ennuis qu’a pu valoir à M. WARIN-WYBOT son admiration pour nos Services, admiration qu’il extériorisait auprès des Anglais avec peut-être trop de générosité. Je suis persuadé que s’il s’était ouvert à moi de son intention de rejoindre Londres, il y eut reçu auprès de nos Alliés l’accueil chaleureux que j’y ai reçu moi-même, et qu’y ont reçu d’autres camarades de notre “Maison”.

Quoiqu’il en soit, et ce sera ma conclusion, je retiens de la lettre de M. WYBOT le passage où il montre “de quel coeur il eut servi le rapprochement entre deux Maisons (B.C.R.A. et SSM/TR) qui poursuivaient le même objectif avec la même efficacité”.

Aujourd’hui, plus que jamais, les “cloisons” doivent être abattues. La Vérité historique ne peut que servir l’estime réciproque et l’Union des français de bonne foi.

Malheur à ceux qui ne comprennent pas encore que les querelles de clochers sont dépassées, et que l’orgueil personnel doit s’effacer devant l’intérêt général.

La lettre de M. WYBOT ne gênait effectivement personne au SSM/TR. Par ailleurs, le Directeur de la Surveillance du Territoire nous a donné son accord, le 24 Mai, sur le texte qu’on vient de lire.

En ce qui nous concerne, nous considérons l’incident comme définitivement clos.

Maintenant, il faut le dire !

Les premiers contacts établis par le TR. avec LONDRES et la ” FRANCE LIBRE ” .

Les diverses “mises au point” publiées dans notre premier NUMERO SPECIAL de 1956 et le présent BULLETIN, ont eu pour origine un article paru dans “France-Dimanche” donnant sur les B.M.A. des informations inexactes.

Nous savons que les précisions ainsi accumulées sur nos activités ont été et seront passionnément commentées.

Nous savons aussi que certains “détracteurs” de nos Services persistent à semer le doute sur l’efficacité, voire l’utilité de certains de nos réseaux.

Nous sommes résolus à lever “progressivement” et “pudiquement” quelques parties du voile afin de révéler, avec le tact et la discrétion indispensables, ce que nous devons tous savoir, et ce que les “détracteurs” , professionnels du mensonge et spécialistes de la “cravate”-, continueront sans doute (même devant l’évidence) à ignorer.

Ce qui va suivre doit renseigner nos lecteurs sur les conditions dans lesquelles nos services de C.E. et T.R. en particulier ont démarré en Z.O. (Région parisienne), et comment ces services ont établi des contacts directs avec la “France Libre” et Londres.

Le récit est extrait du compte-rendu d’un collaborateur de TR 112 dont nous ne pouvons révéler l’identité et que nous désignerons par l’indicatif 112 bis.

Il sera suivi d’autres récits, tout aussi historiques..

Ceci n’est donc qu’un point de départ choisi en raison de certaines circonstances particulières, de temps, de lieu et de personnes.

———–

” A partir de Juillet-Août 194O, plusieurs postes T.R. travaillent à PARIS avec des missions précises mais indépendantes les unes des autres. Les uns dépendent directement de la Direction T.R. Un autre dépend de T.R.113, enfin un autre dépend de T.R. 112 : il s’agit de 112 bis qui nous donne ci-après quelques indications sur les débuts de son travail..

Les premiers pas du 112 bis, à PARIS

Aussitôt après l’armistice, la plupart des H.C. parisiens, en majorité amis personnels des membres du SERVICE, comprennent notre position et nous aident de tout leur coeur. Ils forment le noyau de notre implantation en Z.O.

Vers la fin de l’année 1940. Il devient cependant difficile d’en accroître le nombre. En effet, des groupes de résistance se forment spontanément et les chefs recherchent une liaison directe avec Londres. La plupart ne peuvent l’obtenir. Ils veulent avant tout (nous ne parlons pas, bien entendu, des coteries politiques qui se rallièrent par la suite à la Résistance) des armes et des instructions.

Leur impatience conduira l’E.M.A. et le SSM/TR à la formation des G.A.D. (Groupes Auto Défense) sous la direction du Commandant LAMBERT en Mars 1941.

Cependant, sauf dans la Région du Nord où 112 bis n’a qu’une implantation sommaire, la plupart de ces groupes nous font confiance et acceptent de ne recevoir leurs instructions que de nous. Nous faisons valoir pour cela :

– notre ligne d’action commune; travailler contre l’ennemi pour obtenir sa défaite militaire.

– empêcher la désagrégation morale du pays.

Nous demandons essentiellement à ces groupes amis :

– de collecter des renseignements S.R. et C.E. et d’accepter nos plans de recherches à ce sujet.

– de placer des agents dans les divers services spéciaux ennemis et groupes de collaboration et de nous rendre compte des contacts ainsi établis.

– de nous fournir à l’occasion des “boîtes aux lettres”, des “couvertures” et d’effectuer certaines liaisons.

En échange, nous garantissons que tous les renseignements intéressants, servant l’effort de guerre, parviendront à Londres (Ils auront d’ailleurs la réponse à leurs messages). Nous commençons à fournir des armes individuelles.

A chaque instant, au début de 1941, nous tombons sur des groupes “gaullistes” “soupçonneux” à notre égard. Certains nous laisseront “tomber” quand ils auront la liaison directe avec Londres: c’est le cas du groupe de Granville (donné par G., dirigé par le professeur d’anglais au collège de Granville).

D’autres accepteront le “modus vivendi” de la liaison avec Londres par notre intermédiaire : Organisations RIPOCHE-PASCAL “Maintenir”, “Petit Train d’Anjou”, etc…..

Enfin, nous aurons des sortes de “contrats spéciaux” avec des agents F.F.L. venus d’Angleterre. Ainsi deux émissaires bien connus de la France Libre, REMY et St-JACQUES, ont fait leurs premiers pas grâce à nous et nous ont parfois apporté les moyens complémentaires, matériels et financiers, qui pouvaient nous faire défaut.

LE CAS REMY (Alias GILBERT RENAUD)

Le cas REMY, alias Gilbert RENAUD, est un exemple frappant de ce genre d’activité.

En Septembre 1940, un groupe se constitue à Saumur autour de l’infatigable M. MADELIN (Pétroles Desmarais) que nous avait amené Me HOUDAILLE, son beau-frère, avocat à Paris.

MADELIN avait vainement cherché une liaison avec le Général de GAULLE. Il accepte de travailler pour nous avec enthousiasme.

Aidé par la Croix-Rouge de Saumur, il met sur pied une filière pour faire passer en zone libre les prisonniers de Saumur. Il recrute ensuite des agents S.R. qui identifient les éléments ennemis stationnés dans la région.

Grâce au dévoué EPRINCHARD, Commissaire de Police à Saumur, un petit réseau C.E. est créé de toutes pièces. M. ANCELIN, Procureur de la République, en est la cheville ouvrière.

D’autre part, un “ancien” du service. M. MILLIAT, Sous-Préfet. nous donne tout son appui: il recevra le premier poste radio envoyé par l’antenne C.E. de Limoges dans les premiers jours de 1941.

Lorsque Gilbert RENAUD, envoyé de Londres, annonce à son parent (le photographe DECKER) son arrivée à Saumur, nous sommes aussitôt prévenus (DECKER fait partie du groupe MADELIN) et on nous demande des instructions. Nous en demandons au chef du T.R.

Sur ordre du Colonel PAILLOLE, contact doit être pris avec REMY, de manière à lui faciliter sa mission au mieux.

MADELIN conduit donc REMY à Paris pour le présenter à Marcel THOMAS, secrétaire du chef du poste T.R. 112 bis. C’est le début d’une excellente collaboration qui ne finira qu’avec l’arrestation de cer­tains éléments du 112 bis. En échange des services rendus, Gilbert RENAUD remet des fonds et des moyens matériels (radio) importants qui facilitent considérablement la tâche de T.R. Les courriers du “Petit Train d’Anjou” et de “Maintenir” passeront souvent par cette voie. REMY relate dans ses Mémoires certains épisodes de sa collaboration avec THOMAS-VAUTRIN (Il ignorait qu’il appartenait au C.E. français) en particulier celui où, ayant oublié un jour de rendre à temps à THOMAS des plans fournis par un agent de pénétration, ce dernier fut obligé de brûler la bicoque qui lui servait de bureau.

LE CAS DUCLOS (Alias SAINT-JACQUES)

Parachuté par Londres en zone libre aux environs de Périgueux, Maurice DUCLOS, dit St-JACQUES, se brise une jambe à l’atterrissage. Il est soigné à l’hôpital, se lie d’amitié avec nos Services { RIGAUD, de BONNEVAL, etc…..) et accepte de travailler avec eux.

Nous “organiserons” son évasion .. qu’il racontera à LONDRES, cet TR 112 bis échangera avec lui chaque semaine son courrier.

En son absence, son cousin VISSEAUX le remplace.

P.C. = Bureaux place Vendôme (agents de change DUCLOS & Cie). Les échanges auront lieu jusqu’à la fin de l’année 1941.

LE CAS DE L’ ORGANISATION RlPOCHE (PARIS)

Fin 1940, RIPOCHE Maurice (Fours électriques RIPOCHE, rue de la Santé), PASCAL et X.. (S.N.C.F.) créent une organisation (Libération) divisée en cellules correspondant aux divers quartiers de PARIS et de banlieue. Ils n’ont encore pas réussi à prendre liaison avec LONDRES lorsque nous nous mettons en rapport avec eux.

Après des débuts réticents, RIPOCHE et PASCAL recevant de LONDRES les réponses à leurs messages, ont la preuve de l’efficacité de nos liaisons. Les premières livraisons d’armes effacent les derniers soupçons et le courrier hebdomadaire devient de plus en plus abondant. Bientôt, il faudra, pour ce courrier, engager une secrétaire et placer dans l’organisation un agent de liaison permanent: M. DUFOUR de LETTRE.

Beaucoup d’agents opèrent en province (St-Nazaire – Châlons). Le courrier est concentré soit au siège de l’ Électricité de France, soit chez M. RIPOCHE (dans les bûches de la cheminée, truquées à cet effet). Après le tri opéré chez DUFOUR de LETTRE, ils sont tapés en double exemplaires: un pour TR 112, un pour le courrier de LONDRES.

Quelques agents de C.E. intéressants sont pris complètement en compte par TR 112. D’autres servent de “boîte aux lettres”, ainsi Maurice NORD, propriétaire d’un café-hôtel, 43 avenue d’Orléans, chez qui nous ferons “loger” des suspects pour les fouiller tout à loisir.




L’Agonie du regime sovietique Colonel M Garder

Le 14 octobre 1964 est appelé certainement à devenir une de ces dates historiques que des générations futures d’écoliers et de candidats aux jeux-concours de la télévision seront obligés de connaître par cœur.

“Ce jour-là, diront les manuels d’histoire de nos petits-enfants, a débuté l’agonie du régime léninomarxiste en Russie “. Certains mémorialistes ne manqueront pas, à l’occasion, de noter que l’importance d’un tel événement avait dans l’ensemble échappé aux contemporains. Il est de fait que la majeure partie des observateurs n’a vu dans la révolution de palais de Moscou que son aspect immédiat : la disparition de la scène politique de Nikita Khrouchtchev…, ce bon monsieur K auquel on avait fini par s’habituer. Tout naturellement on s’est beaucoup plus préoccupé de savoir qui étaient ses successeurs, quelle serait leur politique et, accessoirement, ce que devenait l’intéressé lui-même, plutôt que de se demander ce que signifiait l’événement lui-même.

Le fait que le” pape-empereur “de la théocratie matérialiste ait pu être démissionné comme n’importe quel premier ministre bourgeois a été uniquement interprété comme une preuve de la démocratisation du régime, ou tout au moins de son humanisation. Or, c’est justement dans cette humanisation que réside le drame d’un système par définition inhumain. Une théocratie, même matérialiste, ne peut pas être humaine dans la mesure où elle a la prétention d’imposer à des hommes la volonté de la divinité. Cette dernière, dans le cas considéré, était représentée par la nécessité historique dont le bien-fondé aurait été scientifiquement démontré.

Seul habilité à interpréter les lois mystérieuses de cette nécessité, le pape-empereur du système se confondait avec elle. C’est ainsi que Staline avait fini par devenir le” dieu vivant “du marxisme-léninisme, exerçant un pouvoir absolu, spirituel et temporel, non seulement sur l’Union soviétique mais également sur l’ensemble du monde communiste. Ce pouvoir, renforcé par l’existence d’une Inquisition omniprésente et omnipotente, se concrétisait dans l’appareil du Parti, cette extraordinaire administration cléricale du système. Emanation du dieu vivant, monolithique et strictement hiérarchisé, ce clergé constituait l’épine dorsale de la théocratie.

A sa tête, au contact direct de la divinité, se trouvaient les “cardinaux-satrapes” du Présidium du Comité central. Au-dessous d’eux, il y avait toute la gamme des “prélats-gouverneurs” des républiques, territoires, régions ou grandes villes, coiffant l’armée des “chanoines-préfets” des districts. Enfin, à la base s’affairaient les “curés-adjudants “des cellules du Parti. Encadrés par ces prêtres-administrateurs, les fidèles et les sans-parti se trouvaient réduits à l’état de robots œuvrant à la gloire de la nécessité faite homme. L’appareil gouvernemental, les syndicats, les jeunesses communistes et autres organisations étaient autant de courroies de transmission permettant au clergé de mieux contrôler et dépersonnaliser ses esclaves.

Il a fallu onze ans aux successeurs de Staline pour ébranler définitivement cet édifice unique au monde. Pendant ces onze années nous avons assisté à un processus d’autodestruction dont il était parfois difficile de mesurer la portée. L’Inquisition, privée d’une partie de ses prérogatives, a été partiellement démantelée; le clergé miné par les luttes intestines s’est désacralisé en s’attaquant à l’infaillibilité de la divinité défunte; accumulant les fautes, le dernier pape-empereur n’était avant sa chute qu’un pauvre homme impuissant.

Sa peu glorieuse disparition marque le début d’une phase nouvelle dans la longue maladie du régime : celle de son agonie. Notre diagnostic est formel : tous les symptômes sont là. Pourtant peu nombreux sont les gens qui veulent se rendre à l’évidence. Les tenants du régime s’accrochent désespérément à l’espoir de le voir survivre. Les sympathisants inquiets voient le salut dans une miraculeuse évolution. Les adversaires, eux, n’osent pas y croire. L’éventualité de la disparition d’un ennemi est toujours déconcertante. L’image de “l’homme au couteau entre les dents “avait des côtés avantageux. L’évocation du” diable communiste “était par fois bien commode.

La Russie de demain posera bien des problèmes. Haïe et vitupérée par tous les communistes ou assimilés de l’univers, elle risque d’être pour les pays occidentaux un nouvel ami encombrant. Les uns et les autres devront se faire une raison. Le mieux d’ailleurs, est de s’y préparer intellectuellement dès aujourd’hui. Quant à nous, en formulant ce diagnostic, nous souhaitons de tout cœur que l’agonie soit la plus courte et la moins douloureuse possible. Après cinquante ans d’épreuves, les peuples de l’Union méritent amplement de connaître enfin une vie meilleure. Puisse le cauchemar d’une nouvelle guerre civile leur être épargné.

Cet ouvrage se trouvait sous presse lorsque, fin mars, plusieurs événements survenus en U.R.S.S. sont venus confirmer le diagnostic de l’auteur. Tout d’abord à l’occasion des élections aux Soviets régionaux la liste officielle s’est trouvée en ballottage dans près de 200 circonscriptions pour la plupart rurales. Ensuite des remaniements sont intervenus au sein de la Direction collective (limogeage d’Illyitchev et de Titov, arrestation d’Oustinov, promotion de Mazourov).

Enfin, après avoir publiquement avoué la faillite de la politique agricole du régime, Brejnev a annoncé un nouveau programme de cinq ans dont l’échéance, 1970, correspond à la période critique prévue par

LE DÉBUT DE LA FIN

Le 15 octobre 1964, dans la soirée, un communiqué laconique de l’agence Tass apprenait à l’univers ébahi que le Comité central, dont personne n’avait annoncé la réunion, avait, sur la demande même de l’intéressé, libéré le camarade Nikita Khrouchtchev de ses doubles fonctions de chef du Parti et du gouvernement, en raison de “son état de santé précaire et de son âge avancé “.

En réalité, l’événement remontait à la veille. II avait fallu vingt-quatre heures pour enlever les portraits du grand homme qui ornaient la Place Rouge, en prévision des festivités en l’honneur des cosmonautes du Voskhod, et désigner ses successeurs. Son “fidèle lieutenant “, Léonide Brejnev, le remplaçait à la tête du Parti; son” ami de vieille date “ Alexis Kossyguine, héritait de la présidence du Conseil. Comme au lendemain de la mort de Staline, une Direction collective prenait la relève du pape empereur.

Un peut partout, dans les chancelleries ou les rédactions des journaux, on consultait les fiches biographiques des successeurs dans le vain espoir d’y découvrir l’indice susceptible de donner un sens à cette révolution de palais à la sauvette. On attachait une grande importance aux déclarations que pouvait faire, à son retour en France, M. Palewski, le dernier homme d’Etat occidental à avoir vu Khrouchtchev. Diverses personnalités avaient émis des commentaires, le plus souvent embarrassés. Dans le nombre, on pouvait relever des perles dans le genre de “M. Khrouchtchev a été la victime des mêmes forces obscures qui ont assassiné le Président Kennedy “. Des kremlinologues parlaient d’une conjuration des Staliniens épaulés par des militaires. Anxieux, certains se demandaient si la coexistence pacifique ne se trouvait pas menacée. De bonnes âmes s’inquiétaient du sort réservé au souverain déchu et à sa famille. Les naïfs s’indignaient du manque de courtoisie du Comité central, lequel aurait pu agrémenter l’éviction de son chef par quelques paroles aimables à son égard.

Cependant, saluant à leur façon la chute peu glorieuse de leur ennemi, les Chinois faisaient exploser, le 16, leur première bombe atomique. Immédiatement ce nouvel événement prit le pas sur le premier. Délaissant Khrouchtchev, les journaux s’occupèrent de Mao. Certains ne manquèrent pas, d’ailleurs, d’avancer une ingénieuse hypothèse. Selon eux la révolution de palais de Moscou se serait effectuée avec la connivence de Pékin. Les instigateurs, des Moscovites prochinois, auraient, en la personne de Khrouchtchev, supprimé l’obstacle majeur à un rapprochement avec l’équipe de Mao. A l’appui de cette thèse, on invoquait le message chaleureux expédié aux membres de la Direction collective par les dirigeants chinois.

La Pravda du 18 octobre devait enfin fournir quelques diffuses lumières sur les véritables raisons de la “démission” de Khrouchtchev. Sans nommer ce dernier, l’éditorial dénonçait “le style autoritaire de gouvernement “… “la vantardise “… “la mauvaise éducation” et les “décisions hâtives et irréfléchies “.

Pour corser le tout, le 20 octobre, la délégation officielle soviétique qui se rendait à Belgrade en l’honneur du vingtième anniversaire de la libération de cette ville, disparaissait au complet dans un accident d’avion. Parmi les victimes se trouvait le Maréchal Biriouzov, chef de l’Etat-major général, protégé notoire de Khrouchtchev.

Un tel afflux de nouvelles ne pouvait manquer de créer une certaine confusion. Comme toujours l’accessoire devait prendre le pas sur l’essentiel. C’est ainsi que les observateurs occidentaux, à de rares exceptions près, s’interrogeaient surtout sur les motifs de la révolution de palais alors que celle-ci était importante en soi. L’essentiel n’était pas que les conjurés eussent voulu se débarrasser de leur chef, mais bien qu’ils eussent pu le faire aussi facilement.

Bien sûr, nous ignorons le scénario exact de la séance du 14 octobre. Il n’est pas difficile pourtant de s’imaginer la scène. Dans une salle du Kremlin, face aux quelque trois cents membres et candidats membres du Comité central, siègent les hiérarques du Présidium parmi lesquels l’accusé. A la tribune, jouant les Fouquier-Tinville, le camarade Souslov, cet instituteur Tafardel du Clochemerle soviétique, dévide son interminable litanie de lieux communs à la sauce lénino-marxiste. Khrouchtchev sait déjà qu’il est condamné car avant cette session plénière il y a eu une réunion du Présidium au cours de laquelle on a eu la bonté de l’en informer. Peut-être a-t-il tenté alors de se défendre, de le prendre de haut ? Cela n’a aucune importance. Désormais il est trop tard pour faire un esclandre. Les coups de chaussure sur la table sont hors de saison. Il lui faut subir en silence l’interminable discours de Souslov ponctué par les applaudissements des assistants. Pourtant ces trois cents dignitaires du Parti, militaires de haut grade ou travailleurs d’élite, constituent sa clientèle. Presque tous ont été sélectionnés en fonction de leur attachement à sa personne. Tout à l’heure ils condescendront, à l’unanimité, à le” libérer, sur sa propre demande “.

Une formalité longue et ennuyeuse, telle a été certainement la séance historique du 14 octobre 1964. Un constat de faillite qui n’ose pas dire son nom ! Si les participants de cette scène sans grandeur avaient eu tant soit peu le sens du ridicule, ils n’auraient pas manqué de trouver cocasses les reproches adressés à Khrouchtchev. Accuser un pape-empereur d’avoir fait preuve d’autorité constituait déjà un comble. La vantardise était la marque même du régime, avec ou sans Khrouchtchev, et le manque d’éducation n’avait pas empêché la majeure partie des” hiérarques “de faire une brillante carrière au sein de l’appareil. Enfin dans l’ordre des “décisions hâtives et irréfléchies “, celle que le Comité central s’apprêtait à sanctionner risquait d’occuper la première place. Malheureusement le sens du ridicule est incompatible avec la fonction de prêtre fonctionnaire de la religion lénino-marxiste. Pour ces rouages sans imagination de l’énorme machine du Parti, les griefs énumérés par Souslov représentaient autant d’explications commodes au marasme général auquel le régime avait abouti. Le recours au bouc émissaire faisait partie de la tradition.

Pourtant, cette fois, le bouc était de taille. C’était la première fois qu’il s’agissait d’immoler le grand prêtre lui-même. Un sacrifice de cette envergure devait satisfaire le Moloch de la “nécessité historique “. Une succession de miracles allait récompenser la décision historique du Comité central. A l’intérieur de l’U.R.S.S., l’agriculture et l’industrie légère, débarrassées du tyran vantard et mal élevé, allaient connaître un essor prodigieux. Le laisser-aller général ne pouvait que cesser de lui-même. Au sein du camp communiste, Chinois et Albanais repentants se précipiteraient dans les bras de la Direction collective, sous les ovations des satellites et des partis du reste du monde. Dès lors, les capitalistes n’auraient plus qu’à s’incliner devant le verdict impitoyable de l’Histoire.

Ainsi grâce aux ressources de la dialectique le constat de faillite se transformait soudain en une géniale initiative du Parti omniscient et infaillible. La personnalité de Khrouchtchev importait fort peu au regard d’un tel miracle.

Au fond de lui-même, chacun des acteurs de la cérémonie expiatoire devait probablement douter quelque peu d’une issue aussi miraculeuse. Peut-être quelques-uns comprenaient-ils que l’éviction de Khrouchtchev n’était nullement une solution et que la dialectique avait beau faire, la faillite n’en demeurait pas moins. Car c’était bien d’une faillite qu’il s’agissait, d’une faillite dont d’année en année on avait reculé l’échéance à coups de boucs émissaires et de réorganisations. Mais pour avoir le courage de l’avouer publiquement, il eût fallu d’autres hommes que ceux qui siégeaient au Kremlin ce jour-là. Prisonniers de leur vision du monde, ils en étaient à la fois les serviteurs et les bénéficiaires. Le marxisme-léninisme était en même temps leur foi et leur justification. De plus, ces prêtres fonctionnaires d’une religion matérialiste souffraient au plus haut point des tares de l’époque stalinienne le charlatanisme et la servilité, et leur dénominateur commun était la lâcheté. Avouer la faillite eût équivalu pour la plupart d’entre eux à un suicide moral, à un retour au néant que seul pouvait leur éviter la poursuite de l’imposture. Ils n’allaient tout de même pas, pris d’un accès tardif de franchise, sacrifier le régime auquel ils s’identifiaient après lui avoir tout sacrifié.., leurs forces, leur dignité et la vie de leurs meilleurs amis.

Khrouchtchev n’était pas simplement un coupable commode, II était vraiment coupable. Ses vrais crimes et les plus graves de ses fautes ne figuraient d’ailleurs pas dans le réquisitoire de Souslov. Déicide, il avait été lui-même son propre fossoyeur depuis ce mois de février 1956 où il s’était permis d’attaquer â titre posthume la divinité de Staline. En le frappant, les justiciers du Comité central le punissaient d’avoir rabaissé l’auguste fonction de pape-empereur de la théocratie matérialiste au rang d’une vulgaire présidence d’un conseil d’administration et par là dévalorisé leur propre condition.

Cependant cette juste sanction, loin de réparer le mal, ne faisait que l’accroître. A la longue liste des crimes et fautes de Khrouchtchev venait désormais s’ajouter la lourde gaffe des conjurés du 14 octobre. Car de même qu’ils étaient incapables d’avouer la faillite du régime, les hiérarques du Parti ne pouvaient dénoncer les crimes dont ils avaient été les complices. Faute de pouvoir condamner soit la théocratie, soit son assassinat par Khrouchtchev, ils devaient se contenter d’un vote de défiance. Voulant sauver le régime malade, ils lui assenaient par là même un coup mortel. Sous le nom de Direction collective, un comité de liquidation allait succéder au conseil d’administration présidé tant bien que mal par le pauvre Khrouchtchev.

Le feu d’artifice goguenard de la première bombe chinoise devait, deux jours plus tard, saluer ce “harakiri” de la curie moscovite.




Imperial War museum et Services speciaux

Récemment ouvert à la guerre secrète, ce grand musée situé Lambeth Road est exemplaire par la richesse de ses expositions et aussi par les réalisations qui facilitent sa visite… Les sièges ne manquent pas, une cafétéria est accueillante et ouvre sur de vastes jardins.

Une bibliothèque rassemble quantité d’ouvrages sur les grands conflits mondiaux et notamment sur la guerre secrète. L’œuvre la plus importante, la plus récente et sans nul doute la mieux documentée sur l’action des services spéciaux britanniques est celle du professeur F.-H. Hinsley “ British intelligence in the second world war “.

Le rez-de-chaussée présente les matériels de guerre, notamment ceux de la 2e guerre mondiale, britanniques, américains et allemands. Le nombre est impressionnant.

Au premier étage sont les expositions sur les deux dernières guerres mondiales.

Des vidéos très didactiques expliquent les développements des conflits, années par années..

a)- Seconde Guerre Mondiale. C’est l’exposition la plus riche. Elle comprend une exposition générale divisée par thèmes (bataille d’Angleterre – Blitz – guerre sur mer, dans le Pacifique, camps de déportation, etc…) et des expositions spécifiques telles que la vie à Londres, la défaite du Japon, les débarquements de Normandie, la célébration de la Victoire, etc… la guerre secrète.

b)- La Guerre Secrète occupe une grande partie du premier étage, son exposition est divisée en trois :

M.I.5, M.I.6 et S.O.E., les trois spécialités de l’I.S.

Chacun de ces 3 services secrets est détaillé : genèse, objectifs, fonctionnement, matériels, personnels… avec le curriculum vitae simplifié de leurs chefs successifs et des personnalités qui ont marqué leurs activités diverses.

Ainsi à titre d’exemple: M.I.6 (renseignements et CE extérieurs):

Directeurs : Menzies de 1939 à 1952 – Dick – White de 1953, etc… enfin Mac Coll de 1989 à 1992.

Personnalités : Dansey, directeur adjoint de M.I.6 de 1939 à 1945 – Denniston, chef du G.S.C.S. (Government Code and Cypher School) organisme du chiffre, transféré en 1939 à Bletchley Park où furent exploités notamment les secrets de la machine à chiffrer allemande Enigma par le savant Turing, cryptoanalyste exceptionnel et Winterbottham chargé de l’exploitation des renseignements.

A noter :

La machine Enigma est exposée et son fonctionnement expliqué. Le visiteur peut s’amuser à l’utiliser en tapant son nom. Les services français et polonais qui ont les premiers percé les secrets d’Enigma sont cités.

Opérations: Affaire Ciceron – Réseau “La Dame Blanche” en Belgique pendant la 1ère Guerre Mondiale – Affaire de Venlo en 1939 (enlèvement par le S.D. des agents M.I.6 Stephens, Beit, Klop) réseau Alliance en France (de 1941 à 1944) etc…

Traîtres: Philby – Burgess – Cairincross qui travaillait au G.S.C.S. de Bentley découvert en 1964 par M.I.5 (chargé du contre-espionnage à l’intérieur).

Autre exemple très développé, S.O.E., sa création en 1940 par Churchill, ses missions, ses moyens, son personnel d’encadrement : Dalton, Nelson et Selborne de 1942 à 1945, Buckmaster pour la France.

Parmi les agents S.O.E. cités : Dericourt (Opération Prosper), Khan (princesse Noor), Cammaerts, Odette Sanson déportée à Ravensbrück (travaillait avec Peter Churchill).

Des consoles d’ordinateurs, faciles d’utilisation, permettent d’obtenir sur tout ce qui est exposé (y compris sur les personnes) des informations détaillées, telles que curriculum vitae ou déroulement des principales missions secrètes.

Des petits films parlants relatent certaines actions ou diffusent des témoignages (on peut entendre Odette Sanson, une reconstitution du Blitz, les explosions des V1 et V2. Pendant quelques minutes, on peut se croire à Londres fin 1940 ou en 1944; les témoignages de soldats qui ont libéré les premiers camps de concentration en Allemagne, etc…).

Un film émouvant retrace la célébration de la victoire à Londres. On voit Churchill à Buckingham aux côtés de la famille royale, saluant la foule. On entend les cris, les applaudissements, les musiques.

L’exposition se termine par l’éternelle question: doit-on parler de la guerre secrète, de ses acteurs, de ses organisations, de ses actions, de ses résultats.

La réponse est positive.

Il faut que le public sache le rôle des services secrets, en comprenne la nécessité et l’importance et accepte de leur confier les moyens indispensables à leur efficacité.

La célèbre phrase de Churchill est citée en exergue, à la gloire des aviateurs et des services secrets britanniques : “Jamais dans l’histoire des conflits mondiaux autant d’êtres humains auront dû leur salut à si peu d’hommes “.

Remarques et conclusions:

– L’auteur de ce compte-rendu de visite a été frappé par le grand nombre de visiteurs des salles réservées à la guerre secrète. Beaucoup de jeunes de toutes conditions: certains étaient venus plusieurs fois pour approfondir diverses expositions, telles celles d’Enigma, ou de la formation des agents M.I.6 ou S.O.E.

– Exclusivement consacrée aux services secrets britanniques, il est à remarquer que l’exposition ne donne aucune indication sur les services secrets étrangers (alliés, ou ennemis, ou neutres), ni sur les organisations amies installées en Grande Bretagne pendant la 2e guerre mondiale.

– Rien sur le 2e Bureau et le B.C.R.A. du Général de Gaulle.