La défaite allemande sauva la France et la Belgique du démembrement

Dans l’hebdomadaire belge ” Le Phare “, notre camarade J. WULLUS-RUDIGER, ancien professeur à l’Ecole de Guerre de Bruxelles, révèlequelques aspects des ambitions de l’Allemagne hitlérienne à l’égard de la France.

M. WULLUS-RUDIGER qui fut, en mai 1940, adjoint au Chef de la Mission Militaire française près le Gouvernement belge, puis membre de notre Réseau F.F.C. ” Kléber ” a été en mesure de prendre connaissance de documents secrets allemands établissant de façon irréfutable les projets nazis relatifs au démembrement de la France.

Voici l’essentiel de ce qu’il écrit :

Peu après la conclusion de l’armistice de Compiègne de 1940, Hitler, sans en référer à son ministère des Affaires étrangères, chargea le Secrétaire d’Etat Stuckart, du ministère de l’Intérieur, de lui soumettre un projet d’annexions au détriment de la France.

Il l’avertit qu’il entendait annexer le Nord de la France jusqu’à l’embouchure de la Somme, c’est-à-dire jusqu’à Abbeville.

Cette vaste région devait constituer une province (Gau) dans laquelle serait englobée la Belgique, à l’exclusion de la province de Luxembourg (celle-ci devant faire partie avec le Grand-Duché de Luxembourg, d’une autre province allemande comprenant l’Alsace-Lorraine, dont l’annexion pure et simple avait déjà été proclamée).

D’après le plan soumis à Hitler, la nouvelle frontière allemande dans le Nord de la France allait approximativement de l’embouchure de la Somme, à la région de Nancy ; d’où elle descendait vers la frontière suisse, à hauteur de Pontarlier.

En outre, le Führer envisageait l’annexion de la Bourgogne, sous prétexte que cette région avait été colonisée jadis par la peuplade germanique des Burgondes, qui lui donna son nom.

Cette annexion connut même un début d’exécution. Himmler décida en effet, de coloniser la Bourgogne en y installant des ménages tyroliens. Mais, par la suite, il lui sembla plus urgent d’installer ces Tyroliens en Crimée ! Il déclara alors nonchalamment à Frauenfeld, le 10 juillet 1942 : ” Il nous faudra donc trouver une autre peuplade ou une autre population pour coloniser la Bourgogne “. Et pour confirmer ce qui précède, M. Wullus-Rudiger ajoute :

Le 26 avril 1942, Goebbels notait dans son agenda : ” … En ce qui concerne la France, comme par le passé le Führer estime que jamais nous n’aboutirons à un accord avec elle en nous montrant conciliants.

Les propos évoquant une collaboration sont purement éphémères. Par ailleurs, à présent il veut voir des actes et non point entendre des paroles.

Il déclare : ” Quelle que soit l’issue de la guerre, la France devra la payer cher, car ” elle en fut la cause et l’a déclenchée. Elle sera ramenée à ses frontières ” de 1500 “, cela signifie que la Bourgogne fera retour au Reich. Cela nous rapportera un pays qui, en beauté comme en richesse, peut à peine être comparé à une autre province allemande … “

Quatre jours après, le 30 avril 1942, Goebbels notait : ” Si les Français savaient ce qu’un jour le Führer exigera d’eux, leurs yeux se rempliaient de larmes “.

En janvier 1944 encore, Goebbels écrivait dans ” Das Reich ” : ” Le peuple allemand réclame, comme un droit naturel, le droit de diriger les peuples de l’Europe “.

Nous livrons les témoignages ci-dessus à la méditation de ceux qui, à l’instar de Pierre LAVAL, préconisaient l’entente entre la France et l’Allemagne nazie.

A la vérité, dans l’Europe conçue par Hitler, la France n’aurait plus existé en tant que telle, pas plus que la Belgique d’ailleurs. C’est la coalition anti-hitlérienne qui a sauvé la France et du même coup l’Europe.




WEYGAND CONDAMNE A MORT PAR L’ O.K.W. bulletin 46 -1965

Compte-rendu in extenso du Procès des Grands Criminels de Guerre devant devant le Tribunal de Guerre International de NUREMBERG. Séance du vendredi 30 novembre 1945




Le long prologue de la catastrophe du 10 mai 1940 -bulletin 109-1981

Temoignage de M.VANWELKENHUYZEN, le distingué directeur du Centre belge de Recherches et d’Études historiques de la Deuxième Guerre Mondiale sur la catastrphe du 10 mai 1940.




Plan Fortitude : la stratégie défensive de l’Allemagne selon des historiens allemands

Nous publions ci-après la suite (et fin) d’extraits d’une étude réalisée par des historiens allemands en collaboration avec des officiers supérieurs de la Wehrmacht et en utilisant les ressources inédites des archives allemandes.

L’impact du Plan ” Fortitude “

Mais, à ce moment déjà, la défense contre un débarquement allié était depuis longtemps une entreprise manquée. Il restait encore à préciser dans quelle mesure les Allemands furent surpris par le lieu et l’instant de l’attaque. L’abondante littérature qui traite de ce sujet est – c’est le moins qu’on puisse dire – pleine de contradictions.

Ce qui est sûr, c’est que le Commandement avait été submergé d’informations contradictoires. Mais, à cette époque, il ne lançait presque plus de reconnaissances aériennes sur le Sud de l’Angleterre, et les rares rapports d’agents (18) qui arrivaient encore de Grande-Bretagne étaient tout juste bons pour la corbeille à papiers, – ce que, bien sûr, on n’avouait pas alors. On n’attribuait de la valeur qu’aux résultats de l’écoute et de la surveillance du trafic radio écoulé par la Résistance et par les agents de renseignement alliés.

Mais dans leur exploitation et leur transmission, il se produisit encore des défaillances qui auraient pu être évitées, et qui sont peut-être imputables au fait que la vigilance des États-majors avait été progressivement émoussée par le flot d’informations qu’ils recevaient depuis déjà longtemps. Un handicap supplémentaire, dû à l’efficacité du plan ” Fortitude “, fut le fait que jusqu’au mois de juillet, tous les Commandements du front Ouest considéraient encore le débarquement de Normandie comme une manoeuvre de diversion, et attendaient toujours le débarquement principal dans le Pas-de-Calais, dans la zone de la 15e Armée.

Ainsi s’explique l’emploi parcimonieux des forces dont ils disposaient. D’ailleurs, quelque fût l’importance des forces engagées, toutes les contre-attaques allemandes étaient mises en échec par les effets dévastateurs de l’aviation et de l’artillerie alliées. Toutes les attaques étaient irrémédiablement stoppées, au plus tard, dans la zone battue par l’artillerie des navires ennemis.

L’acheminement des réserves demandait des délais indéterminés. Mais, dès que l’adversaire pouvait passer à la guerre de mouvements, alors la disproportion des forces en personnel et surtout en matériel faisait sentir pleinement ses effets. Par suite de la défaillance de leur aviation – qui entraînait ipso facto la défaillance de l’observation aérienne, les Allemands combattaient en enfants perdus.

Le Commandant en Chef ne pouvait qu’ordonner à ses troupes, entre-temps déjà fort malmenées, de tenir le front quoi qu’il advint :” Et si aucun moyen de secours ne vient améliorer radicalement notre situation, il faudra mourir avec honneur sur le champ de bataille !” (19).

A la fin du mois de juillet, le groupe d’armées B avait perdu 393 chars, 60 canons d’assaut, 150 véhicules blindés et 4.200 camions (20) . Les pertes en hommes s’élevaient à 80.000 le 7 juillet, à 159. 000 le 13 août, dont 10 à 30.000 réservistes (21) .

Rommel et le Commandant en Chef Ouest, von Kluge, attendaient de Hitler qu’il tire les conséquences – d’ailleurs non précisées – de ce combat inégal et sans espoir.

Les événements s’étaient déroulés à peu près comme Hitler l’avait imaginé presque deux ans auparavant: ” On devra compter sur l’emploi de 3 à 4.000 engins de débarquement. La première action aura lieu de nuit. L’adversaire utilisera des groupes de sabotage en France, pour couper les réseaux de communications et les liaisons, attaquer par surprise les États-majors, etc…, ainsi que des troupes parachutées et débarquées par planeurs. Le comportement des Français, dans de telles circonstances, est incertain. Le débarquement débutera à l’aube, avec l’engagement de nouvelles forces parachutées, des attaques sur 100 points différents et des débarquements lourds dans deux ou trois zones distinctes. L’adversaire disposera de la supériorité aérienne ” (cf 21) Le déroulement des combats a été exposé à maintes reprises, et l’on se dispensera d’y revenir. Des divergences d’opinion entre chefs des troupes combattantes et direction suprême de la guerre caractérisèrent également les étapes suivantes.

Même entre les chefs engagés dans la bataille, il n’existait pas d’unité de doctrine sur des questions tactiques, comme l’emploi des forces blindées (22) . Le seul point d’accord était qu’au surplus, quelle que soit la manière de conduire la lutte, il n’existait pas de chance de succès.

L’armée allemande ne parviendrait qu’au prix de lourdes pertes à ramener ses troupes sur ses propres frontières occidentales, après avoir reconnu trop tard des positions de repli où des travaux n’avaient pas encore été exécutés. L’Ouest et le Sud de la France ne pourraient, au mieux, être tenus, avec les faibles forces qui les occupaient, que jusqu’au jour où aurait lieu un débarquement en Provence. Et même avant, ces territoires risquaient d’être coupés par la progression des Américains sur la ligne de la Loire. Il ne restait plus que deux solutions : se replier sur les secteurs fortifiés, ou effectuer une retraite rapide en direction de Dijon ; mais le passage obligé par l’étroite vallée du Rhône serait fort pénible pour les troupes, les États-majors et tout ce qui escortait la Wehrmacht dans le Sud de la France.

(18) Ces agents étaient en réalité des agents de pénétration alliés (W). En dépit de ses efforts (parachutages et dépôts d’agents par bateau sur les côtes britanniques) de l’Abwehr, il est permis d’affirmer qu’il n’était plus aucun espion du IIIe Reich en mesure de fonctionner dans les îles.

(19) Von Kluge à ses Généraux le 21 juillet 1944

(20) CR du Commandant en Chef Gl. B. du 29 juillet 1944

(21) Propos de Hitler du 2 août 1942

(22) Général von Schweppenburg – 6 juin – 7 juillet 1944

L’effort allemand et la situation intérieure de la France

Par comparaison avec le débarquement de Normandie, toutes les questions économiques et politiques, ainsi que la sécurité militaire à l’intérieur de la France, étaient d’une importance secondaire. Ce qui passait avant tout dans les préoccupations de Hitler, c’était que le succès ou l’échec du débarquement aurait une influence décisive sur l’issue de la guerre. A la différence des autres fronts, l’abandon de vastes territoires sur le front ouest signifiait que le Reich lui-même, et en particulier la Ruhr, seraient immédiatement menacés. A vrai dire, en 1944, le gouvernement français de Vichy ne jouait plus en aucune manière un rôle de partenaire dans la politique de Hitler.

La France n’intéressait plus le Führer que dans la mesure où elle pouvait fournir à l’économie de guerre allemande la main-d’oeuvre, les matières premières (bauxite, wolfram), les produits finis et les vivres dont elle avait un urgent besoin.

Le transport de toutes les marchandises devenait, certes de plus en plus difficile, et l’utilisation de main-d’oeuvre française à l’intérieur du Reich avait en 1944, presque complètement cessé.

La plupart des organismes militaires et civils allemands dans les territoires occupés avaient renoncé à pratiquer la déportation de main-d’oeuvre, en raison des conséquences fâcheuses qui s’ensuivaient. A cet égard, Laval avait pour seul adversaire le ” Commissaire Général à l’emploi de la main-d’oeuvre “, le Gauleiter Sauckel ; mais celui-ci ne parvint pas à imposer ses vues à Hitler, ni à s’opposer à Speer et aux effets de l’accord Speer-Bichelonne (23) .

Le programme de Sauckel, qui comportait le recrutement d’un million de travailleurs français à envoyer en Allemagne, et d’un autre million à affecter aux industries françaises travaillant pour l’Allemagne, ne peut donc pas être réalisé. D’autres plans, tels que l’évacuation des gens aptes au travail habitant les zones côtières, à l’arrière du front ou dans les centres de Résistance, étaient pratiquement inexécutables du seul point de vue technique. Au lieu du million prévu pour 1944, Sauckel parvint tout juste à fournir encore à l’Allemagne quelque 50.000 travailleurs : principalement, des réfractaires au Service du travail obligatoire, arrêtés au cours de la lutte contre les maquis, et des membres des partis de collaboration, qui commençaient à se préoccuper de leur avenir.

Du gouvernement de Vichy, qu’ils contrôlaient étroitement, et dont la résistance passive ne les surprenait pas, les Allemands attendaient en premier lieu qu’il accepte les mesures prises par eux, et qu’il incite l’administration et la population à se bien conduire. Les deux proclamations pour le jour X (du débarquement), péniblement négociées, ne satisfaisaient pas la partie allemande. Mais en fait, cela n’avait guère d’importance, car le sort des pays occupés de l’ouest dépendait uniquement de l’issue de la lutte contre les envahisseurs.

De même, la puissance occupante ne surestimait nullement la valeur du petit groupe de Français partisans de l’Allemagne. Les partis de la collaboration et leurs divers représentants avaient encore une certaine utilité dans la mesure où ils constituaient un moyen de pression sur le gouvernement de Vichy et pouvaient servir d’auxiliaires pour l’exécution des réquisitions de main-d’oeuvre et pour le maintien de l’ordre.

La police de sûreté et le SD avaient appris que Bousquet aurait adressé aux Préfets l’ordre secret de faire arrêter, en cas de débarquement allié, les chefs de la Milice et des partis collaborateurs, sous l’inculpation de trahison. On pouvait donc encore se fier à des gens de cette espèce parce qu’on les tenait bien en main. Mais les groupes paramilitaires qu’ils constituaient ne pouvaient pas améliorer de façon notable la situation allemande.

(23) NDLR : Bichelonne, Secrétaire d’État au Travail du Gouvernement Laval avait conclu en décembre 1943 avec Speer, son homologue allemand un accord de planification des économies françaises et allemandes. Il en résulta que 723 124 ouvriers français furent écartés du STO

Milice et Franc-Garde – La Résistance française

Ces considérations s’appliquaient aussi à la Milice qui prenait une part active à la lutte contre la Résistance. Depuis janvier 1943, elle représentait essentiellement une sorte de police auxiliaire dans les zones nouvellement occupées et était l’objet d’une surveillance attentive de la part des Allemands (24) .

Des agents, recrutés dans la population locale, fournissaient des rapports circonstanciés. Les Allemands apprirent ainsi que ” Darnand serait un soldat loyal et strict, intellectuellement très moyen, mauvais politicien, mais adepte convaincu de la collaboration franco-allemande “, et que son adjoint, Jean Bout de l’An, possédait ” un tempérament résolument combatif ” (25) .

Selon les informations allemandes, la Milice comprenait encore, au milieu de 1943, un minimum de 30.000 hommes ; mais depuis cette date, ses effectifs avaient diminué (26) . Il en était de même pour sa partie active et militaire, la Franc-Garde, qui comptait environ 13.000 hommes. C’était dans ses rangs que se recrutaient pour partie les formations françaises de volontaires, l’unité ” Charlemagne ” et la ” Légion des Volontaires contre le Bolchevisme “. On avait songé à employer la Légion dans la lutte contre la Résistance française. Mais Hitler avait abandonné cette idée. Les Allemands s’intéressaient surtout aux volontaires unis de la Franc-Garde, encasernés depuis l’automne 1943, – environ 30 hommes par département -, pour lesquels Darnand cherchait lui aussi un emploi.

Il trouva un accueil favorable auprès de la police allemande, en la personne du Commandant de la Police et du SD. Alors que les autorités allemandes, tant civiles que militaires, n’attribuaient aucune importance particulière à la Milice ordinaire, et envisageaient même l’éventualité de l’interner en cas de débarquement ennemi, elles prirent au contraire en considération l’armement supérieur de la Franc-Garde encasernée (27) et la police de sûreté résolut de l’utiliser pour certaines de ses propres missions.

Étant donné le caractère tendu de la situation en effectifs, il n’était évidemment pas question de l’encadrer par des sous-officiers allemands. Les Allemands pensèrent qu’ils pouvaient faire confiance à quelques 600 miliciens qui, en étroit contact avec le SD, participèrent dès le début de 1944 à la lutte contre les maquis dans le sud de la France.

Du point de vue politique, l’Allemagne ne tenait pas à enlever au Ministère français de l’Intérieur et à sa police la responsabilité de la répression de la Résistance armée. La fiction de la souveraineté française pouvait être maintenue, aussi longtemps qu’elle n’allait pas à l’encontre des intérêts allemands. En outre, il fallait assurer à la collaboration des moyens d’autodéfense et, pour cela, étendre le domaine de la Milice à la zone anciennement occupée (28) ; ce qui fut fait, avec l’agrément du Commandant militaire allemand en France du 24 janvier 1944, après que Laval y eut consenti.

Du point de vue allemand, l’organisation de la Milice s’était consolidée au cours du printemps 1944. On estimait que ses premiers succès remportés sur la Résistance lui avaient donné confiance, et les effectifs avaient retrouvé leur niveau du milieu de 1943 (29) . La méfiance antérieure ne paraissait plus justifiée, même aux yeux des militaires, alors que la Milice dénombrait déjà dans ses rangs 85 victimes à la date du 1er mars 1944, et que, depuis décembre 1943, elle avait fait ses preuves d’une façon ” manifestement remarquable ” sous le contrôle du Commandant en Chef de la Police et des SS, le Général Oberg.

Par ailleurs, il existait dans la zone anciennement occupée des groupes paramilitaires dépendant des partis collaborateurs, dont l’existence avait été autorisée par le Commandant militaire en France au cours de l’été 1943, après que les organes de police allemands se furent assurés de leur sérieux et les eurent pris sous leur contrôle (30).

Bien que constitués en grande partie d’éléments criminels, ils devaient recevoir des missions ” correspondant aux intérêts français, notamment le maintien de l’ordre et de la paix publique, la protection des installations de ravitaillement, des entreprises de transports, etc… “. Il était prévu à l’origine que leur instruction devait se borner à les rendre aptes à se défendre eux-mêmes.

Mais, entre les mains de la police allemande, ces formations se muèrent en groupes terroristes, exactement comme le firent les sbires recrutés par la police de sûreté, qu’on nommait la ” Gestapo française “. Après deux semaines d’instruction par les SS, elles devaient être employées, sous commandement allemand, à la lutte contre les maquis et à des missions de gardiennage (cf 30).

Sur un effectif total d’environ 1.000 hommes prévu au départ, il n’en existait que 100 permanents au début de février (31) et 160 en mars ; en collaboration avec la Wehrmacht, en particulier la Feldgendarmerie, mais surtout avec le SD, ils participèrent jusqu’à la retraite allemande à l’arrestation de réfractaires du STO et à l’exécution de résistants (32) .

De même, l’utilisation d’un ” corps de défense ” de 1.700 hommes, mis sur pied par Sauckel et le PPF de Doriot avec pour but initial l’arrestation des réfractaires du STO, connut un échec analogue. La cause de tous ces expédients résidait dans la faiblesse en effectifs des unités de police envoyées en France. La police de sûreté, comme celle de maintien de l’ordre, avait connu dès le début de la guerre des problèmes de personnels que l’extension du domaine de souveraineté allemande, surtout en direction de l’Est et des Balkans, avait rendus absolument insolubles.

Comme Himmler s’efforçait en outre d’absorber peu à peu l’Administration policière de ces territoires, la réalisation des programmes prévus pour des motifs politiques ou idéologiques était forcément en retard, du point de vue des personnels, sur les prévisions initiales.

En ce qui concerne la France, les quelques milliers de membres de la police de sûreté et du SD – même assistés d’un nombre considérable d’agents, d’auxiliaires et de dénonciateurs recrutés sur place – auxquels il faut ajouter moins de 10.000 membres de la police de maintien de l’ordre, ne suffisaient pas à la tâche (33) .

Ils étaient pour la plupart employés dans les états-majors, les écoles, les organismes de ravitaillement ou les écoutes radio. En fait d’unités disponibles, on ne pouvait compter avec certitude que sur le 19e régiment de police et sur une unité d’instruction de volontaires SS originaires de Galicie, stationnée à Tarbes ; encore cette dernière fut-elle dissoute en juin 1944.

Ainsi la police, répartie en de nombreuses localités, n’avait pas une grande efficacité pour la répression de la Résistance. La police de sûreté et le SD (34) , qui, sous prétexte de sécurité, internèrent encore en 1944 des milliers de Français dans les camps de concentration et poursuivirent les déportations de Juifs jusqu’au milieu de l’été, servaient surtout d’organes de renseignements pour le combat intérieur, bien plus que les services militaires de contre-espionnage en voie de dislocation et qui s’occupaient en premier lieu des cas de trahison qui se multipliaient dans la Wehrmacht.

(24) Rapport Oberg du 28 août 1943

(25) Rapport du 1er décembre 1943 de la commission allemande d’Armistice n° 9

(26) Rapport Oberg du 23 novembre 1943

(27) Abwehr III du 13 janvier 1944

(28) Rapport n° 9 de la commission d’armistice

(29) Lettre n° 3746/43 g du 25 juillet 1943

(30) Directive Oberg n° 186/44 g du 12 février 1944

(31) Télégramme Oberg à Himmler du 5 février 1944

(32) Rapport KDS Rennes

(33) Télégramme Oberg à Himmler du 24 mars 1944

(34) Depuis fin 1942, le SD se substituait progressivement à l’Abwehr III pour aboutir en 1943 à la dissolution de l’Abwehr et à la création des Kommandos

La lutte contre la Résistance et les Maquis

C’est aussi le manque d’énergie qui caractérisa la lutte menée par les militaires allemands contre la Résistance française armée ; celle-ci ne présenta à leurs yeux qu’une importance secondaire, tant que la sécurité des troupes ne leur sembla pas sérieusement menacée, – menace qui ne se réalisa que tardivement. Le fait qu’à partir du début de 1944, des zones du sud de la France passèrent sous le contrôle de la Résistance, n’inquiéta pas trop les Allemands, dans la mesure où leur liberté de mouvements n’en fut pas non plus très affectée.

Ils parvenaient à maintenir ouvertes les principales voies de communications – la vallée du Rhône et, dans la région de Toulouse, la liaison entre troupes de la Méditerranée et de l’Atlantique -, et à empêcher par des opérations isolées, la formation de groupes de maquis plus importants qui auraient pu constituer une menace du point de vue militaire. Mais ils ne pouvaient se permettre une plus grande activité, compte tenu des forces dont ils disposaient, bien que les objectifs officiels, constamment soulignés par l’OKW et le Commandant en Chef Ouest, fussent toujours l’anéantissement des groupes de résistants avant le débarquement ennemi attendu.

Le principal problème posé aux Allemands, au cours du printemps 1944, fut le sabotage du trafic téléphonique et ferroviaire. Les États-majors allemands recevaient leurs instructions par le réseau téléphonique français, et possédaient en général des équipements radio insuffisants. Ils étaient souvent désarmés devant les coups portés par la Résistance et l’aviation alliée aux réseaux de voies ferrées, devant les destructions de locomotives, de gares de triage et d’ouvrages d’art.

Ni la surveillance des voies, ni les plans de secours prévoyant l’emploi de cheminots allemands ne purent remédier à la précarité de la situation. Il n’y avait pas de coordination, du côté allemand, dans la lutte contre la Résistance. Le territoire était divisé en zone des Armées, qui s’étendait le long des côtes, et zone de sécurité du Commandant militaire en France.

On peut négliger, à cet égard, les règles particulières qui s’appliquaient à la zone des Armées du Sud de la France ou à la zone de combat des côtes méditerranéennes. Les armées constituaient dans leur zone, – et dans la mesure où le déploiement continu qu’elles devaient maintenir le long des côtes le leur permettait -, des groupes de combat ou des commandos de chasse ; ceux-ci appuyés éventuellement par l’aviation, pénétraient dans les centres de maquis préalablement reconnus, et y progressaient brutalement.

Le Commandant militaire en France procédait de même avec les troupes d’occupation dont il disposait (environ 18 régiments de sécurité, composés de 66 bataillons allemands, et 29 bataillons autonomes constitués en grande partie de troupes originaires de l’Est, dans la mesure où ces forces n’étaient pas affectées à la défense des côtes ou à des missions de surveillance. Il pouvait en outre utiliser les quelques divisions de réserve qui avaient été envoyées en France à des fins d’instruction sous la conduite de leurs propres états-majors, et qu’on engageait dans des opérations de ce genre dès que leur valeur combative le permettait.

La participation de la Milice à ces entreprises était souvent considérée comme insuffisante : on disait ” qu’elle ne fusillait pas assez de gens et qu’elle n’incendiait pas assez de maisons ” (35) . Pour le mois d’avril 1944, le bilan de trois grandes opérations et de 138 petites, menées par les unités de l’armée, la Feldgendarmerie et le SD, fut de 569 résistants tués, 4.463 capturés, et 528 personnes récupérées pour le STO. Les pertes allemandes étaient seulement de 29 tués et 51 blessés (36) . Pour la seule région du Massif Central, le Commandant militaire en France signala 2.000 adversaires tués au cours des premières semaines qui suivirent le débarquement de Normandie. La brutalité de la lutte contre le maquis atteignit son point culminant pendant la première moitié du mois de juin.

Le cadre en avait été fixé par les ordres du Commandant en Chef Ouest et du Commandant militaire en France, selon lesquels toute troupe attaquée devait immédiatement répliquer par le feu, arrêter tous les suspects et incendier les maisons d’où l’on avait tiré sur elle.

En outre, dès le mois de mars, l’OKW avait ordonné de tuer autant que possible au cours des combats les résistants, considérés comme des francs-tireurs. S’ils étaient capturés par la suite, ils devaient être condamnés à mort, en application des stipulations du droit allemand. Alors que certains groupes de résistants s’efforçaient de faire reconnaître leur qualité de combattants et, autant qu’on peut en juger, traitaient généralement leurs prisonniers de façon plus humaine que la puissance occupante, toutes les initiatives locales visant à un comportement plus souple, telles que l’échange de prisonniers ou la garantie d’impunité en cas de reddition, furent stoppées par le Haut Commandement. Seuls, les massacres de juin, à Oradour ou à Tulle par exemple, incitèrent quelques commandants de troupes à une certaine modération. Pendant la période de l’occupation, les stratèges allemands n’attribuaient pas au maquis une grande importance militaire, surtout dans la zone anciennement occupée (37) .

C’est seulement en juillet 1944 que des convois assez importants de la Wehrmacht furent menacés par des embuscades dans les Alpes, et que la retraite du Sud de la France rencontra des obstacles du fait des forces de la Résistance.

Par un ordre qui tomba entre leurs mains, les Allemands apprirent que la Résistance avait reçu pour instructions, en faisant l’effort principal dans le Massif Central et les Alpes, de repousser les postes secondaires allemands et les éléments de troupes isolées sur un petit nombre de centres, et de prendre sous son contrôle les pays ainsi libérés.

” Ce dernier objectif est déjà en partie atteint ” (38) . De nombreux postes de commandement furent alors encerclés, et ne purent rejoindre le gros des troupes en dépit d’une retraite précipitée. Il n’était déjà plus possible d’exécuter des contre-attaques qui, même auparavant, n’avaient pour principal résultat que de faire reculer les forces de la Résistance et de rétablir la présence allemande pour quelque temps seulement.

Les Allemands durent assister à la mobilisation planifiée de la Résistance – ses effectifs, à sa propre surprise, s’élevèrent au cours de l’été 1944 à environ 60.000 à 80.000 hommes -, sans pouvoir mieux réagir contre elle que contre l’action conjuguée de ses troupes de sabotage et de l’aviation alliée.

En Bretagne existait le ” danger menaçant et de plus en plus grave ” (39) que la Résistance fasse sa jonction avec l’adversaire débarqué ou passe à l’attaque des liaisons arrières de la Wehrmacht. Mais comme les Allemands croyaient savoir que le Commandement de la Résistance était encore mal organisé, ils estimèrent qu’il suffisait pour la combattre, de moyens policiers appuyés par les troupes de sécurité, que leur faiblesse permettait de retirer du front sans inconvénient majeur (40) .

Entre le 1er juin et le 10 juillet, on compta dans la zone du Groupe d’Armées B, 638 résistants tués et 1.200 faits prisonniers. Nos propres pertes s’élevèrent à 25 soldats. Même s’il n’est pas possible de considérer ces chiffres comme absolument sûrs, et si l’on ajoute que la généralisation du mouvement d’insurrection rendit aussi bientôt nécessaire l’emploi de troupes combattantes dans la zone arrière de l’Est de la France, on doit pourtant reconnaître que cela ne pesait plus d’un grand poids en regard de la dislocation générale du front Ouest et de l’Administration occupante.

Face à la supériorité en personnel et en matériel des forces alliées, la guerre à l’Ouest était perdue, et la Résistance pouvait bien donner en outre quelques coups d’épingle encore sensibles aux Allemands affaiblis, et de moins en moins capables d’y répondre.

L’Allemagne était réduite – et c’était particulièrement évident à l’Ouest -, à mener désormais, selon l’expression de Speidel, une ” guerre de gueux ” qui devait nécessairement trouver bientôt son terme fatal.

(35) Rapport sur l’opération ” Printemps ” de la 157e Division de Réserve dans le Jura du 7 au 17 avril 1944

(36) OBW du 6 mai 1944

(37) Keitel et Jode

(38) Rapport du Groupe d’Armes G n° 1859/44 du 14 août 1944: OBW

(39) Rapport du Groupe B à OBW n° 2650/44 du 15 juillet (?) 44

(40) Ordre de l’OBW 2734/44 du 1er septembre 1944 concernant la lutte contre les partisans




La strategie defensive de l’Allemagne a l’ouest (2)-Vision d’historiens allemands-bulletin n 181-1999

Suite d’extraits d’une étude réalisée par des historiens allemands en collaboration avec des officiers supérieurs de la Wehrmacht et en utilisant les ressources inédites des archives allemandes.




La Liberation de la FRANCE et la defaite allemande de 1944 selon des historiens allemands

Extraits d’une étude réalisée par des historiens allemands en collaboration avec des officiers supérieurs de la Wehrmacht et en utilisant les ressources inédites des archives allemandes.

Ce document dresse un tableau sévère et objectif des conditions dans lesquelles l’Allemagne dut affronter les débarquements à l’Ouest et les problèmes posés par la Résistance française. Le lecteur sera surpris de constater le prix qu’attachait le “visionnaire” Hitler, dès 1942, au maintien de l’occupation allemande en France.




Commentaires de l’ouvrage du General Navarre” Le Service de renseignement 1871-1944″ par L PAPELEUX

Le professeur Léon PAPELEUX de l’Université de Liège a publié dans une revue spécialisée belge une critique de l’ouvrage d’Henri Navarre et d’un groupe d’anciens du SR : Le Service de Renseignements, 1871-1944 .Parmi les succès obtenus par le S.R. français, un certain nombre – et des plus importants – furent dus à des sources allemandes. L’une de celles-ci que Churchill appelait « la source miracle » et dont Eisenhower a dit que son rôle avait été décisif, a été la reconstitution et l’utilisation de la machine allemande à chiffrer mécaniquement qui est connue sous le nom d’Enigma. Les plus grands cryptologues du camp adverse avaient conclu à l’herméticité des documents chiffrés par cet engin.

La paternité de la reconstruction d’Enigma est encore aujourd’hui un sujet de polémiques entre les anciens Alliés. Navarre apporte, à ce propos, le son de cloche français. Le S.R. français a obtenu d’un fonctionnaire de la Chiffrierstelle les éléments nécessaires au déchiffrement : manière d’utilisation et de déchiffrement, tableau mensuel des clés changeant quotidiennement, etc. Partant de ces données, le S.R. polonais reconstitua Enigma et ses modèles successifs. Ce qui permit aux Alliés de lire presque toute la guerre à livre ouvert dans les intentions stratégiques allemandes




La preparation et le debarquement des equipes SM dans le Sud de la France

Depuis 1943, le chef du C.E. français multipliait ses démarches auprès des alliés pour que la préparation du débarquement dans le domaine de la sécurité fut entreprise en commun. Il y avait de bonnes raisons de croire qu’Anglais et Américains, invoquant les rivalités entre Français, prépareraient, seuls, l’action C.E. à entreprendre sur le territoire métropolitain libéré et imposeraient l’A.M.G.O.T. La masse impressionnante de renseignements C.E. recueillis sur la France par T.R., l’organisation méthodique et complète du S.S.M. clandestin, la préparation minutieuse en A.F.N. et à Londres du S.S.M. de débarquement (1) furent, avec la fusion des Services Spéciaux dans le sein de la D.G.S.S. les facteurs essentiels qui amenèrent le S.H.A.E.F. (2) à déléguer à Alger les Lieutenants-Colonels Dick White (3) et Jarvis pour étudier avec le Commandant Paillole la participation des Français à la sécurité des opérations de débarquement et des territoires libérés.

Plusieurs conférences et visites, en mars 1944, convainquirent le représentant du commandement allié de la part prépondérante que devait prendre le S.S.M. dans cette tâche.

Au cours de plusieurs semaines de travail en commun à partir du 5 mai 1944 à Londres, des accords définitifs furent établis. Ils eurent l’approbation du Général Koenig, Commandant en chef F.F.I. et furent signés du côté allié par le Colonel Scheen, du S.H.A.E.F., et par le Commandant Paillole, mandaté à cet effet par le Général de Gaulle.

Les opérations de débarquement dans le Sud de la France donnèrent lieu à des préparatifs analogues sur des accords aussi précis.

Au préalable, et pour préserver au mieux le secret des opérations en Corse et en Italie, où était stationnée l’armée française, le S.S.M. avait renforcé son dispositif de sécurité territoriale.

Sous les ordres du Commandant Tupinier, accolé à l’État-major de la 7ème armée (Général Patch) les services de C.E. de débarquement comprenaient :

– Le S.S.M./600 (Commandant Alet) destiné à suivre les opérations des grandes unités alliées.

– Le S.S.M./60 (Commandant Gacon) qui assurait la sécurité des armées françaises depuis les opérations d’Italie.

– Une équipe S.M. de réserve (Capitaine Bruel) destinée à implanter le S.M. Territorial dans la zone de débarquement Sud.

– Un élément T.R. (Capitaine Bertrand) jumelé avec les éléments alliés ana­logues, chargé du Contre-Espionnage offensif au sein de la 1ère armée française.

Des éléments S.M./Air (Capitaine Tamisier), Marine (Commandant Labarère), de la Sûreté aux Armées (M. Koenig), complétaient le service de C.E. de débarquement dans la zone Sud, le tout coordonné par le Commandant Tupinier.

Le Commandant Paillole s’était rendu à Naples, Rome et Ajaccio entre le 1er et le 15 août pour présider à cette organisation dont le fonctionnement fut satisfai­sant dès le débarquement, en dépit des moyens matériels réduits.

Il était à prévoir que les opérations de Normandie et de Provence créeraient dans le Sud-Ouest de la France une zone confuse ou les armées franco-alliées ne pourraient intervenir qu’avec retard.

C’est la raison pour laquelle le chef du S.S.M. donna en mars 1944 au Capitaine Dumont, chef du service de C.E. à Madrid, la mission de préparer des équipes S.M. destinées à assurer à travers les Pyrénées les liaisons avec les S.M. précurseurs méridionaux et les réseaux T.R.

Ainsi fut effectuée, avant même le départ des Allemands, la mise en route des B.S.M. précurseurs de Bordeaux, Toulouse et Montpellier. A plusieurs reprises, souvent dans des conditions pénibles et dangereuses, Dumont et ses excellents collaborateurs franchirent clandestinement la frontière, assurant le transport d’archives et des instructions du S.S.M., veillant à la bonne marche des dispositifs de sécurité territoriaux.

Les extraits ci-après de la lettre du 21 août 1944 adressée par le Commandant Tupinier au Commandant Paillole, donnent une idée de l’ambiance dans laquel­le le S.S.M. participe à la libération :

” Mon cher Commandant,

Vous dire mon émotion et ma joie devant la réussite de notre opération est inutile…

… Vie intense d’action et d’organisation. Résultats déjà excellents.

… Avons trouvé à Draguignan S.M. précurseur destiné à Toulon, Capitaine Girardet, Capitaine Boffy (4) également après très bon travail sans casse. Capitaine Girardet nous a donné toutes indications sur S.M. précurseurs des régions et départements voisins. Nous mettons en place avec les moyens locaux (bons) ces B.S.M. territoriaux. … Tout ceci se fait encore sans véhicules. Ceux-ci sont attendus avec impatience ; mais chacun est tellement gonflé qu’un seul officier rempla­ce les 5 roues d’une jeep.

… J’ai déjà une masse de documents inexploitables par nous. Il est indis­pensable que le ler échelon de la D.S.M. arrive (5) .

Actuellement une force S.M. – S.R. que j’ai organisée sous le commandement d’Ales (je dois le rejoindre demain) est prête à bondir sur Toulon. Digne, Aix-en-Provence reçoivent notre visite dès maintenant par S.M. divisionnaire.

Cassagnou doit vous parler du problème F.F.I. A mon avis il se résume à ceci :

a) Organisation après contrôle et par enrôlement en ” Force spéciale ” de ces jeunes résistants dont trop sont de la dernière heure.

b) Contrôle très strict des arrestations innombrables qu’ils opèrent eux-mêmes, avant l’arrivée de la troupe. Le S.S.M. se trouve dans chaque village devant le fait accompli… petites vengeances locales, politiques, méridionales, etc. Il faut du tact, on y arrive, mais quelle perte de temps !

En résumé, situation excellente, moral magnifique de tous : comment pourrait-il en être autrement devant l’accueil enthousiaste de la population… La France n’était vraiment pas morte et nous ne sommes qu’en provence !…”

Les noyaux des équipes de débarquement et d’Espagne, groupés à Paris en novembre 1944, reçurent mission du Commandant Paillole, de poursuivre en Allemagne, sous les ordres du Colonel Gérard-Dubot leur action de C.E. en liaison avec les alliés et dans le cadre d’un Bureau Interallié de C.E. (B.I.C.E.)

(1) Les résultats remarquables obtenus par les équipes S.S.M. sur les théâtres d’opérations d’Italie avaient fortement impressionné le Commandant allié.

(2) Supreme Headquarter Allied Expeditionary Forces.

(3) Après le départ à la retraite du Général Menzies, le Colonel Dick White devint le chef de l’I.S.

(4) Après une excellente mission de liaison en France en 1943, le Capitaine Boffy avait été parachuté le 15 août 1944 en avant des troupes débarquées, pour préparer avec le S.M. précurseur la sécurité des opérations dans la région de Draguignan et de Toulon.

(5) Il avait été prévu que, pour éviter l’encombrement des équipes S.M. de débarquement, les documents saisis dans les postes de l’Abwehr et de la Gestapo, seraient exploités par un échelon de la D.S.M. à Londres pour le débarquement Nord et à Marseille pour le Sud.




La naissance de la mission PEARL HARBOUR le role decisif du Colonel Ronin

Le 8 novembre 1942 les Alliés ont débarqué à Alger et au Maroc avec les péripéties que l’on sait. A Vichy, les Colonels Rivet et Ronin, certains que l’Armée de l’Armistice ne s’opposerait pas à l’entrée des Allemands dans la zone Sud (dite « libre »), s’envolent de Marignane le 10 novembre 1942 à 4 h 30, accompagnés de quelques officiers. Ils atterrissent à Biskra trois heures plus tard.

Situation confuse. Ordres contradictoires. Grâce à la maîtrise de la Direction de la S.M. en A.F.N. et au sang-froid de son chef, le Lieutenant-Colonel Chrétien, les deux colonels peuvent gagner Alger le 13 novembre 1942. Les nouvelles du Maroc demeurent contradictoires. L’organisation du Commandement est ambigu Seul le Général Juin leur exprime ses inquiétudes devant la menace que représente la Wehrmacht qui débarque en force en Tunisie, tandis que les Alliés poursuivent leur débarquement et que les forces françaises d’A.F.N. sont toujours choquées par les incertitudes et l’absence de directives.

Le 14 novembre Rivet et Ronin sont reçus par le Général Giraud dont les attributions sont encore mal définies. Le Général est soucieux lui aussi de la pression allemande en Tunisie et réclame des renseignements. Avec l’aide de la D.S.M. et du Commandant Michel de l’Armée de l’Air, les deux colonels installent leur P.C. à Alger, rue Charras (ex-local de la délégation d’armistice pour l’Air). Les jours qui suivent sont consacrés à l’élaboration d’un projet de « Direction S.R.- S.M. » — Il sera approuvé le 18 novembre 1942 par Darlan.

Les contacts sont rétablis avec Tunis, Rabat et Dakar — la liaison radio avec nos réseaux clandestins métropolitains est recherchée. Le 22 novembre, réunion sous la présidence du Général Bergeret, nommé Haut-commissaire adjoint. Camarade de promotion et ami de Ronin, Bergeret qui a une vision nette de la situation intérieure et extérieure, exprime les besoins en renseignements, immédiats et à court terme. L’objectif prioritaire demeure la libération du territoire, en A.F.N. puis en métropole, la Corse devant être la première étape à franchir. Le 26 novembre, Bergeret reconvoque Ronin et insiste sur les besoins en renseignements sur la Tunisie et la France en particulier sur la Corse.

Le 26 novembre, les représentants de l’I.S. et le Colonel Eddy de l’O.S.S., se mettent d’accord avec Rivet et Ronin pour la coordination des efforts de recherches. La Corse est placée en tête des objectifs à atteindre. Ronin est chargé de la préparation de l’opération. Le 27 novembre, c’est le sabordage de la flotte à Toulon. L’I.S. délègue auprès de Rivet et Ronin, les Colonels Craxfort et Winterbotham.

Le 1er décembre 1942, la liaison avec nos réseaux métropolitains est rétablie. Le 4 décembre 1942, Ronin, Winter-Botham, Crawfort et Eddy mettent au point la constitution de la mission à lancer sur la Corse. Ronin, familiarisé dans le travail en zone occupée, décide de confier la direction du Commando à mettre sur pieds, à l’un de ses agents confirmés en métropole et replié à Alger, le Belge de Saule. Le Colonel Chrétien recherchera des volontaires d’origine Corse et connaissant bien l’île. Il est convenu que l’opération sera exclusivement française avec l’appui logistique des Alliés. Le Commandant L’herminier, évadé de Toulon avec le sous-marin ” Casabianca ” et volontaire pour effectuer des missions sur les côtes françaises, sera chargé de la préparation et de l’exécution du débarquement du Commando (que Ronin baptise Pearl-Harbour) sur la côte corse.

Un secret absolu sera de rigueur. Le 5 décembre 1942, Chrétien a recruté des volontaires. Eddy propose un électricien nommé Brown, spécialiste des appareils radio, pour représenter l’O.S.S. dans la préparation technique du commando. Le Commandant L’herminier prend contact avec Ronin. Le 7 décembre 1942, réunion au P.C. de la D.S.M. à El Biar, des participants à l’opération Pearl-Harbour, sous la présidence du Colonel Ronin et en présence de L’herminier. Présentation du Commando : Le Commandant de Saule, son adjoint le Lieutenant Toussaint Griffi, le radio Pierre Griffi et Preziosi. La mission est définie recherche de renseignements sur l’occupation italo-allemande en Corse, recrutement et constitution de réseaux de résistance qui seront ultérieurement armés. Les conditions du débarquement clandestin sur les côtes corses sont précisées par L’herminier. Des conseils et des instructions de détails sont donnés pour la bonne exécution de la mission. Le 9 décembre 1942, l’équipe du Commando réunie à El Biar pour un dernier briefing est amené à bord du ” Casabianca ” où l’accueille L’herminier et ses seconds Belley et Chaillet. La journée du 10 décembre est passée dans le sous-marin. Ce n’est que le 11 décembre 1942 à 19 heures que le ” Casabianca ” se met en route vers la Corse où, le 14 décembre 1942 à une heure du matin, la mission Pearl-Harbour est déposée sur la plage de Tofiti, commune de Cargèse.

Note de la Rédaction : Ce qui précède est le résumé du journal de marche du Général Rivet ainsi que des souvenirs du Colonel Chrétien (déposés au SHAT de Vincennes dans le fonds particulier du Colonel Paillole).




L’aide de la marine nationale aux services speciaus temoignage du Captaine Paumier Actions du commandant LHerminier

A la gloire du Sous-Marin ” PERLE ” disparu corps et biens le 8 Juillet 1944

Avec l’autorisation de l’Amirauté, nous publions le récit du Capitaine de Frégate PAUMIER, qui commandait le Sous-Marin “PERLE” lors de sa mission sur les côtes de Provence en Octobre 1943. Cette mission sous-marine fut la dernière au Cap Camarat. Elle fut aussi l’une des plus risquées, car l’ennemi venait précisément d’y renforcer ses défenses côtières et ses moyens de guet. L’expédition ratée le mois suivant – Novembre 1943 – devait, hélas, démontrer la difficulté de l’entreprise. Pourtant le récit en est simple, discret, bien dans les traditions de la MARINE. A chaque ligne apparaît l’ex­traordinaire maîtrise, l’exceptionnel courage, la foi patriotique de l’équipage et de son Chef.

“LA PERLE” n’a pas connu la Victoire : disparue en mer le 8 Juillet 1944, elle symbolise l’héroïque abnégation de notre Marine Nationale.

C’est à cet héroïsme et à cette abnégation que nous rendons aujourd’hui hommage. Nous les perpétuerons demain en édifiant à Ramatuelle le MEMORIAL des SERVICES SPECIAUX.

UN DÉBARQUEMENT des SSM/TR

Sur les côtes de Provence (Octobre 1943)

Si la grande presse a beaucoup parlé des opérations de parachutage destinées à organiser les forces de la Résistance, un voile discret, par contre, semble avoir été jeté sur les opérations de débarquement, peut-être plus modestes, exécutées au cours des années 1943 et 1944 sur les côtes méditerranéennes, par le Groupe des Sous-marins d’Algérie.

A cette époque, la création de liaisons directes et françaises avec la Métropole et le maintien de ces liaisons étaient un problème vital. Très rapidement le sous-marin s’avèrera l’engin idéal pour ce travail, ayant sur l’avion l’énorme avantage d’une discrétion à peu près totale. Le Capitaine de Corvette L’HERMINIER, Commandant du “CASABIANCA”, fut le premier à tenter et à réussir, en Février 1943, un débarquement d’agents du SSM/TR sur les côtes de Provence (les BULLETINS 7 et 8 ont relaté cet exploit). Devenu notre chef de file, il ne cessera de nous recommander de toujours opérer avec la plus grande discrétion.

Le point de débarquement devant être impérativement isolé des grandes voies de communication, facilement identifiable de nuit, d’accès possible pour un sous-marin navigant en immersion profonde. Le choix du Commandant L’HERMINIER s’était porté sur la Baie de Bon-Porte, entre les Caps Taillat et Camarat, non loin de la Baie de Saint-Tropez, et pratiquement le seul endroit acceptable entre Toulon et la frontière italienne.

Le nombre d’agents que nous transportions variait généralement entre cinq et dix et se composait des éléments les plus divers, les uns Officiers de Marine en service aussi bien en Afrique du Nord qu’en France, se pliaient aisément aux pénibles conditions de vie des sous-marins, les autres ignoraient tout de la vie maritime et se trouvaient quelque peu perdus sur nos bateaux où les mètres carrés leur étaient distribués avec parcimonie.

Ainsi, chaque mois, à la nouvelle lune, un sous-marin d’Alger vint en Baie de Bon-Porte. Mais, tout a une fin; l’activité des Résistants ne pouvait à la longue rester inaperçue et, en Novembre 1943, l’ennemi interrompait brutalement les opérations poursuivies.(1)

Et c’est “LA PERLE” qui, en Octobre 1943, se trouve avoir réalisé le dernier débarquement sur ces côtes.

LE RAPPORT DE MER

Le départ d’Alger se fait au petit matin du Samedi 23 Octobre.

“LA PERLE” plonge dès la sortie du chenal dragué et se dirige vers la zone que l’Amirauté alliée réserve aux sous-marins en transit vers les côtes de Provence ou le Golfe de Gênes. Tenir l’horaire est absolument vital, au surplus l’un de nos passagers – Officier de Marine en service à Toulon, venu à Alger au voyage précédent – doit être impérativement rentré à l’issue d’une permission d’un mois qu’il est censé avoir passé.. quelque part dans le Sud-Ouest de la France. Heureusement les Dieux de la Mer et de la Guerre seront avec nous, aucun incident ne retardera notre marche. Dans la matinée du 26 Octobre, après avoir reconnu la terre, nous prenons l’immersion de 40 mètres pour rester invisible des bateaux de surveillance et des postes de guet, puis, délicatement, nous nous posons sur le fond en Baie de Bon-Porte.

Pendant la journée le silence le plus complet règne à bord, l’équipage, les passagers, tous se reposent dans l’attente du débarquement que nous tenterons au cours de la prochaine nuit. Seuls sont armés les appareils d’écoute. Le passage dans notre voisinage de quelques vedettes ou torpilleurs nous fait craindre la fuite d’air ou de gas-oil qui indiquerait d’une manière très précise notre position.

Le repas du soir nous réunit au “carré”, gais en apparence, mais cependant anxieux. Les derniers détails de l’opération sont mis au point, tout se passera par nuit noire, il est donc impératif que chacun connaisse ses consignes et les exécute en suivant un plan parfaitement minuté.

Vingt-trois heures : La nuit est entièrement tombée, lentement nous décollons du fond et faisons surface laissant le pont au ras de l’eau pour n’offrir qu’une très faible silhouette. Le plus silencieusement possible nous nous approchons de la côte essayant de découvrir la ROCHE ESCUDELIER, très remarquable et bien connue des sous-marins d’Alger.

Après quelques longues minutes d’attente, grâce aux petits appareils radios de transmission (2) dont les Services Spéciaux sont dotés, le contact s’établit avec le Comité d’accueil du SSM/TR chargé d’assurer la réception et la protection des camarades débarqués. Mais alors que la terre est à peine à trois cents mètres, quelle n’est pas notre stupéfaction d’apprendre l’installation toute récente d’un poste de garde allemand près de la roche Escudelier, à quelques mètres de nous. Il nous est demandé de remettre l’opération au lendemain et de tenter le débarquement huit cents mètres plus au nord dans la baie. Sans hésitation, mais avec regrets, nous acceptons ces conseils. Celui de nos hôtes – le marin – toujours préoccupé de rallier son poste, marque une certaine déception et se promet de partir seul à la nage le lendemain si un obstacle se manifeste à nouveau.

Lentement, sans bruit, nous “battons arrière” pour nous sortir de cette souricière.

Après avoir réussi à nous “éviter” cap au large, nous repartons vers la haute mer. Il est grand temps de recharger nos batteries d’accumulateurs si nous voulons revenir la nuit prochaine.

______________

La chance nous sourit encore et, lorsque le jour parait, les batteries sont bien chargées. Nouvelle marche d’approche comme la journée précédente.

Vers neuf heures du matin le 27 Octobre, nous reposons de nouveau sur le fond en Baie de Bon-Porte. Quelques bâtiments ennemis se manifestent dans l’après-midi. Avons-nous été repérés la nuit précédente ? Question bien angoissante pour la suite de l’opération.

Le même scénario continue à se dérouler. Nuit noire; surface vers vingt-trois heures, puis nous nous dirigeons vers le Nord de la Baie … avec la prudence du serpent. Les liaisons radios avec le Comité d’accueil SSM/TR s’établissent facilement et, lorsque la quille est prête à toucher le fond, nous nous immobilisons tout près de terre.

Le spectacle des montagnes environnantes est impressionnant, quelques lueurs sur la falaise montrent que les alentours du phare de Camarat ne sont pas inhabités, les faisceaux d’énormes projecteurs installés aux Caps Nègre et Lardier tournent sans arrêt découpant le Cap Taillat en ombre chinoise.

Les équipes du bord, en hâte, mais sans bruit, mettent à l’eau le youyou, les embarcations en caoutchouc sont hissées par le “sas” du scaphandrier. Nos hôtes montent sur la passerelle avec leurs précieuses valises et nous font leurs adieux. Minute particulièrement émouvante. Nous les envions de pouvoir fouler dans quelques minutes le sol de notre Patrie où tous, sans aucune exception, avons laissé nos familles.

En silence, le petit convoi pousse du bord, le youyou remorquant les radeaux pneumatiques.

La progression se fait lentement tant que les signaux discrets du Comité d’accueil n’ont pas été aperçus. L’opération se fera ce soir comme à l’entraînement, néanmoins, il s’écoulera près d’une heure avant que les embarcations ne rallient le bord. Les minutes d’attente paraissent interminables. Nous scrutons la côte sans interruption pendant que les projecteurs continuent à se manifester régulièrement. Le petit clapotis qui frappe la coque est d’une indiscrétion rare. L’angoisse nous étreint. L’arrivée d’une vedette ou d’une patrouille nous mettrait en fâcheuse position ainsi que nos camarades de combat.

Enfin, le youyou sort de l’ombre, l’accostage se fait doucement. Aucun nouveau passager ne nous est confié, mais nous rapportons un volumineux courrier où se trouvent les renseignements nécessaires à l’établissement des plans d’opération du débarquement en Normandie et du fonctionnement des Services de Contre-Espionnage.

En quelques minutes les sacs sont embarqués, le youyou est saisi, les radeaux sont descendus par le “sas” et, comme à regret, à petite vitesse, sans aucun bruit, nous gagnons le large. Une plongée trop rapide serait bruyante et donnerait l’alerte dans le secteur. Il faut être discret, d’autant plus que nos camarades débarqués ne sont sans doute pas encore à l’abri. Peut-être même n’ont-ils pas encore réussi à atteindre la ferme hospitalière d’ACHILLE (3) , première halte pour eux avant les rudes tâches de demain.

_________________ Pour nous, la patrouille continue. Un renseignement particulièrement intéressant reçu du Commandant de la Huitième Flottille de Sous Marins Britanniques à laquelle nous sommes attachés, nous avertit de la traversée probable de notre secteur par un sous-marin allemand ralliant Toulon.

L’atmosphère du bord restera lourde cette nuit. Nos familles trop proches … les équipages qui ont assuré le débarquement ont touché le sol de France. Peut-être quelques-uns ont-ils le pressentiment qu’ils ne reviendront jamais ? Peu d’entre nous connaîtrons les joies du débarquement de la Victoire, la plupart disparaîtront le 8 Juillet 1944 en plein Atlantique.

Le sacrifice de mes camarades de la “PERLE” rejoint celui de nos camarades de la Résistance.

Puissions-nous ne jamais l’oublier !

Capitaine de Frégate PAUMIER Groupe Bertin – Suffren TOULON

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Le souvenir du Commandant L’HERMINIER

Il y a quinze ans, le sous-marin “Casabianca”, sous le commandement du capitaine de corvette L’HERMINIER, s’évadait de Toulon envahi par les troupes allemandes.Fidèles au souvenir de leur ancien chef, les anciens du Casabianca ont déposé le 23 novembre à 11h30, au cimetière de Clichy, une gerbe de fleurs sur la tombe du Commandant L’HERMINIER.

Ils ont donné le même soir au profit des “Invalides de la Flotte” une soirée placée sous la présidence d’honneur de Mme L’HERMINIER et du vice-amiral d’escadre ORTOLI.