A propos de “L’Homme des services secrets”: temoignages

De notre ami Joseph Challan-Belval, ancien de T.R. et du ” Jouet des Flots ” (avec le Lieutenant de Vaisseau Le Henaff), déporté. Extrait d’une lettre au Colonel Paillole ” J’ai bien reçu le dernier bulletin ; c’est toujours avec un grand intérêt que je le lis. Vous avez bien fait de résumer ce qui a été l’action des services spéciaux de 1940 à 1942; c’est toujours assez difficile à faire comprendre à ceux qui ne l’ont pas vécu. Je me rappelle encore parfaitement le jour de décembre 1940 où vous êtes revenu à la villa Eole après l’arrestation de S. . Je ne vous ai jamais revu dans une telle indignation, vous étiez blême de colère! “…

De notre ami Henri Castex ” J’ai bien reçu avec plaisir, comme toujours, le dernier bulletin de l’amicale. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article ” la confusion des genres “. Vous avez hautement raison de rappeler l’action du Colonel Rivet, soutenue par le Général Weygand en faveur de la création au sein de l’Armée de l’armistice, du service des ” Menées antinationales “. Le B.M.A. est toujours critiqué par certains résistants. C’est pour cela que j’estime que notre bulletin devrait être largement diffusé. Le plus grand nombre ignore l’action du réseau T.R. contre les infiltrations des services secrets allemands. Très peu savent que jusqu’à la dissolution de l’Armée de l’armistice des agents allemands ont été exécutés en zone libre.

De notre amie Yvonne Dantoine, à l’origine de l’évasion du Capitaine de Neucheze. Lettre adressée le 5 janvier 1996 au Colonel Paillole: “Je vais vous raconter l’évasion des deux internées que j’avais mission de soigner dans un pavillon du Val-de-Grâce, deux internées par les Allemands.

A l’époque, j’avais une jolie voix et en chantant, j’ai attiré vers moi les trois sentinelles allemandes, armées de fusils et de grenades. Elles ont donc quitté leur poste qui consistait à surveiller leurs prisonnières. Durant ce laps de temps, celles-ci ont coupé les barbelés et selon mes indications, se sont sauvées. Une des deux, Loulou Bichareil a accroché ses longs cheveux au fil de fer barbelé, ce dont elle a souffert très longtemps.

Il y avait aussi au Val-de-Grâce, un pavillon situé dans le jardin, occupé par des internées sous surveillance d’Allemands. Longtemps après l’évasion, j’ai donc prévenu ceux-ci qu’il manquait deux internées, peut-être étaient-elles à la radio? Le chef, un Prussien, est venu et a demandé: — A quelle heure, l’infirmière a pris son service? La sentinelle a répondu 2 heures (14 h.). Mlle Facq, une troisième internée qui ne s’est pas sauvée, craignant que l’on ne prenne sa mère en otage, ce qui est déjà arrivé dans sa famille, parlait allemand, me l’a répété. C’est ce qui m’a sauvé.

Or, c’était faux, j’étais rentrée à 2 h. moins 20. Entre temps, il y a eu échange de sentinelles. Bref les coupables n’ont pas été punies. Les non coupables ont été envoyés en Russie, paraît-il…

Quelques jours après, j’étais convoquée au pavillon par le Commandant de la Gestapo. Il est venu m’ ‘interroger, accompagné de deux sous-officiers qui me regardaient dans les yeux. — A quelle heure, avez-vous pris votre service? J’étais très calme, moi qui ne sais pas mentir, on a dans la vie parfois des grâces d’état… J’ai dit 2 heures. Je n’ai pas bronché, ai soutenu leur regard. J’ai pensé à ma mère qui n’avait que moi et que j’adorais. — Bon, vous resterez à notre disposition.

Mais ce n’est pas tout, donnant sur ce pavillon, il y avait un hôtel. Une femme, d’un certain âge se trouvait dans un fauteuil roulant, elle était infirme, elle m’a vue. Elle a envoyé un homme au poste de garde de l’hôpital disant ” l’infirmière est complice de l’évasion “. Or, heureusement pour moi, le poste était gardé par un sous- officier français, un breton, très patriote qui m’a prévenue.

Vraiment, quelle chose horrible d’être dénoncée par des Français! Heureusement, il n’est pas allé trouver les Allemands. Mais le chef des soldats allemands me disait: — Vous êtes complice, vous irez en camp. A la libération de Paris, le Capitaine de Corbie (cousin germain du Général de Gaulle, hospitalisé au Val, de retour de camp des prisonniers) voulait que nous allions dans cet hôtel trouver les coupables. Je ne me suis pas vengée!

P.S. : Ah ! J’avais chanté un air de “La Veuve Joyeuse “… “Viens dans mon joli pavillon “…

De notre ami Georges Ribollet, à propos de Pierre Hannequin, décédé le 5 juillet 1995. ” Pierre Hannequin, mon opérateur radio, au cours de ma première mission en France occupée. Nous étions plusieurs camarades réunis depuis longtemps. Nous étions partis d’Alger sur l’Angleterre, à bord d’un bateau, compris dans ceux qui transportaient les prisonniers de l’Armée Von Arnim (Tunisie – Mai 1943).

Il y avait le capitaine Vellaud, les lieutenants Heusch et Boffy, Pierre Hannequin et moi-même. Nous avons gagné Liverpool, puis Londres.

Après l’instruction fort intéressante des Anglais, Vellaud et Heusch furent parachutés en France une vingtaine de jours avant les autres. Ils nous reçurent, Pierre Hannequin et moi le 17 juillet 1943 à La Roche-Vineuse, située à l’ouest de Macon.

Pierre Hannequin, repéré sur les ondes à Lyon, partit sur mon ordre à Paris et renvoya son message du ” Lancaster “, rue du Berri où je l’avais entraîné. C’était un hôtel rempli d’Allemands et j’exécutais les conseils des Anglais quand tout semblait aller au plus mal. En quelques minutes le message partit sur Londres ” …




A propos de l’Homme des services secrets” (3)

L’HOMME DES SERVICES SECRETS ” RÉCOMPENSÉ

Le prix Louis Marin, décerné chaque année par l’Association des Écrivains Combattants, vient d’être attribué au Colonel Paillole pour son livre ” L’Homme des Services Secrets “. Ce prix lui sera remis dans les salons du Sénat le jeudi 18 avril prochain en présence de M. René Monory, Président du Sénat et de M. Pierre Pasquini, Ministre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre. L’A.A.S.S.D.N. prie son Président national d’accepter ses bien vives et affectueuses félicitations.

A propos de ” L’HOMME DES SERVICES SECRETS “

A l’initiative de notre ami Raymond Grange que l’A.A.S.S.D.N. remercie vivement, le livre du Colonel Paillole ” L’Homme des Services Secrets ” a fait l’objet du rapport ci-après de l’inspection Générale d’Histoire du Ministère de l’Education Nationale.

Ce rapport précède une insertion dans une revue adressée à tous les services et aux bibliothèques du Ministère.

” Sous forme de dialogue, ce livre retrace l’existence du Colonel Paul Paillole qui anima pendant 10 ans de 1935 à 1945 les services du contre-espionnage (section allemande). Depuis 1899, les militaires n’avaient gardé que la responsabilité de la documentation extérieure, avec des moyens réduits et sous une apparence discrète au 2 bis de l’avenue de Tourville. Il revint à Paillole de faire face à l’offensive des armes secrètes du 3° Reich, essentiellement l’Abwehr de l’amiral Canaris. Après l’armistice, il continua l’action contre un ennemi renforcé par les agents du S.D. (en fait la Gestapo et les S.S.) en contact étroit avec les services anglais, puis américains. Il passa à Alger à la fin de 1942, réorganisant ses réseaux en métropole et assurant la sécurité militaire des unités françaises mises sur pied en A.F.N., fusionnant enfin ses services avec ceux du B.C.R.A. sous l’autorité de J. Soustelle à la veille du débarquement. A la fin de 1944, il quitta la direction du renseignement militaire après dix ans de combat efficace contre des adversaires particulièrement aguerris. Témoignage important pour l’histoire du renseignement français avant et pendant la guerre (avant la période de la D.G.E.R., puis du S.D.E.C.E. et de l’actuelle D.G.S.E.), le livre de Paul Paillole aborde deux points particulièrement révélateurs. D’abord le rôle joué par un agent d’exceptionnelle valeur, Hans-Thilo Schmidt, dit ” Asche “, frère du Général Rudolf Schmidt qui commanda un corps puis une armée de panzer en France et en Russie ; ” Asche ” permit de gagner six mois dans le décryptage par les Anglais du système Enigma. D’autre part le cursus de Paillole qui se caractérise par son maintien dans la mouvance de l’Armée de l’armistice (l’obédience de Vichy) jusqu’en novembre 1942, ce qui n’empêche une lutte sans merci contre les nazis (dont une quarantaine d’agents furent exécutés) avant comme après le débarquement allié en A.F.N.: donc une résistance effective et efficace mais qui ralliée tardivement au gaullisme, a été un peu oubliée par les historiens. On notera que ce sont les services de Paillole qui furent en partie à l’origine du passage à Londres de F. Mitterrand “.




A propos de “L’homme des services secrets” (2)

publication de ce livre ne manque pas de susciter des réactions enthousiastes, des commentaires élogieux et des souvenirs émus.

Ainsi des extraits de presse et témoignages:

De ” l’Écrivain Combattant “ juillet 1995 sous la signature du Général Compagnon: « …Les jugements, toujours pondérés mais incisifs du Colonel Paillole, sur cette époque trouble de l’avant-guerre et de la guerre sont remarquables. Ils donnent une appréciation exacte de l’ambiguïté du moment que les historiens modernes ont parfois du mal à appréhender… »

De ” Libération du 29 juin 1995 “ sous la signature de Jean Guisnel: « …De ces succès, Paillole ne tire pas gloire. C’était le travail de ses hommes, Ils l’ont fait. Point. Il ne cache d’ailleurs pas non plus les échecs de son service, en particulier dans la lutte contre les efforts de la propagande allemande. Mais l’essentiel est que comme bien souvent, un chaînon aura manqué entre les agents français et le gouvernement: la confiance (…). Le jugement que Paillole porte sur ces affaires semble n’être que l’écho de propos tenus par les dirigeants actuels des services… Et Jean Guisnel conclut son article par cet amusant extrait du livre : … Fin 1943, à la demande d’Henri Frenay, ses services seront chargés d’acheminer François Mitterrand – alias Capitaine Monnier – d’Alger en Angleterre via Marrakech, au grand dépit des gaullistes qui ne portaient pas le futur Président de la République dans leur cœur… »

De la revue de ” La Critique Parisienne “ sous la signature de Jean Lisbonne …Tout est à lire dans ce livre qui fait penser â l’adage latin Quos Vuet Perdere Jupiter… Quand ceux de ma génération se souviennent, ils pensent qu’un philtre magique nous fermait les yeux (…). On comprend que la victoire survenue, Paillole a considéré que sa tâche était accomplie… De Henri Lafforgue: …J’ai mieux compris également la complexité des relations De Gaulle-Giraud et de leurs partisans. A ce propos, j’ai aimé l’éloge émouvant que vous faites du Général Giraud et qui correspond tout à fait à ce que j’avais entendu dire dans ma famille. J’ai apprécié aussi, l’image que vous donnez du Général de Gaulle, “avant de Gaulle “, si je puis m’exprimer ainsi. C’est-à-dire au moment où rien n’était gagné, où tout se jouait. Aujourd’hui où la partie est jouée, les hommes oublient trop souvent qu’il y eut un moment où les choses se firent et où nul ne connaissait l’issue…

De Madame G. Guibal, fille de G. Dobrouchkess: …Et pourtant nos travaux n’ont pas toujours été compris ni exploités comme ils auraient dû l’être. Contre les doutes des uns, la passivité des autres et l’arrivisme des derniers “arrivés” que de déceptions. Vous avez raison, Monsieur, de rappeler à notre souvenir les détournements et les sacrifices de ceux qui nous ont permis de vivre libres aujourd’hui. Il fallait le faire! Notre génération comprend encore le patriotisme. Mais les générations suivantes, lorsqu’elles ont su pour quels intérêts, trop souvent, déguisés en amour de la liberté, nous nous battions aussi, ont alors douté et ne voient que rarement l’utilité de se battre pour des potentats industriels qui trop souvent commercent entre eux, même en pleine guerre! Ces générations là sont allées trop loin dans leur scepticisme bien sûr. Un livre comme le vôtre contribue, en rétablissant des vérités, à ranimer des courages et je vous en remercie…

De Madame Marie-Noël Challan-Belval, fille de l’ancien adjoint T.R. (ingénieur agro), déporté à la suite du naufrage du “Jouet des Flots” du Lieutenant de Vaisseau Yves Le Henaff au large de Plogoff (il était avec Brossolette, Jouhaud, etc…): …Je tiens à vous remercier très sincèrement pour l’exemplaire de ” l’Homme des Services Secrets ” accompagné d’une très touchante dédicace faisant honneur à ce jeune agronome des années 38 (son père). Sans vous avoir jamais rencontré, vous avez toujours fait partie de mon univers familial. Dès mon enfance, votre nom était chargé d’une très grande aura..

Et de Madame Serr: …C’est avec passion que j’ai lu votre dernier livre sur les ” Services Secrets “. C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu “cette vérité” que beaucoup ont voulu camoufler et parfois dénigrer! J’ai revécu ces années de guerre et je suis fière que mon mari ait pu donner de son dévouement et de sa compétence, à Marseille, à vos côtés, dans ce service qu’il aimait tant, au risque de sa vie et de la nôtre, bien souvent. C’est un livre qui doit être répandu…




A propos du livre ” L’homme des services secrets” (1)

De l’abondant courrier reçu, trois lettres, parmi tant d’autres, traduisent l’intérêt autant que l’émotion suscités à la fois par la lecture du livre que par les propos tenus lors de l’émission de télévision ” Bouillon de Culture “.

« … Une de mes filles a eu l’heureuse initiative de m’offrir votre dernier livre. Comme tout le monde, j’ai eu la surprise d’apprendre beaucoup sur une période que je pensais déjà connaître pour l’avoir vécue dans la clandestinité. Votre passage à la télévision nous a passionnés. Votre confiance, votre jeunesse, voici des confidences qui ne se trouvent pas dans des ouvrages sur la guerre… Les pages que je viens de lire m’ont rappelé mon émotion quand après la libération j’ai reçu mon ” décret de naturalisation ” vous avouerai-je que j’ai pleuré ! et j’avais 23 ans…

« … Revenant au début de cette lettre, permettez-moi de vous dire mes félicitations sincères car vous avez su mettre l’accent sur le rôle de notre Maison, ses méthodes de recherches, ses sources exceptionnelles de renseignements. Vous avez su montrer une machine au nom et au fonctionnement mystérieux qui ont laissé rêveurs bien des téléspectateurs. Vous avez surtout et avec fermeté souligné les atermoiements et le laisser-aller de nos vieux gouvernants face à des informations de premier ordre qui commandaient une action sans délai. Le 5 mai au soir, les Français ont compris les conséquences d’une incroyable négligence, les raisons de la défaite de juin 1940. Vous avez eu le courage de proclamer publiquement la Vérité et j’en ressens personnellement un honneur comme germaniste, puisque j’étais pendant près de dix ans chargé des correspondances ” sympathiques ” avec notre célèbre fournisseur (H.E.). Je tenais, mon Colonel, à vous dire ce qui précède ; je vous dis aussi que vous m’avez fait chaud au cœur et que je suis certain que vos paroles ont été entendues et qu’elles seront retenues. Puissent-elles également inciter les historiens et en faire état dans une page de notre longue Histoire !…

«… J’espère qu’il rencontrera un grand succès car sa ” densité ” historique le mérite. Bien sûr, le rétablissement de cette ” sacrée vérité ” pour laquelle vous vous êtes battu, sans défaillance, pendant nombre d’années. Encore et surtout ce témoignage direct, non édulcoré pour quelle que raison que ce soit et surtout pas commerciale. Une tranche d’histoire si importante mais si mal connue, vécue et non plus ou moins rafistolée. Enfin, pour montrer aux français que les services spéciaux ont une place dans la société. Ce livre est un livre à relire, l’exposé est serein mais sans concession. Vous ne vous souvenez sans doute pas de ma dernière correspondance qui remonte maintenant à plus de dix ans et dans laquelle je regrettais d’une part, le peu d’enthousiasme de nos compatriotes pour ce genre de témoignage et d’autre part, le nombre trop faible de témoignages de cet ordre. C’est avec de tels ouvrages que l’histoire, notre histoire, passionnera les Français un peu plus. Que cela serve de leçon à nos sauveurs quotidiens et aux grands méritants auto-proclamés (d’hier, d’aujourd’hui et de demain) ».

Des nombreux commentaires parus dans la presse, il a paru utile de retenir :

De ” Télé Obs “ sous la signature de Georges Buis, qui signale : …Il monte alors un prodigieux réseau fondé sur la “pénétration” du réseau ennemi: l’Abwehr. Il le sauve dans le désordre de l’exode de 40 et le camoufle en “Travaux ruraux “… et conclut ce long article, intitulé : Les Secrets d’un Cyrard : …Il aura été jusqu’au bout un Saint-Cyrien, c’est-à-dire un anti-James Bond, et aura toujours misé sur le dévouement, la qualité humaine et les dossiers bien tenus qui sont ” les clés du renseignement “…

Du ” Monde “ où Jacques Isnard rappelle : …Dès mars 1940, le service de Paul Paillole avertit le gouvernement et le commandement que la Wehrmacht réunit des informations sur l’axe Sedan-Abbeville, par où s’engouffra l’invasion allemande après la percée des Ardennes. Nul n’en tiendra compte. Avec trois jours d’avance, le même service annonce l’entrée en guerre de l’Italie: le ministère des affaires étrangères préfère s’en remettre aux télégrammes apaisants de son ambassadeur à Rome. D’une manière générale, note le Colonel Paillole, les autorités ont “un mépris souverain “ pour le renseignement, car, entre elles et lui, il y a ” une accumulation d’échelons hiérarchiques ” qui dénature le renseignement et ” stérilise sa crédibilité “…

De ” Monde & Vie “ où Pierre de Villemarest souligne notamment : …L’appareil secret créé par Paillole est suffisamment implanté et rodé pour désormais servir les Alliés… Au point que Paul Paillole est le seul Français qui ait participé aux préparatifs du débarquement en Normandie puis en Méditerranée, auprès du commandement anglo-américain. Même de Gaulle n’en savait ni les lieux, ni le jour, ni l’heure. Au contraire de Paillole qui, avec ses réseaux apprenait aux Alliés qui et quoi serait en face d’eux : Wehrmacht ou services proprement nazis, collaborateurs réels et non pas supposés, etc… Cet ouvrage gênera ceux qui depuis 1945 ont réduit à deux camps le combat: d’un côté les gaullistes et les communistes, de l’autre les “ kollabos ” ou les ” neutres “. Les professionnels du renseignement et du contre-espionnage ont été eux, oubliés alors qu’ils étaient les seuls à même, comme l’a fait remarquer l’amiral Pierre Lacoste durant l’émission, par leur formation et leur connaissance de certaines techniques, de pénétrer le dispositif ennemi…

Du ” Figaro “ où dans son commentaire, Éric Roussel cite abondamment cet ouvrage en réponse aux questions que se pose quiconque s’intéresse à la fois à l’histoire de la seconde guerre mondiale et au monde du renseignement. …Mais, au-delà des anecdotes dont il fourmille et qui contribuent à faire mieux connaître l’histoire, souvent sous-évaluée, des services secrets français, l’intérêt majeur de ce livre est de donner au lecteur une précieuse mise en perspective. Aujourd’hui, et des controverses récentes l’ont encore montré, on a tendance à croire que le contexte réel de l’Allemagne hitlérienne était bien connu en France — surtout après la défaite de 1940. Or ce livre atteste précisément le contraire. “Quand je suis entré dans la maison en 1935, je connaissais bien entendu la situation de l’Allemagne, celle de l’Italie; c’était le moment où les Italiens s’appropriaient l’Ethiopie. Les méthodes des fascistes comme celle des hitlériens ne nous échappaient pas. Nous en avions conscience mais on n’imaginait pas que tout cela pouvait un jour déboucher sur le chaos que nous avons connu en 1939. Nous n’avions pas idée de l’ampleur du danger “. Dès 1933, Paul Paillole, confronté à la réalité, prit conscience du péril constitué par le IIIe Reich. En vain, avec ses collègues il tenta d’attirer l’attention sur l’ampleur du réarmement allemand, au moment de Munich, il plaida en faveur d’une intervention. Après la guerre, Edouard Daladier lui en donna acte. Pour autant ce n’est que tardivement qu’il sut ce qui se passait dans les camps nazis. “Quand nous avons eu connaissance du décret Nuit et brouillard au début de 1942, nous avons bien compris que le régime imposé à nos camarades arrêtés, serait extrêmement sévère. Nous avons commencé à nous poser des questions, mais, malgré tout, sans imaginer l’outrance dans la sauvagerie et la brutalité qui nous fut révélée deux ans plus tard “. On ne soulignera jamais assez combien avait été analysé légèrement Mein Kampf et les premières dispositions raciales prises par les nazis dès leur arrivée au pouvoir…




L’Homme des services secrets -Ouvrage P Paillole AG Minella

Sous ce titre, les Éditions Julliard publient en avril 1995, une série d’entretiens à bâtons rompus, entre un jeune auteur Alain-Gilles Minella et moi-même. C’est l’aboutissement d’une initiative de Régine Pernoud, écrivain et historienne qui consistait à retracer, sous forme d’entretiens les « trajectoires » de diverses personnalités et de confronter leurs souvenirs aux questions que peuvent se poser les générations actuelles. Ainsi ont été publiées par les Éditions Marne, en 1993, les « trajectoires » du R.P. Riquet et du Général Massu recueillies par Alain-Gilles Minella. D’autres devaient suivre.., dont la mienne.

Commencée en 1992 et achevée fin 1993, ma « trajectoire » ne put être publiée en raison des modifications de structure de la Société Marne. Le projet fut repris en 1994 par les Éditions Julliard.

Le manuscrit d’origine dut être allégé de certains passages trop personnels, pour donner à l’ensemble une tournure plus actuelle et plus proche de mes activités militaires et civiles, notamment dans les Services Spéciaux de l’Armée.

Ce n’est pas un ouvrage dans le genre de Services Spéciaux 1935- 1945 où je retraçais chronologiquement ma carrière de soldat durant cette période. C’est un survol de mon existence depuis mon enfance jusqu’aux termes de ma vie active dans une entreprise industrielle.

Ce sont mes réponses à des questions que je n’ai pas inspirées, posées par un garçon de bonne foi, désireux de savoir et de comprendre le parcours d’un homme dans les événements majeurs de l’Histoire contemporaine.

Il était normal qu’Alain-Gilles Minella m’interroge sur les révélations récentes du livre ” Une jeunesse française François Mitterrand ” (1), où l’auteur, Pierre Pean, évoque nos anciens Services et met mon nom en avant.

Je n’ai jamais répondu avec la langue de bois même si, parfois, les questions posées dénotaient une ignorance fondamentale de certaines réalités historiques ou une conception par trop romanesque, sinon caricaturale, des Services Spéciaux et de ceux qui les servent.

En définitive, je me suis prêté à cette initiative, convaincu qu’en toutes circonstances, il est bon de lutter contre la désinformation, de rappeler les servitudes militaires, mais aussi leurs grandeurs, de démontrer enfin que le Renseignement est à la base de notre Défense.

(1) Éditions Fayard.




Evolution de l’association – L’ouverture : jusqu’ou aller ?

Depuis plusieurs années nos Assemblées Générales se sont inquiétées de la survie de notre Association. Le problème du recrutement a été et demeure l’une de nos préoccupations majeures. Demain, c’est-à-dire à l’occasion de notre prochain Congrès du 12 au 15 mai 1988 à Bordeaux, nos adhérents seront saisis d’un projet de modifications de nos statuts afin de permettre l’ouverture de notre Amicale à des générations plus jeunes. Lesquelles et comment? C’est à cela qu’il faut réfléchir, c’est pour cela qu’il est donné ci-après quelques éléments de réflexion.

 

1° Notre origine et nos buts : Nous les retrouverons résumés sous la plume du Général L.RIVET, notre Patron de 1936 à 1944, à la fois sur la page de nos statuts et sur celle de notre Bulletin.

J’en reproduis quelques phrases essentielles

…« Nouvelle par la densité de son titre, riche de son contenu français… Dans la chaude communauté des Anciens des Services Spéciaux, il y aura moins de souffrances et plus de joie » …« Un passé riche de gloire et de services rendus au Pays. » Voilà les raisons de notre Association et les seules. …« L’A.A.S.S.D.N., association de qualité qui a pris figure de groupement pilote parmi ceux voués à des buts identiques »

 

2° Nos réalisations: Nous nous sommes efforcés depuis trente-cinq ans de rester fidèles à ces affirmations de base. …« Riches de notre contenu français » : Notre action nationale, dépouillée de toute coloration politique, a toujours défendu les intérêts et la grandeur de la France. Dans les grandes crises qui ont secoué notre Pays, nous avons soutenu ce que nous pensions conforme à l’idéal de Patrie qui a conduit tant des nôtres au sacrifice. Ainsi voulions-nous d’une façon ou d’une autre garder l’Algérie dans la France… Ainsi, plus récemment, avons-nous pris la défense des Services Spéciaux et de leurs collaborateurs dans les crises qui ont mis leur efficacité voire même leur existence en cause.

… « Un passé riche de gloire et de services rendus au Pays » Notre action morale n’a cessé de mettre en évidence cette réalité si souvent ignorée, contestée, parfois même tendancieusement déformée. Notre Mémorial de Ramatuelle est devenu le symbole national et respecté de l’histoire contemporaine des : « Services Spéciaux de la Défense Nationale. » Nos réunions nationales à Paris et en province ont fait connaître à l’opinion leur vrai visage. Des ouvrages de qualité, parfois couronnés de prix littéraires, ont largement diffusé et diffusent toujours en France et à l’étranger la Vérité sur ce que fut notre vieille Maison, ses mérites, ses réalisations et aussi ses faiblesses. Nos réactions devant les insultes, les oublis, les mensonges, s’imposent désormais à l’audience des médias, comme à celle des Français. Enfin, chaque fois que nous l’avons pu — pas assez souvent à notre gré, nous avons aidé nos camarades à faire reconnaître leurs titres et leurs mérites.

… « Moins de souffrances et plus de joie ». Notre action sociale demeure prioritaire. Nous lui consacrons l’essentiel de nos moyens financiers. En toutes circonstances, nous manifestons notre solidarité, notre présence auprès de ceux des nôtres qui sont dans la peine. A cet égard, on ne saurait trop remercier la vigilance de nos délégués et leur dévouement si désintéressé. Il reste pourtant que notre action sociale ne saurait être complète si elle négligeait l’aspect moral de notre mission. A cet égard, notre Bulletin trimestriel demeure le lien irremplaçable entre nous. Je n’oublie pas non plus le rôle humain de liaison joué en permanence avec tant de générosité et de gentillesse par nos secrétaires.

…« Groupement pilote », nous le sommes si j’en juge par les réactions amicales que suscite notre façon d’être auprès des Associations amies. Mais « groupement pilote » sous-entend l’idée que nous avons des devoirs pour l’avenir et sans doute un rôle dont il reste à définir les contours. C’est bien de cela qu’il s’agit désormais.

 

3° L’Avenir. Il est possible de l’envisager de deux façons:

a) Rester dans le statu quo, c’est-à-dire limiter rigoureusement notre recrutement à ceux qui ont appartenu aux Services Spéciaux de la Deuxième Guerre mondiale et à leurs ayant droit (enfants, parents, etc…) le Conseil d’Administration accordant quelques dérogations à cette règle. C’est sensiblement la situation actuelle. A plus ou moins long terme, elle voue notre Association à la dissolution.

b) Ouvrir notre Association aux Anciens des Services Spéciaux actuels, étant entendu que leur adhésion doit comporter l’engagement de veiller scrupuleusement au respect de notre Passé, de nos traditions et des principes de base qui ont présidé à la création de notre Association. C’est, en bref, les modifications que notre Conseil d’Administration envisage de soumettre à l’appréciation de nos adhérents




Editorial de Michel Garder sur l’evolution de l’AASSDN (1987)

Depuis sa création, fin 1953, notre Association a connu une lente mutation transformant un rassemblement spontané de femmes et d’hommes ayant en commun l’amour de la Patrie, les preuves concrètes de cet amour et leur attachement aux Services Spéciaux et à leurs anciens chefs en une grande famille unie par des liens ineffables.

De ce fait, au sein du monde des Anciens Combattants, l’A.A.S.S.D.N. occupe une place à part grâce à une âme collective exprimant la totalité des vivants et des morts réunis à jamais dans un même idéal.

Le miracle ne s’est évidemment pas réalisé en un jour. Pour en être digne notre Amicale a dû passer — à l’instar de la France elle-même, par une série d’épreuves telles que la fin douloureuse de la guerre d’Indochine, le drame algérien, le trait tiré sur notre Empire, le repli sur l’Hexagone.

De part sa nature même l’Amicale s’est trouvée à la fois plus sensible aux blessures infligées par les épreuves et plus apte à les supporter que la plupart des autres composantes de la collectivité nationale — le passé de ses membres étant une quintessence de patriotisme, d’abnégation et de foi dans les destinées du pays. Ajoutons que nous avons eu la chance d’être animés et représentés par un chef digne de ce nom en vue d’une mission exaltante : défendre la mémoire de nos glorieux morts en servant la cause de la Vérité Historique.

Et c’est ainsi qu’aux années d’incertitude devaient succéder les années marquées par un feu d’artifice de mises au point et d’oeuvres historiques originales rétablissant en France et à l’étranger le rôle véritable joué par nos Services avant, pendant et après la Deuxième Guerre Mondiale (1).

Ce feu d’artifice n’a pas été uniquement le fait de quelques historiens improvisés issus de nos rangs. Chaque membre de l’Amicale, grâce à son témoignage écrit ou oral, s’est vu obligé d’apporter sa pierre à l’édifice de cette Sacrée Vérité. Le bouquet final de ce feu d’artifice a été « Notre Espion Chez Hitler du Colonel PAILLOLE; « Les Renards de l’Ombre » du regretté Elly ROUS et, en voie d’exploitation, le travail de fond du non moins regretté MORANGE.

Il restait à l’Amicale d’assurer sa survie en recrutant une relève de jeunes camarades dignes de recevoir le flambeau de la génération des survivants du 2 bis, de la S.T. et des Réseaux S.R. (Kléber, Gallia, Marco, etc.), S.R. Air, SSM.T.R. S.A. L’opération est actuellement en cours. L’avenir étant assuré, nous entrons désormais dans l’ère de la Sérénité — non pas cependant celle de l’autosatisfaction béate, mais celle de la conscience du labeur accompli — celle du « Nunc dimittis ! » du Témoin de la Promesse réalisée.

Ce dernier Congrès dont la réussite est attestée par le compte rendu figurant dans le présent Bulletin a été celui de la Sérénité. Et c’est sous son signe que nous voudrions répondre à la question que se pose notre Président National dans l’émouvant nécrologue qu’il consacre à son ami d’enfance, à son « frère », le Professeur Maurice RECORDIER, ce grand Patron, ce grand Français qui vient de nous quitter.

Non, mon Colonel, ne regrettez pas cette occasion effectivement unique, ou du moins contentez-vous de la souligner comme vous le faites. Chacun des protagonistes du drame, Jean MOULIN, FRENAY et vous-même avait alors sa propre vision du Devoir et même si ce que nous croyons sincèrement, la vôtre était la vraie, vous n’étiez pas en état de la faire triompher.

Au soir d’une vie bien remplie les regrets sont quand même plus faciles à supporter que les remords et donnent à la Sérénité son halo de Sagesse. C’est en somme le tribut qu’il nous faut payer à cette Sacrée Vérité. (1) En particulier les ouvrages du Général NAVARRE, le Général BEZY, de Michel THORAVAL, de Michel GARDER et du Colonel PAILLOLE




1983 : Destruction par l’laviation sovietique d’un Boeing sud-correen : un crime sans chatiment

Article du Colonel Michel Garder en 1983 :

Le 1er septembre 1983 à 06 h 26 – heure locale, un chasseur « Soukhoï 15 » de la P.V.O. (1) soviétique abattait à quelque 67 km au sud-ouest de l’île Sakhaline un Boeing 747 de l’Aviation Civile sud-coréenne, avec à son bord 269 passagers. Deux fusées « air-air » tirées au but par le pilote – un commandant des Forces aériennes soviétiques, avaient frappé à mort le gros avion civil dont l’agonie allait durer quelque douze minutes jusqu’à son immersion dans les flots de la Mer du Japon.

Le 2 septembre 1983, la presse soviétique publiait un communiqué laconique selon lequel « un avion de nationalité non établie » avait par deux fois violé l’espace aérien soviétique. Se déplaçant sans feux de circulation aérienne, cet avion n’avait à aucun moment répondu aux demandes d’identification, ni pris contact avec le service de guidage aérien au sol. Les chasseurs soviétiques « avaient tenté de le guider en vue d’un atterrissage sur l’aérodrome le plus proche », mais « l’avion violeur » n’avait pas réagi à leurs signaux et avait poursuivi sa route en direction de la Mer du Japon ». Dans le communiqué de l’Agence Tass il n’était nullement question de la destruction de « l’avion violeur » et sans la mise au point des services spécialisés américains et japonais parue le même jour dans les pays du Monde Libre, il est certain que les citoyens de l’Empire communiste n’en auraient jamais rien su.

Cette mise au point entraîne une première réaction de l’Agence Tass répétant, pour commencer, la version initiale complétée toutefois par les détails suivants :

– l’avion non identifié a survolé le territoire soviétique pendant plus de deux heures ;

– la chasse soviétique lui avait tiré plusieurs salves de semonce d’obus traçants ;

– finalement on avait perdu la trace de cet avion qui avait quitté l’espace aérien soviétique.

Toutefois ce communiqué comportait une conclusion pour le moins étonnante dans laquelle on accusait les États-unis d’avoir expédié « à des fins d’espionnage » cet avion non identifié dans l’espace aérien soviétique et de porter l’entière responsabilité dans une inexplicable perte de vies humaines – dans la mesure où il n’était pas fait mention dans le communiqué de la destruction du Boeing coréen.

Toujours ce même 2 septembre, le Conseil de Sécurité de l’O.N.U. saisi par les États-unis et la Corée du Sud examinait l’affaire à la lueur des preuves indiscutables – sous la forme des enregistrements américains et japonais, tant des derniers moments du Boeing que des liaisons air-sol de la chasse soviétique. Mis au pied du mur, l’ambassadeur soviétique à l’O.N.U, eut l’aplomb de nier toute responsabilité soviétique dans la destruction de l’avion et de qualifier cette session du Conseil de Sécurité de « spectacle de propagande » destiné à ternir l’image de l’U.R.S.S.

Le 3 septembre, Tass, toujours sans mentionner la destruction de l’avion dont les passagers avaient néanmoins mystérieusement péri, s’attaquait personnellement au Président Reagan et à sa « haine hystérique de l’U.R.S.S. ».

Il faut attendre le 4 septembre pour que paraisse un article dans la Pravda sous la plume du Général Romanov, chef d’état-major du Commandement en Chef de la P.V.O., disant entre autre que les chasseurs soviétiques ne pouvaient pas savoir qu’il s’agissait d’un avion civil, cela d’autant plus que le Boeing incriminé ressemblait à l’appareil de reconnaissance américain RC 135.

Une telle énormité de la part de ce haut responsable de la Défense aérienne soviétique eût mérité à elle seule pas mal de commentaires. Mais non content de cela, le général écrivait que l’avion non identifié se déplaçait tous feux éteints – oubliant probablement que même avec un éclairage de nuit les dizaines de hublots d’un Boeing 747 doivent se voir de loin.

Ceci dit, le Chef d’Etat-Major de la P.V.O., bien que mentionnant on ne sait trop pourquoi « de nombreuses victimes », ne daignait pas expliquer le sort de l’avion. Les arguments de cette « haute autorité » devaient être repris le 5 septembre.

Le 6 septembre, la Pravda s’indignait encore des mensonges grossiers de la propagande occidentale selon laquelle « l’avion coréen aurait commis une erreur de parcours et aurait été abattu par la chasse soviétique ». Pourquoi la Chasse, s’étonnait le rédacteur de l’article, alors que la P.V.O. soviétique dispose de fusées sol-air ?»

Toutefois le lendemain, la même Pravda publiait sans le moindre mot d’excuse à l’intention de ses lecteurs un communiqué du gouvernement soviétique annonçant que le vol de l’avion civil sud-coréen qui effectuait une mission d’espionnage dans l’espace aérien soviétique avait été « interrompu » (sic) par un avion de combat soviétique.

Le 9 septembre, on eut droit à Moscou à un spectacle unique en son genre : une conférence de presse du Maréchal Ogarkov – Chef d’Etat-Major Général des Forces Armées et Premier Suppléant du Ministre de la Défense, flanqué des « camarades » Zamiatine – Chef du Département Etranger du Comité Central, et Kornienko, Suppléant du Ministre des Affaires Etrangères.

Enfin le 11 septembre, la version officielle se trouvait enrichie de par la grâce d’un Maréchal de l’Air d’un développement rocambolesque, à savoir que le Boeing sud-coréen « espionnait » en liaison avec un satellite américain d’observation, lequel survolait la zone de Sakhaline toutes les deux heures.

Entre-temps, des journalistes britanniques avaient pu recueillir de la bouche du Directeur de la Pravda lui-même et de deux autres représentants de l’intelligentsia soviétique des jugements critiques sur les militaires de leur pays (2).

« On finira bien par oublier cette histoire », devait de son côté déclarer Gromyko, lors de son passage en France. Et il est vrai qu’on en prend le chemin !

Toutefois, nous estimons, quant à nous, que ce crime doit – à défaut de châtiment – être rappelé périodiquement et que de plus il mérite d’être commenté.

UN SCÉNARIO PROBABLE

Le seul point demeuré mystérieux dans le drame du 1er septembre 1983 est l’erreur de navigation commise par l’équipage du Boeing sud-coréen. On sait néanmoins que lors de l’escale d’Anchorage l’inspection de l’appareil avait permis de déceler quelques anomalies dans son système de navigation et que des techniciens s’étaient employés à y remédier.

Mais quelles que soient les causes de l’écart de près de 200 kilomètres commis par le KE 007, son entrée dans l’espace aérien soviétique vers 04 h 30 dans la région de la presqu’île de Kamtchatka va coïncider avec un vol de reconnaissance d’un RC 135 américain (version militaire du Boeing 707) non détecté par les radars soviétiques.

Il est possible d’ailleurs que ce dernier appareil ait été rendu « indétectable », grâce à un procédé révolutionnaire actuellement essayé par les Américains. En même temps on peut supposer que le RC 135 se trouvait périodiquement en liaison avec un satellite d’observation et que ce trafic a été détecté par les services soviétiques et mis sur le compte du Boeing sud-coréen.

Peu avant 05 h 00, la chasse soviétique du Kamtchatka tente vainement d’intercepter le Boeing sud-coréen, lequel poursuit son vol en direction de l’île de Sakhaline.

La Région Anti-aérienne d’Extrême-Orient rend compte des faits à Moscou, c’est-à-dire au Commandement en Chef de la P.V.O. dont le Général Romanov cité plus haut est le Chef d’État-major. Le Commandant en Chef, le Maréchal Toloubko – voire tout simplement Romarrov lui-même, prend la décision de faire abattre l’« avion violeur » sans en référer plus haut. D’où l’air gêné du Maréchal Ogarkov lorsque pendant la conférence de presse du 9 septembre un journaliste américain lui demandera a quel niveau la décision a été prise.

L’ordre parvient en Extrême-Orient au moment ou la chasse de Sakhaline a déjà pris l’air et faute de disposer du système IFF – dont les avions de combat soviétiques ne sont plus dotés depuis la désertion du lieutenant Belenko en 1975 à bord d’un MIG 25, les Soukhoï 15 ne peuvent pas entrer en contact avec le Boeing sud-coréen.

Le P.C. au sol donne l’ordre à 06 h 21 à l’un de ces Soukhoi 15 d’abattre l’appareil civil, et cela alors même que le pilote signale que sa « cible » navigue avec des feux d’identification.

A 06 h 25, le pilote signale que sa « cible » ralentit sa vitesse de vol mais se voit confirmer l’ordre d’attaque, ce qu’il exécute à 06 h 26′ 20″ et annonce la destruction de sa « cible » 1 seconde plus tard.

Il est fort possible que le Commandement en Chef de la P.V.O. (auquel celui de la Région P.V.O. d’Extrême-Orient a dû rendre compte immédiatement de l’exécution de son ordre, soit vers 07 h 00 heure locale, ce qui fait 01 h 00 à Moscou) ait attendu la matinée du 1er septembre pour en référer à l’État-major Général – Direction Principale des opérations : Maréchal Akhromiev. Ce dernier a dû attendre quelque peu avant d’aller en parler à son chef Ogarkov, lequel a peut-être mis une sage lenteur pour en informer le Ministre Oustinov. Quant a Youri Andropov, il ne l’a peut-être appris dans sa version « édulcorée » que dans l’après-midi du 1er, et son Cabinet a pu ainsi dicter à l’Agence Tass le texte du premier communiqué.

A noter que le Numéro Un soviétique n’évoquera cette affaire que près d’un mois après, ulcéré qu’il était d’avoir été court-circuité par les militaires de la sbiro-strato-partocratie soviétique.

LES ENSEIGNEMENTS DU CRIME DU 1er SEPTEMBRE

Le crime odieux et stupide commis par la P.V.O. soviétique le 1er septembre 1983 comporte de nombreux enseignements. Nous retiendrons en ce qui nous concerne les suivants :

– Contrairement aux rêveurs libéraux ou aux aveugles politiques qui prolifèrent dans les classes dirigeantes du monde occidental, les oligarques civils ou militaires lénino-marxistes raisonnent en fonction du conflit permanent qu’ils mènent contre nous. Ce conflit étant inexpiable, ils agissent en conséquence et, de même qu’ils massacrent sans le moindre scrupule les civils afghans – en en rejetant la responsabilité sur les Américains ou les Chinois, de même ont-ils agi avec le Boeing sud-coréen.

– Cette affaire illustre par ailleurs les « failles » du système anti-aérien soviétique, failles que le Haut Commandement connaît depuis la victoire israélienne au Liban au cours de l’été 1982 sur les forces aériennes syriennes équipées par Moscou. La chasse soviétique n’a pas pu intercepter le Boeing 747 au-dessus du Kamtchatka cependant que les moyens de détection le confondaient avec un RC 135. C’est certainement la peur de se voir accuser qui a poussé le Commandement en Chef de la P.V.O. (ou son chef d’Etat-­Major) à donner directement l’ordre d’abattre « l’avion-violeur ».

Le scénario que nous avons donné – et qui selon nous cerne très près la vérité – éclaire, si besoin était, les changements intervenus depuis 1976 dans le fonctionnement du système soviétique. Tchékistes et militaires se sont en partie affranchis de la tutelle de l’Appareil du Parti (d’où l’expression de sbiro-strato-partocratie). Jamais, même sous Khrouchtchev et au cours de la première décennie du règne de Brejnev, des militaires ne se seraient permis de prendre seule une telle décision.

Ce dernier point fait, enfin, frémir ; car il souligne les dangers que le monde court actuellement du fait de la stupidité et de l’inconscience de responsables militaires soviétiques. Supposons que le Boeing 747 ait appartenu à la Panam ou même aux British Airways, c’est-à-dire que sa destruction ait été ressentie aux États-unis ou en Grande-Bretagne comme un crime contre l’un ou l’autre de ces pays !

UN CRIME SANS CHÂTIMENT

En attendant, les 269 victimes du Boeing ne sont plus pleurées que par leurs proches, oubliées qu’elles sont par le reste du monde. On continue à donner du « Monsieur » au sieur Andropov et à se mettre au garde à vous devant les pattes d’épaules dorées et étoilées des maréchaux soviétiques. Il est vrai que tout ce joli monde possède sur les condamnés du procès de Nuremberg un avantage certain dans la mesure où ils sont – avec une certaine ostentation, des « criminels de paix » et non « de guerre ».




Article du Colonel Michel Garder dans l’Aurore : “Une guerre pas comme les autres”

Une guerre pas comme les autres “, c’est ainsi que Staline baptisait dès juillet 1941 le conflit qui, pendant près de quatre terribles années, allait opposer l’U.R.S.S. à l’Allemagne. Cette expression sert de titre au passionnant ouvrage que l’historien Michel Garder, spécialiste des questions soviétiques, vient de consacrer à cette guerre. C’est qu’à ses yeux, jamais conflit militaire ne révéla autant d’aspects singuliers.
Tout d’abord parce qu’il était mené par deux éléments, deux despotes fous : Hitler et Staline. Et qu’on allait voir s’affronter le pangermanisme païen brandissant l’étendard du Christ, et le communisme international, invoquant les plus pures traditions de la Sainte Russie.
Dès le ” pacte de non-agression “, l’absurde éclatait. C’était le roturier Ribbentrop qui le signait pour l’Allemagne et l’aristocrate Scriabine-Molotov pour les Soviets.

Une ivresse collective

Le contraste ne fut pas moins frappant au début de la guerre entre les manifestations d’ivresse collective des foules allemandes et les mornes ” meetings ” des masses soviétiques.
Au cri de ” Vorwaerts ” (en avant) tout parut d’abord s’effondrer du côté russe. L’armée rouge ne s’était pas encore relevée des terrifiantes ” purges ” d’officiers de 1937-38 (90 % des généraux, 80 % des colonels). On dut sortir en hâte des prisons ceux qui n’étaient pas encore liquidés, rappeler même d’anciens officiers tsaristes. Mais ce n’était là que des expédients.
Et puis, il y eut l’accueil chaleureux aux ” libérateurs ” des Baltes, des Ukrainiens, las du régime communiste, de ses épurations, de ses famines.
Mais la cruauté des troupes allemandes, leur mépris pour ” ces races inférieures ” allait retourner ces populations , en faire presque malgré elles des «” patriotes “.
C’était le moment où l’on voyait le révolutionnaire Staline, déguisé en maréchal, invoquer ses grands ancêtres : le grand-duc Alexandre, canonisé par l’Église orthodoxe, le grand duc Dimitri, vainqueur des Tartares, Souvorov, Koutouzov…

On priait à Moscou

Jamais on n’avait tant prié à Moscou, à Leningrad. On priait sur le front, on mourait en ébauchant un signe de croix.
Staline se résignait à dissoudre son corps de commissaires politiques aux armées ; les officiers retrouvaient leurs épaulettes. On exaltait ” l’honneur des armées russes “, le patriotisme russe “.
Et pourtant, même en novembre 1942, en pleine bataille de Stalingrad, Hitler aurait pu encore mobiliser à ses côtés d’importantes forces russes. Des centaines de milliers de prisonniers soviétiques, qui rendaient Staline responsable de leurs souffrances, et redoutaient le sort qui les attendaient à l’issue de la guerre, étaient prêts à combattre le despote. Mais les Allemands n’ont pas su exploiter l’anticommunisme du général prolétarien Vlassov. Pas plus que, dans l’autre camp, les Russes ne prirent au sérieux les propositions de l’aristocrate von Seydlitz qui, en haine de Hitler, misait sur la victoire du prolétariat.
Le rideau tomba enfin sur l’absurdité la plus folle de cette guerre : par la grâce de Hitler, constate justement Michel Garder, ” la victoire du soldat russe devenait la victoire de Staline sur le peuple russe “.




Avons nous au moins utilise nos chars ? comment naissent les legendes ?

AVONS -NOUS , AU MOINS, UTILISE TOUS NOS CHARS

Suivant une légende tenace. aujourd’hui encore largement répandue, des centaines de chars modernes seraient restés inutilisés dans les dépôts alors qu’ils manquaient tant aux Armées en Mai et Juin 1940. Paul Raynaud, devenu Président du Conseil le 21 Mars et Ministre de la Guerre le 5 Juin 1940, en écrit ce qui suit : « Utilisons-nous, au moins, tous nos chars ? » demandais-je en arrivant au Ministère de la Guerre, après la catastrophe. « On me répondit que l’on jetait dans la bataille des chars sortant de l’usine, dont les moteurs n’étaient même pas rôdés. » « Et pourtant, depuis le procès de RIOM, un bruit a couru et s’est amplifié : nos chefs militaires auraient commis la faute incroyable de ne pas utiliser tous les chars mis à leur disposition. » « C’est la déclaration faite par Daladier au procès de RIOM qui est à l’origine de cette rumeur. » Maître Ribet (avocat de Daladier), la com­mente ainsi : « Et l’on apprend avec stupeur que des centaines de chars en bon état ont été laissés dans les dépôts : ce qui représente plusieurs divisions cuirassées. » (Paul Reynaud, « Au coeur de la mêlée », p. 471-72). BRUITS… RUMEURS… AURAIENT été… ONT été…

M. Paul Reynaud nous montre comment en quelques lignes naissent certaines légendes. La plus typique est celle des « chars disponibles, mais inemployés ».

Bataillon de Chars de Combat de la 4e Division Cuirassée (de GAULLE).

Suivons un exemple caractéristique : celui du 44e B.C.C. formé le 16 Novembre 1939 dans la Drôme, devant être apte à partir aux Armées le 15 Mars 1940, et que l’auteur entendit tirer ses premiers coups de feu aux abords de la Somme le 27 Mai 1940, alors que l’évacuation par DUNKERQUE était commencée.

A sa formation, le 44e B.C.C, reçoit pour son instruction : – 3 chars R 35 ; – 33 chars FT 1918 (dont 8 chars-canons sans armement, servant d’auto-école et 25 chars-mitrailleuses).

On relève dans ses archives : 27 Janvier 1940 : La Direction de l’Infanterie (Section chars) demande que soit complété en matériel le 44e B.C.C, qui, formé depuis le 16 No­vembre 1939, ne possède encore que trois chars modernes. 5 Février 1940 : La Direction de l’Infanterie (Section chars) demande que le 44e B.C.C. devant partir aux Armées au début de Mars, son matériel soit mis en place pour le 15 Février, en raison de son station­nement éloigné et du rodage à effectuer. 5 Mars 1940 : L’Etat-Major de la 14e Région Militaire (LYON) sur le territoire de laquelle stationne le 44e B.C.C., signale qu’il pourrait partir aux Armées le 15 Mars 1940, s’il recevait ses chars avant cette date. 4 Mars 1940 : Le 44e B.C.C. a exécuté : – 5 tirs à la mitrailleuse (sur chars FT 1918) ; – 2 tirs seulement au canon (du fait qu’il ne possède que 2 chars R 35 armés de canons, le troisième étant indisponible). 21 Mars 1940 : La Direction de l’Infanterie (Chars) fait savoir : « Les chars R 35 ne pourront être fournis au 44e B.C.C. du fait du manque de disponibilités en tourelles. D’après les renseignements obtenus auprès du Ministère de l’Armement, les tourelles nécessaires aux 42 chars de ce Bataillon (3 chars sont en place) ne pourraient être livrées avant le mois de Mai 1940. 15 Mai 1940 : Le 44e B.C.C, est toujours à l’instruction dans !a Drôme dans l’attente de son matériel. (Le 15 Mai au soir, des chars allemands ayant débouché de MONTHERME arrivent à MONTCORNET. ) 16 Mai 1940 : La 4e Division cuirassée du Colonel de Gaulle doit se rassembler dans la région de LAON où sont dirigés les éléments qui doivent la constituer. 16 Mai 1940 : Un télégramme prescrit à l’entrepôt de Chars de GIEN de charger immédia- tement sur wagons 45 chars R 35 pour armer le 44e B.C.C. alerté pour partir aux Armées. « Les chars-mitrailleuses FT 1918 dont ce Bataillon dispose actuel­lement seront reversés à l’entrepôt de GIEN où ils seront « classés dispo­nibles à l’entrepôt »(n° 15.53 S – 2/3). Il n’y a plus de chars R 35 à l’entrepôt de GIEN. Mais le deuxième Bataillon R 35 (des 2 Bataillons destinés à la TURQUIE), que le Gouver­nement Turc vient de réclamer à l’Ambassade de France, est encore en instance d’embarquement à MARSEILLE. La S.N.C.F, fait diligence et les choses vont très vite. Tandis que, le 16 Mai, le personnel du 44e B.C.C. et ses véhicules embarquent en 3 trains en Gare de BOLLENE, on annonce l’arrivée en cette gare de 45 chars R 35 (venant de MARSEILLE) dont les 3 rames suivront celles du personnel. Destination inconnue. Trains de personnel et rames de chars arrivent au petit matin du 19 Mai aux environs de SOISSONS. Le Chef de Bataillon fait reconnaître sur wagons les chars (dont l’armement et le lot de bord sont en caisses auprès des chars). Il les attribue aux commandants de compagnie qui les font débarquer et font monter l’armement et l’optique. Le 44e B.C.C. ayant fait ainsi connaissance de ses chars tout neufs est affecté à la 4e Division Cuirassée du Colonel de Gaulle, qui pour l’heure tente de franchir la Sarre (Nord de LAON). Les chars FT 1918 laissés à Suze-la-Rousse pour être reversés et « classés disponibles à l’entrepôt » de GIEN, figurent au nombre de « ces chars laissés dans les dépôts qui représentent plusieurs divisions cui­rassées… » De P.-E. CATON,