Hommage au Général Jean Pichot-Duclos (2011)

 

Jean Pichot-Duclos

Le général Pichot-Duclos est décédé mardi 8 mars 2011, après-midi.

Saint-Cyrien de la promotion 1956-1958 GENERAL LAPERRINE, le général Jean Pichot-Duclos a servi en Algérie au 1er REP avant d’accomplir l’essentiel de sa carrière en corps de troupe dans les bataillons alpins.

A l’issue de son temps de capitaine, il suit les cours des langues orientales et de relations internationales de “Sciences Po”, se préparant ainsi au rôle essentiel qu’il jouera plus tard dans le renseignement français et plus particulièrement dans l’Intelligence économique.

Il commande ensuite le 27°BCA.

En pleine Guerre froide, il effectue trois séjours en Europe de l’Est, deux à Prague et un à Varsovie comme attaché militaire.

Nommé général, Il commande pendant 4 ans, à Strasbourg, l’Ecole Interarmées du Renseignement et des Etudes Linguistiques (EIREL).

Quittant le service actif en 1992, il entre à DCI – Défense Conseil International – où il crée une cellule d’intelligence économique, qui a participé activement aux travaux de la Commission Martre. En 1997, il a fondé avec Christian Harbulot l’Ecole de Guerre Economique, l’EGE.
Il avait rejoint l’AASSDN dès 1992 et avait été élu au conseil d’administration. Durant plusieurs années, il avait assuré la charge de Délégué régional.

L’homme sans qui rien ne se serait passé Mercredi, 09 Mars 2011 11:43
Hommage de Christian Harbulot

Le général Jean Pichot Duclos, qui nous a quittés cette semaine, a été l’un des pionniers de l’Intelligence Economique en France. Christian Harbulot, avec qui il a fondé l’Ecole de Guerre Economique, témoigne.

“Le général Jean Pichot Duclos nous a quittés. L’intelligence économique lui doit beaucoup. Et je ne pouvais pas le laisser partir sans rappeler le rôle fondamental qu’il a joué dans le lancement de cette démarche en France.

Tout commence au début des années 90. Le général Pichot Duclos termine son temps de commandement à la tête de l’Ecole Interarmées du Renseignement et des Etudes Linguistiques. Il rédige un article dans la Revue de la Défense Nationale sur la culture du renseignement. Philippe Baumard nous met en relation.

C’est de cette rencontre que va naître le processus qui aboutit au rapport Martre. A l’époque, Baumard et moi-même tentions depuis plusieurs mois de faire aboutir la constitution d’un groupe de travail au Commissariat Général au Plan. Sans succès.

Jean Pichot Duclos fait valider mon recrutement par le général Mermet, alors PDG de Stratco, une filiale du groupe COGEPAG (devenu depuis Défense Conseil International). Il existe alors une fenêtre de tir : le contrôleur général des armées Jouan qui préside alors la destinée de ce groupe parapublic a une vision stratégique. Il décide d’appuyer le lancement d’une dynamique sur la question des sources ouvertes afin de renforcer la compétitivité de nos entreprises. Il accepte aussi de nous soutenir auprès du Commissariat Général au Plan.

Dans le même temps, fort de ce soutien, je propose à Jean-Louis Levet nommé au Plan, et dont j’avais fait la connaissance quand il était chargé de mission auprès d’Edith Cresson, de constituer un groupe de travail sur la question. Levet accepte. Il convainc Henri Martre de le présider. La démarche d’intelligence économique est lancée.

Si le général Jean Pichot Duclos n’avait pas été là, cet enchaînement de circonstances favorables n’aurait pas eu lieu.

Mais le général Pichot Duclos est allé plus loin. Son implication dans la création du département Intelco et plus tard dans le lancement de l’Ecole de Guerre Economique ont constitué un point d’appui essentiel à la longue marche de l’intelligence économique en France.

Le général Pichot Duclos était un homme hors du commun. Contrairement à beaucoup d’autres, il a su dépasser les clivages de toute nature pour bousculer les idées reçues dans le domaine du renseignement militaire lorsqu’il portait un uniforme puis dans le monde civil quand il s’est impliqué dans le lancement de l’intelligence économique en France.

Il ne cherchait pas la reconnaissance, il servait son pays. A ce titre, il est un exemple. Sans lui, je n’aurais pas pu poursuivre le combat que j’avais commencé au cours des années 80 pour saper les bases de ce ghetto idéaliste du « village planétaire » dans lequel notre système de pensée officiel était en train de nous enfermer.

A la sortie de la guerre froide, le général Pichot Duclos avait compris, comme certains de ses pairs qu’il a côtoyés dans les coulisses de cette aventure (je pense en particulier au général Alain de Marolles et à l’Amiral Labouérie), qu’il était urgent de relancer le débat sur la stratégie de puissance de la France dans un monde qui allait devenir de nouveau chaotique.

C’est cette vision qu’il nous laisse aujourd’hui comme héritage avec l’impérieuse nécessité de donner au renseignement et à l’intelligence économique le rôle déterminant qu’ils doivent jouer lors d’un tel changement de cap.

Le portail de l’IE rend hommage à ce patriote, pionnier trop méconnu, que fut le général Pichot Duclos tout au long de sa vie. Nos pensées vont à sa famille, son épouse, ses enfants dont François (diplômé de l’EGE), qui a suivi les traces de son père comme officier de l’Armée française.”




Livre : Le croissant et la croix gammée

LE CROISSANT ET LA CROIX GAMMEE, écrit par FALIGOT Roger et KAUFER Rémi, publié par Albin Michel en 1990

Ce livre est un événement. Ce qu’il révèle a été soigneusement occulté depuis un demi-siècle: l’alliance entre extrémistes islamiques, militants nationalistes arabes, diplomates et agents secrets nazis. Cette alliance, Roger Faligot et Rémi Kauffer en ont assemblé les preuves après des années de recherches. De leur enquête resulte un document où se succèdent les revélations, notamment :

  • L’incroyable: obstination des hommes qui ont mené la politique arabe d’Hitler puis celle de l’après guerre dans les deux Allemagnes.
  • La naissance du mouvement national palestinien à l’ombre du Grand Mufti de Jérusalem et de ses alliés nazis.
  • La vérité sur les rapports entre le futur président tunisien Bourguiba et les puissances de l’Axe.
  • Ce qu’étaient la Légion nord-africaine, les SS musulmans; le rôle de l’union des travailleurs nord-africains: l’alliance de certains nalionalistes du Maghreb avec les services spéciaux d’Hitler.
  • Les criminels de guerre allemands au service de Nasser.
  • L’action d’Ytzhak Shamir dans la « traque» des chefs nazis en fuite.
  • Les coulisses du F.L.N. et de l’Algérie de Ben Bella.
  • L’étrange aventure du banquier suisse François Genoud.
  • La véritable histoire d’Aloïs Brunner, bourreau de Drancy et protégé du leader syrien Hafez el-Assad.



Archives inédites : les courriers Alger-Métropole d’Août 1944

A- Dans le sens Alger/Métropole les courriers étaient généralement très peu volumineux.

Ils se composaient :

  • de directives générales orientant la recherche des renseignements ou précisant l’articulation à donner aux réseaux. Ces directives étaient souvent présentées sous la forme d’une simple lettre personnelle écrite par le Commandant PAILLOLE soit au Chef du TR « Anciens », soit à celui du TR « Jeunes », soit à celui du Service SM.
  • de demandes de précision sur des renseignements recueillis au cours des semaines précédentes.
  • de mises en garde contre des méthodes nouvelles utilisées par le Contre Espionnage ennemi ou contre des agents provocateurs repérés.

Le total de ces courriers Alger/Métropole excédait rarement 15 à 20 pages.

B- Dans le sens Métropole/Alger, par contre, les courriers étaient très volumineux car les postes TR recueillaient non seulement des renseignements de Contre Espionnage mais aussi des renseignements militaires, économiques et politiques. C’est par kilos que les documents récoltés en Métropole étaient dirigés sur Alger. Nous allons en donner un exemple :

Le réseau TR « Anciens » était articulé en 3 sous réseaux intitulés « Inspections ». Il y avait l’Inspection Nord, l’Inspection Centre et l’Inspection Sud. Un des courriers mensuels de l’Inspection Centre (nom de code « Camélia ») est parvenu presque intact jusqu’à nous.

« Camélia » siégeait à Clermont-Ferrand et coiffait les postes d’Annecy, Bourg-en-Bresse, Châteauroux, Limoges, Lyon, Saint Etienne et Vichy. L’histoire de son courrier est la suivante :

Peu avant le 15 août 1944, « Camélia » avait expédié son courrier mensuel qui devait normalement emprunter des filières terrestres jusqu’à Barcelone puis un sous-marin de Barcelone à Alger.

Mais le 15 août se produisit le Débarquement Allié en Provence. Pour des raisons qui nous échappent aujourd’hui le courrier « Camélia » ne put franchir la frontière pyrénéenne et, après des péripéties variées, finit par échouer en … Suisse où il fut pris en charge par le poste TR de Berne. Le temps avait passé, la Libération de la France s’achevait et une grande partie des renseignements contenus dans le courrier « Camélia » avait perdu tout intérêt.

Tous les renseignements politiques, économiques ou militaires étaient soit périmés, soit moins complets que les archives officielles Vichystes dont disposaient désormais les autorités Gaullistes. Le Chef du poste TR de Berne utilisa donc uniquement la quarantaine de pages du courrier qui avait encore de l’intérêt (identification d’agents ennemis ou de personnels du Sicherheitdienst [ SD ] et renseignements encore actuels sur l’Abwehr ou la Gestapo). Le reste du courrier fur gardé tel quel et … versé tel quel aux archives de la Centrale lorsque dernière eut regagné Paris. Quelques années plus tard ce paquet poussiéreux allait être incinéré lorsqu’il fut reconnu par l’ancien Chef de « Camélia ». Ce dernier obtint de ses supérieurs l’autorisation de conserver à titre de souvenirs cette liasse de papiers qui lui rappelait bien des choses.

C’est ainsi qu’un « courrier mensuel » presque intact des Inspections TR, c’est-à-dire grosso modo le tiers d’un courrier mensuel du réseau TR, peut être étudié encore aujourd’hui.

Le colis a le format normal d’un document dactylographié (30 x 21 cm) et une épaisseur de 18 cm. Il pèse 4,975 Kg. Il comporte 1875 feuillets dont certains sont tapés recto/verso. Le total représente donc un peu plus de 2000 pages dactylographiées.

Les principaux sujets traités sont les suivants :

A- 586 feuillets de synthèse (journalières, hebdomadaires ou mensuelles) établies par des Légions de Gendarmerie.

Ces synthèses comprennent :

a- d’une part l’énoncé succinct de tous les « incidents » qui se sont produits dans la zone de la Légion : sabotages, attentats contre les biens (lire : action du maquis pour se procurer du ravitaillement, des tickets d’alimentation, du tabac, des cartes d’identités, …), attentats contre les personnes (lire : action du maquis contre les miliciens, les « collabos » et le militaires allemands, actions répressives de la Wehrmacht ou des « Forces du maintien de l’ordre »), résultats des bombardements aériens, chutes d’avions alliés ou allemands, …

Chaque page de synthèse relate succinctement une bonne dizaine « d’incidents ». Le total des « incidents » signalés dans le courrier « Camélia » est donc de l’ordre de 6000.

b- d’autre part certaines synthèses comprennent également des statistiques comparatives permettant de suivre, d’une semaine à l’autre, l’évolution du nombre des sabotages, attentats, actions répressives, …

Au total ces documents établis par la Gendarmerie forment un tableau très précis de ce qu’était la vie quotidienne de l’époque.

B- 403 feuillets provenant de rapports établis par les Préfets, les Intendants de Police et les Services de Renseignements Généraux, traitant principalement des réactions morales des populations devant les évènements intérieurs et extérieurs (discours politiques, ravitaillement, propagandes allemandes ou anglo-saxonnes, bombardements, sabotages, nouvelles militaires, …). L’étude des réactions morales des populations est conduite en tenant compte des catégories sociales ou ethniques des éléments étudiés (réaction des milieux ruraux, des milieux ouvriers, des milieux intellectuels, des milieux nord-africains, …).

C- 188 feuillets relatent les séances du Comité Français de Liaison auprès des autorités d’occupation pour la région lyonnaise. Ces documents donnent un aspect très précis des relations entre les autorités vichyssoises et l’armée allemande (dehors très courtois recouvrant l’irritation des Allemands et la brutalité de leurs relations devant l’attitude de la population. Refus de renseigner les Français sur les motifs d’arrestation (ou de disparition) de diverses personnes, refus de révéler le lieu d’exécution et le lieu d’inhumation des personnes fusillées « pour des raisons d’ordre et de sécurité », …

D- 152 feuillets de renseignements sur la Wehrmacht, la Luftwaffe et la Kriegsmarine (identifications d’unités, de secteurs postaux, d’officiers supérieurs, emplacements d’ouvrages, de dépôts de munitions ou de carburants, de champs de mines, de barrages routiers, croquis d’organisations défensives).

Certains de ces renseignements concernent des zones relativement éloignées du secteur normal d’action de « Camélia » mais il n’était pas interdit aux informateurs du réseau de voyager ou de recevoir la visite de gens venant de loin. C’est aussi arrivé que le courrier comprenne des renseignements sur des défenses allemandes de la région de La Rochelle et un rapport très complet sur l’activité du port de Brest.

E- 175 feuillets de consignes données à la Milice, à la Police et à la Gendarmerie pour le cas où des opérations militaires se déclencheraient dans leurs zones de stationnement (en particulier zones de « regroupement » prévues pour les différentes Légions de Gendarmerie) ;

F- 124 feuillets concernant les activités de divers maquis.

G- 62 feuillets concernant les activités répressives de la Wehrmacht et du SD (arrestations, pendaisons, fusillades, incendies, viols, pillages, représailles par bombardements aériens, …).

H- 65 feuillets de renseignements sur les usines travaillant pour les Allemands, sur la main d’œuvre, le Service du Travail Obligatoire, …

I- 21 feuillets sur le trafic ferroviaire, l’état de la SNCF.

J- 46 feuillets sur les résultats des bombardements aériens.

A ces renseignements que l’on pourrait qualifier de « pâture quotidienne » du réseau TR, « Camélia » (profitant du fait que sa zone d’action couvrait Vichy) avait le privilège de joindre parfois des documents « récupérés » dans les Ministères. Le courrier que nous étudions contient plusieurs de ces renseignements :

K- Une étude de 25 pages sur l’ancienne « Armée d’Armistice ».

L- Une étude de 7 pages sur la situation des Alsaciens/Lorrains.

M- Une étude de 8 pages sur les conséquences du rattachement administratif par les Allemands de nos provinces du nord à la Belgique.

N- Une liste nominative des 223 Généraux et Colonels arrêtés « préventivement » par les Allemands et dont 38 ont été libérés et 185 envoyés en Allemagne.

O- Un rapport de 9 pages établi par l’EM du Général STULPNAGEL (Commandant du Gross-Paris).

P- Un exposé de la situation dans le Sud-Est Asiatique émanant de l’Ambassade impériale du Japon.

Q- 75 pages de rapports et de télégrammes émanant soit du Gouvernement Général en Indochine, soit des Ambassadeurs français à l’étranger.

Ces documents avaient été expédiés des villes suivantes : Ankara, Bangkok, Bucarest, Budapest,Dalat, Hanoi, Helsinki, Lisbonne, Madrid, Mellila, Moukden, Nankin, Pékin, Saigon, Shanghai, Sofia, Stockholm, Tanger, Tien-Tsin et Tokyo.

Les plus intéressants étaient ceux qui émanaient d’Indochine, de Pékin et d’Helsinki.

Les premiers donnaient :

– une situation d’effectifs absolument complète de nos troupes en Indochine.

– la façon dont l’Amiral Decoux s’efforçait de contrer les exigences sans cesse croissantes des troupes Japonaises d’occupation.

Les documents venus de Pékin faisaient état de la situation militaire en Annam et des préparatifs d’une offensive nipponne dans la région d’Hankéou.

Les documents émanant d’Helsinki faisaient le point, du coté finlandais, des négociations de paix engagées avec l’URSS.

Sur un plan plus technique 42 pages des documents « Affaires Etrangères » figurant au courrier « Camélia » étaient particulièrement intéressantes. Il s’agissait de 72 télégrammes non « démarqués » c’est-à-dire présentés dans leur texte original, tel qu’ils sortaient de l’atelier de déchiffrement des AE. De tels textes pouvaient présenter un grand intérêt pour les « décrypteurs » d’Alger.

R- Enfin le plus beau fleuron du courrier « Camélia » était un document qui donnait (en 7 pages) l’ordre de bataille complet de l’armée roumaine.

Dans son livre « Mes Camarades sont morts / Edition d’origine » (tome 1, pages 71 à 99) Pierre Nord expose en détail les raisons pour lesquelles le Commandement en Chef d’une Armée attache la plus grande importance à la reconstitution de l’Ordre de Bataille de l’Ennemi. Pierre Nord, termine son exposé (pages 97 à 99) en racontant comment un des chefs de poste de « Camélia » avait la précieuse prérogative de recueillir des renseignements extrêmement précis sur les Ordres de Bataille des Armées engagées sur le front de l’Est. Alors qu’il était élève à l’Ecole de Guerre notre Chef de Poste s’était donné beaucoup de mal pour aider un de ses condisciples étrangers en difficulté (imitant Pierre Nord, nous appellerons cet étranger Petrov). En 1944 Petrov était en mission en France, son pays avait été obligé de se ranger dans le camp hitlérien et cela désespérait Petrov extrêmement francophile et anti-nazi. Petrov avait profité de son envoi en France pour reprendre contact avec son condisciple de l’Ecole de Guerre et communiquait à ce dernier tous les renseignements qu’il pouvait sur le front de l’Est (à l’exception naturellement des renseignements concernant sa propre armée).

Nota : Lorsque les postes TR recueillaient un renseignement jugé par eux particulièrement intéressant ou urgent il le transmettait par télégramme chiffré. Le document écrit correspondant figurait dans le courrier mensuel suivant à titre de confirmation du télégramme. C’est ce qui a du normalement se passer pour l’Ordre de Bataille roumain. Pierre Nord, dans l’ouvrage cité ci-dessus (pages 266 et 267) donne d’ailleurs la photo de quatre télégramme expédiés à Alger par « Camélia » les 1er et 3 août 1944 et concernant l’Ordre de Bataille de l’Armée roumaine.




Deuxième bureau et service de renseignements

Dans certains Bulletins de l’Amicale ont été publiés quelques avis autorisés sur les SERVICES SPECIAUX et leurs oeuvres.

Aujourd’hui, l’un de nos camarades, que nous considérons comme l’un des spécialistes les plus qualifiés du “2ème BUREAU”, nous donne son point de vue – celui du Commandement. En fait,- sur l’indispensable liaison à établir entre SERVICES SPÉCIAUX et 2ème BUREAU. Dans le Bulletin N° 13, plusieurs témoignages dénonçaient le scepticisme général en matière de Renseignement et de Sécurité, l’inorganisation aussi de Services Spéciaux et Militaires adaptés aux formes nouvelles des conflits.

Cette fois encore, au travers du travail technique de notre correspondant, apparaît le manque de coordination et d’impulsion qui doit être l’oeuvre du Commandement (Civil ou Militaire) à l’échelon le plus élevé.

En diffusant des avis de spécialistes aussi autorisés, nous espérons que nous finirons par intéresser les “Pouvoirs publics” à un problème dont ils ignorent le plus souvent les données élémentaires.

Nous poursuivrons donc ce travail contre vents et marées, parce que nous savons que dans la conjoncture actuelle, l’utilisation rationnelle des SERVICES SPECIAUX et leur développement adapté aux circonstances est la meilleure défense de notre Patrie.

Alors que les profanes, dont l’éducation a été faite exclusivement par le film et le roman policier, font une confusion regrettable des SERVICES SPECIAUX et des 2èmes BUREAUX, il existe souvent, en fait, une rivalité entre les organismes voués au Renseignement, rivalité qui peut conduire les uns et les autres à des comportements incompatibles avec l’intérêt général.

Ce petit exposé est l’oeuvre d’un “spécialiste” du 2ème Bureau, n’ayant jamais appartenu aux Services Spéciaux, ayant toujours – ou presque – entretenu avec eux les meilleures relations et en ayant ainsi apprécié le bénéfice.

Que les adhérents de l’A.S.S.D.N. ne s’étonnent donc pas de trouver ici un point de vue sensiblement différent, sans doute, de celui qu’ils adoptent généralement. Qu’ils n’y voient nul amour-propre mal placé, mais le seul désir d’aider à la création d’un climat toujours favorable pour le meilleur service du Commandement responsable.

LE CHEF DE GUERRE a besoin de RENSEIGNEMENTS pour DECIDER et AGIR.

Tout acte de guerre exige une décision de la part d’un Chef ou, plus exactement, un ensemble de décisions prises à chaque échelon par le chef responsable de chacun d’eux. On peut dire, bien entendu, qu’il y a guerre dès qu’il y a un ennemi, intérieur ou extérieur, même sans rupture officielle des relations entre deux pays, voire entre le pays légal et une opposition.

Or aucune décision n’est valable, qui ne tienne compte de l’ennemi. La connaissance de l’adversaire est une des bases indispensables au succès. On s’est toujours efforcé de l’avoir aussi parfaite, aussi complète que possible.

Il fut un temps où ce système était relativement facile à résoudre celui où les armées, peu nombreuses, lentes, se trouvaient, lors de la rencontre dans le champ visuel du Chef. Celui-ci pouvait alors décider sur un ennemi bien connu dont rien ne lui échappait. Mais très vite le Chef éprouva l’impérieuse nécessité de savoir, avant la rencontre, à qui il aurait affaire, où et quand ?

Ce jour-là le problème du Renseignement fut posé. Il ne tarda pas à prendre une ampleur considérable.

Pour le résoudre, l’idée d’envoyer des informateurs chez l’ennemi lui-même, de susciter des trahisons, se forma vite. L’informateur avant la bataille, les yeux pendant la bataille suffisaient. Le Chef lui-même pouvait ensuite utiliser, exploiter ces renseignements qui d’ailleurs trouvaient dans le temps un échelonnement normal. Le rôle de l’informateur s’effaçait lorsque le contact était pris. Cette époque n’est pas si lointaine. Napoléon, il y a cent cinquante ans, ne laissait à personne le soin de lancer ses agents puis d’observer le combat.

L’augmentation des effectifs engagés rendit impossible l’observation directe de l’ensemble du champ de bataille et, à fortiori, du ou des théâtres d’opérations. L’existence de moyens ennemis non engagés conduisit à poursuivre l’investigation des agents alors que la bataille était déjà en cours. Le Chef dut abdiquer en partie et confier à un auxiliaire le soin de recevoir ces renseignements et de les lui présenter. Ainsi naquit le 2ème BUREAU.

Chaque élément de premier échelon dut signaler ce qu’il constatait chez l’ennemi au contact. Le rapport qui existait entre l’ennemi vu à l’arrière et l’avant avait toujours été retenu. La rapidité des mouvements faisait de plus en plus immédiate la menace que l’ennemi lointain pouvait constituer pour le front d’engagement. Il n’était absolument plus possible de considérer avant et arrière comme deux domaines indépendants. Ils avaient été analysés par les agents et les troupes au contact. Il fallait confronter ces analyses, parvenir à une vue d’en­semble. Le Chef, axé sur une bataille qui offrait une complexité de plus en plus grande pouvait-il encore s’attacher aux détails qu’ils soient de mouvements, de ravitaillement ou de Renseignement ? Certainement pas. Aussi, dans ce dernier ordre d’idées, le 2ème BUREAU, de simple collecteur, devint-il organe de synthèse.

En outre, l’observation directe, complétée par l’action lointaine des agents, fut bientôt renforcée par d’autres moyens. L’aviation, les écoutes, le radar, remplirent le hiatus qui existait entre le contact et l’arrière éloigné et que ne comblaient suffisamment ni les interrogatoires de prisonniers, ni l’étude des documents.

La recherche, la centralisation et l’exploitation des renseignements devinrent ainsi un énorme travail pour les 2èmes Bureaux.

La nécessité de saisir l’ennemi sous les aspects de plus en plus différents qu’il présentait : courants envoyés sur les fils, ondes, avions rapides s’imposa, s’ajoutant aux activités multiples du contact, sur mouvements des arrières.

On ne conçoit pas aujourd’hui la possibilité de faire un tableau exact et complet de l’ennemi en négligeant systématiquement un des aspects qu’il soit aérien, radio, ou tout bonnement terrestre. Mais encore plus, on ne comprendrait pas, sinon dans un but d’information technique, une description de l’ennemi ne comportant qu’un seul aspect.

Comment engager une action valable en connaissant seulement l’activité aérienne ou uniquement la situation terrestre de l’adversaire ?

Or, chacun des moyens de recherche ne donne, soit du fait de ses caractéristiques techniques, soit de par les conditions dans lesquelles il travaille, qu’un aspect incomplet de l’ennemi. L’aviation n’a jamais pu donner à coup sûr les effectifs, l’observation terrestre est limitée par la première crête. Les agents, qui peuvent donner presque tout, sont sans possibilité sur l’extrême avant et connaissent même de grosses difficultés quand il s’agit de travailler sur les arrières, à l’intérieur de dispositifs compacts et vigilants.

NECESSITE DE RECOUPEMENT ET DE LA SYNTHESE.

De plus, chacun sait l’intérêt du recoupement : or, il n’y en a pas de meilleur au renseignement recueilli par un moyen, qu’une investigation faite sur le même objet par un autre moyen.

Enfin, un renseignement recueilli par un moyen quelconque, isolé, aviation, radar, troupes terrestres; services spéciaux, risque de laisser dans l’ombre un point intéressant. Confronté avec les résultats obtenus par d’autres sources, il prend toute sa valeur.

Une synthèse n’est jamais polyvalente. Elle doit toujours répondre aux besoins réels du commandement responsable, suivant sa zone d’action, sa mission, les nuances mêmes de celle-ci, l’effort dans le temps et l’espace.

Un seul Bureau centralise toutes les questions de transport, de ravitaillement et coiffe les services chargés de leur réalisation. C’est par une seule voie que le Chef doit recevoir la synthèse répondant à ses soucis. Lui en envoyer plusieurs, c’est l’obliger à choisir, à faire une super synthèse, lui-même, ou à travailler sur des notions fragmentaires.

Le 2ème BUREAU reçoit du Chef responsable le Plan de Renseignements, énoncé des besoins pour la manoeuvre à effectuer. Ce plan est le guide pour l’établissement de la synthèse.

TRAVAIL EN COMMUN DES 2èmes BUREAUX ET SERVICES SPECIAUX.

Cet examen schématique de l’évolution du problème du renseignement permettra peut être de mieux comprendre le point de vue du 2ème BUREAU.

Il semblerait résulter de cette étude que ce Bureau voudrait se voir subordonner les SERVICES SPECIAUX, et, plus exactement, voir ses services découpés en tranches correspondant aux divers échelons de responsabilité.

Il n’en est rien.

Le 2ème BUREAU sait parfaitement qu’il est deux catégories de moyens de recherche : ceux qui travaillent normalement dans le cadre des unités tactiques et stratégiques, et ceux qui échappent à ce cadre. Parmi les premiers figurent par exemple les unités au contact, l’observation terrestre. A ceux-ci, le 2ème BUREAU peut rapidement et facilement faire donner l’ordre d’effectuer des mouvements, des actions même, nécessaires pour obtenir un renseignement particulier ; il leur adresse des “ordres de recherche”, traduction technique des “plans de renseignements”.

Aux moyens qui n’appartiennent pas à son échelon tactique ou stratégique, le 2ème BUREAU ne peut adresser que des demandes de recherche. Il sait que limiter leur action à un cadre étroit, les compartimenter, c’est réduire leur rendement. ­C’est bien le contraire qu’il désire,

Mais ce qu’il demande, c’est que ces organes de recherches lui donnent tous les renseignements sous une forme brute, la seule qui lui permette d’établir la synthèse que son chef veut avoir. Il demande aussi que les renseignements ne soient pas envoyés ou communiqués directement au chef responsable ou au bureau “opérations”. Ceci parait secondaire; mais combien de fois a-t-on vu tout un travail de synthèse ruiné par un renseignement qui, présenté isolément, a été négligé, ou au contraire, grossi exagérément, a suffi pour déclencher une action intempestive.

A chaque échelon de commandement, il y a un responsable. Ne rendons pas sa tâche impossible.

Le Chef ne doit pas recevoir deux ou plusieurs synthèses; peut être contradictoires, sûrement divergentes. La confrontation des résultats doit se faire entre le chef du 2ème BUREAU et le responsable local des SERVICES SPECIAUX, avant toute présentation .

Il va de soi que cette liaison n’est pas à sens unique. Le 2ème BUREAU doit se considérer comme appartenant à une “Equipe”, englobant tous les autres 2èmes Bureaux et les organes de recherche. Il lui faut, non seulement, répondre aux demandes de recherche que lui adressent les SERVICES SPECIAUX, mais encore favoriser les recoupements, mettre ces Services dans son ambiance en leur communiquant ses préoccupations, ses bulletins de renseignements, voire ses synthèses.

Dans cette aide donnée par le 2ème BUREAU, n’oublions pas que, s’il existe un front, il est responsable du passage des agents. Mieux que n’importe qui, il sait où le franchissement sera le plus facile et même le plus immédiatement payant.

On voit donc comment cette collaboration doit s’établir à tous les échelons, faite d’ailleurs plus de contacts personnels et d’union intellectuelle, que de documents échangés.

Mais nous avons vu les raisons qui justifiaient l’établissement de ces règles. C’est en particulier l’abondance des moyens de recherche, qui, dans la zone de contact, conduit à cette primauté du 2ème BUREAU. Sur les arrières lointains, il n’en est plus de même. La part des SERVICES SPECIAUX peut y être telle, si même ils n’y sont pas seuls à pouvoir agir, qu’ils deviennent naturellement les meneurs du jeu. S’ils sont seuls à faire l’investigation analytique, seuls aussi ils peuvent faire la synthèse utile au Commandement ou au Gouvernement. Qu’ils n’oublient pas l’appoint possible des autres moyens.

L’IMPORTANCE CROISSANTE DES SERVICES SPECIAUX.

C’est d’ailleurs au Commandement Civil ou Militaire, responsable, qu’il appartient de répartir les responsabilités entre les moyens et de prescrire les centralisations et les liaisons qu’ils doivent assurer.

On voudrait être sûr que, dans le domaine du renseignement, ils pensent quelquefois !

La situation présente et les conditions dans lesquelles se dérouleront les conflits de l’avenir ne peuvent manquer d’accroître le rôle des SERVICES SPECIAUX.

En effet, alors qu’avec les moyens “classiques” un temps appréciable s’écoule entre la mise sur place, la fabrication, l’instruction des unités et des armes et leur engagement, et que ces délais donnent le loisir de déterminer la valeur de ces moyens et la direction qu’ils prennent, l’avenir sera bien différent.

De l’usine au point de chute, les délais seront à peu près nuls. Les engins seront “tous azimuts”. On devra se borner à déceler leur existence. Mais on ne pourra le faire qu’au stade de l’étude ou de la fabrication. Seuls les SERVICES SPECIAUX pourront s’en charger.

L’Aviation pourra être une aide. De même, les “écoutes-radio”, sans doute d’autres moyens .. Et alors les SERVICES SPECIAUX devront tenir compte des renseignements obtenus par d’autres organes de recherche, qui travailleront pour eux. Il leur faudra bien synthétiser ces résultats, ou il faudra bien que quelqu’un le fasse pour eux. Nous avons de bonnes raisons de croire que ce travail n’est pas fait ac­tuellement avec une méthode rigoureuse.

AUTRES MISSIONS COMMUNES AUX 2èmes BUREAUX ET SERVICES SPECIAUX.

Les SERVICES SPECIAUX n’ont certes pas cette seule mission de renseignement dans le domaine militaire. C’est elle qui exige le plus d’entente mais déclenche le plus de “compétitions” avec les 2èmes Bureaux, C’est pour cela que nous lui avons donné la première place.

Les autres missions tout aussi importantes, réclament aussi des liaisons entre ces différentes organisations.

Certes, le 2ème BUREAU n’a pas à s’immiscer dans la lutte menée contre l’ennemi intérieur, jusqu’à ce que celle-ci se transforme en guérilla. Mais il ne peut être pris au dépourvu. Si l’Autorité Civile se dessaisit de ses pouvoirs au profit de l’Autorité Militaire, celle ci doit être renseignée et se préparer à la tâche qui l’attend. Les SERVICES SPECIAUX doivent songer en permanence à cette responsabilité qui peut échoir au Chef Militaire. C’est une obligation pour eux que d’informer les 2èmes Bureaux de ce qui les attend.

Enfin qu’il s’agisse de la lutte contre l’Espionnage ou du maintien de la cohésion nationale, il est indispensable qu’il connaisse le point d’application de l’effort ennemi. Il y a souvent une liaison intime entre la zone où l’ennemi intensifie ses renseignements, le sabotage matériel ou moral et l’action frontale à venir. Ces renseignements sur l’effort de l’adversaire en profondeur, confrontés avec les possibilités qu’il a pu se constituer pour une action purement militaire, permettent de lever bien des doutes.

Pour ce qui est de la mission “Action” sur les arrières ennemis, dont sont chargés les SERVICES SPECIAUX, la part des organes de synthèse sera du même ordre. Bien orientée, la recherche au contact pourra déceler des objectifs intéressants : les documents recueillis, les interrogatoires des prisonniers contiennent de nombreuses données sur la vie des arrières lointains. Encore faut-il les rechercher et, avant tout, savoir l’intérêt qu’elles présentent.

Ces actions ne sont pas sans répercussions sur les moyens au contact ne serait-ce que sur leur moral. Il appartient aux 2èmes Bureaux de les rechercher. Il ne s’agit pas pour cela de les mettre dans tous les secrets mais bien d’utiliser leurs possibilités. Pour cela, point n’est besoin de dévoiler les buts que l’on veut atteindre au loin. Des demandes de recherches bien étudiées et bien rédigées suffisent.

Des 2èmes Bureaux instruits et disciplinés savent exécuter de tels ordres intelligemment, tout en comprenant les servitudes du secret .

Recherche et Exploitation doivent être coordonnées à l’Echelon le plus élevé.

Tout le problème des rapports entre les 2èmes BUREAUX et les SERVICES SPECIAUX peut se traduire en quelques mots :

Il y a UN ennemi, mais d’aspects de plus en plus complexes.

Le Chef responsable doit prendre ses décisions en toute connaissance de cet ennemi.

Les différents aspects de l’Ennemi sont relevés par des moyens de recherche de plus en plus nombreux et de moins en moins unifiés. La part de chacun est variable suivant les circonstances.

Tous ces aspects sont indispensables pour faire un tableau ressemblant de l’ennemi, c’est la synthèse que le Chef ne peut plus faire lui-même.

Qui doit lui présenter cette synthèse ? Organe de recherche, ou organe de synthèse ? L’un ou l’autre. Certainement pas l’un et l’autre.

La technique, les règles qui commandent le fonctionnement du renseignement donnent à ces deux organismes le moyen d’assurer leurs liaisons et le meilleur rendement de l’ensemble.

Encore faut-il que le Chef responsable au niveau le plus, élevé, – qu’il soit civil ou militaire – répartisse les rôles de chacun. C’est une question d’organisation générale qu’il faut, aujourd’hui plus que jamais, pousser à un degré extrême de minutie.

Nous craignons fort qu’en dépit des affirmations, et des bonnes volontés des exécutants, cette organisation soit négligée ou insuffisante. Peut être parce qu’aux échelons nationaux et gouvernementaux on n’a pas encore compris l’importance capitale du RENSEIGNEMENT




Du SR au bataillon de choc

Curieuse compagnie que la nôtre ! Le Commandant Gambiez ne disposait d’aucune réserve en uniforme pour nous équiper. C’est donc en vêtements civils, qu’après quelques jours d’entraînement commando, nous prîmes part aux premières opérations de Libération de la Corse.

Afin de ne pas être traités comme des francs-tireurs en cas de capture, nous avions été pourvus d’un brassard blanc portant la tête de maure, emblème de la Corse. Cette précaution me parut très illusoire à un moment où les maquisards étaient l’objet de terribles représailles de la part des troupes allemandes.

Nous fûmes par contre dotés du même armement que celui dont étaient pourvues les autres unités du Bataillon de Choc. Il comprenait essentiellement le fusil-mitrailleur Brent, le pistolet-mitrailleur Sten et la grenade Gammon dont la charge de plastic causait de terribles ravages au moment de l’impact.

J’avais retrouvé dans mes bagages un vieux béret alpin et mon ancien blouson des Corps Francs de 1940; ces deux attributs, complétés par des galons de lieutenant un peu défraîchis, me donnèrent une allure assez convenable dont se souciaient assez peu les garçons que j’avais à commander.

En rejoignant le Bataillon de Choc, je ne faisais que retrouver mon statut d’Officier de carrière. Pourtant pour les autorités civiles locales je demeurais Marcel CIMA, Délégué Départemental de l’Artisanat.

Il me fallait me dépouiller de ce déguisement. J’écrivis une lettre officielle au Préfet de la Corse pour lui annoncer ma démission de mes fonctions civiles et ma réintégration dans l’Armée.

Les événements évoluaient rapidement.

En effet, les Allemands ne furent pas longs à réagir. La Corse constituait pour eux un tremplin qui leur permettait d’acheminer par la plaine orientale et par Bastia vers l’Italie du Nord, leurs unités stationnées en Sardaigne. Ils ne tenaient pas à ce que ce marchepied leur fut interdit par l’armée française ou la résistance corse.

La mission du Bataillon de Choc était de s’opposer par tous les moyens (embuscades, coups de main, harcèlement) aux mouvements des unités allemandes qui se dirigeaient vers Bastia.

Notre compagnie, dont les sections opéraient isolement, prit vaillamment sa part dans cette mission.

Nos déplacements s’effectuaient soit en camion, soit souvent à pied. Je me souviens des marches exténuantes sur des sentiers de montagne auxquelles nos volontaires à tête de moines, non entraînés, étaient peu préparés. Ils furent en tous points remarquables par leur courage et leur entrain.

A plusieurs reprises ma section fut transportée sur des camions de l’armée italienne conduite par des soldats italiens en uniforme. Ces garçons auraient d’ailleurs fait n’importe quoi pour nous être agréable et se faire pardonner.

Nous arrivâmes ainsi un soir à Vescovato, village à 20 kilomètres au sud de Bastia.

Depuis notre départ d’Ajaccio, le Lieutenant Riquebourg avait été remplacé à la tête de notre compagnie par le Capitaine Charles Torri, un de mes grands anciens de Saint-Cyr.

Il vint me retrouver à Vescovato pour me fixer la mission du lendemain.

Il avait appris que les troupes allemandes occupaient le petit village d’Olmo (3 kilomètres à l’ouest de Vescovato). Il savait aussi que chaque matin, un ou plusieurs camions militaires allemands montaient à Olmo pour ravitailler le poste et y amener du personnel.

Ma mission consistait à tendre une embuscade pour détruire ces camions le lendemain matin.

Le « Maquis » mit un guide à ma disposition et nous quittâmes Vescovato avant l’aube.

La progression lente et pénible dans une végétation très dense et sur un terrain escarpé fut soudainement arrêtée par des rafales de pistolets- mitrailleurs. Nous venions de tomber nous-mêmes dans une embuscade ou sur une patrouille allemande chargée de découvrir si Vescovato était tenu par les Français.

Le guide Corse qui marchait devant moi avait été tué sur le coup.

La réaction de la section fut immédiate. Aux rafales allemandes succédèrent celles de nos P-M. et les explosions de nos grenades.

Il ne pouvait plus être question de remplir une mission dont le succès reposait sur la surprise. Je fis replier ma section qui fut accompagnée sur le chemin du retour par des tirs de mortier. Un de mes hommes fut légèrement blessé. Je n’étais pas fier, et mes hommes étaient furieux.

Le Capitaine Torri vint me retrouver quelques heures après à Vescovato.

Mis au courant des événements il me dit simplement : « Tu recommences demain matin. »

Ce qui fut fait, mes hommes avaient la rage au ventre.

Après une progression aussi lente et aussi pénible que celle de la veille, je fis mettre des fusils-mitrailleurs en batterie sur une pente qui dominait la route.

Un camion de la Wehrmacht l’emprunta ce matin-là. Foudroyé par les fusils-mitrailleurs il n’alla pas plus loin. Ses occupants non plus.

Après la libération complète de la Corse et le regroupement du Bataillon de Choc à Calvi, je revins à Vescovato pour revoir cette pittoresque localité dont le médecin m’avait hébergé.

Plus tard encore, le Capitaine Torri y fut enterré. C’était son village.

A CALVI

Fin 1943, le Bataillon de Choc fut regroupé à Calvi où il s’installa dans la citadelle qu’occupe maintenant la Légion Etrangère.

Les souvenirs de cette ville sympathique se sont progressivement estompés. Il ne reste dans ma mémoire que la vision d’une rade magnifique sur fonds de montagnes et ce promontoire autoritaire que constituait la citadelle dominant la cité.

Notre 4e Compagnie avait enfin reçu ses uniformes et équipements américains. Blouson Corps Franc, Béret alpin et brassard à tête de Maure trouvaient désormais leur place parmi d’autres reliques.

L’instruction et l’entraînement poussés auxquels nous étions astreints achevaient de nous intégrer dans le Bataillon de Choc. Seul ne pouvait nous être donné l’entraînement parachutiste auquel avaient été soumis en Algérie tous les chasseurs de la prestigieuse unité.

La Corse avait été libérée. Il fallait être en mesure de la défendre d’éventuels retours en force des Allemands.

Le Bataillon avait reçu une mission de défense des côtes dans la région de Calvi en attendant de se voir confier une tâche plus conforme à sa vocation.

C’est à Calvi que me parvinrent fin décembre 1943 l’ordre de rejoindre la Direction du Service de Renseignements à Alger pour une autre destinée.




Le S.M. et le T.R. dans les premieres operations de debarquement

Nous publions cet extrait des souvenirs du Colonel Parisot spécialement à la mémoire et en hommage au Sous-Lieutenant Renaud qui fut le premier officier S.M. de débarquement tué au cours de la première opération de libération du continent européen. Outre ce dramatique épisode qui coûta le 14 juin 1943 la vie à notre héroïque camarade dans l’îlot de Pantelleria, le récit de Serge Parisot chef de notre première équipe S.M./T.R. de débarquement en Italie comporte des révélations fort révélatrices sur la nature des rapports avec nos alliés… ainsi qu’avec la gente féminine italienne.

DÉBARQUEMENT EN SICILE EN JUILLET 1943

Le lecteur alléché par ce titre risque fort d’être déçu : il ne sera question ici ni d’un héroïque assaut sous un feu d’enfer ni d’un abordage en tapinois par une nuit sans lune… Mon arrivée comme celle des fameux carabiniers fut si tardive que toutes les côtes méridionales de la grande île étaient déjà truffées de troupes anglo-américaines lorsque je fus admis (en même temps qu’un tabor de goums marocains prévu pour d’éventuels et obscurs combats en montagne) à l’honneur de représenter la participation française à l’opération.

L’EMBARQUEMENT DE L’ÉQUIPE S.S.M./T.R.

Car notre armée d’Afrique en dépit de sa contribution importante sinon décisive à la libération de la Tunisie, a tout de suite été traitée de façon indigne et évincée par nos alliés ; sous prétexte de haute politique. Il ne fallait pas que les Français risquent de se venger du coup de poignard dans le dos reçu des Italiens en juin 1940 ; en effet, les Anglo-Saxons espéraient bien la défection pure et simple des forces armées fascistes, et notre encombrante présence n’était pas souhaitable en raison des incidents à craindre.

Les goumiers engagés en petit nombre dans l’intérieur de l’île, ne seraient pas gênants et pourraient être précieux en terrain difficile ; les Services Spéciaux d’Alger qui venaient de rendre au débarquement en Sicile un service signalé en menant à bien l’Affaire Gilbert (opération d’intoxication menée par nos Services dans le cadre de la Force A) pourraient aussi être d’autant plus utiles à la coalition.

J’avais naguère voyagé en Sicile et j’offrais à démarrer dans l’île, sinon en Europe, une extension de la fameuse affaire (dont j’avais été l’officier traitant).

Le seul ennui était qu’un uniforme français serait plus voyant à Syracuse qu’au fin fond des djebels siciliens.

J’avais décliné l’offre flatteuse de revêtir l’uniforme britannique et décidé de remplir notre mission en civil.

Voilà comment au port de la Goulette je pris place avec Guillaume pour adjoint et deux sous-officiers français également ” en bourgeois ” dont un pianiste, c’est-à-dire un opérateur radio sur un honnête et pacifique chalutier battant pavillon neutre (portugais).

A bord une autre équipe de passagers, cette fois en tenue, appartenait aux Services Spéciaux britanniques : un captain irlandais arborant sur le côté de son béret un joli petit plumet vert, un Français d’origine maltaise frais émoulu des torrides geôles – pontons tunisiennes (pour avoir été pris quelques mois trop tôt en train de poser des mines ventouses sous le ventre de bateaux italiens), un juif tunisien et un aventurier italien ; le tout avec la bénédiction du sympathique major Trevor Wilson représentant de l’I.S. sur les territoires français libérés en Afrique du Nord.

Le bâtiment en cause ” Le Prodigal ” avait bel et bien droit aux initiales ” H.M.S. ” (on His Majesty Service). Son pittoresque commandant (un lieutenant de vaisseau anglais de Tanger parlant espagnol, français et arabe) et l’équipage de ” pêcheurs ” étaient intégralement fournis par la royal navy.




1943-1944 : La réorganisation du Service T.R.

Dans notre bulletin n° 103 nous avons publié les commentaires du colonel Bernard sur l’organisation du T.R. Ancien en 1943 et 1944. Les postes créés en 1940 sous les appellations numériques correspondant en général aux indicatifs des régions militaires (T.R. 112, T.R. 113, T.R. 144, etc.) ont été remaniés et rebaptisés avec des noms de fleurs.

par Le colonel BERNARD qui précise ci-après cette transformation :

La réorganisation du Service a bien correspondu, comme vous le dites dans votre livre, à une articulation toute nouvelle du commandement de T.R. (création des trois inspections régionales) et à un nouveau déploiement des postes sur le terrain (postes plus nombreux et plus légers). Mais j’ignore si la réorganisation a été réalisée selon un schéma pré-établi par VERNEUIL dès le début de 1943 ou si elle a pris forme petit à petit au fur et à mesure que les événements rendaient désirables ou nécessaires les créations de nouveaux postes ou de nouveaux échelons de commandement.

De toute façon, s’il y a eu pré-établissement d’un nouvel organigramme dès février 1943, les exigences de la vie clandestine ne permettaient qu’une réalisation très progressive d’un projet qui comportait

– des recrutements de personnels de toutes natures,

– des recherches de locaux discrets,

– la mise en place de nouveaux réseaux radio.

Voici à mon avis (mais je peux me tromper) comment on peut reconstituer la naissance du réseau « Fleurs »

PREMIÈRE PÉRIODE : FÉVRIER 1943.

Les trois premiers postes dotés d’indicatifs « Fleurs » sont Toulouse (Rose), Nice (Bleuet) et Marseille (Glaïeul).

La création de Rose était la suite directe du désastre subi par T.R. 117 il avait fallu reconstituer complètement le poste. La création de Bleuet était devenue désirable.

a) en raison du danger imminent d’arrestation de CHOTARD (chef du poste T.R. de Nice),

b) en raison du découpage de l’ancien secteur de T.R. 115 en deux zones d’occupation (allemande et italienne) où les objectifs du Service étaient très dissemblables et exigeaient des méthodes de travail très différentes.

La transformation de T.R. 115 en Glaïeul résultait directement de la création de Bleuet.

Le personnel de Rose a été désigné le 4 février et a commencé à travailler quelques jours plus tard.

Bleuet est créé vers le 15 février et s’installe le 20.

Glaïeul est déjà en place et au travail quand on lui donne son nom nouveau.

Il y a lieu de remarquer que les indicatifs des postes ont été choisis en fonction de l’initiale du nom du chef de poste : Rose = ROGER ; Bleuet = BERNARD ; Glaïeul = GUIRAUD (alias Georges-Henri).

SECONDE PÉRIODE.- MARS 1943.

Il devient nécessaire de mettre en place un échelon de commandement qui coiffera les postes du Midi.

Il faut, en effet coordonner les filières terrestres et maritimes vers l’Afrique du Nord. Or, les filières pyrénéennes sont sur le territoire de Rose, les équipes (anciens et jeunes) qui préparent les opérations ” tube ” grâce à leurs liaisons radio avec Alger sont sur le territoire de Glaïeul, alors que les débarquements se font sur le territoire de Bleuet, dont la zone d’action va de Bandol à l’Italie mais qui ne peut préparer les opérations puisqu’il n’est pas encore doté de radio.

De plus, le T.R. Ancien ayant reçu l’ordre d’Alger d’aider le démarrage du T.R. Jeunes, il vaut mieux, pour la sécurité de ce dernier, que les contacts entre jeunes et anciens ne se situent pas à l’échelon de Glaïeul, poste de recherche dont le personnel, en piste depuis longtemps, risque d’être en partie brûlé.

VERNEUIL crée donc la première « inspection régionale » qui est, tout naturellement confiée au plus ancien officier C.E. de la zone, c’est-à-dire GUIRAUD.

Cette mutation du chef de poste de Glaïeul, survenant très peu de temps après le choix de ce nouveau nom pour l’ex T.R. 115 fait ressortir l’inconvénient de baptiser les postes en se basant sur l’initiale du chef de poste.

Il est plus rationnel de donner des indicatifs rappelant les zones d’action ou les villes d’implantation des éléments à baptiser.

L’inspection Sud s’appellera donc Soleil, de même que la direction sera Dahlia et l’inspection Centre : Camélia.

C’est la règle qui sera désormais appliquée pour tous les éléments du réseau.

TROISIÈME PÉRIODE : AVRIL-MAI 1943

J’ignore s’il y eut des créations de postes pendant cette période. Il n’y en eut pas dans le Midi mais il est possible que quelques créations aient eu lieu en zone Nord. Je pense, en particulier, que Proton ex T.R. 117, en sommeil depuis le début de février, a peut-être organisé vers cette époque d’avril-mai, le poste du Mans qui, s’occupant de l’Ouest, eut pour indicatif Oeillet.

S’il y eut des créations de postes à cette époque, elles ne furent pas provoquées par la nécessité de refondre des postes décimés. Les arrestations sont au nombre de 3 en avril et 4 en mai, réparties sur 5 postes.

QUATRIÈME PÉRIODE: APRÈS JUIN 1943

L’effroyable mois de juin se solde par 36 arrestations : 3 à la direction, 2 au groupe Morhange, 1 à T.R. 114, 2 à Glaïeul, 2 à Rose, et 26 à T.R 113.

Il entraîne une refonte totale du Service. Le réseau « Fleurs » prend partout la suite de T.R. Tous les postes du nouveau réseau portent des noms rappelant leur zone d’action ou leur lieu d’implantation.

A Lille DENHAENE dirige le poste du Nord = Narcisse. A Nancy, GALMICHE puis FLOUQUET, commandent le poste de l’Est = Eglantine. On trouve Violette à Vichy, Lys à Lyon, Bégonia à Bourg-en-Bresse, Pervenche à Périgueux, Mauve à Modane, Cyclamen à Châteauroux, Pivoine, Pavot, Primevère, Pensée à Paris (1)

La seule exception apparente est un poste « Souci » installé à Lyon, mais c’est un poste qui a une mission particulière en Suisse.

Si j’ai tenu à préciser l’évolution structurale du Service dès février 1943 c’est qu’il me paraît important de montrer que cette évolution n’a pas eu un caractère uniquement défensif.

Si la création de Rose a bien été provoquée par la destruction de T.R. 117, les créations de Bleuet, de Glaïeul, de Soleil ont pour but de mieux adapter le réseau à sa mission et de favoriser son développement futur.

La création des inspections, la multiplication des postes assurent, certes de meilleurs cloisonnements dans le réseau mais elles assurent aussi et surtout un maillage plus serré du territoire et la possibilité de travailler efficacement même en cas de rupture des routes et des voies ferrées. On le verra au moment de la Libération.

(1) Nous rappelons qu’un poste TR jeunes (GEDEON) fonctionne à Paris sous les ordres de Gilbert GETTEN depuis janvier 1943 avec pour mission de « drainer » les renseignements vers l’Espagne et Alger (N.D.L.R.).




Generaux GEORGES et DUVAL ont rejoint ALGER par les ” moyens ” du SSM/TR

Nous pensons que tous nos camarades liront avec plaisir ces lignes consacrées à deux grands chefs de l’Armée et à la collaboration de nos camarades Michel THORAVAL et HERMANN, les héroîques “exécutants” de cette opération clandestine. Le TR. avait reçu la charge de ramener à ALGER le Général GEORGES qui était demandé par le Général GIRAUD et par CHURCHILL.Le Commandant PAILLOLE, Chef du Service, nous avait confié cette mission qui devait s’effectuer par un “pick-up” à réaliser par les Britanniques. Pour plus de sécurité, nous choisîmes un terrain déjà utilisé et situé sur le Causse-Méjean, entre Floirac et Ste – Enimie. Les contacts furent pris par “von KLÜCK”, JOHANNES et HERRMANN avec le Général GEORGES qui emmenait avec lui le Colonel DUVAL, son collaborateur. Malgré toutes nos précautions, ce fut une opération que nous eûmes beaucoup de mal à réaliser, par suite de difficultés techniques, les Anglais nous firent attendre sur le terrain près d’une semaine tandis que le Général GEORGES et le Colonel DUVAL étalent hébergés à Roquefort à l’Hôtel Casino après avoir été expulsés comme “suspects” d’un hôtel de Balsiège (près de Mende). Nous attendions, comme d’habitude, le message de la B.B.C. et, pour plus de facilités, nous descendîmes tous dans les environs du lieu d’opération. Le Général GEORGES et le Colonel DUVAL étaient le plus souvent escortés par “von KLÜCK” et JOHANNES; quant au “groupe d’action” composé de HERRMANN, SIMONIN et MICHEL il couchait dans les voitures; deux gendarmes observaient et gardaient le terrain. A la première tentative l’avion devait se perdre (c’était le 16 Mai 1943). A la deuxième, un moteur flancha et nous désespérions d’arriver à nos buts pendant cette période de lune. Le Général GEORGES, impatient, rédigea un message à CHURCHILL exposant “vigoureusement” la situation critique de l’équipe. HERRMANN chiffra (après en avoir arrondi les angles) et SIMONIN transmit. 24 heures après, l’heure du départ sonna enfin. Nous avions tous pris position dans les environs du terrain qui fut balisé avec soin, comme d’habitude.

Nous étions une dizaine de passagers mais le temps passait et le bruit sympathique des moteurs ne se percevait toujours pas. Pourtant peu de temps avant le lever du jour, l`avion, un bi-moteur, se présenta. le Général GEORGES nous donna à ce moment-là l’exemple du calme et de l’obéissance. Il prit en main les passagers et dégagea ainsi les opérateurs de tout souci.L’atterrissage se passa parfaitement. Une équipe TR-Jeune débarqua, avec 16 valises : l’explication du retard nous fut donnée par le pilote, le group captain FIELDEN, pilote du Roi. Il ne connaissait pas le terrain et quoi qu’ayant pris avec lui le navigateur de PIKARD, qui avait fait la précédente opération pour le TR., il n’était arrivé à faire le point qu’en descendant jusqu’à la Méditerranée.

Le décollage se passa très bien; LAPRUNE et MICHEL ayant terminé leur mission, regagnaient aussi ALGER avec un volumineux courrier du TR. C’était le 18 Mai 1943. Quelques instants après avoir quitté le sol, le pilote fit appeler MICHEL dans la cabine et lui expliqua que la nuit étant très avancée, il fallait envisager de se diriger soit vers GIBRALTAR, soit sur ALGER. Malheureusement il restait peu d’essence et le risque était gros. Nous savions qu’aussitôt au-dessus de la Méditerranée, nous pourrions appeler par radio GIBRALTAR et ALGER et les alerter. Que faire ?

Nous décidions de ne pas mettre les passagers au courant. Mais c’était sans compter avec la vieille expérience du Général GEORGES qui fit appeler MICHEL et lui demanda pourquoi le cap était au Sud.

Heureusement, si nous n’avions pas le confort des avions de ligne, on nous avait préparé quelques boissons chaudes et un peu de whisky ! des appels radio furent entendu d’ALGER, mais GIBRALTAR ne répondit pas.

Le voyage fut sans histoire, mais non sans inquiétude : l’atterrissage eut lieu à BLIDA. Là, nous aperçûmes qu’il ne restait plus qu’environ une dizaine de litres d’essence !

Un Officier supérieur anglais attendait le Général GEORGES et le Colonel DUVAL. Quelques secondes après, une voiture de la Direction de la Sécurité Militaire nous amenait à ALGER où le Commandant PAILLOLE, notre Patron, nous accueillait. L’avion ayant refait son plein d’essence repartit pour l’Angleterre via Gibraltar. Pendant ce temps, demeurés sur la terre de France, JANSEN, “von KLÜCK”, HERRMANN et SIMONIN avaient entassé dans trois voitures l’équipe TR. débarquée et les innombrables valises. Au décollage, l’avion ayant gardé par mégarde ses phares allumés jusqu’à une hauteur de 500 mètres environ, on pouvait redouter le pire.




1945 : L’URSS récupère les archives secrètes des Français

Par Paul Paillole

Dans la rafale d’événements qui nous viennent de l’Est s’est trouvée l’annonce de la découverte d’un monceau d’archives en tous genres, saisies par les Allemands pendant l’occupation et récupérées pour l’essentiel par les Soviets en juillet 1945 en Tchécoslovaquie.

Dans le lot figureraient ” les archives secrètes de l’ex-2ème Bureau d’avant-guerre “. C’est du moins ce qu’affirme un responsable des archives nationales soviétiques, en laissant entendre que leur restitution à la France pourrait être ” négociée “…A quel prix et au profit de qui ? Beau sujet d’actualité pour les medias en quête de sensationnel.

Déjà les imaginations vagabondent ; on relance le wagon de la Charité-sur-Loire saisi par la Wehrmacht en juin 1940, on croit savoir qu’une péniche (coulée ou pas coulée) sur la Seine renfermait des tonnes de documents finalement récupérés par les nazis, j’en passe…

Voici donc la VÉRITÉ en ce qui concerne les archives de ” l’ex-2ème Bureau “(1). Je laisse aux autres administrations de l’État le soin d’éclairer l’HISTOIRE sur le sort qui fut réservé en juin 1940 à leurs propres archives. Je pense qu’elles éprouveront quelque embarras si j’en crois les témoignages des Chefs de l’Abwehr (et notamment du Colonel Reile) abasourdis, voire embarrassés par l’abondance et la richesse de leur moisson dans les multiples locaux abandonnés en catastrophe.

L’ODYSSEE DES ARCHIVES DU 2ème BUREAU (S.R.-S.C.R.)

La majeure partie des archives centrales de nos Services Spéciaux militaires a été transférée plusieurs jours avant la mobilisation de 1939 dans le P.C. de guerre du 5èmè Bureau (nouvelle appellation du 2ème Bureau (S.R.- S.C.R.) ) au Château Pereire près de la Ferté sous Jouarre. Sont restées à Paris, 2 bis, avenue de Tourville, les quelques archives indispensables aux Chefs de nos Services (Rivet, Schlesser et Perruche) pour la bonne exécution de leurs missions de commandement et de liaisons (2). Dès les premiers jours de juin, toutes ces archives sont mises en caisses et transférées le 10 juin 1940 à Montrichard (Loir-et-Cher). Elles sont immédiatement remises en service par les soins du Capitaine Garnier, chef des archives, dans un établissement secondaire réquisitionné au profit du 5ème Bureau. Le 16 juin 1940, devant la foudroyante avance de la Wehrmacht, les archives, environ 35 tonnes, sont littéralement bourrées dans cinq camions neufs que nous avons pu saisir à l’esbroufe dans un dépôt voisin du train des équipages à l’abandon. Alors, commence pour ces camions surchargés, placés je ne sais trop pourquoi sous ma responsabilité, un invraisemblable périple. Le sauve-qui-peut ” est général.

Une panique indescriptible s’est emparée de tout un peuple. La hiérarchie militaire, effondrée, se disperse aux quatre vents. On cherche en vain des ordres, des responsables, des chefs. Le 18 juin nous faisons escale au camp de la Courtine (près d’Ussel). Je n’ai pas entendu le Général de Gaulle : seul compte le sauvetage de mon convoi. Le 19 juin, je l’expédie plus au sud au Château de Brax, près de Toulouse où il arrive le 20 juin en compagnie d’une partie du personnel de notre Service Central (3) sous les ordres du Colonel Malraison, l’adjoint du Colonel Rivet.

Sur mes instructions, le Capitaine Garnier procède à la destruction par le feu de dossiers généraux d’un intérêt secondaire. Quatre à cinq tonnes d’archives partent ainsi en fumée tandis qu’à Bon Encontre, près d’Agen, Rivet, d’Ales, Navarre et moi-même mettons au point les modalités de la poursuite de notre lutte contre l’envahisseur.

Plusieurs tentatives de Rivet sont vaines pour trouver un marin responsable, capable de décider du transfert de nos archives en A.F.N. Il faut pourtant, coûte que coûte, qu’elles échappent à l’ennemi.

Grâce à l’un de nos officiers de réserve, les patrons de la Société de Fromages de Roquefort nous offrent l’hospitalité de leurs caves.

Le 30 juin 1940, Garnier et quelques archivistes conduisent nos trésors allégés dans cette cache où ils vont rester jusqu’en septembre.

Entre-temps, j’ai installé le P.C. de notre organisation clandestine de C.E. (T.R.) à Marseille, Villa Éole, boulevard de la Plage.

Rivet et d’Ales, à Royat, ont enfin mis sur pied le Service des Menées antinationales (B.M.A.) qui dans sa lutte contre l’occupant doit pouvoir disposer de nos archives. Elles seront camouflées Villa Éole.

A peine installées, éclatent les 22,23 et 24 octobre 1940 les nouvelles stupéfiantes des rencontres de Hitler avec Laval, Franco et Pétain ainsi que de la ” politique de collaboration “.

Les conséquences en seront graves. Le conflit peut à tout moment prendre une nouvelle tournure, s’étendre. Une menace sur la zone sud n’est pas exclue. De nouveau il faut assurer la sauvegarde de nos archives. Le transport en A.F.N. où elles pourront être exploitées s’impose.

Le 26 octobre 1940, je rencontre à Toulon le Chef du 2ème Bureau de la Région Maritime, le Capitaine de Corvette Nomura. Je lui fais part de nos préoccupations et de notre désir. Compréhensif, il m’invite à transférer immédiatement nos 30 tonnes à Toulon. Il les mettra en sûreté dans l’attente de l’autorisation de l’E.M. de la Marine pour les embarquer dans un bâtiment de guerre à destination d’Alger.

Le 28 octobre, je suis à Vichy. Notre patron, le Colonel Rivet se charge de la démarche auprès des marins.

Refus de l’Amiral Darlan.

Entre-temps, les archives ont été discrètement entreposées à Toulon dans deux cellules de la prison maritime. Elles vont y rester près de trois mois, contraignant nos Services à se priver de cette documentation. Cette situation ne peut se prolonger. Au surplus, Nomura a le besoin urgent de récupérer ses locaux.

En janvier 1941, pour la nième fois, nos 30 tonnes sont rechargées sur camions et retournent à Marseille au P.C. Cambronne.

Je suis furieux, angoissé.

DU REFUS DE DARLAN AU DRAME DE LEDENON

En accord avec Rivet, je décide de procéder à trois mesures d’allègement et de sauvegarde.Elles vont s’échelonner de janvier 1941 à octobre 1942.

1° Destruction par le feu d’environ dix tonnes de dossiers généraux et particuliers sans grande valeur historique.

2° Sélection des dossiers et fiches spéciales présentant un caractère d’actualité susceptibles d’être dangereusement exploités par l’ennemi en cas de saisie.

Cette documentation précieuse sera enfouie dans la propriété (4) d’un H.C. de mes Services, le Professeur Maurice Recordier. Elle sera récupérée à la Libération et versée dans les archives de la D.G.S.S. à la disposition des liquidateurs Nationaux de nos réseaux clandestins.

3° Les quelques 20 tonnes d’archives et fiches restantes seront, à tout instant, prêtes à être évacuées sur l’A.F.N. si une opportunité de transfert s’offre à nous ou camouflées, voire enterrées dans la propriété rurale d’une autre H.C. de mes Services, le Colonel d’aviation Favre de Thierrens, à Lèdenon près de Nîmes. En mars 1941, cette ultime solution est prête. Un logement y est prévu pour notre Chef archiviste le Capitaine Garnier et pour son son adjoint le gendarme Saint-Jean.

En septembre 1942, se concrétise la préparation de l’Opération Torch (débarquement allié en A.F.N.). Elle aura des répercussions en France. Une fois de plus la menace pèse sur les archives.

Le 5 octobre 1942, je provoque une nouvelle démarche de Rivet auprès de Darlan. Elle a lieu le 6 à 17 heures.

” Pourquoi courir le risque de livrer aux Anglais ce que vous cachez aux Allemands “… Le refus de l’Amiral est sans appel ! Lourde est sa responsabilité.

Le 7 octobre 1942, je donne l’ordre à Marseille de remettre en caisses (il y en a plus de 200) dossiers et fichiers et de les évacuer soit sur Eyguières, soit sur Lèdenon.

Le 15 octobre 1942, tout est terminé.

Le 11 novembre 1942 la Wehrmacht envahit la zone Sud. Un détachement s’installe à Lèdenon.

Inquiet, Garnier demande au Maire du village dont les sentiments patriotiques paraissent sûrs, d’éviter l’occupation de la maison de Favre de Thierrens. Il prétexte le dépôt d’archives d’un ministère parisien dont il a la garde.

Imprudence, bavardage ?

Quoiqu’il en soit Garnier et Saint-Jean enfouissent toutes les caisses dans les jardins de la propriété.

Au début de 1943, Saint-Jean est rappelé par son Arme dans une brigade de Gendarmerie.

Le 15 juin 1943 en rentrant d’une tournée, il rencontre à Beaucaire l’Adjudant-chef D…, l’un de ses camarades du S.R. au 2 bis. Il le sait associé aux recherches clandestines de nos réseaux. Le contact est chaleureux. D… demande des nouvelles des uns et des autres et en particulier de Garnier. Sans méfiance, Saint-Jean donne l’adresse de Lèdenon.

Le 16 juin 1943, il est arrêté en gare de Nîmes.

Atterré, il reconnaît son ami au milieu des policiers allemands.

Arrêté depuis trois mois, D… avait accepté – à quel prix ? de travailler pour l’ennemi.

Le 20 juin 1943 à 6 heures, un commando du S.D. dirigé par le Chef de la Gestapo de Vichy, Geisler, envahit la propriété de Favre de Thierrens, passe les menottes à Garnier, fouille de fond en comble l’immeuble, les caves, retourne les sols.

A 17 heures l’opération est terminée.

Les caisses d’archives sont embarquées dans quatre camions et le convoi encadré par les policiers nazis retourne à Vichy où Garnier est enfermé dans une cave du local de la Gestapo.

Un mois plus tard, sous bonne escorte, l’ensemble est transféré dans une résidence confortable, voisine du camp d’instruction S.S. de Herdischko dans les Sudètes à quelques trente kilomètres au nord de Prague.

Garnier y est bien traité. Dans le courant du mois d’août 1943, il sera invité par du personnel de l’Abwehr parlant correctement le français à assister à l’ouverture et à l’inventaire des caisses. Ce travail durera cinq à six semaines sans que les Allemands paraissent trouver dans ces archives matière à exploitation.

A plusieurs reprises des officiers de la Wehrmacht interrogeront notre chef archiviste sur la signification de fiches et la constitution de certains dossiers. Ils s’étonneront de l’absence de documents postérieurs à 1939 et du piteux état de l’ensemble.

Finalement, les caisses refermées sommairement restèrent enfermées dans plusieurs pièces ; Garnier, demeurant sur place sous la garde de S.S.

A quelques kilomètres de là, le Gendarme Saint-Jean, déporté sans ménagement, connaissait dans le camp d’extermination de Kradischko l’existence humiliante de détenus rongés par la vermine et voués pour la plupart à la mort d’épuisement ou sous les coups de Kapos de droit commun et de jeunes S.S. sadiques.

La délivrance allait intervenir avec la déroute de la Wehrmacht et la dispersion subite des S.S., Saint-Jean réconforté par les Tchèques rentrait en France en juin 1945.

Garnier libéré par l’Armée Soviétique, voyait avec tristesse celle-ci mettre la main sur nos archives.

Dès juillet 1945 commençaient les démarches auprès des autorités moscovites pour récupérer notre bien.

De Prague, où il était Ambassadeur de France, Maurice Dejean, notre ancien collaborateur, avait tout tenté pour éviter le transfert à Moscou. Plus tard, dans la capitale soviétique où il exerçait à partir de 1955 ces hautes fonctions diplomatiques, Dejean renouvelait en vain démarches sur démarches.

Un silence épais succéda aux réponses courtoises feignant toujours l’ignorance.

Quarante-cinq ans après, ce silence est rompu.

Le 21 novembre 1991, j’ai souligné au Ministre de la Défense l’importance qui s’attache pour la France à la récupération de ces archives historiques.

Le 2 décembre 1991, sa réponse permet de penser que des démarches sont entreprises pour leur rapatriement.

Affaire à suivre !

N.B. – Sans que cette énumération soit exhaustive, les archives d’avant-guerre du 2ème Bureau (S.R.-S.C.R.) à récupérer à Moscou devaient être constituées par :

– un fichier d’environ 15 à 20 000 noms de personnes ayant intéressé à des titres divers la Défense Nationale ou la Sécurité de la France..

– des dossiers individuels relatifs à certaines de ces personnes – notamment celles ayant fait l’objet d’une attention particulière en raison de leurs activités d’espionnage, de sabotage ou de propagande avant 1940.

– des dossiers généraux traitant des questions de sûreté intérieure ou extérieure de l’État, ainsi que des questions diverses, telles que études de Services Spéciaux étrangers.

– des documents divers (publications françaises et étrangères) relatifs aux activités du 2ème Bureau (S.R.-S.C.R.) et des Services Spéciaux.

(1) J’ai exposé leur sort dans ” Services Spéciaux (1935-1945) “, Éditions R Laffont.

(2) Adjoint de Schlesser, je suis moi-même à Paris.

(3) Dont l’Adjudant-chef Taillandier, futur chef de l’héroïque Groupe Morhange. Le château de Brax a été réquisitionné par nos services dès le 16 juin 1940.




1944 : Les archives allemandes saisies à la Libération

La violente réaction du 8 octobre 1986 de notre Conseil d’Administration stigmatisant l’insinuation d’un ancien Directeur du S.D.E.C.E. selon laquelle les archives nazies saisies à la Libération n’auraient pas été exploitées, a suscité le plus vif intérêt aussi bien dans l’opinion et la presse qu’au sein de notre Association. De nombreux camarades nous ont fait part de leur approbation dans des termes qui nous prouvent l’extrême sensibilité de l’amicale au respect de la VÉRITÉ et de l’Honneur de notre Maison. Nous donnons, ci-après, quelques extraits caractéristiques de nombreux messages qui nous ont été adressés

De Léon HUSSER le solide germanisant et technicien de nos anciens Services, pilier de nos réseaux de renseignements et de contre-espionnage « .. J’attendais le prochain Bulletin pour connaître vos réactions aux propos de M. de MARENCHES. L’ EXPRESS ». Reçu ce samedi 11 octobre comble mon coeur de fierté d’avoir ouvré à vos côtés »…

Du Colonel BERNARD le précieux collaborateur de notre T.R. ancien et de son chef le Colonel VERNEUIL « … J’avais adressé à M. de MARENCHES la lettre dont je vous joins copie. Cette missive était assez courtoise dans sa forme et précise dans son fond pour mériter, au minimum, un accusé de réception. Tel n’a pas été l’avis de ce monsieur que je considère, désormais, comme dénué de la plus élémentaire éducation. « Si vous estimez que mon texte peut servir au rétablissement de la VÉRITÉ j’en serais très heureux. Ce que vous déciderez sera parfait . Décidément cette sacrée vérité sort bien difficilement de son puits »…

 

Par le Colonel BERNARD

NOTE Concernant l’exploitation des archives allemandes saisies en 1944 par le Colonel BERNARD. A la Libération, la section des Services Spéciaux chargée de la chasse aux traîtres était confiée par le Colonel PAILLOLE, Directeur de la Sécurité Militaire, au Colonel LAFFONT, alias VERNEUIL.

Né le 7 juin 1897 à SENEUJOLS (Haute-Loire, à une douzaine de kilomètres au S.-S.-O. du PUY), Roger LAFFONT était entré à vingt-quatre ans au S.R. et y avait fait toute sa carrière. Avant 1939, sous le pseudo de « BERNARD », il avait dirigé l’antenne S.R. de FORBACH et s’y était distingué en pénétrant profondément le poste Abwehr de SARREBRUCK commandé par le Capitaine DERNBACH.

En 1940, le Capitaine LAFFONT se trouvait en poste à BELGRADE. Rentré en France après l’invasion de la YOUGOSLAVIE, il devint l’adjoint du Commandant PAILLOLE au Commandant du Contre-Espionnage clandestin (T.R.).

En janvier 1943, PAILLOLE établit le P.C. de son Service à ALGER et LAFFONT prit la tête du réseau T.R. laissé en France métropolitaine. Ayant servi dans ce réseau pendant toute la période clandestine, il ne m’appartient pas de porter un jugement sur son efficacité : je laisserai ce soin à l’ennemi.

Le 17 novembre 1943, l’Einsatzkommando III / I de la Gestapo de STRASBOURG envoyait, en effet, aux postes Gestapo d’Alsace, sous le n° L III – 3000 19/10/43 – G, une synthèse concernant les Services Spéciaux français.