Tchad : Mahamat Déby face au piège ethno-politique et militaire

En soutenant les Forces de soutien rapide (FSR) dans la guerre civile soudanaise, le président tchadien Mahamat Déby fragilise son pouvoir et ravive les tensions ethno-politiques qui façonnent l’histoire du pays. Alors que l’armée soudanaise arme des rebelles tchadiens pour déstabiliser son régime, Déby se retrouve confronté à une armée divisée et un socle ethnique affaibli. Une situation explosive qui pourrait faire basculer le Tchad dans une nouvelle guerre civile.

Dans la guerre civile du Soudan, qui, depuis avril 2023, oppose les Forces armées soudanaises (FAS) du général Abdel Fattah al-Burhan, aux Forces de soutien rapide (FSR), de Mohamed Hamdan Dagalo alias Hemeti,  le président tchadien Mahamat a pris le parti des FSR. Or, les FSR sont issues des Janjawid, milice tristement célèbre pour ses atrocités commises lors de la deuxième guerre du Darfour débutée en 2003 contre les Fur, les Massalit et les Zaghawa (voir à ce sujet mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours).

Or, ces trois ethnies transfrontalières sont ulcérées de voir que le président tchadien a décidé de soutenir ceux qui ont quasi-ethnocidé les leurs.  Résultat, les FAS arment actuellement des rebelles tchadiens dont l’objectif est la prise du pouvoir à Ndjamena, afin de priver les FSR de leur base arrière. Or, comme je l’ai écrit dans mon précédent communiqué, à la différence de son père, Mahamat Déby qui n’a ni ses capacités militaires, ni son envergure politique, se retrouve avec une armée profondément divisée et un pouvoir fragilisé face à des rebelles aguerris, équipés et soutenus par l’armée soudanaise. Un Mahamat Déby qui, de plus, ne pourra pas être sauvé par une intervention de la France puisqu’il a fait fermer ses bases militaires…Voilà pourquoi une grande fébrilité agite actuellement la classe politique tchadienne.

Le plus grave est que le choix de Mahamat Déby menace de faire voler en éclats l’alchimie ethnique et politique tchadienne avec le risque d’un retour à la terrible guerre civile qui a ravagé le pays avant la prise de pouvoir par Idriss Déby Itno. En plus de cela, Mahamat Déby s’est coupé d’une partie du socle militaire zaghawa qui faisait la force de son père.

Or, toute la vie politico-ethnique tchadienne dépend des rapports internes de longue durée, des alliances, des ruptures et des réconciliations plus ou moins éphémères des ethnies nordistes autour desquelles s’est écrite l’histoire du pays depuis l’indépendance. C’est autour d’elles que se sont faites toutes les guerres du Tchad depuis 1963. C’est de leurs relations que dépend le futur du pays, la majorité de la population n’étant que la spectatrice-victime de leurs déchirements et de leurs ambitions. Or, l’alignement du Tchad sur les FSR fait éclater au grand jour leurs divisions.

Il faut en effet bien avoir à l’esprit que les Zaghawa, les Toubou du Tibesti (les Teda), les Toubou de l’Ennedi-Oum Chalouba (les Daza-Gorane) et les Arabes du Ouadaï sont divisés en une multitude de clans et de sous-groupes régulièrement prêts à s’affronter. Ainsi, les Zaghawa du clan Bideyat, celui d’Idriss Déby Itno, n’ont cessé de se diviser. Pour mémoire, les frères Timan et Tom Erdibi, les propres neveux d’Idriss Déby Itno, furent en guerre contre lui. Mahamat Idriss Déby, l’un des fils d’Idriss Déby Itno est de mère gorane. Gorane est le nom arabe désignant les Toubou de l’Ennedi et d’Oum Chalouba dont la langue est le daza. Lui-même a épousé une Gorane. D’où la méfiance de certains Zaghawa qui considèrent qu’il n’est qu’en partie des leurs. Même si, par le passé, des alliances plus qu’étroites ont pu régulièrement associer Zaghawa et certains clans Gorane, les actuels évènements du Soudan font renaître les ferments de division, certains Zaghawa considérant ainsi que le soutien aux FSR pourrait être compris comme une rupture avec eux.

Autre point, n’oublions pas qu’Hinda, l’épouse d’Idriss Déby Itno, est une Arabe du Ouadaï et que, dans la guerre civile soudanaise, les Arabes penchent du côté des FSR.
Il est donc évident que le choix de Mahamat Déby de soutenir les FSR fait en réalité éclater la triple alliance ethno-clanique constituée par Idriss Déby , une alliance qui était le socle même de son pouvoir.

Dans ce contexte, les rebelles tchadiens qui combattent aujourd’hui aux côtés des FAS sont utilisés par ces dernières pour tenter de renverser le pouvoir à Ndjamena afin de priver les FSR de leur base arrière tchadienne. La manœuvre initiée par les FAS qui  est claire est mise en pratique depuis plusieurs mois : porter la guerre au Darfour, fief des FSR, après avoir brisé le siège d’El-Facher, afin de couper les routes d’approvisionnement de ces dernières depuis le Tchad. Une manœuvre en forme de mouvement tournant qui se précise encore davantage à la lumière des récents succès militaires des FAS.

Voilà pourquoi, en plus d’avoir peut-être misé sur le « mauvais cheval », Mahamat Déby pourrait avoir soulevé le couvercle de la cocotte-minute ethno-politique tchadienne…
 

[1] Pour l’évolution de la situation militaire au Soudan on se reportera à l’article de Leslie Varenne intitulé « Guerre au Soudan, le Tchad pris à son propre piège » publié dans Iveris et dans Mondafrique.

Bernard LUGAN
https://bernardlugan.blogspot.com/
20 février 2025




Energie : Un rapport explosif d’EDF amorce la fin des éoliennes et des panneaux solaires

Un rapport de l’Inspecteur Général pour la Sûreté Nucléaire et la Radioprotection d’EDF, publié début février 2025, met en lumière les risques économiques et techniques liés à l’intégration massive des énergies renouvelables intermittentes dans le mix énergétique français. Ce document, qui contredit le narratif d’une complémentarité fluide entre nucléaire et éolien, relance le débat sur l’avenir du système électrique national et suscite de vives réactions au sein des filières énergétiques et du monde politique.

C’est la publication début février 2024 par EDF d’un discret rapport de son Inspecteur Général pour la Sûreté Nucléaire et la Radioprotection (IGSNR) qui a mis le feu aux poudres et qui enflamme les réseaux sociaux.

Rédigé et publié par l’Amiral (2s) Jean Casabianca, ce rapport dénonce les risques techniques et économiques pour EDF de la complémentarité entre le nucléaire et les énergies intermittentes comme les éoliennes ou les panneaux solaires. Il précise page 13 :

« L’arrivée massive de nouvelles sources d’électricité renouvelables (EnR), à la fois intermittentes et prioritaires sur le réseau, a multiplié les variations de charge.

Elles ne sont pas sans risque sur la sûreté du système électrique (dont le black-out) ni sans contrainte sur le fonctionnement de nos installations. À long terme, elles remettent en cause le modèle économique. (…)

De souplesse de fonctionnement, la modulation s’est transformée en contrainte, le nucléaire devant faire face à la demande, seul ou avec l’hydraulique, sauf à se résoudre à employer des moyens thermiques et carbonés.

En outre, le suivi de charge a forcément un impact sur la machine, plus fréquemment sollicitée par des cyclages profonds. L’augmentation des fortuits n’est pas flagrante mais c’est dans la durée que les effets seront appréciés.

J’estime que la priorité donnée aux EnR, dans une complémentarité unilatérale nucléaire-EnR, conduit à des variations de puissance dont il serait d’autant plus opportun de se dispenser qu’elles ne sont jamais anodines sur la sûreté, notamment la maîtrise de la réactivité, et sur la maintenabilité, la longévité et le coût d’exploitation de nos installations. »

Mauvais vent pour les lobbystes de l’éolien

Le passage de ce rapport d’Edf a une portée de la plus grande importance car il remet clairement en cause ce qui est vendu depuis des années par les lobbystes des éoliennes à savoir la complémentarité nucléaire – énergies intermittentes (éoliennes panneaux solaires) traduction technique du « en même temps » énergétique du Président Emmanuel Macron.

En effet la commission d’enquête sur les énergies renouvelable dirigé en 2019 par Julien Aubert avait largement remis en question le fait que les éoliennes avaient une utilité pour la décarbonation. A l’époque Jean François Carenco Président de la Commission de régulation de l’Energie s’était exprimé à ce sujet :

« Il ne faut pas s’y tromper : grâce au mix énergétique décarboné, composé principalement de nucléaire et d’hydroélectrique, nous bénéficions déjà de faibles émissions de CO2 et d’un prix de l’électricité maîtrisé. Vous le savez, nous émettons six fois moins de CO2 que nos voisins allemands (…). Le développement des énergies renouvelables (EnR) électriques ne sert donc pas à réduire les émissions de CO2. Il faut le rappeler, car on dit beaucoup de mensonges à ce sujet, et encore récemment à la télévision. Cela n’a aucun sens et procède d’une forme de populisme idéologique »

A l’issu de ce rapport de l’Assemblée nationale et de la relance du nucléaire amorcé par Emmanuel Macron en octobre 2021 lors du plan d’investissement 2030, puis à Belfort en février 2022, les exploitants d’éoliennes devaient revoir leurs éléments de langages commerciaux pour justifier les installations. Désormais les éoliennes allaient servir non plus pour la décarbonation mais pour compenser le retard pris dans la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Il fallait donc un mix électrique basé sur le nucléaire complété avec des éoliennes ou des panneaux solaires en attendant la construction des nouveaux réacteurs.

Narratif contre réalité

Le narratif de certains de la filière nucléaire alliés à la filière éolienne allait donc promouvoir le complément nucléaire-éolienne comme l’avenir radieux d’un mix électrique décarboné français. C’était sans compter que la réalité de la science et des faits l’emporte toujours sur l’idéologie.

Face à cette nouvelle propagande de nombreux spécialistes s’inquiétaient des dangers de moduler le nucléaire avec les énergies intermittentes au moment où le vent ne souffle pas et où le soleil ne brille pas. Beaucoup d’ingénieurs alertaient sur les risques que couraient nos centrales nucléaires à adapter leur production en fonction de l’activité des énergies intermittentes du fait de la priorité de réseau dont elles bénéficient dans le marché européen de l’électricité.

Le 1er décembre dernier avec d’anciens dirigeants de la filière énergétique nous avons alerté le premier Ministre dans une tribune choc sur le danger d’une politique énergétique du « en même temps » nucléaire énergie intermittente qui déstabilisait notre économie tout entière. Parmi ces alertes nous avions dénoncé :

« L’illusion répandue par les rapports officiels de RTE que les énergies renouvelables intermittentes et l’énergie nucléaire seraient complémentaires »

Ce texte devait inspirer une autre tribune publiée le 13 janvier 2025 dans le Point par 80 parlementaires qui demandaient justement une pause dans cette politique des énergies intermittentes en France.

La prise de conscience des responsables

En ce début d’année 2025, ce mouvement de fonds exprimé par d’anciens dirigeants d’entreprises énergétiques et des parlementaires a suscité une véritable panique de la filière éolienne au point que leur lobbyste ont fini par publier une tribune désespérée dans le Monde le 30 janvier 2025 titré « Il est temps de remiser l’opposition entre nucléaire et renouvelables … »militant à nouveau sur la nécessité de ce complément nucléaire-éolienne.

Finalement début février 2025, ce rapport de l’Inspecteur Général pour la Sûreté Nucléaire et la Radioprotection, amiral et ancien de l’école naval, venait mettre un terme à ce débat de la plus haute importance en soulignant les dangers pour l’économie du nucléaire et pour la fiabilité technique des centrales nucléaire française de les mixer avec des énergies intermittentes.

Dans cette guerre mondiale de l’énergie qui s’exprime en France par ce lobbying pro éolien et pro photovoltaïque contraire aux intérêts énergétiques de la France, ce discret rapport met un véritable coup de grâce à la politique des énergies intermittente en France.  Même si les acteurs de l’énergie ou de la vie politique n’ont pas encore parfaitement mesuré la portée de ce rapport technique historique, il est incontestable que ce dernier fera date et ne pourra absolument pas être enterré ou minimisé par le PDG d’EDF Luc Rémont.

En tout cas nous y veillerons !


Fabien BOUGLE
*
Expert en politique énergétique
le Spectacle du monde
14 février 2025

*Auteur de Guerre de l’Énergie, Edition du Rocher, mention d’honneur prix Turgot 2024.




Décès d’Igor Rostislavovitch Iline, dernier témoin du régiment « Normandie-Niémen »

Le ministre des Armées a rendu hommage à Igor Rostislavovitch Iline, dernier survivant du régiment de chasse « Normandie-Niémen », décédé le 1er février 2025. Engagé aux côtés des pilotes français sur le front de l’Est entre 1944 et 1945, il avait consacré sa carrière à la maintenance et à la réparation des appareils de combat. Décoré de la Légion d’honneur en 2012, il incarnait un pan unique de l’histoire militaire franco-russe, illustrant l’engagement de la France Libre aux côtés de l’Armée rouge durant la Seconde Guerre mondiale.

Le ministre des armées, Monsieur Sébastien LECORNU, salue la mémoire de Monsieur Igor Rostislavovitch Iline, dernier survivant du régiment « Normandie Niémen », décédé le 1er février 2025.

  • Diplômé en 1943 de l’école de formation des mécaniciens de l’aéronautique militaire, Igor Rostislavovitch Iline fut affecté d’avril 1944 à juin 1945 à la deuxième escadrille du Régiment « Normandie ».
  • Il participe aux campagnes de libération des villes de Smolensk, de la Biélorussie et de la Lituanie. Il termine son service dans l’Armée rouge en 1945.

 Il a préparé et réparé les avions de chasse des pilotes français combattant sur le front de l’Est de 1944 à 1945. Igor Rostislavovitch Iline avait été décoré des insignes de chevalier de la Légion d’honneur en octobre 2012 pour sa bravoure aux côtés des pilotes français du régiment de chasse « Normandie Niémen ». Le groupe de chasse Numéro 3 « Normandie » (GC 3) fut constitué en 1942 au Levant, suite à l’invasion de l’Union soviétique par les troupes allemandes. Le général de Gaulle, soucieux de voir la France Libre représentée sur tous les fronts, envoie le GC 3 combattre aux côtés de l’Armée rouge sur le front de l’Est. Le groupe de chasse devient le régiment de chasse « Normandie Niémen » en 1944. Il s’agit d’un cas presque unique d’une force occidentale à s’être battue aux côtés de l’Armée rouge, sur le sol soviétique durant la Seconde Guerre mondiale.

Centre média du ministère des Armées




Brève histoire des Renseignements généraux (RG)

Les Renseignements généraux (RG) ont joué un rôle clé dans la collecte et l’analyse d’informations sur la vie institutionnelle, économique et sociale en France. Depuis leur origine sous Napoléon Ier jusqu’à leur intégration dans le renseignement territorial moderne, leur mission a évolué au gré des menaces et des enjeux de sécurité nationale. Retour sur l’histoire d’un service central à la fois discret et stratégique.

Avec pour lignes directrices la recherche de renseignement sur la vie institutionnelle, économique et sociale et les phénomènes susceptibles de porter atteinte à l’ordre public et à la sûreté générale, les Renseignements généraux ont vu leur périmètre d’action et leur organisation fluctuer au fil des temps.

La chute de la monarchie française en 1792 ouvre une période agitée, durant laquelle l’activité de police fait l’objet de nombreuses réorganisations. En février 1800, Bonaparte créé la Préfecture de police de Paris et sa division « Sûreté générale et police secrète », prémices du premier service organisé pour prendre en compte les activités de renseignement en France.  
En 1811, des « commissaires spéciaux [1] » sont attachés à la surveillance de l’opinion, des opérations de commerce, des mouvements des ports, des communications avec l’étranger, des associations politiques et religieuses.

Sous le Second Empire, Napoléon III édicte un décret qui place 30 commissaires spéciaux de police [2] sous la tutelle des préfets et du ministère de l’Intérieur. Outre la répression des infractions de droit commun, ils sont chargés du suivi de l’état de l’opinion publique. En 1861, de nouvelles directives viennent élargir leurs prérogatives, notamment en ce qui concerne la police des ressortissants étrangers et celle des ports et des frontières. Ces commissaires spéciaux constituent la première implantation territoriale durable de l’activité de renseignement.

La structuration progressive des RG

Confrontée aux mouvements anarchistes et aux attentats qu’elle ne parvient pas à endiguer seule, la police française commence à s’engager pleinement dans la coopération internationale, après l’assassinat de l’impératrice d’Autriche en 1898.

En 1907, une vaste réforme de l’organisation policière est engagée par Georges Clémenceau, alors Président du conseil et ministre de l’Intérieur. Ce dernier instaure des brigades régionales mobiles, plus connues sous le nom de « Brigades du Tigre », qui sont principalement chargées de lutter contre le crime organisé.  

En parallèle, il crée une autre brigade en charge de la police judiciaire et des renseignements généraux, placée au sein de la Sûreté générale. Le dispositif est complété, en 1911, par le nouveau service des renseignements généraux de police administrative qui a pour mission de prévenir les troubles à l’ordre public. 
Par ailleurs, le gouvernement encourage le développement à Paris d’un service de renseignement possédant des attributions similaires. Les Renseignements généraux de la préfecture de police (RGPP), ainsi que le service des renseignements généraux et des jeux, sont ainsi créés en 1913.

En avril 1937 sous le Front Populaire, le président du Conseil Léon Blum et le ministre de l’Intérieur Max Dormoy expérimentent une nouvelle Commission interministérielle du renseignement, réunie chaque semaine autour du président du Conseil, pour faciliter l’échange d’informations au plus haut niveau.

L’après-guerre impose de nouvelles missions

Dès novembre 1944, le Général de Gaulle restructure les services de renseignement et de contre-espionnage. Il crée la direction de la surveillance du territoire (DST) et confirme dans leurs missions les Renseignements généraux, placés au sein de la sûreté nationale. Le suivi de la vie politique, économique et sociale, ainsi que la surveillance des hippodromes et des établissements de jeux, leur sont confiés. 

L’appellation historique de « direction centrale des renseignements généraux » (DCRG) apparait en octobre 1968. Peu après, la DCRG intègre la nouvelle direction générale de la police nationale (DGPN) qui succède à la Sûreté nationale.

Au cours des années 70, les RG sont chargés de missions de recherche de renseignement concernant les phénomènes terroristes. Ils contribuent à l’identification des réseaux terroristes et notamment islamistes, en lien étroit avec la direction de la surveillance du territoire (DST) et les renseignements généraux de la préfecture de police (RGPP) à Paris.

Dans les années 90, les RG doivent également faire face aux phénomènes de violence urbaine, aux dérives sectaires ou au hooliganisme, qui ont une incidence sur la sécurité et l’ordre public. Ils s’intéressent aussi aux nouvelles formes de contestation sociale. Ils surveillent les groupements à risque ou les individus susceptibles de se livrer à des actions violentes, prônant des idéologies extrémistes, séparatistes (basques, corses), ou portant atteinte aux principes démocratiques. 
Le suivi de l’activité et du fonctionnement interne des partis politiques lui est retiré.
 

En dépit des activités et des cultures complémentaires des RG et de la DST, le contexte sécuritaire du début des années 2000 fait apparaître un besoin d’intensification de la coopération entre les services de renseignement du ministère de l’Intérieur. Une refonte des services de renseignement policier est décidée au plus haut niveau en 2007. La DCRG est alors supprimée par le décret n°2008-609 du 27 juin 2008.

Ses attributions sont en partie transférées à la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), qui deviendra l’actuelle DGSI en 2014. À l’inverse, ses missions relatives à la vie institutionnelle, économique et sociale, et aux phénomènes de violence urbaine susceptibles d’intéresser l’ordre public sont confiées à la sous-direction de l’information générale (SDIG) de la DGPN. Ce service forme l’ossature de l’actuel service central du renseignement territorial (SCRT), créé en 2014. Simultanément, l’activité de contrôle des établissements de jeux et de courses est définitivement transférée à la police judiciaire (DCPJ).

[1] Créés par décret impérial du 25 mars 1811
[2] Créés par décret du 22 février 1855

Source : DGSI




Priorité de la Défense américaine : Discours du Secrétaire à la Défense Pete Hegseth au Pentagone

Lors d’une conférence de presse tenue le 7 février 2025, le Secrétaire à la Défense des États-Unis, Pete Hegseth, a exposé sa vision pour le Département de la Défense sous la nouvelle administration. Insistant sur un retour aux fondamentaux militaires, il a défini trois priorités majeures : restaurer l’éthique du guerrier, reconstruire l’armée américaine et rétablir la dissuasion. Il a également affirmé son engagement envers une gestion plus efficace des ressources du Pentagone, une sécurisation renforcée de la frontière sud et une approche plus pragmatique des alliances internationales.

Discours de Pete HEGSETH, Secrétaire à la Défense américaine :

« C’est un honneur absolu de me tenir devant vous tous. Je suis reconnaissant. Je suis honoré. Les deux semaines que j’ai passées ici sont un rappel solennel, et à quelques reprises, un rappel solennel de la nature très particulière de ce que fait le ministère de la Défense.

Et je l’ai vu au bureau de l’Office of Secretary of Defense (OSD). Je l’ai vu chez tant de personnes avec lesquelles j’ai eu la chance d’interagir, et chez tant d’autres avec lesquelles je veux interagir, l’engagement solennel envers le devoir constitutionnel que nous avons tous, de protéger et de défendre la Constitution.

Qu’une administration parte et qu’une autre arrive, et cela peut entraîner de nombreux changements en fonction des élections qui ont eu lieu, des nouveaux dirigeants, des nouveaux décrets, des nouvelles directives et des ordres légaux.

Mais ce qui m’a le plus impressionné, c’est le professionnalisme des hommes et des femmes de tous les rangs qui reconnaissent pour qui nous travaillons, c’est-à-dire le peuple américain, pour la défense de notre nation.

Je tiens donc à remercier tous ceux qui nous regardent, tous ceux qui sont ici pour avoir participé à cette transition, ce que j’ai certainement beaucoup reconnu.

J’ai passé une grande partie de ma carrière dans l’armée, ce qui n’est pas autant que beaucoup d’entre vous qui essaient de fuir le mât du drapeau le plus vite possible.

Il semble maintenant que je sois le mât du drapeau.

Je reconnais et je comprends cette distinction. Mais ce que je veux apporter à ce travail et à l’éthique, c’est une reconnaissance des hommes et des femmes qui font le sale boulot toute la journée pour nous ici, partout dans le monde.

Chaque fois que je parle, ou chaque fois que j’étais dans ma vie professionnelle, j’étais à la télévision, j’étais sous les projecteurs et les projecteurs et les gens me regardaient, je prenais toujours du recul pendant une seconde pour penser aux hommes et aux femmes avec qui j’ai servi.

Les gens qui ne seront jamais présentés, qui n’auront jamais de micro. On ne les entendra jamais. Les hommes et les femmes avec qui vous savez que vous avez servi et qui sont les meilleurs des meilleurs de notre pays. C’est à eux que nous servons.

J’étais au téléphone tard dans la nuit hier soir, parlant aux familles de deux soldats qui ont eu un accident à Fort Stewart. J’étais au téléphone avec les trois, les familles des trois qui ont été perdus dans l’UH60 à l’extérieur de l’aéroport ici à Washington, DC.

Les coûts et les conséquences sont très réels, et vous le savez.

L’une des choses auxquelles je n’étais pas préparé, c’est que toutes les deux semaines, nous faisons un carnet de commandes à l’OSD où nous approuvons littéralement les commandes qui sortent. Cela ressemble à une formalité, mais après avoir reçu ces ordres où les dates et la mission comptaient vraiment, je regarde mes ordres et je me demande où je vais, qu’est-ce que cela signifie et combien de temps je reste là-bas.

Cela m’a fait l’effet d’un choc.

Chacune de ces signatures concerne un être humain dont la mission doit être importante et vitale pour l’intérêt national et pour notre ministère avant que je signe ce livre. Et c’est en grande partie mon engagement envers vous.

C’est aussi mon travail de ne pas maintenir le statu quo, comme le président Trump me l’a demandé.

Nous allons adopter des approches non conventionnelles. Nous allons agir vite, sortir des sentiers battus, être perturbateurs à dessein pour créer un sentiment d’urgence que je veux m’assurer d’avoir au sein de ce ministère. Et ce n’est pas pour mettre en cause quiconque a été ici ou quiconque est assis ici ou quiconque regarde.

Je n’ai pas besoin de vous dire que nous vivons une époque très dangereuse dans un monde où les puissances ascendantes, si elles avaient leur mot à dire, adoreraient s’élever et rejeter les forces, les capacités et les croyances de l’Occident.

L’Amérique est à l’avant-garde de ce mouvement.

Et en portant l’uniforme ici au ministère, c’est notre travail de nous assurer que nous créons l’effet dissuasif qui maintient la domination américaine dans le monde.

Et il y a beaucoup de gens, notamment – et je l’ai cité en public également – les communistes chinois qui cherchent par leur ascension une vision très différente du monde. Nous devons donc agir d’urgence et être prêts à comprendre ce que cela signifie. Et nous allons le faire.

Une partie de la façon dont nous appliquons cela est que je suis arrivé avec trois piliers que j’ai déjà répétés, mais je veux redire comment nous abordons cela à mon niveau.

Le premier est de restaurer l’éthique du guerrier.

Assurez-vous que nous revenons à l’essentiel. Notre mission est de dissuader les conflits et, si nécessaire, de vaincre et de détruire complètement, de démoraliser et de vaincre nos ennemis. C’est ce que nous faisons. Nous menons des guerres ici au ministère de la Défense, et nous voulons rétablir cette situation en nous concentrant sur la préparation, la létalité et la conduite de la guerre dans tous les domaines.

Hier, j’étais avec les surintendants de West Point et d’Annapolis à l’Académie de l’Air, hé, que faisons-nous là-bas pour faire avancer ces principes fondamentaux ? Que faisons-nous ici pour faire avancer ces principes fondamentaux de E-1 à – je suppose que c’est O-10, je n’ai même jamais dit ça. Et je sais que cette salle est O-6 et en dessous, ce qui m’a été dit était junior. D’où je viens, un O-6 n’est pas junior.

Donc, c’est un nouveau rôle pour moi aussi dans cette perspective.

Et je suis allé à Fort Bliss, j’ai rencontré – j’ai dit intentionnellement, hé, E-7 et au-dessus et O-3 et au-dessus ou O-4 et au-dessus déménagent. Je veux entendre les gens ici sur cette mission frontalière, comment cela vous affecte-t-il, vous et votre famille ? Quelle est votre mission ? Êtes-vous utilisé ? Comment cela affecte-t-il – je pense en fait que cela contribue à la préparation et – parce que vous faites une mission dans le monde réel, mais comment cela affecte-t-il tous ces aspects ?

Il est essentiel de restaurer l’esprit guerrier, et je pense que nous l’avons déjà constaté dans les chiffres du recrutement. Je pense que nous avons constaté un enthousiasme et une excitation chez les jeunes hommes et femmes qui veulent s’engager activement dans l’armée parce qu’ils souhaitent faire partie de la meilleure force de combat que le monde ait à offrir et ne pas faire beaucoup d’autres choses qui servent souvent, trop souvent, à diviser ou à distraire.

Il s’agit d’être prêt, de rester concentré, et je pense que vous l’avez vu dans de nombreux décrets présidentiels émis que nous avons repris. Et il peut y avoir une confusion à ce sujet. Mais de notre point de vue, pourquoi se débarrasser de quelque chose comme DEI ? Parce que de notre point de vue, cela a servi à diviser la force au lieu de l’unifier.

Et c’est quelque chose que j’ai dit assez publiquement, et ce que je veux, c’est être transparent avec ce bâtiment et tous ceux qui servent ici, dire la même chose en public que nous disons en privé, ce que j’espère que vous trouverez de nous.

Je pense que la phrase la plus stupide de l’histoire militaire est « Notre diversité est notre force ».

Je pense que notre force est notre unité, notre force est notre objectif commun, quelle que soit notre origine, quelle que soit la façon dont nous avons grandi, quel que soit notre sexe, quelle que soit notre race, dans ce département, nous traiterons tout le monde de manière égale. Nous traiterons tout le monde avec équité. Nous traiterons tout le monde avec respect. Et nous vous jugerons en tant qu’individu par votre mérite et par votre engagement envers l’équipe et la mission.

C’est comme ça que ça s’est passé. C’est comme ça que ça se passera.

Toute inférence contraire est destinée à diviser ou à créer des complications qui autrement ne devraient pas exister et n’existent pas.

J’ai servi tout au long de ma carrière avec des hommes et des femmes extraordinaires de tous les horizons. Ils étaient présents à mon témoignage au Congrès, ils ont été dans mon bureau, ils travaillent avec moi et pour moi maintenant. Leurs contributions sont immenses pour cette nation et sont appréciées de la même manière que pour tout le monde et c’est l’approche que nous allons adopter. Donc, restaurez l’éthique du guerrier.

La deuxième est de reconstruire notre armée.

Notre base industrielle de défense, notre processus d’acquisition, la rapidité avec laquelle nous mettons en œuvre de nouvelles technologies, la façon dont nous tirons les leçons des conflits dans le monde, la façon dont nous adaptons ce que nous finançons aux capacités et aux effets. Il y a beaucoup de programmes ici sur lesquels nous avons dépensé beaucoup d’argent et qui, lorsqu’on les utilise comme un jeu de guerre, n’ont pas l’impact souhaité.

L’un des avantages que j’ai, c’est que je ne viens pas de… je n’ai pas d’intérêts particuliers. Je n’ai pas d’expérience dans les systèmes ou les services. Je suis agnostique à ce sujet.

Je veux… cela signifie que je vais prendre beaucoup de flèches, et je suis prêt à le faire. C’est bien. Nous avons besoin des meilleurs systèmes entre les mains des combattants là où ils en ont besoin, aux COCOM pour dissuader et envoyer les signaux que lorsque le combat aura lieu, nous sommes prêts à gagner et à gagner de manière décisive.

Cela comprend un audit du Pentagone, qui, pour les Marines là-bas, vous avez tout compris et nous apprécions cela, maigre et méchant. Nous allons nous concentrer sur le fait que, au minimum, d’ici quatre ans, le Pentagone passe un audit sans faute.

Les contribuables américains le méritent. Ils méritent de savoir où vont leurs 850 milliards de dollars, comment ils sont dépensés et de s’assurer qu’ils sont dépensés à bon escient.

Auparavant, si vous demandiez un audit, vous sapiez d’une manière ou d’une autre le ministère. Je crois exactement le contraire.

Je crois que nous sommes responsables de chaque dollar que nous dépensons et que chaque dollar de gaspillage ou de redondance que nous trouvons est un dollar que nous pouvons investir ailleurs, comme le président Trump s’y est engagé, directement pour reconstruire l’armée de notre pays. La reconstruction de notre armée est donc essentielle.

Et troisièmement, il faut rétablir la dissuasion.

Malheureusement, au cours des dernières années, nous avons vu des événements qui se sont produits et qui ont créé une perception – réalité ou perception, mais je dirais plutôt une perception de la faiblesse américaine, que ce soit ce qui s’est passé en Afghanistan, d’ailleurs, pour lequel nous allons devoir rendre des comptes, nous méritons de rendre des comptes pour ce qui s’est passé en Afghanistan, pour ce qui s’est passé le 7 octobre, la guerre qui a été déclenchée en Ukraine.

Le chaos se produit lorsque la perception de la force américaine n’est pas complète. Nous cherchons donc à rétablir cette dissuasion, et cela commence par notre propre frontière sud. Cela commence par la défense de notre patrie.

Je pense que d’une certaine manière, ce ministère a eu l’impression au fil du temps que c’était la mission de quelqu’un d’autre. Nous avons passé beaucoup de temps, des décennies, ma génération et la vôtre, à défendre les frontières d’autres peuples à travers le monde, mais nous avons assisté à une invasion de la nôtre.

De la part de personnes du monde entier qui, j’en suis sûr, veulent pour beaucoup une vie meilleure. Je comprends cela. Mais nous ne savons pas non plus qui sont des millions d’entre eux, quelles sont leurs intentions, pourquoi ils sont ici – cela crée une menace très réelle pour la sécurité nationale du pays.

La sécurité des frontières est une sécurité nationale et, comme le président nous l’a dit, nous allons obtenir un contrôle opérationnel à 100 % de notre frontière sud et cela sera – doit être et sera – une priorité de ce ministère.

Je tiens à tirer mon chapeau au NORTHCOM, ils ont fait un travail incroyable au cours des deux premières semaines ici, en prenant ce décret exécutif, qui parlait de la défense territoriale de notre pays comme étant au cœur de la mission de défense, et en le mettant en œuvre.

D’une certaine manière, en utilisant les processus existants dont nous disposons, qui ne sont franchement pas assez robustes, mais aussi en planifiant et en anticipant la manière dont nous allons passer à une défense plus efficace et permanente, en repoussant et en scellant notre frontière sud, afin que nous sachions exactement qui entre et quand ils entrent, ils entrent légalement.

Et puis aussi la priorisation à travers le monde. Nous avons beaucoup d’atouts, mais pas des atouts illimités. Et donc, une partie de la priorisation consiste à donner du pouvoir à nos alliés et partenaires. Nous devons diriger le monde, cela ne fait aucun doute. Et le président Trump a été clair à ce sujet.

L’Amérique d’abord signifie que nous prenons soin de l’Amérique d’abord. Mais une partie de l’Amérique d’abord consiste à donner à nos alliés et partenaires les moyens d’être des multiplicateurs de combat, d’ajouter aux capacités dont nous disposons.

Je veux dire, ce sont des ventes militaires à l’étranger, des exercices, des partenariats de défense. Mais cela rappelle aussi à certains pays et à certaines régions du monde que l’Amérique ne peut pas être le garant de tout pour toujours dans un monde où nous devons donner la priorité à des menaces plus importantes à certains moments.

Vous allez donc voir ce genre de priorisation de notre part, qui, selon nous, va renforcer, dynamiser, encourager un plus grand partage des charges de la part des alliés qui nous sont chers, que nous soutenons, qui doivent également être prêts à intensifier leurs efforts.

Le président Trump a été le premier à le faire avec l’OTAN lors de sa première administration. Nous allons le faire à nouveau. Nous irons en Europe la semaine prochaine pour la réunion ministérielle de l’OTAN afin de parler à nos amis qui ont été et continueront d’être nos alliés.

Mais nous devons également les encourager à continuer d’accroître leurs dépenses dans le domaine de la défense. Le genre de choses que nous devons faire ici aussi, chez nous.

Donc, pour conclure, j’ai déjà parlé plus longtemps que je n’aurais dû. C’est vraiment un retour en arrière, de notre point de vue, un retour aux fondamentaux.

Lorsque le président Trump m’a choisi et m’a dit : « Pete, je veux que tu diriges le ministère de la Défense », il m’a demandé de ramener ce ministère à sa mission de combat, qui est au cœur de ses préoccupations.

La guerre, la létalité, la méritocratie, la responsabilité et la préparation. Les choses que nous – le – je – le fondement de ce que nous comprenons tous comme étant notre mission fondamentale.

Vous savez, j’étais à l’Académie des sergents-majors à Fort Bliss il y a quelques jours à peine pour parler à 500 futurs sergents-majors. Euh, ils sont les porte-étendards. Quelles sont les normes ? Je veux dire, et cela commence par les choses de base, n’est-ce pas ? Il s’agit des normes de toilettage, des normes d’uniforme, des normes de formation, des normes de condition physique.

Tout cela compte. C’est presque comme la théorie des vitres brisées de la police. Lorsque vous ignorez les petites choses des criminels, et je ne dis pas – je ne dis pas que si vous violez les normes de toilettage, vous êtes un criminel.

L’analogie est incomplète.

Mais si vous violez les petites choses et que vous les laissez se produire, les grandes choses, cela crée une culture où vous n’êtes pas tenu responsable des grandes choses. Je pense que la même chose existe au sein de nos services. Et nous nous assurons qu’à chaque niveau, il y a des normes et une responsabilité. Et que nous le vivons également au plus haut niveau.

C’est pourquoi nous allons, vous savez, revenir sur ce qui s’est passé en Afghanistan et demander des comptes aux gens. Pas pour être rétrospectifs, ni pour punir, mais pour comprendre ce qui s’est mal passé et pourquoi il n’y a pas eu de responsabilité pour cela. Ce genre de choses sont des exemples.

Mais j’apprécie simplement le service que beaucoup d’entre vous rendent. Je sais que beaucoup de gens regardent. C’est l’honneur d’une vie d’être à vos côtés. Personne ne travaillera plus dur. Personne ne sera plus… tentera d’être plus transparent avec le peuple américain et avec vous.

Nous voulons entendre vos commentaires. Et nous allons nous mettre au travail immédiatement. Et je suis reconnaissant au président Trump pour son leadership. Nous allons reconstruire l’armée et nous concentrer sur les troupes.




Souveraineté. L’Italie face à une perte de souveraineté : l’américanisation silencieuse de ses infrastructures stratégiques

L’Italie traverse une phase critique où son indépendance économique et géopolitique est mise à l’épreuve par une influence américaine croissante sur ses infrastructures stratégiques. La montée en puissance de BlackRock dans le secteur de la défense, l’intérêt d’Elon Musk pour les télécommunications et l’espace, ainsi que l’emprise progressive de la finance américaine sur les grandes entreprises italiennes posent un sérieux problème de souveraineté nationale. Cette pénétration, sous couvert d’investissements, pourrait transformer l’Italie en un simple rouage de la stratégie globale des États-Unis, limitant sa capacité de décision sur des enjeux cruciaux pour son avenir.

AASSDN Commentaire : L’arrivée de Donald Trump au pouvoir ne verra pas se réduire les pressions exercées par les Etats-Unis sur les pays européens dans les domaines stratégiques de l’économie, de la Défense et en particulier du renseignement.
Le principe politique « diviser pour régner » va continuer à s’appliquer par les Etats-Unis sur chacun des pays européens en fonction de leurs intérêts nationaux.

Cette politique probable des Etats-Unis conduira à une fragilisation et à une dépendance accrue des pays européens vis-à-vis de leur « grand allié », à moins qu’elle accélère le renforcement de relations privilégiées de certains pays qui souhaitent préserver leur souveraineté, c’est-à-dire leur liberté d’action politique. Ainsi ces pays pourraient développer des partenariats privilégiés avec d’autres pays dans le monde qui souhaitent, comme eux, ne pas entrer dans l’orbite d’une grande puissance.
 

L’Italie traverse une phase de transformation inquiétante : l’américanisation de ses infrastructures critiques. Ce phénomène, de plus en plus visible, ne relève pas uniquement de l’économie, mais aussi de la géopolitique et de la stratégie, avec des risques potentiels pour notre souveraineté nationale. Les récents développements, tels que l’acquisition de parts importantes de Leonardo par BlackRock et l’intérêt d’Elon Musk pour le secteur des télécommunications et de l’espace, illustrent clairement cette érosion progressive du contrôle italien sur des secteurs vitaux.

BlackRock : une pénétration financière déguisée en investissement

La récente opération de BlackRock, qui a dépassé 3% des parts de Leonardo, doit être perçue avec une extrême inquiétude. Il ne s’agit pas simplement d’un investissement dans une entreprise rentable : nous sommes face à une pénétration systématique de la finance américaine dans l’une des entreprises les plus stratégiques pour notre défense et notre sécurité nationale. Leonardo, acteur clé dans le secteur de la défense, est impliqué dans des projets sensibles tels que le programme F-35 et la mission Artemis, tous deux cruciaux pour notre politique de sécurité nationale.
La participation de BlackRock dans Leonardo représente un premier pas vers une influence croissante sur le contrôle de nos infrastructures stratégiques. Bien que la législation actuelle empêche les entités étrangères d’acquérir plus de 3% des actions avec droit de vote, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de danger. En effet, la simple présence d’un géant comme BlackRock dans la gestion de l’entreprise peut orienter les choix stratégiques et les alliances politiques de Leonardo vers les intérêts américains, au détriment de notre autonomie décisionnelle.

La finance américaine et le sacrifice de la souveraineté italienne

Ce n’est pas un cas isolé. Depuis quelque temps, le capitalisme américain s’infiltre dans les infrastructures critiques italiennes avec le soutien tacite ou explicite de nos gouvernements. BlackRock détient déjà des parts significatives dans d’autres entreprises italiennes, telles que Unicredit, Intesa Sanpaolo, ENI, Enel et Generali, renforçant ainsi son contrôle sur l’économie du pays. L’intervention dans le secteur de la défense est cependant particulièrement préoccupante car elle expose l’Italie à une vulnérabilité géopolitique sans précédent.
L’alliance entre la haute finance américaine et les actifs stratégiques italiens n’est pas qu’une question de profit : c’est une véritable opération de conquête silencieuse. Le risque est qu’à l’avenir, des décisions cruciales pour la sécurité nationale soient influencées par des entités étrangères, dont les intérêts pourraient ne pas coïncider avec ceux de l’Italie. Notre pays, de plus en plus lié aux États-Unis, risque de devenir un simple satellite de la politique américaine, perdant ainsi sa capacité à déterminer son propre destin dans un contexte mondial de plus en plus instable.

Elon Musk : un magnat avec trop de pouvoir

À ce scénario inquiétant s’ajoute l’intérêt d’Elon Musk pour l’Italie. L’entrepreneur américain, à la tête de « géants » comme Tesla, SpaceX et Starlink, a déjà manifesté son intention d’étendre son empire en Italie, en tirant parti de ses relations privilégiées avec le gouvernement Meloni. Son attention se porte principalement sur les secteurs des télécommunications et de l’espace, des domaines qui représentent l’avenir des infrastructures mondiales.
Musk n’est pas seulement un entrepreneur visionnaire, mais c’est aussi un acteur géopolitique avec un pouvoir énorme. Le contrôle qu’il exerce via son réseau satellitaire Starlink, par exemple, pourrait facilement se traduire par une influence directe sur les communications mondiales, avec des conséquences dévastatrices pour la souveraineté des pays qui dépendent de ses technologies. Si l’Italie permet à Musk d’entrer dans le secteur des télécommunications ou de l’espace, nous risquons de céder une autre partie cruciale de notre autonomie à une figure dont l’intérêt est de renforcer la domination américaine à l’échelle mondiale.

Une étreinte mortelle : les conséquences pour l’Italie

L’américanisation des infrastructures italiennes ne peut être considérée comme un phénomène neutre ou positif. Nous sommes face à une menace pour notre souveraineté, qu’elle soit économique, technologique ou géopolitique. Les secteurs les plus stratégiques, tels que la défense, l’énergie et les télécommunications, tombent progressivement sous le contrôle d’acteurs étrangers qui agissent selon des logiques de pouvoir global et non en fonction des intérêts nationaux italiens.
La présence croissante d’acteurs américains dans nos entreprises stratégiques expose l’Italie à des vulnérabilités dangereuses. Un pays qui ne contrôle pas ses infrastructures critiques est un pays qui ne peut pas déterminer son avenir de manière autonome. C’est la direction que nous prenons et le risque existe que cela devienne irréversible. L’Italie risque de se transformer en une pièce de la stratégie géopolitique américaine, incapable de résister à des pressions extérieures et contrainte d’accepter des décisions qui sapent sa souveraineté.

Il est temps de stopper cette invasion silencieuse !

L’Italie est face à un choix crucial : défendre sa souveraineté ou se soumettre à une dépendance croissante envers les États-Unis et leurs géants financiers et technologiques. Si nous continuons sur cette voie, nous risquons de devenir un pays incapable de protéger ses intérêts stratégiques, laissant d’autres décider à notre place.
Il est essentiel que le gouvernement italien prenne des mesures pour limiter l’influence américaine sur nos infrastructures critiques, en défendant les intérêts nationaux et notre capacité d’autodétermination. L’Italie doit rester un acteur indépendant sur la scène internationale, capable de décider de son propre avenir sans subir des pressions indues de puissances étrangères.
L’américanisation de nos infrastructures est une menace réelle. Le moment d’agir, c’est maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.

Giuseppe GAGLIANO
Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis
Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R
CF2R
Septembre 2024




Manuel Alvarez, du réfugié espagnol au général cinq étoiles : un destin hors du commun

Arrivé en France à l’âge de sept ans après avoir fui le franquisme avec sa mère, Manuel Alvarez a suivi un parcours exceptionnel. Engagé dans l’armée de l’Air à quinze ans comme mécanicien, il a gravi tous les échelons jusqu’à devenir général cinq étoiles et inspecteur général des armées. Premier officier mécanicien à atteindre un tel grade dans l’histoire de l’armée de l’Air, il incarne une réussite exemplaire fondée sur le mérite et l’engagement. De passage à Perpignan dans le cadre d’une campagne de recrutement, il délivre un message fort aux jeunes générations : « Osez, osez et encore osez ! ».

AASSDN Commentaire : Dans cette interview donnée à France Bleu/ici Roussillon, le général d’armée aérienne Manuel Avarez de l’armée de l’Air et de l’Espace française, décrit son parcours depuis son arrivée en France, étranger devenu Français, d’apprentis mécanicien à sa fonction d’inspecteur général des Armées.
A ceux qui sont travailleurs et reconnaissants envers la France qui les accueille, il affirme que tout étranger à la possibilité non seulement de s’assimiler à la Nation mais aussi à y développer ses talents.
Encore faut-il le vouloir et vouloir servir sa patrie d’adoption !

Ses propos rappellent ceux du lieutenant-colonel Amilakwary, alors qu’il commandait la 13e demi-brigade de Légion étrangère : « Nous, étrangers, n’avons qu’une seule façon de prouver à la France notre gratitude pour l’accueil qu’elle nous a réservé : nous faire tuer pour elle ». Il tombe mortellement blessé quelques mois plus tard.

Arrivé dans les Pyrénées-Orientales à l’âge de sept ans après avoir fui le franquisme avec sa mère, Manuel Alvarez s’est engagé dans l’armée à l’âge de 15 ans. Il est aujourd’hui l’un des plus haut-gradés de l’armée française. Interview avant sa venue ce vendredi à Perpignan.

C’est un parcours hors norme, l’histoire d’un enfant qui fuit l’Espagne franquiste avec sa mère. Manuel Alvarez arrive dans les Pyrénées-Orientales, au Boulou, au début des années 70. Il a alors sept ans et ne parle pas français. À quinze ans, il s’engage dans l’armée, devient mécanicien 2e classe de l’armée de l’air. Aujourd’hui, Manuel Alvarez est général cinq étoiles, l’un des plus haut-gradés de l’armée française, Inspecteur général des armées. Le général était l’invité de ici Roussillon ce vendredi matin avant sa venue à Perpignan dans le cadre de la campagne de recrutement de l’armée de l’Air et de l’Espace, organisée ce week-end dans les Pyrénées-Orientales.

ici Roussillon : Pouvez-vous commencer par nous raconter votre arrivée en France et dans les Pyrénées-Orientales ?

Général Manuel Alvarez : En fait, rien ne me prédestinait à vous parler ce matin. Moi, je suis né il y a bientôt 60 ans dans la région la plus pauvre d’Espagne et les circonstances de la vie ont fait que, à l’âge de deux ans, il ne me restait plus que ma mère et ma grand-mère maternelle. Nous vivions sous le franquisme dans des conditions très rustiques puisqu’on habitait dans une maison où il n’y avait pas d’eau courante, pas d’électricité. Et la première mission de ma grand-mère le matin était de prendre deux récipients sur ses hanches et d’aller chercher l’eau à la fontaine du village. À quatre ans, nous avons émigré vers la Catalogne qui à l’époque était l’une des deux régions d’Espagne où il y avait un peu de travail. Et là, on a rejoint ma tante, la sœur de ma mère. Et puis ma mère, qui était donc veuve avec moi, s’est mariée avec un ouvrier agricole, veuf avec cinq enfants, qui avait déjà franchi la frontière et qui travaillait en France entre le Boulou et Montesquieu.

Vous avez alors sept ans et vous ne parlez pas un mot de français !

Mais l’école de la République m’a pris sous son aile. Et l’intégration a été assez aisée, d’autant plus que j’étais bon élève. À la maison, les conditions étaient assez dures. Par exemple, on n’a jamais eu de cadeaux à Noël, ce n’était pas possible. Mais j’ai passé une enfance heureuse. On était jeunes, on était dans la nature et puis on était assez nombreux pour toujours pouvoir s’amuser. Donc je garde de cette période de mon enfance dans les Pyrénées-Orientales un souvenir très heureux.

Vous êtes donc à l’école au Boulou puis au collège de Céret. À quinze ans, vous rejoignez l’armée. Pour quelle raison ?

Parce que c’était l’engagement qui me semblait le plus fort. Parce que quand on s’engage dans l’armée, on est prêt à donner sa vie. Moi je suis arrivé au Boulou et, comme je dis souvent, j’ai goûté la viande de bœuf à la cantine de l’école. J’ai pris ma première douche en France. Cela ne veut pas dire que je ne me lavais pas avant mais, petit à petit, je me suis rendu compte des opportunités que m’offrait ce pays d’accueil, la France, par rapport à ce que j’aurais pu faire en Espagne. Et donc, petit à petit, a germé en moi l’idée de rendre à ce que mon pays d’accueil m’offrait. J’étais donc prêt à donner ma vie pour ce pays d’accueil. Je me suis renseigné et j’ai été plutôt attiré par l’aéronautique puisque je faisais des maquettes d’avions quand j’étais en quatrième et en troisième. Je me suis tout naturellement orienté vers l’armée de l’Air. Je me suis engagé dès que j’ai pu. A quinze ans, j’ai réussi le concours pour m’engager à l’école d’enseignement technique de l’armée de l’Air à Saintes, en Charente-Maritime où on forme les apprentis-mécaniciens.

Vous devenez donc technicien de l’armée de l’Air, vous êtes soldat de deuxième classe et vous allez alors ensuite gravir tous les échelons de l’armée française. Première classe, caporal, officier jusqu’à ce grade exceptionnel aujourd’hui de général cinq étoiles. Comment est- ce possible ?

Personnellement je ne savais pas que c’était possible de partir tout en bas de l’échelle, d’arriver tout en haut dans l’armée. Oui, c’est possible. Parce que les armées sont une des institutions qui offre le plus de perspectives. Ça s’appelle l’escalier social. Alors je sais bien que dans la langue française, l’expression consacrée, c’est l’ascenseur social. Mais bon, l’ascenseur, on appuie sur le bouton et ça monte tout seul. Là, l’armée vous offre des opportunités et c’est à vous de faire l’effort de gravir les marches. Ce n’est pas gratuit. Il faut le vouloir.

Mais comment avez-vous fait ? Il faut passer des concours, participer à des missions à l’étranger ?

Je suis arrivé à Saintes et, à l’époque, il y avait 600 jeunes qui rentraient tous les ans. Et parmi ces 600, il y avait un concours pour faire une classe de seconde scientifique.  Si on n’avait pas le niveau, on retournait dans le tronc commun. J’ai franchi les paliers un à un. Je suis monté en grade :  deuxième classe, première classe, caporal, caporal, chef. Et puis j’ai passé le concours de l’Ecole des officiers de l’armée de l’Air.

Aujourd’hui, vous êtes inspecteur général des armées. Vous êtes directement sous les ordres du ministre des Armées. Franchement, imaginiez-vous enfant atteindre un tel niveau de responsabilités ?

Non, non, jamais. D’autant plus que dans l’armée de l’Air, il y a trois corps d’officiers. Il y a les pilotes, ce qu’on appelle le personnel navigant. Ensuite, il y a le corps des officiers mécaniciens. C’était mon cas, j’étais ingénieur en télécommunication. Et puis ensuite il y a les officiers des bases de tous les autres métiers : contrôleurs aériens, administratifs, renseignements… Et jusqu’à présent, en 90 ans d’histoire de l’armée de l’Air, il n’y avait jamais eu un officier mécanicien général cinq étoiles. Je suis donc le premier donc c’était encore moins imaginable ! J’ai ouvert une voie. Comme je le dis souvent pour blaguer, ils ont fait ça par ordre alphabétique et comme je m’appelle Alvarez…  Sérieusement, jamais je n’aurais pu imaginer en être là aujourd’hui.

Vous serez ce (vendredi) soir à Perpignan. Qu’est-ce que vous comptez dire, quel message voulez-vous envoyer à celles et ceux qui vont venir vous écouter ?

Le message c’est « osez, osez et encore osez ! » Si vous avez des rêves, allez-y et osez ! Aujourd’hui les jeunes vont changer plusieurs fois de métier dans leur vie. Donc il ne faut pas rester immobile. Il faut tenter des choses. Et puis parfois c’est la vie qui choisit pour vous.

Simon COLBOC
Ici Roussillon
7 février 2025

Source photo : Pixabay




Nucléaire : Où en est aujourd’hui la filière nucléaire française ?

La Commission d’enquête de l’Assemblée nationale a rendu un verdict clair : la perte de souveraineté énergétique de la France résulte d’un affaiblissement de sa filière nucléaire. Le rapport souligne la nécessité de renforcer le cycle du combustible et d’investir dans la 4e génération de réacteurs afin d’assurer une autonomie totale. Actuellement dépendante de la Russie pour le ré-enrichissement de son uranium de retraitement, la France fait face à une vulnérabilité stratégique préoccupante. Face aux risques géopolitiques croissants, des mesures s’imposent pour relancer une filière nucléaire robuste et garantir une souveraineté énergétique durable.

AASSDN Commentaire : Cet article sur la filière nucléaire fait le point sur l’état de notre filière nucléaire et rappelle les les décisions politiques désastreuses prises essentiellement sous la pression des partis écologistes soutenus par des ONG anti-nuclaires soutenues par certains pays européens.

Pour renforcer sa souveraineté et sa puissance économique, la France doit retrouver et développer une fière complète et cohérente capable de fournir de manière continue, une énergie nationale, en quantité, bon marché et la moins polluante possible.
C’est la condition première pour conduire une politique de réindustrialisation et permettre notamment l’installation de data center, gros consommateurs d’énergie électrique, mais indispensables au développement de l’intelligence artificielle, secteur hautement stratégique dans lequel la France a un important potentiel de Recherche et développement.

Le 30 mars 2023 était clôturée la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France. Après six mois de travail et l’audition sous serment de 88 personnes (experts et scientifiques, dirigeants du secteur énergétique et des organismes de régulation, hauts fonctionnaires en charge des dossiers énergétiques, anciens ministres, anciens Premier ministres et même – fait inédit dans l’histoire des commissions d’enquêtes parlementaires – deux anciens présidents de la République), la trentaine de députés placés sous la présidence de M. Raphaël Schellenberger concluait à la nécessité de « refaire de la filière nucléaire la grande force française » et soulignaient la nécessité d’un « renforcement du cycle du combustible ».

Le cycle français du combustible

Pourquoi insister sur cette question du cycle du combustible ? Quels en sont les enjeux exacts ? Selon le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), « le cycle du combustible correspond aux différentes étapes d’extraction, fabrication, retraitement puis recyclage du combustible des centrales nucléaires. Son retraitement permet de récupérer l’ensemble des matières réutilisables et de réduire en parallèle le volume et la toxicité des déchets. »

Après avoir été extrait de la roche, l’uranium doit être converti, enrichi et conditionné sous forme de « crayons de combustible » avant d’être introduit dans un réacteur nucléaire. Après 4 années d’utilisation, ce combustible, dit « usé », doit être retiré du réacteur. Il se compose alors de 4% de déchets ultimes, c’est-à-dire d’éléments non réutilisables issus de la fission de l’uranium, et de 96 % de matières réutilisables possédant encore un potentiel énergétique. D’un côté, l’uranium extrait du combustible usé peut être ré-enrichi. C’est ce qu’on appelle l’uranium de retraitement (URT). D’un autre côté, une nouvelle matière qui s’est formée dans le réacteur, appelée plutonium, peut être recyclée sous la forme d’un nouveau combustible, le MOX, à partir duquel 10% de l’électricité française sont produits. Ce constat a amené la France à mettre en place une stratégie de cycle « fermé » qui prévoit le recyclage des combustibles usés en récupérant toute la matière réutilisable. L’objectif visé est triple : économiser la ressource en uranium ; diminuer les quantités de déchets radioactifs ; réduire leur toxicité.

Consolider la filière

Aujourd’hui, le recyclage de l’uranium de retraitement (URT) a lieu en Russie dans l’usine sibérienne de Seversk (anciennement Tomsk-7). Grâce à ce partenariat noué par EDF avec l’entreprise publique russe Rosatom, le combustible usé est recyclé pour servir de nouveau de combustible – sous le nom d’uranium de retraitement enrichi (URE) – dans les centrales nucléaires françaises à eau pressurisée.

L’intérêt est également économique, le prix de l’uranium ayant été multiplié par 5 en moins de 10 ans (le prix spot est aujourd’hui à plus de 100 dollars la livre. Enfin, la valorisation de l’uranium de retraitement (URT) a l’avantage d’éviter son stockage. En effet, avant qu’EDF ait passé cet accord avec Rosatom, des dizaines de milliers de tonnes d’URT étaient stockées sur le site de Tricastin, faute de mieux. Selon l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ce stock pourrait être résorbé « à l’horizon 2050 ».

À l’issue du processus de ré-enrichissement, le nouveau combustible (URE) repart en France tandis que la matière appauvrie reste en Russie, chez l’enrichisseur. Cet uranium qui a été appauvri deux fois reste pourtant une matière valorisable. Il peut en effet être réutilisé dans des réacteurs nucléaires à neutrons rapides, dits « de 4e génération ». La Russie en compte actuellement trois et elle en construit de nouveaux. La France qui a eu trois prototypes – Phénix (arrêté en 2010), son évolution Superphénix (abandonné dès 1997 suite à une décision de Lionel Jospin), Astrid (abandonné en 2019 suite à une décision d’Emmanuel Macron) – n’en a plus aucun.

D’où la proposition 26 faite par la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale d’« accentuer le soutien aux technologies liées à la 4e génération nucléaire ». De tels réacteurs, équivalents à ceux que possèdent la Russie (et l’Inde), permettraient de « multi-recycler » le combustible usé et même d’utiliser presque tout l’uranium appauvri (résidu de la fabrication du combustible) présents sur notre territoire, avec à la clé plusieurs milliers d’années de ressource énergétique. Cette technologie, qui permettrait de fermer complétement le cycle de l’uranium, est la brique manquante du nucléaire français.

Une autres faiblesses sont ses capacités insuffisantes pour réenrichir l’uranium de retraitement (URT) sans l’aide de la Russie… Si Orano dispose en théorie de cette capacité de ré-enrichissement dans son usine Georges-Besse II, l’entreprise successeur d’Areva n’a pas l’équipement nécessaire pour assurer la phase préliminaire de conversion : principalement pour des raisons économiques et industrielles et non technologiques. C’est ce qui explique qu’EDF ait dû se tourner vers Rosatom qui fait partie du club restreint d’acteur à fournir cette capacité.

Risques géopolitiques 

Est-il besoin de souligner qu’il s’agit dans le contexte géopolitique actuel de deux dangereuses vulnérabilités ? Certes, le domaine du nucléaire civil est pour l’instant exclu des sanctions. Et pour cause ! Il y a sur le sol européen 18 réacteurs de conception russe, tandis que 20% de l’uranium importé par l’Union européenne vient de Russie. Mais parier qu’il en sera toujours ainsi est risqué, car qui peut dire comment évoluera la guerre ? Les rapports économiques entre l’Occident et la Russie font-ils autres choses que se dégrader au fil des mois et de la multiplication des sanctions ? Le Sénat américain n’a-t-il pas voté l’année dernière une loi à l’unanimité interdisant les importations d’uranium enrichi en provenance de Russie ? Certes EDF est robuste et Orano – acteur français du combustible nucléaire parmi, classé au 3e rang mondial du secteur- lui assure la plus grande partie de ses besoins. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une vulnérabilité à combler.

En admettant même que le nucléaire civil européen soit préservé, la coopération entre EDF et Rosatom autour du ré-enrichissement de l’URT pour créer un nouveau combustible pourrait tomber sous le coup de sanctions indirectes. C’est du moins ce que laissent présager les récentes sanctions prises par les États-Unis et le Royaume-Unis contre les principaux assureurs maritimes russes dans le cadre de leur lutte contre la « flotte fantôme ». Le convoiement de l’uranium de retraitement (URT) vers la Russie, puis de l’uranium de retraitement enrichi (URE) vers la France, se fait en effet sur des navires russes spécialisés disposant d’assurances sur-mesure. Si, à cause d’une mauvaise évaluation de l’« effet boomerang » de ses décisions, l’Union européenne en venait à sanctionner elle aussi ces assureurs russes toute cette chaîne logistique serait compromise. Comment imaginer en effet que des navires transportant des tonnes de combustible nucléaire puissent naviguer sans assurance ?

Devant de telles incertitudes, la France doit réagir. Elle a commencé à le faire. Orano investit 1,7 milliard d’euros pour augmenter de 30% les capacités d’enrichissement de son usine de Tricastin à Pierrelatte dans la Drôme. Même s’il faudra attendre au moins 2028 pour que cette nouvelle usine entre en fonctionnement, l’initiative doit être saluée. Des mesures comparables devraient être prises pour développer une capacité propre de ré-enrichissement de l’uranium de retraitement (URT). Cet objectif n’est pas inatteignable à moyen terme. Enfin, il vaut voir plus loin et, comme la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale le demande, il faut relancer la construction d’un prototype de réacteur nucléaire à neutrons rapides, dit « de 4e génération ». Ce n’est qu’en bouclant le cycle du combustible que la France assurera sur le long terme son indépendance énergétique et donc son indépendance, tout court.

Charles de BLONDIN
Revue Conflits
21 janvier 2025




Pierre Brochand : “L’immigration actuelle est une menace existentielle pour la France”

Dans une rare prise de parole, l’ancien directeur de la DGSE livre une analyse implacable de la situation migratoire en France. Il dénonce un phénomène massif et incontrôlé, porté par une idéologie qui paralyse l’action politique et compromet la souveraineté nationale. Selon lui, l’absence de contrôle strict entraîne un bouleversement profond du tissu social, avec des conséquences irréversibles sur l’identité et la stabilité du pays. Face à cette situation, il appelle à un sursaut collectif pour préserver l’avenir de la France.

AASSDN Commentaire : Dans cette interview donnée à la revue Valeurs actuelles, Pierre Brochand décrit ce que la plupart des Français constatent, explique ce que trop de responsables politiques ne veulent pas dire et dit clairement ce qu’il faudrait faire de toute urgence. Il y faut du courage.

Napoléon, qui en avait,  ne disait-il pas à juste titre « qu’un homme sans courage est une chose » C’est encore plus vrai, 2 siècles plus tard !

L’ancien patron de la DGSE, très rare dans les médias, pose un regard implacable sur une situation migratoire mortelle pour la France. Il lance un appel au sursaut.

Valeurs actuelles. Les derniers chiffres de l’immigration laissent entrevoir un phénomène plus massif que jamais. Vous qui avez appelé à un contrôle strict de l’immigration, comment réagissez-vous ?
Pierre Brochand.
​Avec consternation, mais aussi exaspération. Car, après cinquante ans d’inaction, la déploration finit par lasser. Si je suis sorti de la réserve qu’imposaient mes fonctions antérieures, c’est parce que j’estimais de mon devoir, au nom de l’expérience accumulée, d’avertir mes concitoyens des périls non pas de l’immigration en général mais de celle que nous subissons actuellement.

​C’est pourquoi, à mes yeux, constater que le phénomène se poursuit et s’amplifie défie l’entendement alors même que le recul est désormais suffisant pour dresser un bilan, globalement très négatif. Au moment, aussi, où, sondage après sondage, une grosse majorité de Français (des deux tiers aux trois quarts) partage ce jugement. Car les statistiques ne concernent pas seulement les arrivées irrégulières mais également les titres de séjour légaux et semi-légaux (demandes d’asile), délivrés – théoriquement – en pleine souveraineté et dont l’accroissement est encore plus stupéfiant. Comment ne pas déceler, dans cet aveuglement, une pulsion suicidaire, que rien ne semble vouloir contrarier ?

Que manque-t-il à nos dirigeants ? De la lucidité ? du courage ? des moyens ?
Je ne crois plus au manque de lucidité. Au long de mon parcours, j’ai eu l’occasion de converser, en privé, avec nombre de responsables de tous bords : leurs propos sur l’immigration, quand ils ne se sentent pas surveillés, vous étonneraient par leur sévérité. Force est, donc, de dénoncer une absence de courage, car la carence des moyens n’est qu’une conséquence.

​Pour expliquer ce double jeu, il convient de remonter aux causes. Car, avant la satisfaction d’intérêts économiques, ce qui nous arrive découle d’une idéologie, hégémonique depuis un demi-siècle, qui donne la priorité absolue aux droits des individus, d’où qu’ils viennent, sur les institutions, censées les réguler, désormais en voie de déconstruction. À commencer par la plus éminente, l’État national, réduit à garantir et promouvoir des prérogatives privées, au rebours de sa mission d’intérêt général : la protection de la collectivité, sur un territoire, délimité par des frontières. Soit, de fait, un désarmement unilatéral, que le reste du monde se garde bien d’imiter.

​Puisque ce nouveau dogme exclut d’emprisonner les corps, il use, pour régner, de la manipulation des esprits. Avec, pour sanction suprême, l’excommunication, c’est-à-dire la mort sociale de ceux qui osent récuser le mythe de la bienveillance universelle. Le nouvel évangile est « l’État de droit », florilège de principes abstraits, décrétés supérieurs à la volonté populaire. Le paradoxe veut que nos « dirigeants », issus de cette volonté, endossent son abaissement. D’après ce que j’ai observé, leur hantise est d’échapper aux anathèmes, briseurs de carrières (racisme, extrême droite). Pourtant, dans la pratique, rien ne leur interdit de modifier « l’état du droit » tout en préservant « l’État de droit », distinction capitale que la doxa s’emploie à gommer. En bref, si nos élites ne sont pas au rendez-vous, c’est, avant tout, par terreur du bannissement, hors du « cercle de la raison », ce petit village où l’on se blottit, bien au chaud, et dont il ne fait pas bon sortir.

Le discours n’est-il pas aujourd’hui plus libre sur ces questions ?
Il est vrai que la parole est moins unanime et la dissidence, plus étayée, comme en attestent les travaux de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID). Mais, pour l’instant, cette brèche n’est qu’entrebâillement. Car, à s’en tenir au seul critère qui vaille – la dimension des flux entrants -, l’intimidation fonctionne encore. Ce ne sera que le jour, s’il advient, où la tendance s’inversera, que nous pourrons respirer. Mais, d’ici là, gardons-nous de tout « wishful thinking » (« vœu pieux »). J’en veux pour preuve ironique la énième loi de « maîtrise de l’immigration », adoptée en janvier 2024, dans un grand tumulte, alors qu’au final, son principal effet – après nettoyage du Conseil constitutionnel -est d’aggraver la situation, en instaurant un droit à régularisation pour « métiers en tension ». En cette matière, comme en bien d’autres, la sagesse est d’imiter saint Thomas.

Que pensez-vous du tandem RetailleauDarmanin ?
Je répugne à porter des jugements sur les personnes, surtout quand elles sont aux prises avec les contingences de l’action, par opposition à ceux qui – comme moi – les tancent depuis le banc de touche… C’est pourquoi j’adopte l’expression « nos dirigeants », afin d’imputer le désastre à l’ensemble de la classe politique, aux affaires depuis des décennies, sans charger les responsables actuels davantage que leurs prédécesseurs. En outre, j’ai bien conscience des limitations que leur dicte la configuration parlementaire du moment. Il n’empêche. En aucune circonstance, pas même celles-ci, on ne saurait confondre les paroles et les actes : les premières, fussent-elles les mieux intentionnées, restent nulles et non avenues tant qu’elles ne sont pas suivies de résultats – en l’occurrence la réduction significative de l’immigration, que nous attendons toujours.

Bruno Retailleau a déclaré que l’immigration n’était plus « une chance » pour la France. Est-ce un bon début ou ne sont-ce encore que des mots ?
Je ne peux que partager cet avis. Mais il est étrange que le fait de l’émettre en 2025 soit célébré. Regardons les choses telles qu’elles sont. Tout compris, nous ouvrons la porte à au moins 500 000 personnes par an, venues pour rester. Elles sont, pour l’essentiel, originaires d’un tiers-monde dysfonctionnel, à majorité musulmane, de mœurs communautaires et patriarcales, animées pour beaucoup d’un ressentiment historique et d’une culture de l’honneur hors du temps. À quoi s’ajoutent un faible niveau d’éducation et une propension logique à surcharger services publics et budget social.

​Une fois installés, ces nouveaux venus forment des isolats, où la pression sociale s’inverse au détriment de l’intégration et a fortiori de l’assimilation : d’où le fait – jamais vu – que les jeunes générations divergent du pays d’accueil davantage que leurs ascendants. Au point de ranimer les clivages « non négociables » qui ont causé nos pires malheurs : la discorde religieuse, l’antagonisme colonial, le fléau du racialisme. Sans compter des comportements prémodernes, un alternationalisme parfois agressif, des opportunités d’ingérence pour les pays d’origine et des risques d’importation de toutes les querelles de la planète.

​Personnellement, je perçois plutôt, dans ce tableau, les indices d’une grosse « malchance », avec pour seule consolation que nous en sommes les auteurs.

​Bien sûr, à ces « amalgames » échappent nombre d’individus. Mais précisément, si nous nous sommes trompés de diagnostic, c’est parce que nous n’avons voulu voir que des individus, en oubliant les liens naturels et culturels qui les réunissent en peuples, déterminés à persévérer dans l’être. Si bien qu’aujourd’hui, selon une évaluation purement subjective, j’estime que l’assimilation n’intéresse qu’un dixième, et l’intégration un tiers des immigrés et descendants. Le reste relevant de la mystérieuse catégorie des « inclus », parmi lesquels le spécimen, jusqu’ici inconnu, du « Français francophobe ». Si l’on souscrit à ces proportions, l’échec apparaît colossal.

Êtes-vous favorable à des statistiques ethniques ?
​À l’évidence. Car les statistiques fondées sur la nationalité perdent de leur pertinence au fur et à mesure que les étrangers deviennent automatiquement français, sans perdre les traits qui en faisaient des allogènes. De toute façon, si l’on entend traiter un problème, il importe d’en connaître toutes les dimensions. Prendre en compte la culture et la religion, pour mieux appréhender des communautés largement endogamiques, n’a rien de scandaleux. C’est tout simplement préférer la connaissance à l’ignorance, et les faits mesurables à la polémique. Sinon, autant fermer le Quai d’Orsay et les services de renseignements, où ces paramètres sont d’usage quotidien.

Les « territoires perdus de la République » le sont-ils définitivement ?
​La question est grave et la réponse, difficile. L’immigration obéit à des lois simples. Ses courants sont cumulatifs : ils créent des « stocks » – les diasporas -, qui entraînent de nouveaux flux, par autoengendrement. Stocks eux-mêmes constamment accrus par le différentiel de natalité entre indigènes et allogènes. Sont alors franchis des seuils qui « renversent la vapeur », au sein de micro-contre-sociétés enclavées (1 500 environ aujourd’hui). D’où une partition, dont la seule issue, quand absorption et intégration capitulent, est une violence multiforme, opposant des souverainetés concurrentes sur un espace donné.

​Cet état de choses est-il réversible ? Ce qui est certain, c’est qu’il le sera de moins en moins, si les « territoires perdus » continuent d’être inondés d’arrivants supplémentaires. Pour sortir d’un trou, il faut, au minimum, arrêter de creuser. Ce n’est qu’alors que nous aurons une petite chance de rattraper le temps perdu, en maniant, sans sentimentalité excessive, les leviers de l’éducation, de la répression et du retour ciblé, tout en mettant un terme aux « accommodements raisonnables », qui nous ont fait tant de mal, et en révisant une « politique de la ville », dont l’efficacité est l’inverse du coût. En tout cas, nous sommes dans l’extrême urgence. D’où l’impatience, pour ne pas dire la colère, que suscitent tous les atermoiements.

Le 20 novembre, à l’Assemblée nationale, vous déclariez que « des écarts culturels insoutenables provoquent l’effondrement de la confiance sociale et donc de la qualité de l’existence, en attendant pire ». À quels écarts culturels pensez-vous ?
J’en ai déjà cité quelques-uns. Les Anglo-Saxons les résument par l’expression « blood and God », le sang et la religion, c’est-à-dire ce qui définit les agrégats prémodernes qui, tels des pavés, sont projetés dans la mare de nos sociétés hypermodernes, totalement impréparées à ce choc.

​Du point de vue religieux, chacun comprend, à défaut de le reconnaître, que l‘islam, artificiellement importé, n’a pas chez nous de légitimité historique. C’est pourquoi sa présence ne cadre en rien avec les exigences d’une laïcité taillée sur mesure pour le christianisme. Qu’on me comprenne. Je ne suis pas islamologue. Mais j’ai acquis une connaissance de cette confession « en action », en m’y frottant quotidiennement à la tête d’un service de renseignements. Ce que j’ai perçu, c’est une croyance à l’ancienne, rigide, englobante, ostensible, mais aussi un agent historique, jeune, dynamique, éruptif. Une civilisation insatisfaite, jalousement hégémonique là où elle est majoritaire, proactive là où elle ne l’est pas. Bref, une « force qui va », révisionniste de l’ordre établi par l’Occident, et dont les symptômes de rébellion – identitaires, islamistes, salafistes, djihadistes – se retrouvent aussi bien dans sa zone de prépondérance qu’en France, tordant le cou au fantasme d’un islam gallican.

​Quant aux liens du sang, ce sont ceux qui soudent les communautés naturelles, où tout le monde est “parent”, selon une hiérarchie qui place les hommes au-dessus des femmes, garantes de la reproduction du groupe et, donc, soumises au pistage. Morale de l’honneur, aussi, rémanente dans les « quartiers », en rupture avec un environnement où chacun mène sa vie dans la tolérance des autres. En effet, cette ségrégation détruit l’ingrédient principal des sociétés heureuses, à savoir la confiance civique, cette huile dans les rouages qui permet non seulement de « vivre » mais de « faire ensemble » et, notamment, de nourrir un État social où certains donnent et d’autres reçoivent.

​À mon avis, l’immigration incontrôlée n’est pas étrangère au lent écroulement de cet édifice fragile, même s’il n’est pas recommandé de le dire. De Gaulle a, paraît-il, évoqué l’huile et l’eau pour décrire ces sociétés multicouches, où personne ne se mélange et tout le monde se fuit. Nous en sommes là. Comment bâtir un avenir sur pareilles fondations ?

« En attendant pire. » Quel est ce “pire” ?
En évoquant le pire, on pense souvent à une hypothétique « guerre civile ». Les choses sont un peu plus compliquées. Je crois qu’avant d’en arriver à une “bataille à mort”, nous allons au-devant de dégradations croissantes, sous-jacentes dans la durée et explosives dans l’instant. Soit des délabrements cumulés, façon « tiers-monde », assortis de violences de types variés, à la tournure imprévisible. En l’espèce, le choix n’est pas seulement entre la vie et la mort mais, aussi, entre des existences qui méritent d’être vécues et d’autres qui n’en valent pas la peine. En un mot, la qualité de la vie, au sens large, est tout autant une exigence que la vie tout court. Sinon, à quoi bon ?

Y a-t-il en France un choc entre une civilisation qui s’efface et une autre qui s’affirme ?
En bons individus, nous croyons ingénument que le monde est né avec nous. Parce que nous avons perdu le sens de l’appartenance, nous avons oublié le temps long. Oui, il existe des civilisations et elles se télescopent. Sinon, comment expliquer l’émergence de ce « Sud global », dont le seul ciment est le déboulonnage de l’Occident ?

​Si nous changeons de lunettes, comment ne pas voir partout à l’œuvre des forces historiques supra-individuelles, telles que « l’islam mécontent » ou « la grande revanche des humiliés » ? S’agissant précisément des musulmans, pourquoi leur installation ne marquerait-elle pas une nouvelle phase de l’alternance pluriséculaire qui les oppose aux Européens pour le contrôle des deux rives de la Méditerranée ? Comment ne pas remarquer aussi, en consultant une carte, que chaque fois qu’ils arrivent au contact des autres sphères de civilisation, ils entrent en conflit avec toutes ? Comment ignorer que dans la surdélinquance immigrée, il y a un sous-texte de compensation postcoloniale ?

​La différence est évidemment celle que vous dites : d’un côté, une civilisation qui baisse la garde et s’ouvre inconditionnellement à tous, de l’autre, des agents historiques à l’offensive, qui exploitent cette incroyable naïveté. Du plein qui s’engouffre dans du vide. Mais alors qu’un peu partout les yeux se dessillent, en France, on se dispute encore sur les mots – « submersion » ou non -pour masquer la chose. Serons-nous les derniers à ouvrir les yeux ?

Propos de Pierre BROCHAND*
recueillis par Gaspard de MALHERBE
Valeurs Actuelles
05 février 2025

*Pierre Brochand, Ambassadeur de France, a été directeur général de la Sécurité extérieure (DGSE) de 2002 à 2008.




Cyclone Chido : un bataillon de reconstruction déployé à Mayotte

À la demande du président Emmanuel Macron, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a annoncé la création d’un bataillon de reconstruction pour venir en aide à Mayotte, durement frappée par le cyclone Chido. Composé de 350 à 400 soldats en renfort des effectifs déjà mobilisés, ce bataillon intégrera des unités de génie, d’infanterie et de logistique afin de rétablir les infrastructures essentielles de l’archipel. Un dispositif inédit permettra aux soldats mahorais volontaires de participer directement à la reconstruction de leur territoire.

À la demande du président de la République Emmanuel Macron, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a annoncé la création d’un bataillon de reconstruction après le passage dévastateur du cyclone Chido.

Entre 350 et 400 soldats rejoindront prochainement Mayotte, en renfort des 1 100 militaires actuellement mobilisés. Ce bataillon sera doté de plusieurs compagnies de génie, d’infanterie, de commandement et de logistique.
Les moyens du génie participeront à rétablir les réseaux d’eau et d’électricité ainsi que les infrastructures routières au service de la population.

Une part de volontariat sera possible au sein de ce bataillon. Le ministre des Armées a déclaré ce dimanche : « De nombreux soldats d’origine mahoraise ont manifesté le souhait d’être utiles pour leur archipel d’origine. Nous allons leur permettre de revenir à Mayotte pour cette mission, ce qui n’est pas usuel dans les armées. »

Ministère des Armées

Source photo : Ministère des Armées / Service du Commissariat des Armées